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14/04/2015 | FRANCE | N°13MA01174

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre-formation à 3, 14 avril 2015, 13MA01174


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 19 mars 2013 et régularisée par courrier le 21 mars suivant, présentée pour la société à responsabilité limitée (SARL) Elisa, dont le siège est 6 avenue Désambrois à Nice (06000), représentée par Me A...;

La SARL Elisa demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1003653 du 18 janvier 2013 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant, d'une part, à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle assise sur cet impôt auxque

lles elle a été assujettie au titre de l'année 2004, ainsi que des pénalités corresponda...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 19 mars 2013 et régularisée par courrier le 21 mars suivant, présentée pour la société à responsabilité limitée (SARL) Elisa, dont le siège est 6 avenue Désambrois à Nice (06000), représentée par Me A...;

La SARL Elisa demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1003653 du 18 janvier 2013 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant, d'une part, à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle assise sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2004, ainsi que des pénalités correspondantes, et d'autre part, à l'annulation de la décision du 16 juillet 2010 du directeur départemental des finances publiques rejetant sa réclamation ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu le jugement attaqué ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 mars 2015,

- le rapport de M. Guidal, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public ;

1. Considérant que, par un acte du mois d'avril 1991, la SARL Elisa qui exerce une activité de loueur de locaux, a acquis en l'état futur d'achèvement un bien immobilier auprès de la société immobilière de la ville de Nice dont elle devait acquitter le prix le 21 juillet 1991 ; que la vente était assortie d'une clause prévoyant, en cas de retard de paiement, le versement d'un intérêt annuel de 18 % ; que la SARL Elisa, estimant que l'immeuble livré n'était pas conforme aux prescriptions initialement prévues, a refusé d'acquitter le solde du prix convenu, soit 981 844 euros, faisant ainsi courir les intérêts conventionnels sur cette somme ; que le litige opposant les deux sociétés a été porté en justice ; que par un arrêt du 1er juin 1999, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a, d'une part, condamné la SARL Elisa à payer à la société immobilière de la ville de Nice la somme de 981 844 euros qu'elle lui devait, outre les intérêts mensuels au taux de 1, 5 % à compter du 21 juillet 1991 et a, d'autre part, condamné la société immobilière de la ville de Nice à procéder à des travaux de renforcement du plancher du rez-de-chaussée de l'immeuble conformément aux préconisations de l'expert qui avait été désigné, ainsi qu'à payer une provision pouvant être appelée sous le contrôle dudit expert au fur et à mesure de la réalisation des travaux ; que la SARL Elisa a constitué à la clôture de chacun des exercices clos le 31 décembre des années 1994 à 2000 une dotation aux provisions de 578 278 francs destinée, selon la société, à prendre en compte le risque d'avoir à payer les intérêts pour paiement tardif du prix convenu ; qu'elle a inscrit à la clôture de l'exercice 2002 une nouvelle dotation de 88 157 euros ayant le même objet ; que la société a modifié la date de clôture de son exercice social pour le porter du 31 décembre 2004 au 31 mars 2005, puis elle a inscrit de nouveau à la clôture dudit exercice une dotation aux provisions de 917 534 euros, puis à la clôture de l'exercice 2006 une dotation aux provisions de 191 652 euros, toujours dans la même perspective de devoir payer les intérêts de retard ; qu'à l'issue de la vérification de comptabilité dont la SARL Elisa a fait l'objet en 2007, portant sur la période du 1er janvier 2004 au 31 mars 2006, la provision concernant les exercices prescrits inscrite au passif du bilan a été reprise et réintégrée par l'administration dans le résultat de la période intermédiaire s'achevant le 31 décembre 2004 à hauteur de 705 263 euros au motif que ces intérêts ne pouvaient pas être provisionnés, mais devaient seulement être inscrits en charge annuelle à titre de frais à payer ; que les dotations de 917 534 euros et de 191 652 euros comptabilisées à la clôture des exercices 2005 et 2006 ont été réintégrées dans les résultats desdits exercices ; que l'administration a concomitamment admis en déduction, en tant que charges d'exploitation de l'exercice, les intérêts contractuels à hauteur de 220 915 euros au titre de l'exercice de quinze mois clos le 31 mars 2005 et de 176 732 euros au titre de l'exercice clos le 31 mars 2006 ; que, par ailleurs, à défaut d'avoir déposé, malgré l'envoi d'une mise en demeure, une déclaration visant le résultat intermédiaire de la période du 1er janvier au 31 décembre 2004, l'administration a procédé à la taxation d'office du résultat de cette période ; que la société relève appel du jugement du 18 janvier 2013 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant, d'une part à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle assise sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2004 et, d'autre part, à l'annulation de la décision du 16 juillet 2010 du directeur départemental des finances publiques rejetant sa réclamation tendant à être autorisée à inscrire en charge les intérêts de sa dette sur le résultat des années prescrites et d'admettre l'imputation des déficits ainsi générés sur les exercices vérifiés ;

