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02/03/2015 | FRANCE | N°13MA04478

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 02 mars 2015, 13MA04478


Vu, sous le n° 13MA04478, la requête, enregistrée le 18 novembre 2013, présentée pour la société à responsabilité limitée Philip Frères, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié..., par la SCP Lévy, B..., Sagnes, Serre ;

La société Philip Frères demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1203204-1203205-1203208 du 23 septembre 2013 du tribunal administratif de Montpellier rejetant ses demandes tendant à la résiliation, voire à l'annulation des marchés publics relatifs à l'entretien des plantations d'alignement des rou

tes du département de l'Hérault (lots 4, 5 et 8), à ce qu'il soit enjoint au départe...

Vu, sous le n° 13MA04478, la requête, enregistrée le 18 novembre 2013, présentée pour la société à responsabilité limitée Philip Frères, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié..., par la SCP Lévy, B..., Sagnes, Serre ;

La société Philip Frères demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1203204-1203205-1203208 du 23 septembre 2013 du tribunal administratif de Montpellier rejetant ses demandes tendant à la résiliation, voire à l'annulation des marchés publics relatifs à l'entretien des plantations d'alignement des routes du département de l'Hérault (lots 4, 5 et 8), à ce qu'il soit enjoint au département de l'Hérault de lancer de nouvelles consultations pour chacun de ces lots, et à la condamnation du département à lui payer, à titre principal, trois sommes de 10 000 euros ou, à titre subsidiaire, trois sommes aux montants respectifs de 145 640 euros, 150 936 euros et 119 160 euros ;

2°) de " résilier voire annuler " ces marchés publics ;

3°) d'enjoindre à l'administration de relancer les procédures de passation de ces marchés ;

4°) de condamner le département de l'Hérault à l'indemniser à hauteur de 10 000 euros pour chacun des trois contrats, au titre de ses droits lésés et du préjudice moral en découlant ;

5°) de condamner le département de l'Hérault à l'indemniser au titre de ses droits lésés, de ses pertes de chance et de son manque à gagner à hauteur de 145 640 euros pour le contrat du lot n° 4, 150 936 euros pour le contrat du lot n° 5 et 119 160 euros pour le contrat du lot n° 8 ;

6°) de mettre à la charge du département de l'Hérault une somme de 7 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du 1er septembre 2014 du président de la cour administrative d'appel de Marseille portant désignation, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, de M. Laurent Marcovici, président assesseur, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Guerrive, président de la 6e chambre ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 février 2015 :

- le rapport de M. Thiele, rapporteur,

- les conclusions de Mme Felmy, rapporteur public,

- les observations de Me B...pour la société Philip Frères,

- et les observations de Me A...pour le département de l'Hérault ;

1. Considérant que, par avis d'appel public à la concurrence envoyé le 10 décembre 2011 au bulletin officiel des annonces de marchés publics, le département de l'Hérault a lancé une consultation sous la forme d'un appel d'offres ouvert, en vue de la passation d'un marché public d'entretien des plantations d'alignement en bordure des routes départementales, divisé en neufs lots correspondant à des zones géographiques ; que la société Philip Frères a présenté des offres pour les lots nos 1, 3, 4, 5, 7 et 8 ; que, par lettre du 27 avril 2012, le département a informé la société, à qui a été attribué le lot n° 3, que son offre n'avait pas été retenue concernant les lots nos 1 et 7, attribués à la société Roux Côté Jardin, et les lots nos 4, 5 et 8, attribués à la société Gorce ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de la société Philip Frères tendant à l'annulation ou à la résiliation des contrats portant sur les lots nos 4, 5 et 8 et à la condamnation du département de l'Hérault à l'indemniser du préjudice né de son éviction irrégulière ;

Sur la portée des conclusions de la société Philip Frères :

2. Considérant que si les mémoires présentés par la société Philip Frères le 26 août 2014 et le 15 octobre 2014 indiquent qu'ils ont été produits dans le cadre de la présente instance, les conclusions présentées dans ces mémoires sont relatives à un jugement distinct - le jugement nos 1203203-1203206 du tribunal administratif de Montpellier - portant sur des lots distincts - les lots nos 1 et 7 du marché et faisant l'objet de l'instance n° 13MA04394 ; que ces conclusions ayant été présentées par erreur dans la présente instance, il n'y a pas lieu d'y statuer ;

