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11/03/2016 | FRANCE | N°13MA03329

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre-formation à 3, 11 mars 2016, 13MA03329


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI l'Italie a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, ainsi que des pénalités correspondantes, auxquelles elle a été assujettie, au titre de l'imposition sur la plus-value de cession de l'immeuble dont elle était propriétaire à Roquebrune-Cap-Martin et qu'elle a vendu par acte du 7 mars 2008.

Par l'article 1er de son jugement n° 1103148 du 17 mai 2013, le tribunal administratif de Ni

ce a renvoyé la SCI l'Italie devant l'administration fiscale, pour qu'il soit pr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI l'Italie a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, ainsi que des pénalités correspondantes, auxquelles elle a été assujettie, au titre de l'imposition sur la plus-value de cession de l'immeuble dont elle était propriétaire à Roquebrune-Cap-Martin et qu'elle a vendu par acte du 7 mars 2008.

Par l'article 1er de son jugement n° 1103148 du 17 mai 2013, le tribunal administratif de Nice a renvoyé la SCI l'Italie devant l'administration fiscale, pour qu'il soit procédé à nouveau au calcul de l'imposition de la plus-value de cession après ventilation du prix faisant apparaître distinctement le prix de cession de la nue-propriété et celui de l'usufruit, en fonction de leur valeur réelle au jour de la vente, et en tenant compte de l'exonération de plus-value de cession de résidence principale concernant M. H... D...et, par l'article 2 du même jugement, l'a déchargée du surplus des impositions par rapport au montant de cotisations obtenu en application de la méthode mentionnée à l'article 1er.

Procédure devant la Cour :

Par un recours et des mémoires enregistrés le 2 août 2013, le 17 septembre suivant et le 25 février 2014, le ministre des finances et des comptes publics demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 1er et 2 de ce jugement du tribunal administratif de Nice ;

2°) de remettre à la charge de la SCI l'Italie la somme de 325 215 euros, correspondant aux montants dégrevés en exécution du jugement en litige à concurrence de 125 581 euros le 17 juillet 2013, puis 199 634 euros le 11 septembre 2013.

Il soutient que :

- dès lors que la cession de l'immeuble dont la SCI l'Italie était propriétaire constitue un résultat exceptionnel, les nus-propriétaires des parts sociales sont donc redevables des impôts établis sur les profits exceptionnels et notamment, ceux résultant de la plus-value réalisée sur la cession d'un élément d'actif immobilisé ;

- si l'usufruitier et le nu-propriétaire de droits sociaux démembrés peuvent, toutefois, convenir d'une répartition conventionnelle des résultats sociaux, ni les statuts, ni une quelconque convention ne prévoient une répartition des résultats sociaux différente de celle du droit commun ;

- par suite, en concluant à une ventilation du prix de cession de l'immeuble devant faire apparaître distinctement le prix de cession de la nue-propriété et celui de l'usufruit pour le calcul de la plus-value imposable réalisée par chacun des associés, sans avoir statué sur la nature du profit réalisé par la SCI l'Italie à la suite de la cession de l'immeuble dont elle était propriétaire, alors même que les dispositions de l'article 150 VF du code général des impôts ne prévoient pas, en cas de démembrement des parts sociales détenues par les associés, de répartir le prix de cession d'un immeuble dont une société est propriétaire, les premiers juges ont commis une erreur de droit.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 octobre 2013, la SCI l'Italie représentée par Me F..., demande à la Cour :

1°) de rejeter le recours du ministre des finances et des comptes publics et, par la voie de l'appel incident, de prononcer la décharge totale des impositions en litige ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les dispositions de l'article 8 du code général des impôts, lorsqu'elles traitent du démembrement de propriété, ne distinguent pas selon que le résultat est exceptionnel ou courant ;

- l'usufruitier de parts sociales a vocation aux dividendes, quelle que soit l'origine du résultat, qu'il provienne d'une cession d'actif ou d'un résultat courant ;

- cette lecture n'est en rien contraire aux droits respectifs des nus-propriétaires et usufruitiers, tels qu'ils sont organisés par le code civil, notamment l'article 578.

Un mémoire, enregistré le 22 février 2016 postérieurement à la clôture d'instruction, a été présenté par la SCI l'Italie.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus, au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Carotenuto,

- et les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public.

