La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/11/2014 | FRANCE | N°12MA00614

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre-formation à 3, 25 novembre 2014, 12MA00614


Vu le recours, enregistré le 15 février 2012, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat ; le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 1003353 du 25 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Nice a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, ainsi que des pénalités y afférentes, auxquels avaient été assujettis au titre de l'année 2002 M. et Mme B...;

2°) de remettre à la charge des époux B...les impositions en cause,

pour des montants de 22 913 euros en droits et 14 320 euros en pénalités en ce ...

Vu le recours, enregistré le 15 février 2012, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat ; le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 1003353 du 25 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Nice a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, ainsi que des pénalités y afférentes, auxquels avaient été assujettis au titre de l'année 2002 M. et Mme B...;

2°) de remettre à la charge des époux B...les impositions en cause, pour des montants de 22 913 euros en droits et 14 320 euros en pénalités en ce qui concerne l'impôt sur le revenu et 6 540 euros en droits et 4 088 euros en pénalités en ce qui concerne les contributions sociales ;

-------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu le jugement attaqué ;

-------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 novembre 2014,

- le rapport de M. Martin, rapporteur ;

- les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public ;

- et les observations de M. B...;

1. Considérant que M. A...B...est gérant de la SARL Campeal, société exerçant une activité de boulangerie-pâtisserie à Gattières (Alpes-Maritimes) ; que cette société a fait l'objet entre le 7 avril et le 5 juillet 2005 d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices 2002 et 2003, qui s'est conclue par le rejet de sa comptabilité et la reconstitution de son chiffre d'affaires pour les deux exercices en cause ; que par proposition de rectification du 31 août 2005, des rehaussements en matière d'impôt sur les sociétés, de contribution à l'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée lui ont été assignés selon la procédure contradictoire ; que M. et MmeB..., associés dans cette société à hauteur de 46 %, ont fait l'objet, par une proposition de rectification en date du 16 décembre 2005, de rehaussements en matière d'impôt sur le revenu et de cotisations sociales à raison de revenus présumés distribués à M.B... ; qu'après abandon par le service des rehaussements envisagés au titre de l'année 2003, les sommes, principal, intérêts de retard et majorations confondus, de 42 428 euros au titre de l'impôt sur le revenu et de 12 101 euros au titre des contributions sociales ont été mises en recouvrement le 31 décembre 2007 ; que le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat interjette appel du jugement du 25 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Nice a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que des pénalités y afférentes, auxquels M. et Mme B... ont été assujettis au titre de l'année 2002 ;

Sur la substitution de base légale :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de part et non prélevés sur les bénéfices " ; qu'aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application de l'article 109-1-1°, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés (...) " ;

3. Considérant qu'à l'issue de la vérification de comptabilité dont la société Campeal a été l'objet et après avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, l'administration fiscale a arrêté le montant du rehaussement du résultat imposable de ladite société à la somme de 74 467 euros au titre de l'exercice 2002 ; que la somme litigieuse a alors été regardée comme des revenus distribués imposables entre les mains de M. et Mme B...au titre de l'année 2002, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts ;

4. Considérant toutefois que l'administration demande à la Cour de procéder à une substitution de base légale sur le fondement des dispositions de l'article 109-1 1° du même code pour un montant de distribution désormais réduit à la somme de 65 398 euros ; que l'administration, qui ne peut renoncer à appliquer la loi fiscale, est en droit, à tout moment de la procédure, de justifier l'impôt sur un nouveau fondement légal, en vertu des dispositions de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales, à condition de ne priver le contribuable d'aucune des garanties légales auxquelles il a droit ; qu'il résulte de l'instruction et n'est pas contesté que la somme susmentionnée a été prélevée sur les bénéfices sociaux, tels qu'ils doivent être retenus après réintégration de cette somme pour la détermination de l'assiette de l'impôt sur les sociétés, ladite somme devant être regardée comme des revenus distribués, assimilés à des produits des actions et parts sociales et entrant, par suite, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; que la procédure de rectification restant la même, que les rectifications soient fondées sur le 1° ou le 2° de l'article 109-1 du code général des impôts, une telle substitution de base légale ne prive pas les contribuables des garanties de procédure prévues par la loi ;

Sur l'existence et le montant de la distribution :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

5. Considérant que les sommes réintégrées par l'administration dans le résultat imposable d'une société ayant fait l'objet d'un redressement ne peuvent être regardées comme des revenus distribués au sens des dispositions de l'article 109 du code général des impôts que dans la mesure où elles ont été effectivement appréhendées par leur bénéficiaire ;

6. Considérant qu'il n'est pas contesté que M.B..., associé-gérant de la SARL Campeal, s'est lui-même désigné, sous sa signature, le 3 octobre 2005, comme bénéficiaire des excédents de distribution en application de l'article 117 du code général des impôts ; qu'ainsi, il doit être regardé comme ayant effectivement appréhendé les bénéfices réputés distribués, sauf à ce qu'il en apporte la preuve contraire ; que par suite, les intimés ne sont pas fondés à soutenir qu'il appartient à l'administration de démontrer l'effectivité de la distribution des revenus procédant du rehaussement du bénéfice de la SARL Campeal ;