Sur la régularité du jugement :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés " ;

4. Considérant que, dans ses demandes présentées au tribunal administratif de Montpellier, la société Philip Frères a reproché au département de l'Hérault d'avoir établi un dossier d'appel d'offres incomplet, avec des critères à la fois flous et imprécis ; que, toutefois, contrairement à ce qu'elle soutient, le tribunal administratif a répondu à ces moyens dans les 6ème et 7ème considérants du jugement attaqué, en estimant que le règlement de la consultation du marché indiquait les deux critères de sélection des offres et leurs pondérations respectives - la valeur technique pour 60 % et le prix pour 40 % - et précisait que le mémoire justificatif joint aux offres donnerait lieu à une évaluation de 30 points - 8 points pour la description de l'organisation habituelle des chantiers, 6 points pour la description de la méthodologie utilisée pour chaque prestation, 3 points pour l'organisation mise en place lors de la commande d'intervention d'urgence, 6 points pour la description des moyens matériels et les compétences humaines directement affectées aux prestations du marché, 4 points pour les dispositions prises en matière de protection de l'environnement et 3 points pour les dispositions prises en matière de sécurité et de protection de la santé des travailleurs - ; qu'il a par ailleurs considéré que le cahier des clauses techniques particulières, qui faisait partie des pièces contractuelles portées à la connaissance des candidats, précisait de façon détaillée les attentes du pouvoir adjudicateur de la part des candidats, tant du point de vue des modalités générales d'exécution des travaux à réaliser que des prescriptions techniques générales et particulières aux tailles et à l'abattage ; qu'il en a déduit que, contrairement à ce que soutenait la société Philip Frères, " qui au demeurant ne fait état d'aucune difficulté dans la présentation de son offre pour le lot n° 3, dont elle a été désignée attributaire, la consultation en litige ne saurait être considérée comme n'ayant pas respecté les dispositions de l'article 53 du code des marchés publics ", et que la circonstance que le règlement de consultation n'aurait pas précisé la méthode de notation des offres était, en tout état de cause, sans influence sur la régularité de la consultation dès lors que le pouvoir adjudicateur n'est pas tenu d'informer les candidats sur cette méthode de notation ; que le tribunal administratif a ainsi répondu aux moyens tirés du caractère incomplet du dossier d'appel d'offres et du caractère flou et imprécis des critères retenus ; que le moyen tiré de l'absence de réponse à ces moyens doit donc être écarté ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que la société Philip Frères soutient que le tribunal administratif, à défaut d'avoir comparé lui-même la valeur respective des offres, aurait dû " préciser les éléments d'information manquants dans l'offre de la société Philip Frères " ; que, par cet argumentaire, la société Philip Frères doit être regardée comme invoquant l'insuffisante motivation du jugement attaqué sur ce point ; que, toutefois, le jugement attaqué, précise, dans son considérant 10, que, s'agissant du sous-critère relatif à l'organisation habituelle des chantiers, la société Philip Frères " s'est essentiellement bornée à indiquer que les travaux seraient exécutés conformément à la réglementation en vigueur (...) et n'a apporté aucune précision quant aux moyens matériels et humains qui seraient mobilisés à ce titre " ; qu'il précise en outre, dans le même considérant, que la société " s'est également bornée à reprendre, sans les préciser, les stipulations figurant à l'article 2.2 du CCTP, relatif à la signalisation " et " n'a pas apporté de précisions suffisantes s'agissant de la prise en considération du chancre coloré, les certifications dont elle bénéficierait à ce titre ne pouvant utilement compenser les insuffisances de son offre " ; qu'il relève, dans le même considérant que " la même insuffisance peut être relevée s'agissant de l'organisation concernant l'amenée des engins sur le chantier, la surveillance du chantier par les hommes au sol et l'appréciation de l'état de l'arbre avant intervention " ; que, dans son considérant 11, le tribunal administratif a estimé " qu'il résulte de l'instruction que, s'agissant du critère relatif à l'organisation mise en place lors de la commande d'intervention d'urgence, la SARL Philip Frères n'a apporté que peu de précisions sur les conditions des interventions de nuit " ; que le jugement précise, par ailleurs, dans son considérant 13 relatif au sous-critère de la protection de l'environnement, que la société " ne pouvait se borner à se prévaloir des éventuelles certifications dont elle bénéficie " et " que son offre n'apportait pas de précisions sur le type d'alimentation de la nacelle à moteur, notamment sur le fait qu'elle soit autonome ou sur camion, impliquant l'usage d'un carburant de nature différente, ni sur l'éventuelle nécessité d'utiliser des absorbants en cas de fuite " ; que, dans son considérant 14, le tribunal administratif a considéré, s'agissant du sous-critère relatif aux dispositions prises en matière de sécurité et de protection de la santé des travailleurs, que " la seule référence aux certifications dont [la société] bénéficie ne pouvait lui permettre, à elle seule, de prétendre à l'attribution de la note maximale " ; qu'ainsi, le tribunal administratif a, pour chacun des sous-critères, indiqué la nature des précisions qui faisaient défaut dans l'offre de la société Philip Frères ; qu'il a dès lors suffisamment motivé son jugement sur ce point ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'il appartient au juge administratif, dans l'exercice de ses pouvoirs généraux de direction de la procédure, d'ordonner toutes les mesures d'instruction qu'il estime nécessaires à la solution des litiges qui lui sont soumis, et notamment de requérir des parties ainsi que, le cas échéant, de tiers, en particulier des administrations compétentes, la communication des documents qui lui permettent de vérifier les allégations des requérants et d'établir sa conviction ; qu'il lui incombe, dans la mise en oeuvre de ses pouvoirs d'instruction, de veiller au respect des droits des parties, d'assurer l'égalité des armes entre elles et de garantir, selon les modalités propres à chacun d'entre eux, les secrets protégés par la loi ; que, toutefois, le caractère contradictoire de la procédure fait en principe obstacle à ce que le juge se fonde sur des pièces produites au cours de l'instance qui n'auraient pas été préalablement communiquées à chacune des parties ;

