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09/06/2016 | FRANCE | N°14MA05258

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 09 juin 2016, 14MA05258


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Mental Performance a demandé au tribunal administratif de Marseille, dans le dernier état de ses écritures :

- d'annuler la décision de l'Ecole nationale supérieure des officiers des sapeurs-pompiers (ENSOSP) du 21 avril 2010 rejetant sa demande indemnitaire ;

- de condamner l'ENSOSP à lui verser la somme de 125 822 euros en réparation du préjudice résultant de la résiliation anticipée du marché conclu le 9 avril 2008 ;

- d'ordonner à l'ENSOSP de lui verser la somme de

25 416,67 euros restant due au titre de l'exécution du marché sous astreinte de 100 euros par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Mental Performance a demandé au tribunal administratif de Marseille, dans le dernier état de ses écritures :

- d'annuler la décision de l'Ecole nationale supérieure des officiers des sapeurs-pompiers (ENSOSP) du 21 avril 2010 rejetant sa demande indemnitaire ;

- de condamner l'ENSOSP à lui verser la somme de 125 822 euros en réparation du préjudice résultant de la résiliation anticipée du marché conclu le 9 avril 2008 ;

- d'ordonner à l'ENSOSP de lui verser la somme de 25 416,67 euros restant due au titre de l'exécution du marché sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1003128 du 21 novembre 2014, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 31 décembre 2014 et le 21 septembre 2015, la société Mental Performance, représentée par la SCP Gerbaud-Aoudiani-Canellas-Charmasson-Cotte, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 21 novembre 2014 ;

2°) de condamner l'ENSOSP à lui verser la somme de 129 311,90 euros ;

3°) d'ordonner à l'ENSOSP de lui verser la somme de 18 604,77 euros assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, au titre de l'exécution du marché ;

4°) de mettre la somme de 3 000 euros à la charge de l'ENSOSP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

A titre principal :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- la décision du 22 février 2010 portant résiliation du marché est fautive ;

- dès lors que le seuil maximum de jours de formation prévu par le marché n'était pas atteint, celui-ci était toujours en cours d'exécution ;

- elle est en droit de percevoir les sommes dues au titre de l'exécution du contrat et de frais de déplacements ;

- conformément aux stipulations de l'article 24 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de fournitures courantes et services, elle est fondée à être indemnisée des préjudices découlant de la résiliation du contrat ;

- ces préjudices sont constitués par une perte de crédibilité, la réalisation de prestations non prévues par le marché, son manque à gagner, l'annulation d'une formation et l'utilisation abusive de documents lui appartenant ;

A titre subsidiaire :

- le tribunal administratif ne pouvait soulever d'office l'irrecevabilité de ses conclusions fondées sur la responsabilité extracontractuelle ;

- ces conclusions sont recevables ;

- la responsabilité extracontractuelle de l'ENSOSP est engagée du fait de la commande de 93 jours de formation non prévus par le marché ;

- elle n'a commis aucune faute dans l'exécution des prestations qui lui étaient confiées.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 1er juillet 2015 et le 29 octobre 2015, l'Ecole nationale supérieure d'officiers des sapeurs-pompiers (ENSOSP) conclut :

1°) à titre principal au rejet de la requête ;

- à titre subsidiaire, à la réformation du jugement du tribunal administratif de Marseille en tant qu'il conclut que la décision de ne pas reconduire le marché est une décision de résiliation et au rejet des demandes indemnitaires de la société requérante ;

- dans l'hypothèse où la Cour retiendrait sa responsabilité, à un partage de cette responsabilité ;

- à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la société Mental Performance au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable comme ne soulevant aucun moyen d'appel ;

- les conclusions indemnitaires sont irrecevables en tant qu'elles excèdent le montant sollicité en première instance ;

- les conclusions fondées sur la responsabilité extracontractuelle sont irrecevables ;

- la société Mental Performance ne peut fonder son action sur la responsabilité contractuelle, le contrat ayant été entièrement exécuté à la date de décision de non reconduction ;

- la décision du 22 février 2012 ne constitue pas une décision de résiliation du contrat ;

- les autres moyens soulevés par la société Mental Performance ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 77-699 du 27 mai 1977 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de fournitures courantes et de services ;

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Le président de la Cour a désigné M. Laurent Marcovici, président assesseur, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Moussaron, président de la 6e chambre en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Héry,

- les conclusions de M. Thiele, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant la société Mental Performance, et de Me B..., représentant l'école nationale supérieure des officiers de sapeurs pompiers.

