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31/03/2015 | FRANCE | N°13MA00800

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre-formation à 3, 31 mars 2015, 13MA00800


Vu la requête, enregistrée le 22 février 2013, présentée pour la société civile immobilière (SCI) Nobel, dont le siège social est situé Les Espaces de Sophia, Bât D 80, route des Lucioles à Valbonne (06560), par Me A... ;

La SCI Nobel demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901644, 0903021 du 20 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté ses demandes tendant à la décharge, d'une part, des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exer

cices clos en 2003, 2004 et 2006, de la taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été récl...

Vu la requête, enregistrée le 22 février 2013, présentée pour la société civile immobilière (SCI) Nobel, dont le siège social est situé Les Espaces de Sophia, Bât D 80, route des Lucioles à Valbonne (06560), par Me A... ;

La SCI Nobel demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901644, 0903021 du 20 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté ses demandes tendant à la décharge, d'une part, des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2003, 2004 et 2006, de la taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamée pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2003 et pour celle du 1er décembre 2006 au 30 juin 2007, des pénalités dont ces différentes impositions ont été assorties, ainsi que de l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts au titre des années 2003 et 2004, d'autre part, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2007 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes à hauteur de la somme de 424 217 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu le jugement attaqué ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 mars 2015,

- le rapport de M. Guidal, rapporteur ;

- les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public ;

- et les observations de Me A...pour la SCI Nobel ;

1. Considérant qu'à la suite d'une première vérification de comptabilité de la société civile immobilière (SCI) Nobel pour les années 2003 et 2004, l'administration a remis en cause le caractère civil des activités de la société au motif qu'elle exerçait, selon elle, une activité de marchand de biens et l'a assujettie en conséquence, pour ces deux années, à l'impôt sur les sociétés et à la contribution à l'impôt sur les sociétés, ainsi qu'à la taxe sur la valeur ajoutée pour la période correspondant à l'année 2003 ; qu'elle lui a également infligé l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts pour défaut de désignation de bénéficiaire de revenus réputés distribués au titre des années 2003 et 2004 ; qu'elle a ensuite imposé la SCI à l'impôt sur les sociétés pour l'année 2006 et à la taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er décembre 2006 au 30 juin 2007, conformément aux déclarations souscrites par la société à la suite de l'envoi de mises en demeure ; qu'à l'issue d'une seconde vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2007, la SCI Nobel a été assujettie à une cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés au titre de l'année 2007 à raison de la remise en cause du caractère déductible d'une provision pour litige ; que la SCI Nobel relève appel du jugement du 20 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Nice, après les avoir jointes, a rejeté ses demandes tendant à la décharge de ces impositions ;

Sur les dégrèvements intervenus et l'étendue du litige :

2. Considérant, en premier lieu, que, par décision en date du 7 novembre 2013 postérieure à l'introduction de la requête, le directeur départemental des finances publiques des Alpes-Maritimes a prononcé le dégrèvement, en droits et pénalités, à concurrence d'une somme de 88 828 euros des rappels de taxe sur la valeur ajoutée réclamés à la SCI Nobel au titre de la période du 1er décembre 2006 au 30 juin 2007 ; que dans la limite de ce dégrèvement, les conclusions de la requête de la SCI Nobel sont devenues sans objet ; qu'il n'y a pas lieu, dans cette mesure, de statuer sur les conclusions de la requête ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que, par une décision en date du 11 janvier 2011, postérieure à l'enregistrement de la demande présentée par la SCI Nobel devant le tribunal administratif, le directeur départemental des finances publiques des Alpes-Maritimes avait, une première fois, accordé un dégrèvement en droits et pénalités de 25 289 euros au titre des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2003 ; que la demande de la société était, dans cette mesure, devenue sans objet ; qu'ainsi le tribunal administratif, en rejetant ladite demande dans son intégralité, s'est mépris sur l'étendue des conclusions sur lesquelles il devait statuer ; qu'il y a lieu pour la Cour d'annuler sur ce point le jugement attaqué, d'évoquer les conclusions de la demande devenues sans objet au cours de la procédure de première instance et de décider qu'il n'y a pas lieu d'y statuer ;