7. Considérant, par ailleurs, que le droit de communication des documents présentés par les candidats à un appel d'offres s'exerce dans le respect des dispositions du II de l'article 6 de la loi du 17 juillet 1978 susvisée, qui dispose que " Ne sont communicables qu'à l'intéressé les documents administratifs (...) dont la communication porterait atteinte (...) au secret en matière commerciale et industrielle " ; que ce secret fait obstacle à la communication, par l'administration, des mémoires techniques des entreprises retenues, lesquels comportent notamment des mentions relatives aux moyens humains et techniques de l'entreprise considérée ainsi qu'à son organisation et aux procédures utilisées ;

8. Considérant que le secret en matière commerciale s'opposait à ce que le département lui transmît, pour être soumis au contradictoire, ces mémoires ; que le tribunal administratif n'a donc pas méconnu son office en s'abstenant de lui demander communication de ces mémoires techniques ;

9. Considérant qu'il ne résulte pas de ce qui précède que le jugement serait irrégulier ;

Sur la validité du marché :

10. Considérant qu'indépendamment des actions dont les parties au contrat disposent devant le juge du contrat, tout concurrent évincé de la conclusion d'un contrat administratif est recevable à former devant ce même juge un recours de pleine juridiction contestant la validité de ce contrat ou de certaines de ses clauses, qui en sont divisibles, assorti, le cas échéant, de demandes indemnitaires ; que, saisi de telles conclusions par un concurrent évincé, il appartient au juge, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier les conséquences ; qu'il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité éventuellement commise, soit de prononcer - le cas échéant, avec effet différé - la résiliation du contrat ou de modifier certaines de ses clauses, soit de décider de la poursuite de son exécution, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation par la collectivité contractante, soit d'accorder des indemnisations en réparation des droits lésés, soit enfin, après avoir vérifié si l'annulation du contrat ne porterait pas une atteinte excessive à l'intérêt général ou aux droits des cocontractants, d'annuler, totalement ou partiellement, le cas échéant avec un effet différé, le contrat ;