2. Considérant, en premier lieu, que la SARL Elisa n'établit pas que la proposition de rectification en date du 25 septembre 2007 qui lui a été adressée ne comportait pas la signature du vérificateur en se bornant à se référer à la copie de ce document versée aux débats par l'administration, dès lors que le ministre soutient que ce document n'est qu'une copie et que la société requérante, qui ne soutient pas que l'original qui lui a été adressé n'aurait pas été régulièrement signé, ne produit pas l'original du document qu'elle est seule à détenir ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que les entreprises ne peuvent constater sous forme de provision les charges définitivement engagées au cours de l'exercice et présentant le caractère de dettes nées à leur encontre ; que ces dettes sont, en effet, des charges normalement comprises dans les frais généraux de l'entreprise et, à défaut de paiement à la clôture de l'exercice, doivent être inscrites au passif du bilan de l'entreprise, soit à un compte de régularisation (charges à payer), soit, lorsqu'elles sont individualisées, à un compte de tiers ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'au moment de leur inscription en comptabilité, à la clôture de chacun des exercices litigieux, les charges correspondant aux intérêts dus par la SARL Elisa à la société immobilière de la ville de Nice étaient nécessairement connues, dans la mesure où leur détermination ne résultait que de l'application d'une clause figurant au contrat de vente de l'immeuble litigieux ; que, contrairement à ce que soutient la société requérante, leur montant pouvait être déterminé précisément à la clôture de chaque exercice, par simple application des stipulations du contrat ; qu'ainsi, ces intérêts présentaient pour la société requérante le caractère d'une dette certaine dans son principe et dans son montant à la clôture de chacun de ces exercices et ne pouvaient, par conséquent, être provisionnés, mais pouvaient seulement être inscrits en charge à titre de frais à payer dans un compte de régularisation de passif ; que la SARL Elisa ne saurait à cet égard se prévaloir utilement de la circonstance que l'arrêt du 1er juin 1999 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence n'était pas alors définitif, les parties s'étant pourvues en cassation, ni de ce que l'exécution de cet arrêt aurait soulevé par la suite des difficultés et nécessité la désignation d'un nouvel expert pour suivre les travaux, dès lors qu'elle n'a jamais contesté depuis l'origine du litige devoir les intérêts en cause, comme l'a d'ailleurs relevé dans son arrêt la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration a réintégré le montant des provisions mentionnées au point 1, qui ont été irrégulièrement constituées ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 37 du code général des impôts applicable à l'assiette de l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Si aucun bilan n'est dressé au cours d'une année quelconque, l'impôt dû au titre de la même année est établi sur les bénéfices de la période écoulée depuis la fin de la dernière période imposée ou, dans le cas d'entreprise nouvelle, depuis le commencement des opérations jusqu'au 31 décembre de l'année considérée. Ces mêmes bénéfices viennent ensuite en déduction des résultats du bilan dans lesquels ils sont compris " ; qu'il résulte de ces dispositions que, dans le cas où il n'est dressé aucun bilan au cours d'une année, correspondent à l'exercice comptable clos postérieurement au 31 décembre de cette année au moins deux périodes successives, dont les résultats propres doivent être imposés, respectivement, au titre de chacune des années considérées et donner lieu, le cas échéant, à rehaussement des résultats imposables afférents à chacune d'entre elles ; que lorsque l'administration procède au rehaussement des résultats d'un exercice comportant deux périodes d'imposition distinctes en raison de l'absence de bilan arrêté au cours d'une année, elle doit rattacher le montant des rehaussements à chacune des périodes d'imposition en fonction des opérations réalisées ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction et ainsi qu'il a été rappelé au point 1, que la SARL Elisa a modifié la date de clôture de son exercice social pour le porter du 31 décembre 2004 au 31 mars 2005 ; que faute d'avoir déposé, malgré l'envoi d'une mise en demeure, une déclaration de résultat visant la période intermédiaire du 1er janvier au 31 décembre 2004, la société a fait l'objet d'une taxation d'office de ses résultats, dont elle ne conteste pas le principe ; que l'administration a réparti les produits et charges d'exploitation prorata temporis entre chacune des deux périodes d'imposition courant, la première, du 1er janvier au 31 décembre 2004 et, la seconde, du 1er janvier au 31 mars 2005 ; qu'elle a rattaché les produits et charges exceptionnels à la période d'imposition 2004, dans la mesure où ils étaient relatifs à la vente en 2004 d'un immeuble situé à Puget-sur-Argens ; qu'ainsi contrairement à ce que soutient la société requérante, l'administration fiscale a bien tenu compte de la date de l'opération exceptionnelle lorsqu'elle a rattaché le montant des rehaussements à la période d'imposition 2004 ; que si la SARL Elisa conteste le recours à une clé de répartition forfaitaire entre les deux périodes d'imposition, elle ne propose aucune autre clé de répartition qui serait, le cas échéant, plus représentative de ses conditions réelles d'exploitation, alors qu'elle a été régulièrement taxée d'office ; que si elle soutient que les résultats provisoirement liquidés doivent être imputés sur les résultats de l'exercice définitif, ce moyen doit en tout état de cause être écarté dès lors qu'il ressort de la proposition de rectification du 25 septembre 2009 que l'administration a déterminé le résultat de l'exercice clos le 31 mars 2005 en prenant en compte les seuls produits et charges des trois premiers mois de 2005, à l'exclusion du résultat intermédiaire de 2004 ;

7. Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte de l'instruction, qu'à la suite de la mise en recouvrement le 30 mai 2008 des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle assise sur cet impôt assignées à la SARL Elisa au titre de l'année 2004, celle-ci a formé une réclamation le 6 avril 2010 tendant à obtenir le dégrèvement tant en principal que majorations des impositions restant en litige ; que la société relevait à l'appui de sa demande que si les sommes provisionnées à tort et mentionnées au point 1 devaient être regardées comme des charges déductibles, alors " il appartenait au contrôle fiscal de remettre les choses dans l'état où elles auraient dû être si l'erreur constatée n'avait pas été commise " ; que nonobstant les règles de prescription, elle demandait " qu'il soit procédé à la constatation de la charge globale au titre de l'exercice au cours duquel elle est considérée comme définitive et que le déficit ainsi généré soit reporté jusqu'aux exercices vérifiés " ; que la demande de la SARL, eu égard à ses termes et au moyen articulé, devait être regardée comme une réclamation contentieuse ; que, dès lors, la décision du directeur départemental des finances publiques des Alpes-Maritimes en date du 16 juillet 2010 statuant sur la réclamation de la SARL Elisa doit être interprétée comme tendant, en réalité, au rejet par l'autorité administrative d'une réclamation contentieuse et non pas d'une demande gracieuse, nonobstant la circonstance qu'elle ait été présentée par la société comme revêtue d'un tel caractère ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la recevabilité des conclusions dirigées contre cette décision devait être appréciée au regard des seules règles applicables en matière de plein contentieux fiscal qu'édicte le livre des procédures fiscales et qu'elle ne pouvait être déférée à la juridiction administrative par la voie du recours pour excès de pouvoir ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL Elisa n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ; que ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Elisa est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Elisa et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre-formation à 3
Numéro d'arrêt : 13MA01174
Date de la décision : 14/04/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Détermination du bénéfice net.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Détermination du bénéfice net - Provisions.


Composition du Tribunal
Président : M. CHERRIER
Rapporteur ?: M. Georges GUIDAL
Rapporteur public ?: M. RINGEVAL
Avocat(s) : SELARL AUDE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-04-14;13ma01174 ?
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