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07/04/2016 | FRANCE | N°15MA00038

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 07 avril 2016, 15MA00038


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Bastia de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008 et 2009 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009.

Par un jugement n° 1300409 en date du 6 novembre 2014, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une r

equête enregistrée le 5 janvier 2015 et des mémoires enregistrés le 29 février 2016 et le 8 mars ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Bastia de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008 et 2009 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009.

Par un jugement n° 1300409 en date du 6 novembre 2014, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 5 janvier 2015 et des mémoires enregistrés le 29 février 2016 et le 8 mars 2016, M. C..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 6 novembre 2014 ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il n'a ni visé ni analysé ses conclusions tendant à ce que soit réalisée une expertise et n'y a pas répondu ;

- la reconstitution du chiffre d'affaires est exagérée au regard des conditions d'exercice de sa profession ;

- le montant des achats retenu par le vérificateur est invraisemblable compte tenu de ce qu'il travaille seul et de ce que les conditions d'exercice de sa profession n'ont pas changé ; une expertise est nécessaire ;

- la proposition de rectification du 18 juillet 2011 est insuffisamment motivée ;

- l'administration a méconnu les obligations que lui impose l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;

- il n'a jamais reçu communication des documents sur lesquels se fonde l'administration.

Par deux mémoires enregistrés le 5 mai 2015 et le 17 mars 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Paix,

- et les conclusions de M. Maury, rapporteur public.

1. Considérant que M. C..., qui exerce la profession de boucher ambulant, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009 ; que M. C... demande l'annulation du jugement du 6 novembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008 à 2009 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2008au 31 décembre 2009 à la suite de ce contrôle ;

Sur l'étendue du litige :

2. Considérant que, par une décision du 11 février 2015, postérieure à l'introduction de la requête, prise à la suite de la procédure de redressement judiciaire prononcée par le tribunal de grande instance d'Ajaccio dont a fait l'objet M. C... et en application des dispositions du I de l'article 1756 du code général des impôts, le directeur général des finances publiques de Corse a prononcé le dégrèvement, à concurrence de la somme de 8 535 euros dont 1 310 euros en matière de taxe sur la valeur ajoutée et 7 225 euros en matière d'impôt sur le revenu, des intérêts de retard et d'une partie des pénalités mis à la charge de M. C... ; que les conclusions de la requête de M. C... sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;

Sur la régularité du jugement :

3. Considérant que s'il est loisible au juge de rejeter même implicitement une demande d'expertise, c'est à la condition que, après avoir pleinement exercé son office, il considère que la mesure d'instruction est sans intérêt pour la solution du litige ; que, par ailleurs, l'omission de visa d'un mémoire est sans incidence sur la régularité d'un jugement si ce mémoire ne comporte aucun élément auquel il n'aurait pas été répondu ;

4. Considérant que M. C... a, par mémoire enregistré le 27 septembre 2014 alors que l'instruction de l'affaire était en cours, demandé au tribunal que, dans un souci de bonne administration de la justice et alors que la reconstitution de ses recettes se fondait sur des factures d'achat qu'il contestait, soit ordonnée une expertise ; que ce mémoire n'a été ni visé ni analysé par les premiers juges, qui n'ont pas répondu à la demande d'expertise ; qu'en l'absence de toute mention dans le jugement attaqué du mémoire par lequel M. C...sollicitait une telle mesure, il n'est pas possible au juge d'appel de s'assurer que le tribunal administratif a exercé pleinement son office et décidé de rejeter implicitement la mesure d'instruction sollicitée par M. C... ; que celui-ci est, par suite, fondé à soutenir pour ce motif que le jugement est irrégulier et à demander son annulation ;

5. Considérant qu'il y a lieu pour la Cour d'évoquer l'affaire et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Bastia ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

6. Considérant, en premier lieu, que M. C... a été destinataire d'une proposition de rectification du 18 juillet 2011 suivant la procédure contradictoire de redressement en ce qui concerne les bénéfices industriels et commerciaux et la procédure de taxation d'office en matière de taxe sur la valeur ajoutée ; que la méthode de reconstitution effectuée à partir des achats et tenant compte des prix de vente et des pertes indiqués par le contribuable est clairement exposée ; que M. C... a, dès lors, été mis en mesure de contester les réintégrations ; qu'il en résulte que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la proposition de rectification ne peut qu'être écarté ;

7. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande " ; que l'obligation ainsi faite à l'administration fiscale d'informer le contribuable de l'origine et de la teneur des renseignements qu'elle a utilisés pour procéder à des rectifications a pour objet de permettre à celui-ci, notamment, de discuter utilement leur provenance ou de demander que les documents qui, le cas échéant, contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent, afin qu'il puisse vérifier l'authenticité de ces documents et en discuter la teneur ou la portée ; que la lettre du 18 août 2011 par laquelle M. C... soutient avoir demandé la communication des renseignements et documents obtenus de tiers par l'administration ne permet pas d'identifier une telle demande ; que M. C... n'établit pas avoir formulé une autre demande de communication de documents avant la mise en recouvrement des impositions ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance par l'administration fiscale des obligations prévues à l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit être écarté ;

Sur le bien-fondé des impositions :

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 193 du livre de procédure fiscale : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition " et qu'aux termes de l'article L. 192 du même livre : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. Elle incombe également au contribuable à défaut de comptabilité ou de pièces en tenant lieu, comme en cas de taxation d'office à l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle en application des dispositions des articles L. 16 et L. 69 " ;

9. Considérant que le rappel de taxe sur la valeur ajoutée réclamé à M. C... lui a été notifié suivant la procédure de taxation d'office prévue par le 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales ; que, par ailleurs, ce rappel ainsi que les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu ont été établis conformément à l'avis émis le 10 septembre 2012 par la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaire ; que l'absence de présentation de comptabilité ou de pièces en tenant lieu n'est pas contestée ; qu'il en résulte que M. C... supporte la charge de la preuve de l'exagération des bases d'imposition retenues par l'administration fiscale ;

10. Considérant qu'en l'absence de toute comptabilité, constatée par un procès-verbal de défaut de présentation du 5 mai 2011, les bénéfices industriels et commerciaux et le montant de la taxe sur la valeur ajoutée dus par M. C... ont été reconstitués à partir des achats de l'entreprise, eux-mêmes déterminés à partir des éléments recueillis auprès des fournisseurs du contribuable par le vérificateur dans l'exercice du droit de communication de l'administration fiscale ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, la reconstitution ne se fonde pas sur des bordereaux de remise en banque mais sur de véritables factures d'achats obtenues des fournisseurs ; que ces éléments ont été portés à la connaissance du contribuable, qui n'établit pas, comme il a été dit au point 7, en avoir demandé la communication avant la mise en recouvrement des impositions, au cours de l'instance qui s'est déroulée devant le tribunal administratif ; que les conditions d'exploitation des deux années 2008 et 2009 ont, compte tenu des déclarations de M. C... et de la circonstance que les achats n'avaient progressé que de 9 % entre 2008 et 2009, été regardées comme constantes ; que les prix de vente, les pertes, les frais et dépenses courants ont été déterminés à partir des affirmations du contribuable, qui n'établit pas qu'ils seraient erronés ; que, pour chaque catégorie de viande acquise par M. C..., ont été déterminés, d'une part, un pourcentage d'achat par rapport aux achats globaux et, d'autre part, un coefficient de marge ; qu'un coefficient de marge global a ensuite été déterminé pour l'entreprise ; que, si le contribuable soutient que cette reconstitution serait irréaliste dans la mesure où les achats qu'il a effectués auprès de la société JPM, son fournisseur principal, n'ont pu être aussi importants que ceux retenus par le vérificateur, l'erreur étant vraisemblablement due selon lui à une facturation défaillante de la société JPM, il ne produit aucun commencement de preuve à l'appui de ses affirmations ; que l'administration fiscale n'était pas tenue de conforter la méthode mise en oeuvre par des références à des monographies professionnelles ; que, dans ces conditions, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la reconstitution serait excessivement sommaire ou radicalement viciée ;

Sur les conclusions tendant à ce que soit ordonnée une expertise :

11. Considérant que, compte tenu de ce qui a été dit au point 10, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. C... tendant à ce que soit ordonnée une expertise ;

12. Considérant que M. C... n'est pas fondé à demander la décharge des impositions restant en litige ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : A concurrence de la somme de 8 535 (huit mille cinq cent trente-cinq) euros, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. C....

Article 2 : Le jugement n° 1300409 du tribunal administratif de Bastia est annulé.

Article 3 : La demande de M. C...présentée devant le tribunal administratif de Bastia tendant à la décharge des impositions restant à sa charge et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C..., à Me D...B...en sa qualité de mandataire judiciaire de M. C... et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est.

Délibéré à l'issue de l'audience du 24 mars 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Bédier, président de chambre,

- Mme Paix, président assesseur,

- Mme Markarian, premier conseiller.

Lu en audience publique le 7 avril 2016.

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N° 15MA00038


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA00038
Date de la décision : 07/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-04-01 Procédure. Instruction. Pouvoirs généraux d'instruction du juge.


Composition du Tribunal
Président : M. BEDIER
Rapporteur ?: Mme Evelyne PAIX
Rapporteur public ?: M. MAURY
Avocat(s) : CALEN

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-04-07;15ma00038 ?
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