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30/03/2016 | FRANCE | N°14MA02803

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 30 mars 2016, 14MA02803


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La maison départementale des personnes handicapées de l'Aude a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 20 mars 2012 par laquelle le préfet de l'Aude a rejeté sa demande de remboursement et de condamner l'Etat à lui verser une somme de 100 785,75 euros en compensation de l'absence de mise à disposition de personnel.

Par un jugement n° 1202608 du 23 avril 2014, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

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r une requête enregistrée le 25 juin 2014, complétée par un mémoire enregistré le 18 novemb...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La maison départementale des personnes handicapées de l'Aude a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 20 mars 2012 par laquelle le préfet de l'Aude a rejeté sa demande de remboursement et de condamner l'Etat à lui verser une somme de 100 785,75 euros en compensation de l'absence de mise à disposition de personnel.

Par un jugement n° 1202608 du 23 avril 2014, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 25 juin 2014, complétée par un mémoire enregistré le 18 novembre 2015, la maison départementale des personnes handicapées de l'Aude, représentée par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 23 avril 2014 ;

2°) d'annuler la décision du préfet de l'Aude du 20 mars 2012 portant refus de remboursement ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme actualisée au 31 décembre 2014 de 201 189,75 euros assortie des intérêts et de leur capitalisation ;

4°) subsidiairement, d'ordonner une expertise afin de déterminer le montant de la dette de l'Etat ;

5°) de mettre en outre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges n'ont pas indiqué pour quel motif et par quel calcul ils retenaient que la compensation versée par l'Etat était suffisante, en méconnaissance du principe de motivation des décisions de justice ;

- l'Etat a commis une faute contractuelle de nature à engager sa responsabilité et a reconnu la réalité de sa dette ;

- l'article 14 et l'annexe de la convention constitutive du groupement d'intérêt public, qui n'ont pas été remis en cause par les parties, imposent que tous les emplois non pourvus soient compensés financièrement ;

- les subventions versées ne correspondent pas aux montants qu'elle a effectivement exposés pour le remplacement des personnels non mis à disposition ;

- le tribunal administratif a commis une erreur de droit en estimant que le contenu de la circulaire du 8 avril 2011 pouvait se substituer rétroactivement aux termes de la convention quant aux règles de calcul de la compensation ;

- elle a justifié de son préjudice détaillé correspondant à la prise en charge des effectifs non pourvus, et dont elle est tenue de rembourser le coût au département de l'Aude qui a mis à disposition des agents afin de pallier la carence de l'Etat ;

- l'Etat doit rembourser la différence de coût salarial des agents dont le calcul n'est pas contesté et qui peut faire l'objet, en tant que de besoin, d'une mesure d'expertise ;

- les sommes qui lui ont été versées par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, établissement public distinct, à des fins différentes, pour un total de 48 000 euros, ne peuvent être déduites du montant dû par l'Etat pour la compensation des postes au titre de la convention constitutive.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 octobre 2014, le ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par la maison départementale des personnes handicapées de l'Aude n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le décret n°2005-1587 du 19 décembre 2005 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Hameline,

- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant la maison départementale des personnes handicapées de l'Aude.

