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28/06/2016 | FRANCE | N°15MA04973

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre-formation à 3, 28 juin 2016, 15MA04973


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Gurin Holding Ltd a demandé au tribunal administratif de Nice de la décharger des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contribution à cet impôt qui lui ont été réclamées au titre des exercices 2002 et 2003.

Par un jugement n° 0603439 du 13 avril 2010, le tribunal administratif de Nice a partiellement fait droit à cette demande.

Par l'article 1er d'un arrêt n° 10MA02726 du 25 juin 2013, la cour administrative d'appel de Marseille a, d'une part, annulé ce jugement du t

ribunal administratif de Nice et, d'autre part, après évocation, a réduit, par l'article 2, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Gurin Holding Ltd a demandé au tribunal administratif de Nice de la décharger des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contribution à cet impôt qui lui ont été réclamées au titre des exercices 2002 et 2003.

Par un jugement n° 0603439 du 13 avril 2010, le tribunal administratif de Nice a partiellement fait droit à cette demande.

Par l'article 1er d'un arrêt n° 10MA02726 du 25 juin 2013, la cour administrative d'appel de Marseille a, d'une part, annulé ce jugement du tribunal administratif de Nice et, d'autre part, après évocation, a réduit, par l'article 2, la base de l'impôt sur les sociétés assignée à la société Gurin Holding Ltd d'une somme de 13 064 euros au titre de l'exercice 2002 et d'une somme de 13 131 euros au titre de l'exercice 2003, a déchargé, par l'article 3, cette société des impositions correspondant à ces réductions de base, et a rejeté, par l'article 4, le surplus des conclusions de la demande.

Par une décision n°s 371486, 371628 du 16 décembre 2015, le Conseil d'Etat a, d'une part, rejeté le pourvoi du ministre délégué, chargé du budget et, d'autre part, sur pourvoi de la société Gurin Holding Ltd, a annulé l'article 4 de l'arrêt du 25 juin 2013 et renvoyé dans cette mesure l'affaire devant la Cour.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 16 juillet 2010 et des mémoires enregistrés les 1er mars 2011, 19 janvier 2016 et 22 février 2016, la société Gurin Holding Ltd, représentée par MeA..., demande à la Cour :

1°) de la décharger, en droits et pénalités, des impositions restant en litige pour des montants de 3 888 euros en ce qui concerne l'exercice 2002 et 3 582 euros en ce qui concerne l'exercice 2003 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la proposition de rectification du 25 mai 2005 est insuffisamment motivée en ce qui concerne le taux de rendement locatif retenu par le service ;

- étant une société de droit irlandais, elle ne saurait, au regard du droit interne, être assujettie à l'impôt sur les sociétés en France du seul fait de la détention d'un bien immobilier dans ce pays, mis gratuitement à la disposition de son actionnaire ;

- elle ne peut être regardée comme une société passible de cet impôt par la forme au sens de l'article 206-1 du code général des impôts ;

- elle ne peut être assimilée à une société de droit français ;

- elle n'a comme associé qu'un seul actionnaire personne physique, ce qui en l'absence d'option exercée pour l'impôt sur les sociétés ne la rend pas passible de cet impôt ;

- la mise à disposition gratuite de l'immeuble en litige à son actionnaire ne constitue pas un revenu au sens de l'article 3 de la convention fiscale franco-irlandaise ;

- la documentation administrative du 15 mai 1990 référencée 7 H-2221, désormais référencée BOI-ENR-AVS-10-10-20 et le paragraphe 28 de la documentation administrative 4 H-1413 du 1er mars 1995 désormais référencée BOI-IS-CHAMP-60-10-20 ont été méconnus ;

- le taux de rendement locatif brut de 6 % retenu par l'administration n'est pas justifié.

Par des mémoires en défense enregistrés les 21 janvier 2011, 21 juin 2011 et 29 janvier 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Gurin Holding Ltd ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention fiscale franco-irlandaise du 21 mars 1968 tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Martin,

- et les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public.

