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04/07/2016 | FRANCE | N°15MA02270

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 04 juillet 2016, 15MA02270


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Société Nationale Corse Méditerranée (SNCM) a, d'une part, demandé à titre principal au tribunal administratif de Bastia :

- d'annuler la décision implicite née du silence gardé par l'Office des transports de la Corse sur sa demande du 28 février 2011 de compensation du surcoût des combustibles au titre de l'année 2010 dans le cadre de l'exécution du contrat de délégation de service public portant sur la desserte des lignes maritimes entre Marseille et les ports de la Corse ;

- de co

ndamner l'Office des transports de la Corse à lui verser la somme de 7 394 000 euros asso...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Société Nationale Corse Méditerranée (SNCM) a, d'une part, demandé à titre principal au tribunal administratif de Bastia :

- d'annuler la décision implicite née du silence gardé par l'Office des transports de la Corse sur sa demande du 28 février 2011 de compensation du surcoût des combustibles au titre de l'année 2010 dans le cadre de l'exécution du contrat de délégation de service public portant sur la desserte des lignes maritimes entre Marseille et les ports de la Corse ;

- de condamner l'Office des transports de la Corse à lui verser la somme de 7 394 000 euros assortie des intérêts de droit à compter de sa réclamation.

Par un jugement n° 1100533 du 7 avril 2015, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

La SNCM a, d'autre part, demandé à titre principal au tribunal administratif de Bastia :

- d'annuler la décision implicite née du silence gardé par l'Office des transports de la Corse sur sa demande du 12 novembre 2013 de compensation du surcoût des combustibles au titre des années 2011 et 2012 dans le cadre de l'exécution du contrat de délégation de service public portant sur la desserte des lignes maritimes entre Marseille et les ports de la Corse ;

- de condamner l'Office des transports de la Corse à lui verser la somme de 22 700 258 euros assortie des intérêts de droit à compter de sa réclamation.

Par un jugement n° 1301006 du 7 avril 2015, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I°) Par une requête, enregistrée le 5 juin 2015 sous le n° 15MA02270, et un mémoire enregistré le 13 mai 2016, la SNCM, représentée par la SCP Louis et Lageat, liquidateur judiciaire, représentée par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bastia n° 1301006 du 7 avril 2015 ;

2°) de condamner l'Office des transports de la Corse à lui verser la somme de 22 700 258 euros assortie des intérêts de droit à compter de sa réclamation du 12 novembre 2013 et de leur capitalisation ;

3°) de mettre la somme de 5 000 euros à la charge de l'Office des transports de la Corse au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- le contrat ne pouvait pas être écarté par les premiers juges ;

- le besoin réel de service public au sens de la jurisprudence communautaire n'a pas à être justifié en permanence ;

- à supposer établie l'organisation d'un service complémentaire, celui-ci ne pouvait être dissocié du service permanent pour déterminer l'existence d'un service d'intérêt économique général ;

- la carence de l'initiative privée doit être analysée sur l'ensemble de l'année ;

- l'existence d'une illégalité d'une particulière gravité de nature à justifier d'écarter le contrat n'est pas démontrée ;

- elle est en droit d'obtenir la compensation des surcoûts de combustible, conformément aux stipulations de l'article 7.3 de la convention ;

- les sommes lui restant dues sont justifiées par l'audit comptable réalisé à la demande de l'office des transports de la Corse ;

- sur le fondement de la responsabilité quasi-contractuelle : elle est en droit d'obtenir le remboursement des dépenses engagées ayant enrichi la personne publique ;

- la responsabilité de l'office des transports de la Corse est également susceptible d'être engagée, par suite de l'illégalité du contrat ;

- elle justifie des chefs de préjudice susceptibles d'être indemnisés au titre de l'enrichissement sans cause ainsi que des préjudices résultant de la faute commise par la collectivité territoriale de Corse à avoir signé un contrat illégal.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 janvier 2016, l'Office des transports de la Corse conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la SNCM au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la SNCM ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'illégalité de la convention conclue le 7 juin 2007.

Par un mémoire, enregistré le 1er juin 2016, l'office des transports de la Corse a présenté des observations sur le moyen relevé d'office par la Cour.

