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20/09/2016 | FRANCE | N°14MA03057

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre - formation à 3, 20 septembre 2016, 14MA03057


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'EURL La Vague Bleue a demandé au tribunal administratif de Montpellier, par une saisine directe et une réclamation soumise d'office à ce tribunal par l'administration fiscale, de prononcer la décharge, d'une part, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2010, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 29 janvier au 31 décembre 2010, ainsi que des intérêts de retard

et majorations correspondants, d'autre part, de l'amende qui lui a été appliquée ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'EURL La Vague Bleue a demandé au tribunal administratif de Montpellier, par une saisine directe et une réclamation soumise d'office à ce tribunal par l'administration fiscale, de prononcer la décharge, d'une part, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2010, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 29 janvier au 31 décembre 2010, ainsi que des intérêts de retard et majorations correspondants, d'autre part, de l'amende qui lui a été appliquée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts.

Par un jugement n° 1300283, 1301943 du 11 juillet 2014, le tribunal administratif de Montpellier a prononcé la décharge des intérêts de retard et de l'amende, et a rejeté le surplus des conclusions des demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 4 septembre 2014 et le 24 juin 2016, l'EURL La Vague Bleue, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 11 juillet 2014 en tant qu'il a rejeté le surplus de ses demandes ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige et des pénalités y afférentes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la motivation de la décision de l'administration rejetant la réclamation préalable est erronée ;

- l'administration ne pouvait faire application de la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales en cas d'opposition à contrôle fiscal ni, par conséquent, lui infliger la majoration prévue à l'article 1732 du code général des impôts ;

- c'est à tort que le vérificateur a rejeté sa comptabilité ;

- dès lors que la procédure d'imposition d'office est irrégulière, l'administration ne pouvait procéder à une reconstitution du chiffre d'affaires ;

- cette reconstitution est arbitraire et irréaliste ;

- le vérificateur ne pouvait tenir compte, pour reconstituer son chiffre d'affaires, de la totalité du stock de vins acheté en 2010, dès lors qu'une partie de ce stock n'a été revendu qu'en 2011 ;

- le ratio retenu pour calculer le chiffre d'affaires du restaurant repose sur des données non représentatives de l'activité de la société ;

- le vérificateur aurait dû appliquer un taux de réfaction de 1 % pour tenir compte de la casse.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 janvier 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par l'EURL La Vague Bleue ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mastrantuono,

- et les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public.

1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'EURL La Vague Bleue, qui a opté pour le régime des sociétés de capitaux et exploitait alors un hôtel-restaurant situé au Barcarès (Pyrénées-Orientales), a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 29 janvier au 31 décembre 2010 ; qu'à l'issue de ce contrôle, l'administration fiscale, après avoir écarté la comptabilité et procédé à la reconstitution du chiffre d'affaires, lui a notifié des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des rehaussements en matière d'impôt sur les sociétés, selon la procédure d'évaluation d'office prévue par l'article L. 74 du livre des procédures fiscales ; que l'EURL La Vague Bleue a ainsi été assujettie, en droits et pénalités, à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 29 janvier au 31 décembre 2010, à une cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2010, ainsi qu'à l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts ; que l'EURL La Vague Bleue relève appel du jugement du tribunal administratif de Montpellier en date du 11 juillet 2014 en tant qu'il a rejeté ses demandes tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie, ainsi que de la majoration de 100 % dont ce supplément et ces rappels ont été assortis en application de l'article 1732 du code général des impôts ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Les bases d'imposition sont évaluées d'office lorsque le contrôle fiscal ne peut avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers. / Ces dispositions s'appliquent en cas d'opposition à la mise en oeuvre du contrôle dans les conditions prévues au II de l'article L. 47 A " ; qu'aux termes du II de l'article L. 47 A du même livre : " En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés et lorsqu'ils envisagent des traitements informatiques, les agents de l'administration fiscale indiquent par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées. Le contribuable formalise par écrit son choix parmi l'une des options suivantes : / a) Les agents de l'administration peuvent effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable ; / b) Celui-ci peut effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. Dans ce cas, l'administration précise par écrit au contribuable, ou à un mandataire désigné à cet effet, les travaux à réaliser ainsi que le délai accordé pour les effectuer. Les résultats des traitements sont alors remis sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget ; / c) Le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise. Il met alors à la disposition de l'administration les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle (...) " ;

3. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que l'EURL La Vague Bleue a été informée de l'engagement du contrôle par un avis de vérification du 19 janvier 2012, reçu le 24 janvier 2012, qui précisait que la première intervention aurait lieu au siège de la société le 2 février 2012 ; que le vérificateur, ayant constaté le défaut de conservation des tickets " Z " issus de la caisse enregistreuse et la comptabilisation des recettes au vu d'états incomplets ressortant du logiciel de caisse, a demandé, par une lettre du 22 février 2012, la réalisation d'un audit du système de caisse informatisé, et fixé un rendez-vous au 2 mars 2012 ; que la gérante de la société a alors indiqué au vérificateur, le 27 février 2012, qu'elle avait supprimé le logiciel de caisse et ne disposait plus d'aucune donnée ; qu'au cours de l'intervention du 2 mars 2012, le vérificateur a constaté que si les logiciels de caisse avaient été supprimés, des dossiers et fichiers afférents à ces logiciels étaient enregistrés sur un disque dur ; qu'après que la gérante a informé le vérificateur, le 5 mars 2012, que son prestataire informatique était en mesure de récupérer une partie des fichiers, le service a informé la société de son intention de mettre en oeuvre des traitements informatiques et l'a invitée à faire connaître son choix entre les différentes modalités de traitement prévues au II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales au plus tard le 8 mars 2012 ; que la société a choisi, le 12 mars 2012, après une nouvelle demande de formalisation de l'option par le service vérificateur, d'effectuer elle-même les traitements informatiques dans un délai de quinze jours ; que les résultats des traitements n'ont pas été remis au vérificateur, alors pourtant que la gérante lui avait indiqué qu'ils le seraient dans un premier temps le 26 mars 2012, puis le 30 mars 2012, puis dans la semaine du 23 avril 2012, qu'il n'a, par ailleurs, pas été donné suite par la gérante à une proposition de rendez-vous fixée au 5 ou au 6 avril 2012, et qu'une mise en garde précisant les sanctions encourues en cas d'opposition à contrôle fiscal avait été adressée à la société le 2 avril 2012 ; qu'un procès-verbal de carence dressé le 30 avril 2012 a été notifié à la société le 3 mai 2012 en l'absence de mise à disposition des résultats des traitements informatiques ;

4. Considérant, d'autre part, que si la société requérante soutient qu'elle s'est trouvée dans l'impossibilité de remettre à l'administration les résultats des traitements informatiques en raison de la suppression de logiciels, elle ne produit aucun élément de justification à l'appui de cette affirmation, alors que sa gérante, ainsi qu'il a été dit au point précédent, avait informé le vérificateur, le 5 mars 2012, que le prestataire informatique était en mesure de récupérer certaines données ; qu'au demeurant, la société requérante avait la faculté de changer d'option et de demander à l'administration de réaliser les traitements informatiques, ce qu'elle n'a pas fait ; que, par ailleurs, elle ne saurait sérieusement soutenir que l'administration aurait eu accès à l'intégralité de la comptabilité, alors que, ainsi qu'il a été dit précédemment, le vérificateur a notamment constaté le défaut de conservation des tickets " Z " issus de la caisse enregistreuse et la comptabilisation des recettes au vu d'états incomplets ressortant du logiciel de caisse ;

5. Considérant qu'il résulte de l'ensemble des circonstances précédemment décrites que l'EURL La Vague Bleue doit être regardée comme ayant adopté une attitude dilatoire constitutive d'une opposition à contrôle fiscal ; que, dans ces conditions, l'administration a pu légalement se fonder sur les dispositions combinées des articles L. 47 A et L. 74 du livre des procédures fiscales pour constater l'existence d'une telle opposition et, en conséquence, évaluer d'office les bases d'imposition de l'EURL La Vague Bleue ;

Sur le bien-fondé des impositions :

6. Considérant, en premier lieu, que la circonstance que le courrier en date du 13 novembre 2012 par lequel l'administration a notifié le rejet de la réclamation de l'EURL La Vague Bleue fait mention, par une erreur de plume, d'une période vérifiée erronée est sans influence sur la régularité du rejet de cette réclamation et sur le bien-fondé des impositions en litige ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que l'EURL La Vague Bleue conteste le rejet par l'administration de sa comptabilité au motif qu'il serait exclusivement fondé sur l'incohérence des coefficients de marge brute ; que, toutefois, le vérificateur a également relevé, ainsi qu'il a été dit précédemment, le défaut de conservation des tickets " Z " issus de la caisse enregistreuse ; qu'il a par ailleurs constaté, notamment, qu'aucune remise d'espèces n'apparaissait sur les relevés des comptes bancaires de la société, alors que des recettes en espèces avaient été comptabilisées, que la ventilation des recettes selon le taux réduit ou le taux normal de taxe sur la valeur ajoutée était opérée de façon arbitraire, et que les recettes enregistrées en comptabilité étaient globalisées par mois ; qu'eu égard à l'ensemble de ces éléments, le vérificateur a pu à bon droit tenir la comptabilité présentée par l'EURL La Vague Bleue au titre de l'exercice clos en 2010 comme non probante et procéder à la reconstitution du chiffre d'affaires de l'entreprise.

8. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition " ;

9. Considérant que l'EURL La Vague Bleue, dont les impositions ont été régulièrement établies selon la procédure d'évaluation d'office prévue par l'article L. 74 du livre des procédures fiscales, supporte la charge de la preuve de l'exagération de ses bases d'imposition ;

10. Considérant que la méthode retenue par le service pour reconstituer les recettes de l'activité de restauration a tout d'abord consisté à déterminer la quantité de vin acheté au cours de l'exercice 2010 à partir de la totalité des factures d'achat de vins présentés, corroborées par les renseignements obtenus par l'administration dans le cadre du droit de communication exercé auprès des fournisseurs ; que cette quantité de vin a été corrigée par la prise en compte du vin utilisé en cuisine, à hauteur de 1 %, des offerts, à hauteur de 5 %, et du vin vendu au bar, à hauteur de 6,4 % ; qu'afin d'évaluer les recettes de l'activité de restauration omises, le rapport existant entre le chiffre d'affaires des vins et le chiffre d'affaires total du restaurant, soit 9, 17 %, déterminé à partir de l'état statistique produit par la société au titre du mois de mai 2010, a ensuite été appliqué, en l'absence d'inventaire des stocks, à la totalité des achats de vins de l'exercice, en tenant compte des tarifs de la carte de l'année 2011 et, en ce qui concerne quatre types de vins non mentionnés sur cette carte, du tarif moyen des vins similaires ; qu'ainsi, contrairement à ce qui est soutenu, la méthode de reconstitution critiquée ne saurait être qualifiée d'" arbitraire " ; que si la société requérante fait valoir qu'une partie des vins achetés en 2010 n'a été revendue qu'en 2011, elle ne produit aucun élément probant à l'appui de cette allégation ; qu'elle ne critique pas sérieusement le ratio de 9,17 % retenu par le service, alors qu'il a été déterminé à partir du seul état statistique produit au cours du contrôle, relatif à l'un des sept mois d'ouverture de l'établissement au cours de l'exercice vérifié, et qu'il n'est pas contesté qu'il est représentatif des taux généralement constatés dans le secteur de la restauration ; que, toutefois, l'EURL La Vague Bleue soutient sans être contredite que les pertes et la casse, qui n'ont pas été prises en compte par l'administration, sont inévitables lors de l'exploitation d'un restaurant, et demande à ce titre l'application d'un abattement de 1 % des achats revendus ; qu'il y a lieu d'appliquer un tel abattement pour la détermination du chiffre d'affaires de la période en litige ; que pour le surplus, eu égard à ce qui a été dit précédemment, la société ne rapporte pas la preuve de l'exagération de ses bases d'imposition ;

Sur le surplus des pénalités :

11. Considérant qu'aux termes de l'article 1732 du code général des impôts : " La mise en oeuvre de la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales entraîne : / a. L'application d'une majoration de 100 % aux droits rappelés ou aux créances de nature fiscale qui doivent être restituées à l'Etat (...) " ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 5 du présent arrêt que la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales en cas d'opposition du contribuable au contrôle fiscal a été mise en oeuvre à bon droit à l'encontre de l'EURL La Vague Bleue ; que, par suite, la société requérante n'est pas fondée à contester la majoration de 100 % qui a assorti, sur le fondement des dispositions de l'article 1732 précité du code général des impôts, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée et la cotisation d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'EURL La Vague Bleue est seulement fondée à demander la décharge, en droits et en pénalités, de la différence entre le montant de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige et celui qui résulte de la détermination du chiffre d'affaires reconstitué en prenant en compte un abattement de 1 % des achats revendus de vins, ainsi que la réformation en ce sens du jugement du tribunal administratif de Montpellier ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de l'EURL La Vague Bleue présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : Le chiffre d'affaires de l'EURL La Vague Bleue reconstitué au titre de l'année 2010 sera déterminé en tenant compte d'un abattement de 1 % conformément aux motifs du présent arrêt.

Article 2 : L'EURL La Vague Bleue est déchargée, en droits et en pénalités, de la différence entre le montant de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre de l'exercice clos en 2010 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mise à sa charge au titre de la période du 29 janvier au 31 décembre 2010 et celui qui résulte de l'application de l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 11 juillet 2014 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de l'EURL La Vague Bleue est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL La Vague Bleue et au ministre de l'économie et des finances.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.

Délibéré après l'audience du 6 septembre 2016, où siégeaient :

- M. Cherrier, président,

- Mme Carotenuto, premier conseiller,

- Mme Mastrantuono, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 septembre 2016.

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