1. Considérant que la maison départementale des personnes handicapées de l'Aude, groupement d'intérêt public constitué par convention du 23 décembre 2005 entre le département de l'Aude, l'Etat et les caisses d'assurance maladie et d'allocations familiales de l'Aude, a réclamé le 24 janvier 2012 au préfet de l'Aude le versement d'une somme de 67 850 euros à raison de la compensation qu'elle estimait lui être encore due par l'Etat suite à l'absence de mise à disposition du groupement des moyens en personnel prévus par la convention constitutive pour la période de 2006 à 2010 ; que le préfet de l'Aude a rejeté cette réclamation par courrier du 20 mars 2012 ; que la maison départementale des personnes handicapées de l'Aude a alors saisi le tribunal administratif de Montpellier de conclusions tendant à l'annulation de cette décision et à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 67 850 euros, qu'elle a portée en cours d'instance à un montant de 100 785,75 euros en incluant en outre les années 2011 et 2012 au calcul du préjudice, ainsi que les intérêts au taux légal et leur capitalisation ; que par jugement du 23 avril 2014, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté l'ensemble de ces demandes ; que la maison départementale des personnes handicapées de l'Aude interjette appel de ce jugement, et, dans le dernier état de ses écritures devant la Cour, demande la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 201 189,75 euros correspondant au montant qu'elle estime dû du fait de l'absence de compensation totale de la mise à disposition de personnels par l'Etat à la date du 31 décembre 2014 ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que si les premiers juges relèvent, au point 3 du jugement contesté, qu' " il résulte de l'instruction " que l'Etat a versé à la maison départementale des personnes handicapées de l'Aude " des subventions de fonctionnement à compter de 2007 calculées d'après le coût réel des agents dont la mise à disposition a cessé " et en tirent la conséquence que le groupement ne peut ainsi prétendre à une indemnité " complémentaire ", ils n'indiquent pas les raisons pour lesquelles ils estiment que le montant des subventions déjà versées représentait le coût salarial exact de ces agents alors que ce point était contesté devant eux, la maison départementale des personnes handicapées ayant dénié toute équivalence entre les sommes globalisées versées et le coût réel du remplacement des personnels non mis à disposition et ayant elle-même produit un calcul différent de ce coût ; que, dans ces conditions, l'appelante est fondée à soutenir que le jugement contesté est insuffisamment motivé en méconnaissance des dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative ; qu'il est dès lors entaché d'irrégularité et doit être annulé ;

3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par la maison départementale des personnes handicapées de l'Aude devant le tribunal administratif et devant la Cour ;

Sur les conclusions présentées par la maison départementale des personnes handicapées de l'Aude :

4. Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions de première instance et d'appel formées par la requérante ;

5. Considérant qu'en application de l'article L. 146-4 du code de l'action sociale et des familles, la maison départementale des personnes handicapées est constituée sous la forme d'un groupement d'intérêt public, dont le département assure la tutelle administrative et financière et dont le département, l'Etat et les organismes locaux d'assurance maladie et d'allocations familiales du régime général de sécurité sociale sont membres de droit ; que l'article L. 146-4 de ce code prévoit à son quatorzième alinéa, dans sa rédaction applicable au présent litige que : " La convention constitutive du groupement précise notamment les modalités d'adhésion et de retrait des membres et la nature des concours apportés par eux. " ; que l'article R. 146-17 du même code dispose que : " La convention constitutive comporte obligatoirement les stipulations suivantes : / (...) 5° Nature et montant des concours des membres du groupement à son fonctionnement (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour l'exercice par la maison départementale des personnes handicapées de ses compétences en application de l'article L. 146-3 du code de l'action sociale et des familles, la participation de l'Etat à l'accomplissement des missions assurées par ce groupement d'intérêt public et notamment à ses coûts de fonctionnement et de personnel, revêt un caractère obligatoire dans son principe, et que la convention constitutive en mentionne à la fois la nature et le montant ;

6. Considérant que le groupement d'intérêt public de la maison départementale des personnes handicapées de l'Aude a été constitué, conformément aux dispositions susmentionnées du code de l'action sociale et des familles, par une convention du 23 décembre 2005 par laquelle, en vertu de son article 14, ses membres, dont l'Etat, ont mis à sa disposition des moyens sous forme notamment de personnels, toute modification des conditions d'apport devant faire l'objet d'un avenant ; que cette convention a été complétée par une annexe recensant les moyens que chaque membre s'engage à consacrer à l'exécution des missions de la maison départementale, laquelle mentionne la fourniture par l'Etat de 5,6 postes équivalents temps plein (ETP) pour le secteur " solidarité " et de 2,6 postes ETP pour le secteur " travail " ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que la convention aurait été modifiée par avenants approuvés par les membres du groupement dans les conditions fixées par son article 24 durant la période en litige ; qu'il est constant qu'en méconnaissance des stipulations de cette convention constitutive, l'Etat n'a pas mis à la disposition de la maison départementale l'intégralité des postes de personnels auxquels il s'était engagé ; que la méconnaissance par l'Etat de ses engagements présentant un caractère certain est constitutive d'une faute susceptible d'engager sa responsabilité à l'égard du groupement d'intérêt public dans la mesure où elle a causé à ce dernier un préjudice réparable, sans que l'Etat puisse utilement faire valoir ni les stipulations de l'article 5 de la convention relatives à la possibilité de moduler à l'avenir les contributions des membres du groupement, ni le principe d'annualité budgétaire ;