1. Considérant que l'école nationale supérieure des officiers de sapeurs pompiers (ENSOSP) a attribué à la société Mental Performance le lot n° 8 du marché de fournitures courantes et services, portant sur la formation en management des lieutenants de sapeurs pompiers professionnels ; que ce marché a été conclu le 9 avril 2008 pour une durée d'un an, renouvelable deux fois par décision expresse ; que le 22 février 2010, l'ENSOSP a informé la société Mental Performance que les formations objet du marché étaient désormais confiées au centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) et que sa décision prenait effet à compter du 1er mars 2010 ; que le 16 mars 2010, la société Mental Performance a sollicité auprès de l'ENSOSP le versement d'une somme de 100 000 euros en réparation des préjudices résultant de cette décision, outre le paiement de prestations effectuées en exécution de ce marché ; que sa demande a été rejetée le 21 avril 2010 par l'ENSOSP ; que la société Mental Performance relève appel du jugement du 21 novembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant, dans le dernier état de ses écritures, à la condamnation de l'ENSOSP à lui verser la somme de 125 822 euros en réparation du préjudice résultant de la résiliation anticipée du marché ainsi que la somme de 25 416,67 euros restant due au titre de l'exécution du marché ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés " ;

3. Considérant que le tribunal administratif n'était pas tenu de se prononcer sur le caractère fautif de la décision du 22 février 2010, la société requérante n'ayant pas soulevé ce moyen ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le jugement critiqué serait entaché d'une omission à statuer doit être écarté ;

4. Considérant que les premiers juges étaient fondés à soulever d'office l'irrecevabilité des conclusions tendant à voir reconnaître la responsabilité extracontractuelle de l'ENSOSP ;

Sur la responsabilité contractuelle de l'ENSOSP :

5. Considérant qu'aux termes de l'article 77 du code des marchés publics, dans sa rédaction applicable : " I. - Un marché à bons de commande est un marché conclu avec un ou plusieurs opérateurs économiques et exécuté au fur et à mesure de l'émission de bons de commande./ Il peut prévoir un minimum et un maximum en valeur ou en quantité ou être conclu sans minimum ni maximum./ L'émission des bons de commande s'effectue sans négociation ni remise en concurrence préalable des titulaires, selon des modalités expressément prévues par le marché./ Les bons de commande sont des documents écrits adressés aux titulaires du marché. Ils précisent celles des prestations, décrites dans le marché, dont l'exécution est demandée et en déterminent la quantité./ II. - La durée des marchés à bons de commande ne peut dépasser quatre ans (...)/ L'émission des bons de commande ne peut intervenir que pendant la durée de validité du marché. Leur durée d'exécution est fixée conformément aux conditions habituelles d'exécution des prestations faisant l'objet du marché. Le pouvoir adjudicateur ne peut cependant retenir une date d'exécution de ces bons de commande telle que l'exécution des marchés se prolonge au-delà de la date limite de validité du marché dans des conditions qui méconnaissent l'obligation d'une remise en concurrence périodique des opérateurs économiques (...) " ;

6. Considérant que, pour le lot n° 8 confié à la société Mental Performance, l'article 8 du cahier des clauses particulières (CCP) a fixé le nombre minimum de journées de formation de à 50, et le maximum à 200 ; que contrairement à ce que soutient la société requérante, qui ne peut utilement se prévaloir de la conclusion, sur un autre lot, d'un avenant définissant un volume de prestations à l'année, ces quantités ont été définies pour la durée totale du marché, incluant les éventuelles décisions de renouvellement, l'article 3 du CCP énonçant que l'estimation du nombre de jours est " calculée sur trois ans en quantité minimale et maximale " ;

7. Considérant que la société Mental Performance ne conteste pas avoir réalisé 111 jours de formation au titre de l'année 2008 et 182 jours de formation au titre de l'année 2009 ; que le montant maximum de commandes a ainsi été atteint au cours de l'année 2009 ; que, par suite, la lettre du 22 février 2010 adressée par l'ENSOSP à la société Mental Performance et l'informant de ce qu'elle avait confié les prestations de formations objet du marché à un autre prestataire à compter du 1er mars 2010 ne saurait, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, être regardée comme une décision de résiliation du marché, lequel avait pris fin du fait de l'atteinte du montant maximum prévu contractuellement ; qu'il en résulte que, comme le fait valoir l'ENSOSP, la société Mental Performance n'est pas fondée à rechercher sa responsabilité contractuelle à raison des conséquences de cette décision mais uniquement à raison de prestations réalisées pendant l'exécution du marché ;

8. Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Mental Performance devant le tribunal administratif et la Cour ;

Sur la rémunération des prestations liées à l'exécution du marché :

9. Considérant qu'aux termes de l'article 15 du cahier des clauses particulières : " (...) Le délai global de paiement est fixé à 45 jours calendaires à dater de la réception de la facture acceptée sans réserve./ La remise des factures devra être réalisée soit contre récépissé soit par un envoi permettant de donner date certaine à leur réception./ Le dépassement du délai de paiement ouvre de plein droit et sans autre formalité, pour le titulaire du marché (...), le bénéfice d'intérêts moratoires, à compter du jour suivant l'expiration de ce délai. Le taux de ces intérêts est égal à celui de l'intérêt légal augmenté de deux points. " ;