11. Considérant que les marchés passés en application du code des marchés publics sont soumis aux principes qui découlent de l'exigence d'égal accès à la commande publique, rappelés par le II de l'article 1er de ce code ; que, pour assurer le respect des principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, l'information appropriée des candidats sur les critères d'attribution d'un marché public est nécessaire ; qu'il appartient au pourvoir adjudicateur d'indiquer les critères d'attribution du marché et les conditions de leur mise en oeuvre selon les modalités appropriées à l'objet, aux caractéristiques et au montant du marché concerné ;

12. Considérant que le règlement de la consultation du marché prévoyait, dans son article 5, que les critères intervenant pour l'appréciation des offres seraient la valeur technique, appréciée au vu du mémoire justificatif et affectée d'une pondération de 60 %, et le prix des prestations, affecté d'une pondération de 40 % ; que ce même article prévoit que " le mémoire justificatif des dispositions que chaque candidat se propose d'adopter pour l'exécution des travaux le concernant, noté sur 30, comprendra notamment : / - la description de l'organisation habituelle des chantiers (noté sur 8) / - la description de la méthodologie utilisée pour chaque prestation faisant l'objet de ce marché (élagage, abattage, essouchage, ...) (noté sur 6) / - l'organisation mise en place lors de commandes d'intervention urgente (noté sur 3) / - la description des moyens matériels et des compétences humaines directement affectés aux prestations de ce marché (noté sur 6) / - les dispositions prises en matière de protection de l'environnement (noté sur 4) / - les dispositions prises en matière de sécurité et de protection de la santé des travailleur (noté sur 3) " ;

13. Considérant qu'en demandant aux candidats de décrire, dans le mémoire justificatif, " l'organisation habituelle des chantiers ", le pouvoir adjudicateur s'est borné, sans introduire un nouveau critère distinct de celui de la valeur technique, à leur demander un élément permettant d'apprécier la valeur technique de leurs offres ; que, toutefois, ni le règlement de la consultation, ni les autres pièces du dossier de consultation ne précisaient les renseignements qui étaient attendus des candidats à ce titre ; qu'en l'absence de précisions sur la portée de l'expression " organisation habituelle des chantiers ", dont le département a finalement retenu une acception large - attribuant à la société Philip Frères une note de 4 sur 8 sur ce point, au motif que n'avaient pas été suffisamment précisés l'installation, le maintien, le repliement de la signalisation, l'organisation concernant l'amenée des engins sur le chantier, la surveillance du chantier par les hommes au sol, l'appréciation de l'état de l'arbre avant l'intervention et les informations pour la délivrance des autorisations du Service régional de l'alimentation de la direction départementale des territoires et de la mer concernant le chancre coloré -, le dossier de la consultation n'a pas permis d'assurer le respect des principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures ;

14. Considérant, par ailleurs, que les " dispositions prises en matière de protection de l'environnement " et les " dispositions prises en matière de sécurité et de protection de la santé des travailleur " correspondent, eu égard à leur objet, à des critères d'attribution ; que de tels critères ne pouvaient être introduits sans que le pouvoir adjudicateur en précisât les conditions de mise en oeuvre ; qu'en l'espèce, le dossier de la consultation ne précisait pas quels éléments, ou quels renseignements, devaient être fournis par les candidats pour permettre au pouvoir adjudicateur - qui, s'agissant de l'aspect environnemental, a attribué à la société Philip Frères une note de 2 sur 4 sur ce point au motif que son offre manquait de précisions s'agissant de l'utilisation de nacelle à moteur autonome, sur le type d'alimentation des tronçonneuses et sur l'utilisation d'absorbant en cas de fuite d'hydrocarbure et qui, s'agissant de l'aspect " sécurité et protection de la santé ", a attribué à la société une note de 2,5 sur 3 au motif que son mémoire manquait de précision " sur les vérifications régulières du matériel d'élagage " - d'apprécier les mérites comparés de leurs offres ; qu'en l'absence de telles indications, le dossier de la consultation n'a pas permis d'assurer le respect des principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures ;

En ce qui concerne les conséquences à tirer des irrégularités relevées :