7. Considérant que la maison départementale des personnes handicapées de l'Aude fait valoir qu'elle a subi un préjudice dès lors que, si l'Etat lui a versé des compensations financières du fait de l'absence de mise à disposition des postes prévus, la subvention exceptionnelle de 93 970 euros qu'elle a reçue à la fin de l'année 2011 était insuffisante pour solder la compensation due au titre des postes non mis à disposition durant les années 2006 à 2010, et que les compensations ultérieurement versées de 2011 à 2014 étaient également inférieures aux coûts exposés ; qu'elle estime avoir ainsi droit à réparation à hauteur de la différence avec le coût réel des effectifs correspondants, différence qu'elle estime être de 67 850 euros pour la période de 2006 à 2010 et de 16 768 euros puis 16 168 euros pour chacune des années 2011 à 2014 ; que, toutefois, si elle affirme en particulier que les postes de professionnels de santé du secteur solidarité lui ont coûté un montant de 86 800 euros annuel en application de la règle dite de la " fongibilité asymétrique ", elle ne le démontre pas à défaut notamment de produire tout élément justifiant cette somme, alors qu'elle ne critique pas davantage de manière précise le calcul effectué par les services de l'Etat et rappelé par le préfet de l'Aude devant les premiers juges, selon lequel la compensation versée à cet égard se fondait sur le coût réel de la rémunération des professionnels de santé contractuels en poste, mis à disposition partielle ou totale du groupement lors de sa constitution ; que par ailleurs, et en tout état de cause, l'appelante qui indique elle-même que le département de l'Aude s'est substitué à l'Etat défaillant pour mettre à sa disposition les personnels manquants, n'établit pas quel montant elle aurait effectivement remboursé ou se serait engagée à rembourser au département à raison de ces postes pour la période en litige, et pas davantage qu'elle aurait dû supporter directement tout ou partie de ce coût elle-même ;

8. Considérant, enfin, qu'il résulte de l'instruction que la maison départementale des personnes handicapées de l'Aude a reçu deux versements exceptionnels en 2006 et 2007, pour un montant total de 48 000 euros, de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, établissement public habilité, selon l'article L. 14-10-5 III du code de l'action sociale et des familles applicable aux années en cause, à verser un concours direct " pour l'installation ou le fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées " ; que l'allocation de ces crédits par une personne morale distincte ne pouvait avoir pour effet de dispenser l'Etat d'assurer ses propres obligations d'apport matériel et financier en tant que membre du groupement d'intérêt public conformément à la convention constitutive de celui-ci ; que, cependant, l'appelante ne démontre pas avoir elle-même subi un préjudice lui ouvrant droit à réparation par l'Etat du fait du versement exceptionnel effectué par la Caisse à son profit en 2006 et 2007, alors même que les sommes en cause auraient été affectées à la prise en charge du coût de personnel non mis à disposition ; que les conclusions et moyens présentés sur ce point par la maison départementale devant la Cour ne peuvent donc, en toute hypothèse, être accueillis ;

9. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de diligenter l'expertise comptable demandée à titre subsidiaire par la maison départementale des personnes handicapées de l'Aude, que les conclusions présentées par celle-ci tant devant le tribunal administratif de Montpellier que dans sa requête d'appel aux fins d'annulation de la décision de rejet de sa réclamation et d'indemnisation par l'Etat doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, voit mis à sa charge tout ou partie de la somme réclamée par la maison départementale des personnes handicapées de l'Aude au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 23 avril 2014 est annulé.

Article 2 : Les conclusions présentées par la maison départementale des personnes handicapées de l'Aude devant le tribunal administratif et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la maison départementale des personnes handicapées de l'Aude et au ministre des affaires sociales et de la santé.

Copie en sera adressée au préfet de l'Aude.

Délibéré après l'audience du 7 mars 2016, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Pocheron, président-assesseur,

- Mme Hameline, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 mars 2016.

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N° 14MA02803


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA02803
Date de la décision : 30/03/2016
Type d'affaire : Administrative

Analyses

Aide sociale - Organisation de l'aide sociale.

Aide sociale - Contentieux de l'aide sociale et de la tarification.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Faits n'engageant pas la responsabilité de la puissance publique.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Marie-Laure HAMELINE
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : CABINET LABRY

Origine de la décision
Date de l'import : 09/04/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-03-30;14ma02803 ?
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