1. Considérant que la société de droit irlandais Gurin Holding Ltd, dont le siège est à Dublin et qui exerce une activité d'agent de change, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices 2002 et 2003 ; que ce contrôle a donné lieu à des rehaussements en matière d'impôt sur les sociétés et de contribution à cet impôt, notifiés par une proposition de rectification en date du 25 mai 2005 selon la procédure de taxation d'office prévue à l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, au motif que la société avait effectué un acte anormal de gestion en mettant gratuitement à la disposition de ses actionnaires une villa dont elle est propriétaire à Mandelieu-la-Napoule ; que par un jugement du 13 avril 2010, le tribunal administratif de Nice a partiellement fait droit à la demande de la société Gurin Holding Ltd tendant à la décharge des cotisations réclamées au titre des exercices 2002 et 2003 en réduisant les bases imposables d'une somme de 4 263 euros pour les deux exercices ; que la Cour a annulé ce jugement par l'article 1er d'un arrêt du 25 juin 2013, et après évocation, d'une part, a réduit, par les articles 2 et 3 du même arrêt, la base de l'impôt sur les sociétés assigné à la société Gurin Holding Ltd d'une somme de 13 064 euros au titre de l'exercice 2002 et d'une somme de 13 131 euros au titre de l'exercice 2003 et a déchargé cette société des impositions correspondant à ces réductions de base, d'autre part, par l'article 4 du même arrêt, a rejeté le surplus des conclusions de la demande ; que cependant, le Conseil d'Etat, par une décision du 16 décembre 2015, d'une part, a rejeté le pourvoi du ministre délégué, chargé du budget et d'autre part, sur pourvoi de la société Gurin Holding Ltd, a annulé l'article 4 de l'arrêt du 25 juin 2013 au motif que la Cour avait omis de répondre au moyen tiré de ce que la proposition de rectification était insuffisamment motivée en ce qui concerne la détermination du taux de rendement locatif retenu par l'administration fiscale, et a dans cette mesure renvoyé l'affaire devant la Cour ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales : " Les bases ou les éléments servant au calcul des impositions d'office sont portés à la connaissance du contribuable, trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions, au moyen d'une notification qui précise les modalités de leur détermination (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction et en particulier de la proposition de rectification du 25 mai 2005 que la société requérante n'a pas souscrit de déclarations d'impôt sur les sociétés, pour les exercices 2002 et 2003, dans les trente jours de la mise en demeure en date du 6 août 2004 qui lui en a été faite par le service et qu'elle a réceptionnée le 14 août 2004 ; que, dans ces conditions, le vérificateur a mis en oeuvre à bon droit la procédure de taxation d'office prévue par les dispositions de l'article L. 66-2° du livre des procédures fiscales ;

4. Considérant qu'il ressort de la proposition de rectification du 25 mai 2005 que pour calculer la valeur locative de l'immeuble en cause, le service a fixé à la somme de 2 800 euros / m2 la valeur vénale de cet immeuble à partir de plusieurs termes de comparaison et a appliqué à cette valeur un taux de rendement locatif moyen de 6 % pour obtenir le montant des loyers que la société requérante avait renoncé à percevoir à raison de sa propriété de Mandelieu-la-Napoule ; que si la proposition de rectification ne justifiait pas autrement que par l'absence de loyers déclarés pour des locaux similaires le taux de rendement locatif retenu pour évaluer les loyers non perçus, ce document indiquait les modalités de détermination des éléments retenus par le vérificateur pour le calcul des rehaussements en cause de manière suffisamment précise au regard des prescriptions de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales ; que, dès lors, le moyen tiré d'un défaut de motivation de la proposition de rectification du 25 mai 2005 doit être écarté ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne le principe de l'assujettissement de la société Gurin Holding Ltd à l'impôt sur les sociétés au regard de la loi nationale :

5. Considérant qu'il appartient au juge de l'impôt, saisi d'un litige portant sur le traitement fiscal d'une opération impliquant une société de droit étranger, d'identifier d'abord, au regard de l'ensemble des caractéristiques de cette société et du droit qui en régit la constitution et le fonctionnement, le type de société de droit français auquel la société de droit étranger est assimilable ; que, compte tenu de ces constatations, il lui revient de déterminer le régime applicable à l'opération litigieuse au regard de la loi fiscale française ;

6. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 206 du code général des impôts : " Sous réserve des dispositions des articles 8 ter, 239 bis AA et 1655 ter, sont passibles de l'impôt sur les sociétés, quel que soit leur objet, les sociétés anonymes, les sociétés en commandite par actions, les sociétés à responsabilité limitée n'ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes (...) et toutes autres personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif " ;

7. Considérant qu'en application de ces dispositions, une société de droit étranger est imposable à l'impôt sur les sociétés en France si elle peut être, de par sa forme, assimilée à l'une des catégories de sociétés visées par les dispositions précitées, ou si elle réalise, sur le territoire français, des opérations à caractère lucratif ; que par ailleurs le fait, pour une personne morale, qui ne serait pas, pour un autre motif, passible de l'impôt sur les sociétés, de mettre gratuitement un élément de son actif à la disposition de ses associés ne constitue pas, par lui-même, une activité lucrative ;

