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23/05/2016 | FRANCE | N°14MA02964

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 23 mai 2016, 14MA02964


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Gagneraud construction a demandé au tribunal administratif de Nice, dans une première demande, de condamner l'établissement public Côte d'Azur habitat à lui verser une somme de 448 340,28 euros HT assortie des intérêts moratoires. Dans une seconde demande, la société a porté ses conclusions à la somme de 1 932 394,19 euros HT et a demandé la désignation d'un expert.

Par un jugement n° 1103655 et n° 1301793 du 9 mai 2014, le tribunal administratif de Nice a joint les requêtes et c

ondamné l'établissement public Côte d'Azur habitat à verser à la société Gagneraud con...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Gagneraud construction a demandé au tribunal administratif de Nice, dans une première demande, de condamner l'établissement public Côte d'Azur habitat à lui verser une somme de 448 340,28 euros HT assortie des intérêts moratoires. Dans une seconde demande, la société a porté ses conclusions à la somme de 1 932 394,19 euros HT et a demandé la désignation d'un expert.

Par un jugement n° 1103655 et n° 1301793 du 9 mai 2014, le tribunal administratif de Nice a joint les requêtes et condamné l'établissement public Côte d'Azur habitat à verser à la société Gagneraud construction la somme de 69 120 euros assortie des intérêts moratoires, et mis les frais d'expertise, liquidés et taxés à hauteur de 8 718,78 euros, à la charge de l'établissement public.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 7 juillet 2014, la société Gagneraud construction, représentée par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 9 mai 2014 ;

2°) de condamner l'établissement public Côte d'Azur habitat à lui verser une somme de 150 000 euros à titre provisionnel ;

3°) d'ordonner une expertise ;

4°) de mettre à la charge de l'établissement public une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- ses demandes de première instance sont recevables ;

- l'expertise déjà réalisée n'est d'aucune utilité car l'expert n'a pas rempli sa mission ;

- l'établissement public Côte d'Azur habitat a commis des fautes qui engagent sa responsabilité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 décembre 2014, l'établissement public Côte d'Azur habitat représenté par Me A...conclut à titre principal au rejet de la requête, à l'annulation du jugement et au rejet des demandes de première instance de la société Gagneraud construction, à titre subsidiaire au rejet de la requête et à la limitation de la condamnation de l'office à la somme de 38 000 euros, ou à la condamnation du cabinet Hannouz-Janneau à relever et garantir l'office pour toute condamnation supérieure à celle fixée par le rapport d'expertise, et en tout état de cause à ce qu'il soit mis à la charge de la société Gagneraud une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les demandes de première instance méconnaissent l'article R 411-1 du code de justice administrative car elles ne contiennent pas l'exposé des conclusions et moyens ;

- la requête n° 1103655 est irrecevable car la société a méconnu les exigences de l'article 50.11 du CCAG-Travaux ;

- les demandes de la société ne sont pas fondées et une nouvelle expertise serait inutile.

Vu les autres pièces du dossier .

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marcovici,

- les conclusions de M. Thiele, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., substituant MeA..., représentant l'établissement public Côte d'Azur habitat.

1. Considérant que l'établissement public Côte d'Azur habitat, ayant pour mandataire la société Crédit agricole immobilier entreprise, a confié à la société Gagneraud construction, par un marché public de travaux à prix global et forfaitaire du 7 septembre 2009, le lot n°1 " démolitions, terrassements, gros oeuvre et maçonnerie " du marché de " redéfinition architecturale " et de " résidentialisation " de l'ensemble de bâtiments dénommé " Les anémones ", situés sur le territoire de la commune de Nice, avec une durée d'exécution de quatorze mois à compter de la date de commencement des travaux, fixée au 27 octobre 2009 par ordre de service n°1 ; que la maîtrise d'oeuvre du marché a été confiée au cabinet d'architectes Hannouz et Janneau et à la société Beterem-Ingénerie ; que la société Gagneraud construction a demandé au tribunal administratif de Nice, dans une première demande, de condamner l'établissement public Côte d'Azur habitat à lui verser une somme de 448 340,28 euros HT assortie des intérêts moratoires ; que dans une seconde demande, la société a demandé la condamnation de l'établissement public à lui verser la même somme, portée à 1 932 394,19 euros HT, et la désignation d'un expert ; que la société Gagneraud relève appel du jugement du 9 mai 2014 qui, après avoir joint les deux demandes, a limité la condamnation de l'office public de l'habitat à verser une somme de 69 120 euros ;

Sur les fins de non-recevoir opposés par l'office public Côte d'azur habitat à la demande de première instance :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours " ; que le mémoire introductif d'instance de la société Gagneraud construction enregistré le 13 mai 2013 sous le n° 1301793 au greffe du tribunal administratif de Nice demandait la condamnation de l'office public Côte d'Azur habitat à lui verser une somme de 448 340,28 euros HT et que soit ordonnée une expertise devant déterminer l'origine de retards subis par le chantier et la liste des travaux modificatifs réalisés au cours du chantier, invoquant ainsi les difficultés nées au cours de la réalisation du chantier en appui de sa demande ; qu'ainsi la demande introduite le 13 mai 2013, qui contient l'exposé des faits et des moyens et énonce des conclusions, ne méconnaît pas les dispositions de l'article R 411-1 du code de justice administrative ;

