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21/12/2015 | FRANCE | N°14MA01901

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 21 décembre 2015, 14MA01901


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) d'Estèbe a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner la commune de Grandvals à lui verser la somme de 468 766, 72 euros, avec intérêts de droit à compter de la demande préalable en réparation du préjudice subi à raison des fautes commises par cette commune depuis le 24 mai 2007.

Par un jugement n° 1200850 du 7 février 2014, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande du GAEC d'Estèbe.

Procédure devant la C

our :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 14 avril 2014 et 10 se...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) d'Estèbe a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner la commune de Grandvals à lui verser la somme de 468 766, 72 euros, avec intérêts de droit à compter de la demande préalable en réparation du préjudice subi à raison des fautes commises par cette commune depuis le 24 mai 2007.

Par un jugement n° 1200850 du 7 février 2014, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande du GAEC d'Estèbe.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 14 avril 2014 et 10 septembre 2015, le GAEC d'Estèbe, représenté par Me F..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 7 février 2014 ;

2°) de lui adjuger l'entier bénéfice de l'intégralité du contenu de ses écritures devant le tribunal administratif de Nîmes ;

3°) à titre principal, de condamner la commune de Grandvals et la section de commune de La Brugère à lui verser la somme de 468 766, 72 euros, avec intérêts de droit à compter de la demande préalable en réparation du préjudice subi à raison des fautes commises par la commune depuis le 24 mai 2007 ;

4°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise aux fins de déterminer le montant total du préjudice subi ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Grandvals et de la section de commune de La Brugère la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les premiers juges ont entaché leur décision d'une omission à statuer sur des moyens, d'une insuffisance de motivation et d'un vice de forme, d'une erreur de fait, de qualification juridique erronée et de dénaturation manifeste des faits et violation des dispositions de l'article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales ;

- le jugement attaqué a été rendu au terme d'une procédure irrégulière, ayant méconnu les dispositions de l'article R. 611-1 du code de justice administrative et du principe du contradictoire tel que posé par les stipulations de l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le jugement attaqué a été rendu au terme d'une procédure irrégulière en méconnaissance des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, le président de la formation n'ayant pas informé les parties préalablement à la séance de jugement de ce que le litige était susceptible d'être fondé sur un moyen d'ordre public ;

- le jugement est encore entaché d'une erreur de droit dès lors qu'il a fait application de la règle jurisprudentielle dégagée par le Conseil d'Etat dans son arrêt du 30 mai 2012 ;

- l'atteinte au droit au recours justifie l'usage du pouvoir de modulation, le tribunal n'aurait en effet pas dû considérer que ses conclusions étaient mal dirigées ;

- les mémoires produits par la commune sont irrecevables, faute d'autorisation à ester en justice du conseil municipal ;

- les décisions implicites de rejet des demandes d'attributions de lots de la section de La Brugère et les délibérations du conseil municipal de Grandvals en date des 26 avril 2008 et 7 mai 2010 l'ont illégalement écarté de l'attribution des biens de la section de La Brugère ;

- les demandes d'attribution du 21 mars 2007 et du 17 mars 2008 ont été présentées par une personne physique précisant agir en qualité d'associé ;

- son domicile réel et fixe, au sens de l'article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales, est situé sur la section de La Brugère ;

- il remplit les conditions légales prévues par les dispositions de l'article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales pour bénéficier en priorité des terres appartenant à la section de La Brugère ;

- les demandes d'attribution formulées par courriers datés du 5 mai 2008 ne pouvaient être regardées, contrairement à ce qu'indique la commune, comme présentées au nom d'une exploitation individuelle ;

- les décisions implicites de rejet nées le 10 juillet 2008 sont illégales et constituent des fautes de nature à engager la responsabilité de la commune de Grandvals et ce depuis le 24 mai 2007 ;

- le préjudice subi est constitué d'une perte de revenus à hauteur de 201 857,60 euros, d'une perte des droits à paiement unique dont le montant reste à déterminer, d'une perte de fourrage à hauteur de 106 947, 64 euros, d'une perte de pâturage à hauteur de 42 238, 96 euros, d'une perte sur fumures et arrières fumures à hauteur de 17 722, 52 euros et d'un déséquilibre d'exploitation d'un montant de 100 000 euros.