Par un mémoire, enregistré le 8 juin 2016, la SNCM a présenté des observations sur le moyen d'office relevé par la Cour.

Vu les autres pièces du dossier.

II°) Par une requête, enregistrée le 5 juin 2015 sous le n° 15MA02271, et un mémoire enregistré le 13 mai 2016, la SNCM, représentée par la SCP Louis et Lageat, liquidateur judiciaire, représentée par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bastia n° 1100533 du 7 avril 2015 ;

2°) de condamner l'Office des transports de la Corse à lui verser la somme de 3 495 450 euros assortie des intérêts de droit à compter de sa réclamation du 28 février 2011 et de la capitalisation de ces intérêts ;

3°) de mettre la somme de 5 000 euros à la charge de l'Office des transports de la Corse au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- le contrat ne pouvait pas être écarté par les premiers juges ;

- le besoin réel de service public au sens de la jurisprudence communautaire n'a pas à être justifié en permanence ;

- à supposer établie l'organisation d'un service complémentaire, celui-ci ne pouvait être dissocié du service permanent pour déterminer l'existence d'un service d'intérêt économique général ;

- la carence de l'initiative privée doit être analysée sur l'ensemble de l'année ;

- l'existence d'une illégalité d'une particulière gravité de nature à justifier d'écarter le contrat n'est pas démontrée ;

- elle est en droit d'obtenir la compensation des surcoûts de combustible, conformément aux stipulations de l'article 7.3 de la convention ;

- les sommes lui restant dues sont justifiées par l'audit comptable réalisé à la demande de l'office des transports de la Corse ;

- sur le fondement de la responsabilité quasi-contractuelle : elle est en droit d'obtenir le remboursement des dépenses engagées ayant enrichi la personne publique ;

- la responsabilité de l'office des transports de la Corse est également susceptible d'être engagée, par suite de l'illégalité du contrat ;

- elle justifie des chefs de préjudice susceptibles d'être indemnisés au titre de l'enrichissement sans cause ainsi que des préjudices résultant de la faute commise par la collectivité territoriale de Corse à avoir signé un contrat illégal.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 décembre 2015, l'Office des transports de la Corse conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la SNCM au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la SNCM ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'illégalité de la convention conclue le 7 juin 2007.

Par un mémoire, enregistré le 31 mai 2016, l'office des transports de la Corse a présenté des observations sur le moyen relevé d'office par la Cour.

Par un mémoire, enregistré le 8 juin 2016, la SNCM a présenté des observations sur le moyen d'office relevé par la Cour.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité sur l'Union européenne ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le règlement (CEE) n° 3577/92 du 7 décembre 1992 ;

- le règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 ;

- la décision de la Commission du 2 mai 2013 concernant l'aide d'Etat SA.22843 (2012/C) (ex 2012/NN) mise à exécution par la France en faveur de la Société Nationale Corse Méditerranée et de la Compagnie Méridionale de Navigation ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Héry,

- les conclusions de M. Thiele, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., représentant la SNCM, de Me C..., représentant l'office des transports de Corse et de Me A..., représentant la collectivité territoriale de Corse.

Sur la jonction :

1. Considérant que les requêtes n° 15MA02270 et n° 15MA02271 présentées pour la SNCM présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt ;

2. Considérant que la collectivité territoriale de Corse et l'office des transports de la Corse ont conclu le 7 juin 2007 avec le groupement momentané constitué de la Société Nationale Corse Méditerranée (SNCM) et de la Compagnie Méridionale de Navigation (CMN) une convention de délégation de service public portant sur la fourniture de services maritimes réguliers entre le port de Marseille et les ports de Bastia, Ajaccio, Porto-Vecchio, Propriano et Balagne, pour la période allant du 1er juillet 2007 au 31 décembre 2013 ; que la SNCM relève appel des jugements du 7 avril 2015 par lesquels le tribunal administratif de Bastia a rejeté ses demandes tendant à la condamnation de l'office des transports de la Corse à lui verser la somme de 3 495 450 euros pour l'année 2010 et la somme de 22 700 258 euros pour les années 2011 et 2012 en compensation du surcoût des dépenses de combustibles ;