7. Considérant que si les intimés soutiennent que M. B...n'aurait pas été le maître de l'affaire dès lors que sa mère était associée majoritaire de la SARL Campeal, ce moyen est sans portée dès lors que, comme il vient d'être dit, M. B...s'est lui-même désigné comme bénéficiaire des excédents de distribution en application de l'article 117 du code général des impôts ; qu'à défaut d'en apporter la preuve contraire, M. B...doit être regardé comme ayant effectivement appréhendé les revenus réputés lui avoir été distribués par la société Campeal au titre de l'exercice 2002 ; qu'il appartient toutefois à l'administration de justifier de l'existence et du montant des bénéfices réintégrés dans les bases de l'impôt sur les sociétés à l'origine de cette distribution, dès lors que le bénéficiaire désigné et son épouse ont refusé, comme en l'espèce, les redressements qui leur ont été notifiés ;

En ce qui concerne le montant de la distribution :

8. Considérant que le tribunal a, pour prononcer la décharge des impositions en cause, relevé que l'administration ne justifiait pas ni même n'exposait les rectifications ayant été opérées en ce qui concerne la société Campeal et qui auraient été à l'origine des revenus distribués à M.B... ; que devant la Cour, l'administration se prévaut de la reconstitution de recettes effectuée à l'occasion de la vérification de comptabilité de la SARL Campeal et de la circonstance que le rehaussement du montant du résultat imposable de ladite société, réduit en dernier lieu à la somme de 65 398 euros au titre de l'exercice 2002, correspond à des revenus distribués de même montant imposables entre les mains de M. et Mme B...au titre de l'année 2002 ;

9. Considérant qu'il résulte de l'arrêt de la Cour en date du même jour, pris sous le n° 12MA00329, que le rehaussement du montant du résultat imposable de la société Campeal a été réduit à la somme de 35 272 euros, cette société étant ainsi fondée à demander, dans cette mesure, la décharge des impositions supplémentaires mises à sa charge au titre de l'exercice 2002 ; que, par voie de conséquence, le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat est seulement fondé à demander que les revenus réputés distribués à M. B..., associé-gérant de la SARL Campeal, soient fixés à cette somme de 35 272 euros, ladite somme étant imposable entre les mains de M. et Mme B...au titre de l'année 2002 ; que, dans cette mesure, le ministre est ainsi fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles M. et Mme B...ont été assujettis au titre de l'année 2002 ;

10. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par les intimés devant le tribunal administratif de Nice ;

11. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires n'est pas compétente en matière de revenus de capitaux mobiliers ; que, par suite, M. et Mme B... ne peuvent utilement se prévaloir de la circonstance que l'administration fiscale ne les aurait pas mis à même de saisir cette commission ;

12. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " 1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 % si la mauvaise foi de l'intéressé est établie (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, (...) la preuve de la mauvaise foi (...) incombe à l'administration " ;

13. Considérant que le moyen tiré de l'absence de redressements au titre de l'année 2003 invoqué par les époux B...est inopérant pour contester les pénalités infligées au titre de l'année 2002 ; qu'en relevant que M. B...ne pouvait ignorer en sa qualité de gérant de la SARL Campeal, le caractère répété des lacunes de la comptabilité de ladite société constatées en 2002 et 2003, et les insuffisances de recettes relevées pour l'année 2002 dont il a tiré des revenus distribués qu'il a dissimulés, l'administration apporte la preuve qui lui incombe du bien-fondé des pénalités exclusives de bonne foi dont ont été assorties les impositions supplémentaires mises à la charge des requérants, lesdites pénalités étant suffisamment motivées au regard des dispositions de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nice et que soient remis à la charge des épouxB..., tant en principal qu'en pénalités, les suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales correspondant à la somme susmentionnée de 35 272 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que de M. et Mme B...demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice en date du 25 novembre 2011 est annulé.

Article 2 : Des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales sont remis à la charge des épouxB..., tant en principal qu'en pénalités, à raison de la somme de 35 272 (trente-cinq mille deux cent soixante-douze) euros imposable entre les mains de M. et Mme B...au titre de l'année 2002.

Article 3 : Le surplus des conclusions du recours du ministre des finances et des comptes publics est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de M. et Mme B...tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des finances et des comptes publics et à M. et Mme A...B....

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.

''

''

''

''

N° 12MA00614 2

mtr


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre-formation à 3
Numéro d'arrêt : 12MA00614
Date de la décision : 25/11/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-03-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. Revenus distribués.


Composition du Tribunal
Président : M. CHERRIER
Rapporteur ?: M. Laurent MARTIN
Rapporteur public ?: M. RINGEVAL
Avocat(s) : LEBRETON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2014-11-25;12ma00614 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award