Par deux mémoires en défense, enregistrés respectivement les 20 août 2014 et 17 septembre 2015, la commune de Grandvals conclut au rejet de la requête de première instance et d'appel et à la condamnation du GAEC d'Estèbe à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est tardive ;

- la requête est irrecevable eu égard au défaut d'intérêt donnant qualité pour agir au GAEC d'Estèbe ;

- les conclusions indemnitaires à l'encontre de la commune de Grandvals sont mal dirigées ;

- les conclusions indemnitaires à l'encontre de la section de commune de La Brugère sont irrecevables tout d'abord parce qu'elles n'ont pas été précédées d'une réclamation préalable présentée à ladite section, ensuite parce qu'elles constituent une demande nouvelle présentée pour la première fois en cause d'appel et enfin dès lors que le GAEC d'Estèbe n'a pas d'intérêt lui donnant qualité pour agir ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Un courrier du 7 août 2015 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience par un avis d'audience adressé le 13 octobre 2015 portant clôture d'instruction immédiate en application de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pecchioli,

- et les conclusions de M. Revert, rapporteur public.

1. Considérant que, par courrier du 23 décembre 2011 en recommandé avec accusé de réception adressé vainement au maire de Grandvals, le GAEC d'Estèbe, a réclamé la somme de 391 040 euros en réparation du préjudice qu'il estimait avoir subi du chef de l'illégalité des délibérations du conseil municipal des 31 mars 2008, 26 avril 2008 et 7 mai 2010 rejetant des demandes d'attribution de biens sectionnaux présentées par Mmes C...A...née E...et Nicole E...néeD..., et du fait des décisions implicites par lesquelles le maire de Grandvals a rejeté les demandes d'attribution de terres de ladite section formées par ces dernières le 5 mai 2008 ; que le GAEC de La Brugère a alors introduit un recours devant le tribunal administratif de Nîmes tendant à la condamnation de la commune de Grandvals à lui verser la somme de 468 766,72 euros, avec intérêts de droit ; que, par la présente requête, le GAEC sollicite l'annulation du jugement en date du 7 février 2014 par lequel le tribunal a rejeté sa demande indemnitaire ;

Sur les conclusions de la requête dirigées contre la section de commune de La Brugère :

2. Considérant qu'en première instance, le GAEC d'Estèbe n'a pas présenté de conclusions contre la section de commune de La Brugère ; que, par suite les conclusions qu'il présente contre celle-ci en appel constituent une demande nouvelle et ne sont, dès lors, pas recevables ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Considérant, d'une part, que la délibération du conseil municipal de Grandvals en date du 3 avril 2012 autorisant le maire à ester en justice, produite devant le tribunal administratif de Nîmes par la commune le 2 septembre 2013, n'a pas été communiquée au GAEC d'Estèbe ; qu'il ressort pourtant des motifs du jugement attaqué que le tribunal s'est notamment fondé sur cette délibération pour écarter la fin de non-recevoir opposée par le GAEC d'Estèbe tirée de ce que les mémoires produits par la commune étaient irrecevables en l'absence d'autorisation à ester en justice du conseil municipal ; que, d'autre part, pour rejeter la demande du GAEC d'Estèbe, le tribunal administratif a indiqué que les conclusions formées à l'encontre de la commune étaient mal dirigées ; qu'en relevant d'office ce moyen, sans en avoir préalablement informé les parties dans les conditions prévues par l'article R. 611-7 du code de justice administrative, le tribunal administratif a méconnu le principe du caractère contradictoire de la procédure ; que, dans ces conditions, le GAEC d'Estèbe est fondé à soutenir que le jugement est entaché d'irrégularité et à en demander l'annulation pour ce motif ;

4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par le GAEC d'Estèbe devant le tribunal administratif de Nîmes ;