15. Considérant que la circonstance qu'un lot ait été attribué à la société Philip Frères est sans influence sur l'analyse de la régularité de la procédure suivie pour les autres lots ; que les vices affectant la régularité de la procédure de passation du marché public en litige ne sont pas régularisables et ont été susceptibles d'affecter le choix du cocontractant ; qu'en l'absence, notamment, de tout indice d'une volonté du département de l'Hérault de favoriser tel ou tel candidat, ces vices ne sont pas d'une gravité telle qu'elle justifie l'annulation du contrat ; qu'il résulte de l'instruction que les contrats conclus avec la société Gorce ont pris fin à ce jour, à la suite de la décision de non-reconduction du 26 septembre 2014 prise par le département de l'Hérault en application de l'article 1.3 du cahier des clauses administratives particulières ; qu'il n'y a donc pas lieu non plus d'en prononcer la résiliation ;

Sur l'injonction :

16. Considérant que l'administration a la liberté du choix du mode de réalisation des prestations d'entretien des plantations, qu'elle peut exercer soit en régie, avec ses propres moyens ou en relançant une procédure d'appel d'offres, soit par délégation ; qu'il ne peut donc lui être enjoint de relancer les procédures de passation des marchés ; qu'au demeurant, une nouvelle consultation a été lancée pour les lots considérés ;

Sur la demande indemnitaire :

17. Considérant que lorsqu'une entreprise candidate à l'attribution d'un marché public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce dernier, il appartient au juge de vérifier d'abord si l'entreprise était ou non dépourvue de toute chance de remporter le marché ; que, dans l'affirmative, l'entreprise n'a droit à aucune indemnité ; que, dans la négative, elle a droit en principe au remboursement des frais qu'elle a engagés pour présenter son offre ; qu'il convient ensuite de rechercher si l'entreprise avait des chances sérieuses d'emporter le marché ; que, dans un tel cas, l'entreprise a droit à être indemnisée de son manque à gagner, incluant nécessairement, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre qui n'ont donc pas à faire l'objet, sauf stipulation contraire du contrat, d'une indemnisation spécifique ;

18. Considérant, d'une part, qu'une note de 4 sur 8 a été attribuée à la société Philip Frères s'agissant de la description de l'organisation habituelle des chantiers ; que la société Philip Frères a, par ailleurs, reçu une note de 2 sur 4 s'agissant de l'aspect environnemental ; que, compte-tenu de la pondération du mémoire technique, noté sur 30 mais représentant 60 % de la note finale, les 6 points ainsi perdus par la société sur ces trois aspects de son mémoire technique représentaient 12 des 100 points de la note finale ;

19. Considérant, toutefois, que le rapport d'analyse de la commission d'appel d'offres se borne, sur ces trois aspects du mémoire technique de la société Philip Frères, et sans critiquer la valeur technique de l'offre, à reprocher à la société un manque de précisions, alors que ce manque de précisions résulte, ainsi qu'il a été dit plus haut, de l'imprécision des critères eux-mêmes ;