3. Considérant que l'office public Côte d'Azur habitat n'oppose aucune fin de non- recevoir contractuelle à l'encontre de la demande enregistrée au greffe du tribunal sous le n° 1301793 ; que cette demande reprenant les demandes formulées le 19 septembre 2011 par le mémoire enregistré au greffe du tribunal sous le n° 1103655, il n'y a pas lieu de statuer sur la recevabilité de cette demande, identique à la précédente ; qu'il n'y a pas davantage lieu de s'interroger sur la recevabilité de la réévaluation des conclusions à hauteur de 1 932 394,19 euros HT par le mémoire complémentaire du 10 septembre 2013 dès lors que le tribunal a limité sa condamnation à la somme de 69 120 euros ;

Sur le fond :

4. Considérant que les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en oeuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics ;

5. Considérant que la société Gagneraud construction critique le rapport d'expertise aux motifs que le rapport serait succinct et ne répondrait aux questions posées que sur deux pages alors que les observations de l'expert portent sur 13 pages ; que le rapport d'expertise, contrairement aux affirmations de la société, répond aux questions qui étaient posées à l'expert ; que si le rapport n'a pas chiffré les indemnités dues à la société, la mission de l'expert consistait à communiquer les éléments permettant au tribunal de chiffrer les préjudices subis, ce que l'expert a fait ; qu'au demeurant le tribunal a jugé qu'aucune somme n'était due à la société à ce titre ; que le rapport ne contient pas de contradictions justifiant son exclusion des pièces du dossier ; qu'enfin, il ne résulte pas de l'instruction que le rapport d'expertise serait entaché d'erreurs, ni qu'il ne rendrait pas compte de la mission qui a été confiée à l'expert ; qu'ainsi, aucun élément invoqué ou produit par la société Gagneraud construction ne justifie que la Cour ordonne une nouvelle expertise ;

6. Considérant que la société Gagneraud fait valoir, pour la première fois en appel, que l'office public Côte d'Azur habitat aurait commis des fautes ; qu'elle invoque la désorganisation du chantier et l'éviction du maître d'oeuvre en cours de chantier ; qu'il résulte de l'instruction que le chantier, initialement prévu pour une durée de 14 mois, a été réceptionné le 5 mars 2012 avec plusieurs mois de retard ; que le rapport d'expertise mentionne que les quatre avenants conclus au cours du chantier, et qui ont eu pour effet de prolonger sa durée, ont été occasionnés par des " difficultés rencontrées auprès des concessionnaires pour le dévoiement des réseaux ", des problèmes liés à la détection d'amiante insuffisante lors des premiers diagnostics, la défaillance de l'entreprise SUDEF initialement titulaire du lot 03 façades " et des " actes d'incivilités (vols, dégradations) rendant particulièrement difficile l'exécution des marchés de travaux et en particulier le respect des délais du chantier " ; que si des travaux supplémentaires ont été confiés à la société Gagneraud, et rémunérés au terme d'un avenant du 13 septembre 2013, afférents à la réalisation d'un joint de dilatation et aux parkings des bâtiments 1 et 2, il n'en résulte pas qu'une faute de la maîtrise d'ouvrage serait à l'origine de ces retards ; que l'expert conclut ses observations sur les retards en indiquant que : " II est donc indéniable que les travaux ont été prolongés en raison des difficultés du chantier et des modificatifs apportés en cours de chantier en fonction des aléas " ; que le rapport, pas davantage que les autres pièces du dossier, ne permettent ainsi de caractériser une faute du maître d'ouvrage, susceptible d'engager sa responsabilité en raison des retards subis par le chantier ; que les conclusions de la société sur ce point ne peuvent donc qu'être rejetées ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Gagneraud construction n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Nice a rejeté le surplus de ses conclusions après lui avoir alloué une somme de 69 120 euros ; que l'office public Côte d'Azur habitat n'est pas davantage fondé à demander la réformation du jugement dès lors qu'il résulte de l'instruction, ce que ne conteste pas l'office qui se borne à soutenir que le maître d'oeuvre en est responsable, que les retards ne sont en aucune manière imputable à la société requérante ;

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'office public Côte d'Azur habitat qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la société Gagneraud, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Gagneraud la somme demandée par l'office public Côte d'Azur habitat, au même titre ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Gagneraud construction est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'office public Côte d'Azur habitat sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Gagneraud construction et à l'office public Côte d'Azur habitat.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 2 mai 2016, où siégeaient :

- M. Moussaron, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- Mme Héry, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 23 mai 2016.

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N° 14MA02964


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA02964
Date de la décision : 23/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat.


Composition du Tribunal
Président : M. MOUSSARON
Rapporteur ?: M. Laurent MARCOVICI
Rapporteur public ?: M. THIELE
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS DEPLANO - MOSCHETTI - SALOMON - SIMIAN

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-05-23;14ma02964 ?
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