Sur la régularité des jugements :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés " ;

4. Considérant, d'une part, que le moyen tiré de ce que les premiers juges auraient dû rechercher si les cahiers des charges exigeaient ou non l'utilisation de navires différents pour les services permanents et les services complémentaires a trait au bien-fondé des jugements et non à leur motivation ;

5. Considérant, d'autre part, que les jugements mentionnent que le contenu des clauses de la convention de délégation de service public prévoyant le mécanisme de compensation financière consenti aux délégataires méconnaît les dispositions des articles 107 et 108 du Traité de fonctionnement de l'Union européenne et présente ainsi un caractère illicite, que ces clauses ne sont pas divisibles selon qu'elles se rapportent au service de base ou au service complémentaire, ni divisibles des autres clauses du contrat, dès lors que leur suppression, partielle ou totale aurait pour effet de bouleverser l'économie du contrat ; que le vice ainsi relevé ne portait pas sur les conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement ; que les premiers juges, qui n'étaient donc pas tenus de justifier de la gravité d'un supposé vice du consentement, ont suffisamment motivé leurs jugements ;

Sur le bien-fondé du jugement :

6. Considérant que par arrêt n° 12MA02987 du 6 avril 2016, la Cour a annulé la délibération du 7 juin 2007 de l'assemblée territoriale de Corse attribuant au groupement constitué de la SNCM et de la CMN la délégation de service public de la desserte maritime entre le port de Marseille et les ports de Corse ainsi que la décision du même jour par laquelle le président du conseil exécutif de la collectivité territoriale de Corse a signé la convention de délégation de ce service ; que le motif retenu, qui a autorité de la chose jugée, est que l'ensemble des compensations financières prévues dans le cadre de cette convention présentent le caractère d'une aide d'Etat soumise à l'obligation de notification à la Commission européenne et, qu'en l'absence de notification préalable, cette convention est illégale ; que, par suite, dès lors que l'illégalité ainsi retenue porte sur les compensations financières prévues par ledit contrat, la SNCM ne peut rechercher la responsabilité contractuelle de l'office des transports de la Corse à raison de l'absence d'application de la clause prévoyant la compensation de la hausse du prix du carburant ;

7. Considérant que le contrat conclu le 7 juin 2007 a été mené jusqu'à son terme, permettant ainsi à la SNCM de percevoir des recettes d'exploitation sur la durée intégrale de ce contrat ; qu'elle n'établit pas que les déficits d'exploitation dont elle fait état, constitués par les charges supportées pour assurer le voyage des passagers, des véhicules et du fret, par les charges en capital afférentes aux dépenses d'investissement engagées pour le financement des navires affectés au service, par les frais financiers engagés pour financer les investissements et par les prestations supplémentaires, trouvent leur cause dans le constat d'illégalité de ce contrat ;

8. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, la délibération du 7 juin 2007 approuvant la convention du 7 juin 2007 a été annulée au motif que l'ensemble des compensations financières qui y figuraient présentent le caractère d'une aide d'Etat soumise à l'obligation de notification à la Commission européenne ; que la SNCM ne saurait par suite se prévaloir, sur un fondement quasicontractuel, de l'application de la clause prévoyant la compensation de la hausse du coût du combustible, cette clause étant illégale ; que la SNCM ne justifie pas, en tout état de cause, d'un enrichissement sans cause de la collectivité territoriale de Corse, du fait de l'exécution dudit contrat ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SNCM n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Bastia a rejeté ses demandes ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la SNCM, partie perdante dans la présente instance ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur le même fondement par l'office des transports de la Corse ;

D É C I D E :

Article 1er : Les requêtes de la société nationale Corse Méditerranée sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions de l'office des transports de Corse tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCP Louis et Lageat, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société nationale Corse Méditerranée, à l'office des transports de la Corse et à la collectivité territoriale de Corse.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2016, où siégeaient :

- M. Moussaron, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- Mme Héry, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 4 juillet 2016.

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Nos 15MA02270...


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