1. Considérant que la SCI l'Italie est une société civile immobilière dont le capital de 100 parts sociales est réparti entre M. H... D...(26 parts en pleine propriété et 72 parts en usufruit), M. A... D...(1 part en pleine propriété et 18 parts en nue-propriété), Mme G... D...épouse B...(1 part en pleine propriété et 18 parts en nue-propriété), Mlle E...D...(18 parts en nue-propriété) et Mlle C...D...(18 parts en nue-propriété) ; que la SCI l'Italie a, par acte du 7 mars 2008, vendu le bien immobilier dont elle était propriétaire à Roquebrune-Cap-Martin ; que cette société, qui n'a pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, a estimé, dès lors que le bien cédé constituait la résidence principale de M. H... D..., lequel avait vocation à appréhender 98 % du résultat social, que la plus-value correspondant à la quote-part de celui-ci était exonérée d'impôt en application de l'article 150 U-II-1° du code général des impôts à hauteur de 98 %, seul le surplus étant imposable, et a souscrit une déclaration de plus-value immobilière aux termes de laquelle ont été calculés un impôt sur le revenu à concurrence de 6 573 euros et des contributions sociales à concurrence de 4 579 euros ; que l'administration a remis en cause cette répartition, par proposition de rectification du 31 mars 2010, au motif qu'il résulte de l'article 8 du code général des impôts qu'en cas de démembrement de la propriété portant sur les parts sociales, l'usufruitier est soumis à l'impôt sur le revenu pour la quote-part correspondant aux droits dans les bénéfices courants que lui confère sa qualité d'associé, le nu-propriétaire n'étant lui, pas soumis à l'impôt sur le revenu à raison du résultat imposé au nom de l'usufruitier, mais du fait du revenu exceptionnel constitué par la plus-value de cession d'un bien immobilier appartenant à la société ; que si le service n'a pas remis en cause le fait que le bien cédé constituait la résidence principale de M. H... D...et de sa fille mineure, Mlle C...D..., il a toutefois considéré que les 56 parts détenues, soit en pleine propriété soit en nue-propriété, par M. A... D..., Mme G... D...épouse B...et Mlle E...D..., qui ne pouvaient bénéficier de l'exonération attachée à la résidence principale, correspondaient à 56 % du résultat social ; que la SCI l'Italie a contesté les impositions supplémentaires ainsi mises à sa charge devant le tribunal administratif de Nice qui, par l'article 1er du jugement attaqué du 17 mai 2013, l'a renvoyée devant l'administration fiscale pour qu'il soit procédé à nouveau au calcul de l'imposition de la plus-value de cession après ventilation du prix faisant apparaître distinctement le prix de cession de la nue-propriété et celui de l'usufruit, en fonction de leur valeur réelle au jour de la vente, et en tenant compte de l'exonération de plus-value de cession de résidence principale concernant M. H... D...et, par l'article 2 de ce jugement, l'a déchargée du surplus des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, ainsi que des pénalités correspondantes, auxquelles elle a été assujettie au titre de l'imposition sur la plus-value de cession de l'immeuble en cause, par rapport au montant de cotisation obtenu en application de la méthode mentionnée à l'article 1er ; que le ministre des finances et des comptes publics demande l'annulation de ces articles 1er et 2 ; que la SCI l'Italie, par la voie de l'appel incident, demande que soit prononcée la décharge totale des impositions en litige ;

Sur le bien-fondé des impositions :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 du code général des impôts : " Sous réserve des dispositions de l'article 6, les associés des sociétés en nom collectif et les commandités des sociétés en commandite simple sont, lorsque ces sociétés n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société. En cas de démembrement de la propriété de tout ou partie des parts sociales, l'usufruitier est soumis à l'impôt sur le revenu pour la quote-part correspondant aux droits dans les bénéfices que lui confère sa qualité d'usufruitier. Le nu-propriétaire n'est pas soumis à l'impôt sur le revenu à raison du résultat imposé au nom de l'usufruitier./ Il en est de même, sous les mêmes conditions : / 1° Des membres des sociétés civiles qui ne revêtent pas, en droit ou en fait, l'une des formes de sociétés visées à l'article 206 1 et qui, sous réserve des exceptions prévues à l'article 239 ter, ne se livrent pas à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 ; (...) " ; qu'aux termes de l'article 150 U du même code : " I.- Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices agricoles et aux bénéfices non commerciaux, les plus-values réalisées par les personnes physiques ou les sociétés ou groupements qui relèvent des articles 8 à 8 ter, lors de la cession à titre onéreux de biens immobiliers bâtis ou non bâtis ou de droits relatifs à ces biens, sont passibles de l'impôt sur le revenu dans les conditions prévues aux articles 150 V à 150 VH.../... II.- Les dispositions du I ne s'appliquent pas aux immeubles, aux parties d'immeubles ou aux droits relatifs à ces biens: / 1° Qui constituent la résidence principale du cédant au jour de la cession ; (...) " ; qu'aux termes de l'article 150 VF dudit code : " I. - L'impôt sur le revenu correspondant à la plus-value réalisée sur les biens ou droits mentionnés aux articles 150 U à 150 UC est versé par la personne physique, la société ou le groupement qui cède le bien ou le droit. / I bis. - L'impôt sur le revenu correspondant à la plus-value réalisée sur les parts mentionnées au a du II de l'article 150 UC est versé par l'établissement payeur pour le compte de la personne physique, de la société ou du groupement qui cède les parts. / II. - En cas de cession d'un bien ou d'un droit mentionné aux articles 150 U et 150 UB par une société ou un groupement qui relève des articles 8 à 8 ter, l'impôt sur le revenu afférent à la plus-value est dû au prorata des droits sociaux détenus par les associés soumis à cet impôt présents à la date de la cession de l'immeuble. L'impôt acquitté par la société ou le groupement est libératoire de l'impôt sur le revenu afférent à la plus-value dû par ces associés (...) " ; qu'en application de l'article 578 du code civil, " l'usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d'en conserver la substance " ;

3. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 8 du code général des impôts, d'une part, que les sociétés de personnes ne sont pas imposables à raison des bénéfices qu'elles ont réalisés, mais que ces bénéfices sont soumis à l'impôt sur le revenu entre les mains des associés, qui sont ainsi réputés avoir personnellement réalisé chacun une part de ces bénéfices, d'autre part, que sauf convention contraire régulièrement conclue avec l'usufruitier, ce dernier est assujetti aux impôts afférents aux bénéfices courants tandis que le nu-propriétaire est redevable des impôts établis sur les profits exceptionnels et notamment ceux résultant de plus-values sur la cession d'éléments d'actifs immobilisés ;

4. Considérant qu'il n'est pas contesté que la SCI l'Italie a pour objet la location de biens immobiliers ; que la plus-value qu'elle a réalisée au cours de l'année 2008 provient de la cession du bien immobilier susmentionné dont elle était propriétaire à Roquebrune-Cap-Martin et constitue dès lors un résultat exceptionnel ; qu'en l'absence de toute convention particulière conclue entre les associés de cette société, M. A... D..., Mme G... D...épouse B...et Mlle E...D...détenant ensemble 2 parts en pleine propriété et 54 parts en nue-propriété et ne pouvant bénéficier de l'exonération attachée à la résidence principale, doivent être imposés à raison des bénéfices réalisés en 2008 par la SCI l'Italie à proportion de leurs droits dans la société ; que par suite, seuls les détenteurs de parts en pleine propriété et en nue-propriété étant imposables sur la plus-value réalisée, c'est à tort que le tribunal administratif de Nice a considéré que le prix de cession globale de l'immeuble par la SCI l'Italie devait être ventilé de façon à faire apparaître distinctement le prix de cession de la nue-propriété et celui de l'usufruit, et a par voie de conséquence partiellement déchargé l'intimée des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales en litige ;

5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SCI l'Italie tant devant la Cour que devant le tribunal administratif de Nice ;

6. Considérant, d'une part, qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment que M. A... D..., Mme G... D...épouse B...et Mlle E...D...sont, en proportion des bénéfices sociaux correspondant aux parts dont ils détiennent la propriété et la nue-propriété, les redevables légaux de l'impôt sur le revenu afférent à la plus-value réalisée par la société appelante ; que par suite, la SCI l'Italie n'est pas fondée à soutenir que seul l'usufruitier est imposable parce qu'il a vocation aux dividendes quelle que soit l'origine du résultat, qu'il provienne d'une cession d'actif ou d'un résultat courant ;

7. Considérant d'autre part, que, si la SCI l'Italie invoque l'instruction 4 F-2-99, celle-ci ne fait pas des dispositions légales précitées une interprétation différente de celle qui précède ; qu'en outre, cette instruction n'est pas en contradiction avec l'instruction BOI 5-C-1-01 du 3 juillet 2001 relative aux règles d'imposition des plus-values de cession à titre onéreux de valeurs mobilières et de droits sociaux réalisées par les particuliers, issues de l'article 94 de la loi du 30 décembre 1999 ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre des finances et des comptes publics est fondé à demander l'annulation des articles 1er et 2 du jugement attaqué et que soit remise à la charge de la SCI l'Italie la somme de 325 215 euros, correspondant aux montants dégrevés en exécution de ce jugement ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la SCI l'Italie demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement du tribunal administratif de Nice du 17 mai 2013 sont annulés.

Article 2 : La somme globale de 325 215 (trois cent vingt-cinq mille deux cent quinze) euros est remise à la charge de la SCI l'Italie.

Article 3 : Les conclusions présentées par la SCI l'Italie devant le tribunal administratif et devant la Cour sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des finances et des comptes publics et à la SCI l'Italie.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.

Délibéré après l'audience du 23 février 2016, où siégeaient :

- M. Cherrier, président,

- M. Martin, président-assesseur,

- Mme Carotenuto, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 11 mars 2016.

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N° 13MA03329 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre-formation à 3
Numéro d'arrêt : 13MA03329
Date de la décision : 11/03/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Questions communes - Personnes imposables - Sociétés de personnes.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Plus-values des particuliers - Plus-values mobilières.


Composition du Tribunal
Président : M. CHERRIER
Rapporteur ?: Mme Sylvie CAROTENUTO
Rapporteur public ?: M. RINGEVAL
Avocat(s) : SELARL CLAUDE MARCHAL

Origine de la décision
Date de l'import : 29/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-03-11;13ma03329 ?
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