Sur la régularité des mémoires présentés par la commune de Grandvals :

5. Considérant que la commune de Grandvals a produit la délibération du conseil municipal en date du 3 avril 2012 autorisant le maire à défendre les intérêts de la commune dans l'instance n° 1200850 et celle en date du 5 avril 2014 dans la présente instance en application des dispositions de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales ; que le GAEC d'Estèbe n'est dès lors pas fondé à soutenir que les mémoires présentés par le maire au nom de la commune de Grandvals le seraient irrégulièrement et que les conclusions qu'ils contiennent seraient irrecevables ;

Sur les conclusions dirigées contre la commune de Grandvals :

Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir soulevée par la commune de Grandvals à l'encontre du GAEC d'Estèbe et tirée du défaut d'intérêt de ce dernier lui donnant qualité pour agir.

6. Considérant qu'il résulte des dispositions des articles L. 2411-1 à L. 2411-3, L. 2411-5, L. 2411-6, L. 2411-8 et L. 2412-1 du code général des collectivités territoriales qu'une section de commune est dotée de la personnalité juridique, qu'elle dispose d'un budget qui doit être établi en équilibre réel sur lequel doivent être imputées les dépenses mises à sa charge et qu'il appartient à ses organes de décider des actions à intenter ou à soutenir en son nom propre ; que si, dans les matières autres que celles, limitativement énumérées par la loi, qui relèvent de la compétence de la commission syndicale ou de son président ou en l'absence de commission syndicale, la gestion des biens et droits de la section de commune incombe au conseil municipal ou au maire de la commune de rattachement, les décisions prises dans ce cadre par le conseil municipal ou par le maire le sont pour le compte de la section de commune et engagent la responsabilité de la section de commune ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les délibérations en date du 31 mars 2008, du 26 avril 2008 et du 7 mai 2010 ont été adoptées par le conseil municipal de Grandvals dans le cadre de sa mission de gestion des biens et droits de la section de commune de La Brugère ; qu'il en va de même des décisions implicites par lesquelles le maire de Grandvals a rejeté les demandes d'attribution de terres formées par Mmes B...E...etC... E... le 5 juillet 2008 ; que, par suite, la mise en oeuvre de la responsabilité résultant de l'illégalité de ces décisions ne pourrait être envisageable qu'à l'encontre de la section de commune de La Brugère ; que dès lors, les conclusions formées par le GAEC d'Estèbe tendant à la condamnation de la commune de Grandvals à réparer le préjudice qu'il estime avoir subi du chef de l'illégalité des décisions susmentionnées sont irrecevables ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête et d'ordonner une expertise, que la demande présentée par le GAEC d'Estèbe devant le tribunal administratif de Nîmes doit être rejetée ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la commune de Grandvals et la section de commune de La Brugère, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, versent au GAEC d'Estèbe la somme que celui-ci réclame au titre des frais qu'il a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

11. Considérant qu'il y a lieu, en revanche, de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge du GAEC d'Estèbe le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Grandvals et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement en date du 7 février 2014 du tribunal administratif de Nîmes est annulé.

Article 2 : La demande présentée par le GAEC d'Estèbe devant le tribunal administratif de Nîmes et le surplus des conclusions de la requête sont rejetés.

Article 3 : Le GAEC d'Estèbe versera à la commune de Grandvals une somme de 2 000 (deux mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au GAEC d'Estèbe et à la commune de Grandvals.

Délibéré après l'audience du 30 novembre 2015, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Pocheron, président-assesseur,

- M. Pecchioli, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 21 décembre 2015.

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N° 14MA01901


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA01901
Date de la décision : 21/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Collectivités territoriales - Commune - Biens de la commune - Intérêts propres à certaines catégories d'habitants - Sections de commune.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Responsabilité et illégalité - Illégalité n'engageant pas la responsabilité de la puissance publique.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Jean-Laurent PECCHIOLI
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : DESCRIAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 20/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-12-21;14ma01901 ?
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