4. Considérant, en troisième lieu, que la requérante se borne à demander dans sa requête la décharge des impositions litigieuses à hauteur de 424 217 euros, montant qui n'inclut pas celui de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés qui lui a été assignée au titre de l'année 2007 à raison de la remise en cause du caractère déductible d'une provision pour litige, imposition contre laquelle elle ne formule d'ailleurs aucune critique ; que compte tenu des dégrèvements de taxe sur la valeur ajoutée intervenus tant en première en instance qu'en appel, mentionnés aux points 2 et 3, le litige est ainsi circonscrit, en droits et pénalités, aux seules cotisations d'impôt sur les sociétés dues au titre des années 2003 et 2004, à la contribution à l'impôt sur les sociétés au titre des mêmes années, à la cotisation d'impôt sur les sociétés au titre de l'année 2006, ainsi qu'à l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts, soit un quantum de 310 100 euros ;

Sur le surplus des conclusions restant en litige :

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

5. Considérant que l'article 205 du code général des impôts soumet à l'impôt sur les sociétés les personnes morales désignées à l'article 206 ; que parmi ces dernières figurent, selon le 2 dudit article, les sociétés civiles qui " se livrent à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 (...) " ; qu'aux termes de l'article 35 du même code : " I. Présentent (...) le caractère de bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par les personnes physiques désignées ci-après : / 1° Personnes qui, habituellement, achètent en leur nom, en vue de les revendre, des immeubles, des fonds de commerce, des actions ou parts de sociétés immobilières ou qui, habituellement, souscrivent, en vue de les revendre, des actions ou parts créées ou émises par les mêmes sociétés (...) " ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SCI Nobel a été créée le 1er octobre 1987 avec pour objet " l'acquisition, la mise en valeur, l'administration, la location d'immeubles " ; qu'elle a procédé le 30 décembre de la même année à l'acquisition d'un pavillon à Bobigny divisé par la suite en huit lots, qui ont été revendus au cours de l'année 2001 ; qu'elle a ensuite acquis en 1988 à Bois-Colombes et à Colombes, respectivement un immeuble de sept logements et quatre studios qui ont été revendus en 2003 ; qu'en 1989 elle a acheté rue de Belleville à Paris (20ème) trois appartements revendus au cours de l'année 1992 ; qu'en 1993 elle a acquis rue du Petit Thouars à Paris (3ème) un appartement et un local d'habitation, ce dernier local ayant été revendu en 1999 ; que le 7 janvier 2000, elle est devenue propriétaire à Cannes d'un local commercial et de trois appartements qu'elle a cédés de manière échelonnée entre le 28 décembre 2000 et le 20 septembre 2002 ; que, dès lors, la SCI doit être regardée comme ayant procédé de manière habituelle à des opérations d'achat et de revente de biens immobiliers ;

7. Mais considérant que, contrairement à ce que soutient l'administration, il ne s'ensuit pas que l'intention spéculative de la société, à laquelle les dispositions précitées de l'article 35, I-1° subordonnent également l'application du régime des marchands de biens, doive être présumée ; qu'une telle intention doit être recherchée à la date d'acquisition par la société des immeubles ultérieurement revendus et non à la date de leur cession ;