10. Considérant que la société Mental Performance sollicite le versement d'une somme de 11 340,05 euros correspondant aux intérêts moratoires afférents à vingt-huit factures émises entre le 26 mai 2008 et le 31 décembre 2009 ; que le tableau produit à l'appui de ses conclusions ne permet pas d'établir la date de réception par l'ENSOSP de ces factures ni celle de leur paiement ; que, par suite, faute pour la société requérante de justifier de la réalité de la créance dont elle se prévaut, elle ne saurait prétendre au paiement des intérêts moratoires sollicités ;

11. Considérant que la société Mental Performance sollicite le versement d'une somme de 5 449,52 euros en paiement d'une formation qui aurait été organisée les 16, 17 et 30 septembre 2009 pour deux groupes et les 14, 15 septembre et 1er octobre 2009 pour deux autres groupes ; que, comme elle l'admet, aucun bon de commande ne lui a été adressé ; que le courriel du 25 août 2009 adressé à la société par une assistante de l'ENSOSP et mentionnant qu'un bon de commande allait prochainement lui être adressé concernant ces prestations, pour un montant d'ailleurs différent, n'est pas de nature, à lui seul, à justifier que ces prestations auraient été réalisées, en l'absence notamment de production des fiches d'émargement des stagiaires qui doivent, en application de l'article 2.1.4. du CCP, être remplies pour chaque demi-journée de formation, ces fiches constituant, au sens du CCP, " un élément de justification du service fait " ; que, dès lors, l'ENSOSP ne saurait être tenue au paiement de la somme demandée à ce titre ;

12. Considérant que l'article 2.2.4. du cahier des charges pédagogiques prévoit la prise en charge directe des frais de déplacement des formateurs par l'ENSOSP ; que la société Mental Performance qui ne précise pas le détail des déplacements de ses formateurs ni ce qui leur a déjà été réglé, ne justifie pas que l'ENSOSP, qui indique sans être contestée que ces frais ont été réglés directement aux formateurs, serait redevable à la société requérante d'une somme de 1 815,20 euros au titre de ces frais de déplacement ;

Sur la responsabilité extracontractuelle de l'ENSOSP :

13. Considérant qu'il n'est pas contesté que les 93 jours de formation réalisés par la société Mental Performance au-delà du seuil maximum prévu par le marché lui ont été réglés ; que comme il a été dit, ce marché - qui avait dépassé le seuil contractuel maximum - ne pouvait faire l'objet d'une reconduction ; que, par suite, la société Mental Performance ne saurait se prévaloir d'un manque à gagner du fait de l'absence de renouvellement du marché ;

14. Considérant que la société Mental Performance n'établit pas, par la seule production d'un courriel de l'ENSOSP du 7 septembre 2009, qu'il lui aurait été demandé de concevoir un nouveau scénario pédagogique, de modifier les supports pédagogiques et d'élaborer un nouveau livret stagiaire ; qu'en outre, le scénario pédagogique produit ne mentionne aucune date de réalisation et le livret stagiaire produit en première instance est daté de 2008 ; que la société requérante ne produit aucun élément pour justifier du coût d'élaboration de ces documents ; qu'elle n'établit pas non plus que les documents ainsi réalisés auraient été utiles à l'ENSOSP ;

15. Considérant que la société Mental Performance se prévaut d'un préjudice résultant de l'utilisation abusive par l'ENSOSP de documents lui appartenant, lors de l'animation d'une formation le 8 mars 2010 par un concurrent ; que, toutefois, la seule production d'une copie du livret stagiaire ne permet pas d'en justifier ;

16. Considérant que la société Mental Performance n'établit pas que l'ENSOSP lui aurait demandé d'assurer une formation en mars 2010 ; que, par suite, elle ne saurait se prévaloir d'un préjudice à ce titre ;

17. Considérant qu'ainsi, faute pour la société Mental Performance d'établir la réalité des préjudices dont elle se prévaut, les conclusions tendant à la condamnation de l'ENSOSP sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle doivent être rejetées, sans qu'il soit besoin de statuer sur leur recevabilité ;

18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non recevoir opposées par l'ENSOSM, que la société Mental Performance n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

19. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la société Mental Performance, partie perdante dans la présente instance ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur ce fondement par l'ENSOSP ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Mental Performance est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'ENSOSP tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Mental Performance et à l'école nationale supérieure d'officiers des sapeurs pompiers.

Délibéré après l'audience du 19 mai 2016, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- Mme Héry, premier conseiller,

- M. Ouillon, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 9 juin 2016.

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N° 14MA05258


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA05258
Date de la décision : 09/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-04-02 Marchés et contrats administratifs. Fin des contrats. Résiliation.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: Mme Florence HERY
Rapporteur public ?: M. THIELE
Avocat(s) : SCP GERBAUD - AOUDIANI - CANELLAS - CHARMASSON - COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-06-09;14ma05258 ?
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