8. Considérant que les " private limited compagnies " de droit irlandais sont des sociétés de capitaux dans lesquelles la responsabilité des associés est limitée au montant de leurs apports ; qu'ainsi la société Gurin Holding Ltd, qui a été enregistrée en cette qualité au registre du commerce de Dublin en 1994 et a été initialement constituée par deux associés, la société Bladex Finance Ltd et jusqu'en 1999 la société Olinda Investments Inc, s'apparente à une société anonyme à responsabilité limitée française ; que si la société Gurin Holding Ltd allègue n'avoir comme associé qu'un seul actionnaire personne physique, ce qui en l'absence d'option exercée pour l'impôt sur les sociétés ne la rendrait pas passible de cet impôt, elle ne le démontre pas, alors qu'elle a notamment été constituée, ainsi qu'il vient d'être dit, par la société Bladex Finance Ltd ; que, dès lors, elle doit être regardée comme une société commerciale par sa forme, soumise de ce fait à l'impôt sur les sociétés pour l'ensemble de ses opérations, même de nature civile ; que, par suite, l'ensemble des moyens tirés par la société requérante de ce que son objet ou son activité s'opposerait à ce qu'elle entre dans le champ d'application des dispositions précitées de l'article 206 du code général des impôts ne peuvent qu'être écartés ;

En ce qui concerne le principe de l'assujettissement de la société Gurin à l'impôt sur les sociétés au regard de la convention fiscale franco-irlandaise du 21 mars 1968 :

9. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention fiscale franco-irlandaise susvisée : " 1. Les revenus provenant de biens immobiliers (...) sont imposables dans l'Etat contractant où ses biens sont situés (...) 2. L'expression " biens immobiliers " est définie conformément au droit de l'Etat contractant où les biens considérés sont situés... 3. Les dispositions des § 1 et 2 s'appliquent aux revenus provenant de l'exploitation directe, de la location ou de l'affermage, ainsi que de toute autre forme d'exploitation des biens immobiliers... " ;

10. Considérant que si la société Guring Holding Ltd se prévaut des stipulations de l'article 4-1 de la même convention fiscale selon lesquelles les bénéfices industriels et commerciaux d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables dans l'autre Etat que s'ils peuvent être rattachés à un établissement stable situé sur le territoire de celui-ci, ce moyen doit être écarté dès lors que la convention fiscale en cause institue par son article 3 un traitement particulier pour les revenus immobiliers, indépendant de la possession ou non en France d'un établissement ;

11. Considérant que la société requérante n'est pas davantage fondée à soutenir qu'au regard de l'article 3 précité de la convention fiscale franco-irlandaise, les revenus immobiliers ne sont imposés en France que dans le seul cas où des revenus ont été effectivement perçus, dès lors que cet article 3 vise " toute autre forme d'exploitation des biens immobiliers ", et donc le cas de la mise à disposition gratuite d'un bien immobilier ;

En ce qui concerne la doctrine administrative :

12. Considérant que la société requérante ne peut utilement invoquer la documentation administrative du 15 mai 1990 référencée 7 H-2221 dès lors que les énonciations de cette documentation ne concernent pas l'impôt sur les sociétés ; que si la société Gurin Holding Ltd entend se prévaloir des énonciations du paragraphe 28 de la documentation administrative 4 H 1413 du 1er mars 1995, ce moyen doit également être écarté dès lors que les énonciations ainsi invoquées sont relatives aux revenus des immeubles figurant à l'actif d'une entreprise ayant son siège en France ;

En ce qui concerne le taux de rendement locatif :

13. Considérant que la société Gurin Holding ne saurait utilement critiquer le taux de rendement locatif de 6 % retenu par l'administration, dès lors que l'arrêt n° 10MA02726 rendu par la Cour le 25 juin 2013, par son article 3 non remis en cause par la décision n°s 371486, 371628 du Conseil d'Etat en date du 16 décembre 2015, a prononcé la décharge d'une partie des impositions contestées sur la base d'un taux de rendement locatif ramené à 4,5 % ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Gurin Holding Ltd n'est pas fondée à demander la décharge des impositions restant en litige à raison des revenus qu'elle aurait pu tirer au titre des exercices 2002 et 2003 de sa propriété de Mandelieu-la-Napoule ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme quelconque au titre des frais exposés par la société requérante et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Les conclusions de la requête de la société Gurin Holding Ltd renvoyées à la Cour par la décision n°s 371486, 371628 du Conseil d'Etat en date du 16 décembre 2015 sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Gurin Holding Ltd et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.

Délibéré après l'audience du 14 juin 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Cherrier, président,

- M. Martin, président-assesseur,

- Mme Mastrantuono, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 juin 2016.

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N° 15MA04973

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre-formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA04973
Date de la décision : 28/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Textes fiscaux - Conventions internationales.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales.


Composition du Tribunal
Président : M. CHERRIER
Rapporteur ?: M. Laurent MARTIN
Rapporteur public ?: M. RINGEVAL
Avocat(s) : ROMAIN

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-06-28;15ma04973 ?
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