20. Considérant, par ailleurs, qu'il ne résulte pas de l'instruction que ce manque de précisions reproché au mémoire de la société Philip Frères traduirait une insuffisance significative de l'offre de cette dernière ; qu'ainsi, s'agissant, en premier lieu, de l'organisation habituelle du chantier (pour laquelle la société a été notée 4 sur 8) l'absence de précision sur la réglementation applicable - qui est par elle-même sans rapport avec la qualité de l'offre - ou sur les moyens humains et matériels mis en oeuvre pour assurer la signalisation - alors que les moyens font l'objet d'une section distincte du mémoire technique intitulée " moyens matériels et [...] compétences humaines directement affectés aux prestations " et dont le département a reconnu le caractère satisfaisant - ne permet pas d'établir une insuffisance de l'offre au regard du critère de la signalisation des chantiers ; que, s'agissant du même critère de l'organisation habituelle du chantier, le grief tenant à l'absence d'information sur l'amenée des engins ne traduit pas non plus une insuffisance de l'offre de la société Philip Frères, dès lors qu'il est constant que le parc de la société n'est composé que d'engins routiers ; qu'est également mal fondé le grief tenant à l'absence d'information " pour la délivrance des autorisations du Service régional de l'alimentation de la direction départementale des territoires et de la mer concernant le chancre coloré " ; qu'en effet, si, par ce motif, le département a entendu se référer à l'obligation de déclaration préalable, à quinzaine, des interventions sur les platanes du département, résultant de l'arrêté préfectoral n° 2006-I-2718 du 14 novembre 2006 prescrivant les moyens de lutte contre la maladie du chancre coloré du platane - et complété, s'agissant des obligations de fond, par les stipulations des articles 3.3.1 à 3.3.4 du cahier des clauses techniques particulières -, cette obligation, qui résulte de cet arrêté auquel renvoie d'ailleurs le cahier des clauses techniques particulières, n'appelait aucun développement particulier dans le mémoire technique présenté par la société Philip Frères, qui avait précisé, dans la rubrique " dispositions prises en matière de sécurité et de protection de la santé des travailleurs ", qu'elle était immatriculée, sous le n° LR00852, auprès des services de la direction régionale de l'agriculture et de la forêt et s'était engagée par contrat à respecter les mesures prophylactiques avant toute intervention ; que le département ne pouvait faire grief à la société Philip Frères de ne pas avoir apporté davantage de précisions sur ce point, alors même qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le règlement de la consultation exigeait seulement, sans plus de précisions, une description de " l'organisation habituelle des chantiers " ; que le département soutient, dans l'instance contentieuse, que la société n'a pas précisé " la procédure qu'elle compte mettre en place avant toute intervention afin d'obtenir les permis de transport du bois chancré ou le passeport phytosanitaire alors que le conseil général a fourni en annexe au cahier des charges une fiche type devant être obligatoirement remplie et renvoyée au SRAL avant tout chantier " ; que, toutefois, eu égard à l'imprécision de l'expression : " organisation habituelle des chantiers ", il ne pouvait être reproché à la société de n'avoir pas détaillé la manière dont elle demanderait les autorisations administratives d'ailleurs obligatoires ; qu'ainsi, les reproches ainsi faits à la société Philip Frères ne pouvaient justifier l'attribution d'une note de 4 sur 8 ;

21. Considérant que s'agissant du critère environnemental, une note de 2 sur 4 a été attribuée à la société Philip Frères, au motif que son mémoire " manqu[ait] de précisions sur l'utilisation de nacelle à moteur autonome " ; que, toutefois, il est constant que la société Philip Frères n'utilise pas de nacelle à moteur autonome et ne prévoyait pas d'en utiliser dans le cadre de l'exécution du marché ; que les documents contractuels n'exigent pas l'utilisation de ce type de matériel ; que le département ne pouvait donc reprocher à la société de ne pas avoir apporté de " précisions sur l'utilisation de la nacelle à moteur autonome " ; qu'au demeurant, il ne résulte pas de l'instruction que le recours à ce type de matériel, dont la société Philip Frères fait valoir, sans être utilement contredite, qu'il est alimenté au gazole non routier, lequel n'est pas moins polluant que le gazole routier, présenterait un quelconque intérêt pour l'appréciation de l'impact environnemental des travaux ; que le reproche ainsi fait à la société Philip Frères ne pouvait justifier l'attribution d'une note de 2 sur 4 ;

22. Considérant, d'autre part, qu'il ressort du rapport d'analyse des offres et du tableau récapitulatif des notes finales des candidats que, s'agissant respectivement des lots nos 4, 5 et 8, la société Philip Frères, ayant proposé des prix nettement inférieurs à ceux de la société Gorce, a été classée en seconde position, derrière la société Gorce, avec des notes finales respectives de 79,35, de 78,80 et de 75,02 alors que la société Gorce avait obtenu des notes finales respectives de 83,16, 82,43 et 79,24 ; qu'ainsi, l'écart de notation entre les deux sociétés était seulement, s'agissant de ces trois lots, de 3,81 points, 3,63 points et 4,22 points ; qu'en raison de la pondération du critère de la valeur technique, l'attribution à la société Philip Frères de seulement 2 points de plus s'agissant des lots nos 4 et 5, et de 3 points s'agissant du lot n° 8, aurait conduit à attribuer à cette société la meilleure note ; qu'ainsi, dans l'hypothèse où l'irrégularité relevée ci-dessus, et tenant à l'imprécision des critères, n'avait pas été commise, la société Philip Frères, à qui n'a été reproché, souvent à tort, que le caractère incomplet de son mémoire technique, avait des chances sérieuses d'emporter les lots ; qu'elle a donc droit à être indemnisée de son manque à gagner ;