8. Considérant, qu'en l'espèce, il résulte de l'instruction que les biens immobiliers concernés n'ont, jusqu'à leur revente, jamais cessé d'être soit mis à la disposition des associés de la SCI Nobel ou de leurs proches soit de manière prépondérante donnés en location, conformément d'ailleurs à son objet social ; que la vente des quatre locaux situés sur le territoire des communes de Bobigny, Bois-Colombes et Colombes n'a été réalisée par la SCI que treize et seize ans après l'acquisition des biens correspondants ; que la revente du logement situé rue du Petit Thouars à Paris (3ème), dont l'achat a été financé par un emprunt à long terme de quinze ans et dont le loyer était soumis à la loi du 1er septembre 1948, a été effectuée au bénéfice des locataires en place et n'est intervenue que six ans après son acquisition ; que si la requérante a procédé à la revente des trois appartements situés rue de Belleville à Paris (20ème) trois ans après en être devenue propriétaire, il n'est pas établi que leur acquisition a été réalisée dans une intention spéculative, alors que la cession ultérieure de ces biens à la Ville de Paris n'a été motivée que par la seule volonté de la collectivité publique de réaliser à cet emplacement un programme de logements sociaux ; qu'il n'est pas davantage établi que la cession de manière échelonnée entre les mois de décembre 2000 et septembre 2002 d'un local commercial affecté à l'exploitation d'une boulangerie et de trois appartements acquis au cours de l'année 2000 dans le même immeuble à Cannes aurait été motivée par une raison autre que celle d'éviter à la SCI de devoir financer en sa qualité de copropriétaire de l'immeuble des suppléments importants de travaux pour faire cesser les infiltrations d'eau qui y ont été constatées, alors qu'aucune circonstance n'autorise à penser que la société avait, dès leur achat, l'intention de revendre les biens en cause ; que la circonstance tenant à ce que les désordres résultant de ces infiltrations n'ont été signalés par l'acquéreur du local commercial que le 22 mars 2002, soit postérieurement aux dates des premières cessions intervenues, ne suffit pas à établir que la requérante, qui y avait entrepris des travaux, n'en aurait pas eu connaissance avant ces mêmes dates ; que, par ailleurs, deux villas acquises par la SCI respectivement à Cabri en 1989 et à Peymeinade en 1998, ainsi qu'un appartement acheté à Cannes en 2000 sont affectés à l'hébergement des associés de la société ou de leurs proches ; que trois appartements acquis par la société à Paris en 1993, deux appartements à Cannes et au Cannet en 2001 et 2002, ainsi qu'une villa de deux appartements à Mougins en 2005 sont toujours en location ; que deux appartements meublés achetés en 2005 à Allos sont également toujours détenus par la requérante ; que, dans ces conditions, les cessions litigieuses ne sauraient être regardées comme résultant du dénouement d'opérations spéculatives entrant dans les prévisions des dispositions précitées du I de l'article 35 du code général des impôts ; que la circonstance que M.B..., gérant de la SCI Nobel, soit par ailleurs associé et gérant d'une SARL dont il n'est pas contesté qu'elle exerce une activité de marchand de biens est sans incidence sur l'appréciation de l'existence d'une intention spéculative de la SCI en vue de déterminer si son activité pourrait être requalifiée aux fins de la faire entrer dans le champ de l'impôt sur les sociétés ; que, par suite, la SCI Nobel est fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration fiscale l'a assujettie à cet impôt et à la contribution à l'impôt sur les sociétés au titre des années litigieuses ;

En ce qui concerne l'amende mise à la charge de la société en application de l'article 1759 du code général des impôts :

9. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 109 du code général des impôts : " Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices et produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital... " ; que selon l'article 117 du même code, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. / En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759 " ; qu'aux termes de ce dernier article : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées. (...) " ; qu'il résulte de ces dernières dispositions que l'amende qu'elle institue ne peut être infligée qu'aux sociétés et autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés ;

10. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite de l'invitation qui lui avait été faite par l'administration, sur le fondement des dispositions précitées, de désigner le ou les bénéficiaires d'une partie des sommes réintégrées dans les bases de l'impôt sur les sociétés à hauteur de 139 835 euros au titre de l'exercice clos en 2003 et de 39 925 euros au titre de l'exercice clos en 2004 et en l'absence de réponse de la société, formulée en temps utile, l'administration l'a assujettie à l'amende mentionnée à l'article 1759 du code général des impôts pour défaut de désignation des bénéficiaires des revenus réputés distribués ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 8, la SCI Nobel n'est pas au nombre des sociétés passibles de l'impôt sur les sociétés ; que, dès lors, l'administration n'était pas en droit de l'assujettir à cette amende ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SCI Nobel est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés, de contribution à l'impôt sur les sociétés et de l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts, auxquelles elle a été assujettie au titre des années mentionnées au point 4 ; que, par suite, la SCI Nobel est fondée à demander, dans cette mesure, la réformation du jugement du tribunal administratif de Nice et la décharge de ces impositions et de cette amende ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SCI Nobel et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : A concurrence de la somme de 88 828 (quatre-vingt-huit mille huit cent vingt-huit) euros, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la SCI Nobel tendant à la décharge en droits et pénalités des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er décembre 2006 au 30 juin 2007.

Article 2 : Le jugement en date du 20 décembre 2012 du tribunal administratif de Nice est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la demande de la SCI Nobel tendant à la décharge en droits et pénalités des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2003 à hauteur de 25 289 (vingt-cinq mille deux cent quatre-vingt-neuf) euros.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la demande mentionnées à l'article précédent.

Article 4 : La SCI Nobel est déchargée, en droits et majoration, des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2003 et 2004, de la contribution à l'impôt sur les sociétés au titre des mêmes années, de la cotisation d'impôt sur les sociétés au titre de l'année 2006, ainsi que de l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts, pour un montant total de 310 100 (trois cent dix mille cent) euros.

Article 5 : Le jugement en date du 20 décembre 2012 du tribunal administratif de Nice est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 4 du présent arrêt.

Article 6 : L'Etat versera à la SCI Nobel la somme de 2 000 (deux mille) euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière Nobel et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.

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