23. Considérant que la société Philip Frères fait état, par la production d'un document certifiés par un expert comptable, d'un manque à gagner, calculé, comme il doit l'être, sur la base du montant de la rémunération attendue, sous déduction des coûts variables supplémentaires qu'elle aurait dû supporter en cas d'obtention du marché ; que ce manque à gagner s'établit, pour l'ensemble de la période, à 145 640 euros s'agissant du lot n° 4, à 150 936 euros pour le lot n° 5 et à 119 160 euros pour le lot n° 8 ; que le manque à gagner total de la société Philip Frères s'établit donc à 415 736 euros ; que, toutefois, l'expert comptable a précisé qu'il n'était pas en mesure de certifier la répartition des charges de la société entre charges fixes et charges variables ; qu'en outre, les montants avancés par la société Philip Frères apparaissent excessifs, eu égard, notamment, à la circonstance que les prix proposés par la société étaient particulièrement bas comparés à ceux proposés par les autres sociétés ; qu'enfin, le département a décidé, le 26 septembre 2014, de ne pas reconduire les contrats conclus avec la société Gorce pour les années suivant 2014 - comme il le pouvait en application de l'article 1.3 du cahier des clauses administratives particulières - et de lancer une nouvelle consultation au terme de laquelle la société Philip Frères a été déclarée attributaire des trois lots auxquels pour lesquels elle avait présenté une offre ; que, dans ces conditions, ainsi que la société Philip Frères l'admet, le préjudice doit être calculé pour la seule période antérieure à 2015 ; que, dans ces conditions, eu égard au montant du marché, il sera fait une juste appréciation du manque à gagner de la société Philip Frères, s'agissant des trois lots considérés, en l'évaluant à 45 000 euros ;

24. Considérant, en revanche, qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'éviction irrégulière de la société Philip Frères ait porté atteinte à la réputation ou à l'image de la société ; que, dès lors et à supposer même qu'un tel préjudice soit susceptible d'être indemnisé, la demande de la société tendant à la condamnation du département à lui payer trois sommes de 10 000 euros à ce titre ne peut être accueillie ;

25. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Philip Frères, si elle n'est pas fondée à se plaindre du rejet de sa demande d'annulation ou de résiliation du contrat, est en revanche fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande indemnitaire ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

26. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de la société Philip Frères, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département de l'Hérault une somme de 2 000 euros à verser à la société Philip Frères en remboursement des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement nos 1203204-1203205-1203208 du 23 septembre 2013 du tribunal administratif de Montpellier est annulé, sauf en ce qu'il rejette la demande de la société Philip Frères tendant à la résiliation ou à l'annulation du contrat.

Article 2 : Le département de l'Hérault est condamné à payer à la société Philip Frères la somme de 45 000 (quarante-cinq mille) euros en indemnisation du préjudice subi du fait de son éviction irrégulière.

Article 3 : Le département de l'Hérault versera à la société Philip Frères une somme de 2 000 (deux mille) euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la société Philip Frères est rejeté.

Article 5 : Les conclusions du département de l'Hérault et de la société Gorce sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Philip Frères, au département de l'Hérault et à la société à responsabilité limitée Gorce.

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N° 13MA04478 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13MA04478
Date de la décision : 02/03/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Droits civils et individuels - Accès aux documents administratifs - Accès aux documents administratifs au titre de la loi du 17 juillet 1978 - Droit à la communication - Documents administratifs communicables.

Marchés et contrats administratifs - Formation des contrats et marchés - Formalités de publicité et de mise en concurrence.

Procédure - Instruction - Pouvoirs généraux d'instruction du juge.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Renaud THIELE
Rapporteur public ?: Mme FELMY
Avocat(s) : SERPENTIER-LINARES

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-03-02;13ma04478 ?
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