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03/10/2016 | FRANCE | N°14MA05228

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 03 octobre 2016, 14MA05228


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP) a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner in solidum la société Lafarge Bétons Sud, la société 3A Architectes, M. E..., la société Mediteg Iosis Méditerranée et le bureau de contrôle Socotec à lui verser la somme de 263 985,27 euros TTC assortie des intérêts moratoires à compter du 13 septembre 2011.

Par un jugement n° 1201820 du 6 novembre 2014, le tribunal administratif de Nîmes a condamné soli

dairement la société 3A Architectes et M. E... à lui verser la somme de 125 377,63 euros, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP) a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner in solidum la société Lafarge Bétons Sud, la société 3A Architectes, M. E..., la société Mediteg Iosis Méditerranée et le bureau de contrôle Socotec à lui verser la somme de 263 985,27 euros TTC assortie des intérêts moratoires à compter du 13 septembre 2011.

Par un jugement n° 1201820 du 6 novembre 2014, le tribunal administratif de Nîmes a condamné solidairement la société 3A Architectes et M. E... à lui verser la somme de 125 377,63 euros, assortie des intérêts moratoires à compter du 13 septembre 2011.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 décembre 2014 et le 28 avril 2016, la SMABTP, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 6 novembre 2014 ;

2°) à titre principal, de condamner in solidum la société 3A Architectes et M. E... à lui verser la somme de 250 755,27 euros TTC, assortie des intérêts moratoires ;

3°) à titre subsidiaire, de réduire la part de responsabilité retenue à l'encontre du centre hospitalier " Le Mas Careiron " ;

4°) de mettre à la charge in solidum de la société 3A Architectes et de M. E... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le maître d'oeuvre a manqué à son devoir de conseil en proposant de prononcer la réception sans réserves des travaux ;

- il a également commis une faute en ne mettant pas en oeuvre les mesures d'investigation nécessaires lors de l'apparition des fissures dans le béton en cours de chantier ;

- aucune faute ne peut être retenue à l'encontre du maître d'ouvrage ;

- le maître d'ouvrage avait reçu des informations erronées de la part de la maîtrise d'oeuvre, tendant à minorer l'importance de ces désordres.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 12 août 2015 et le 13 septembre 2016, M. E... et la société 3 A Architectes concluent :

- au rejet de la requête ;

- par voie d'appel incident, à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nîmes du 6 novembre 2014 ;

- à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la SMABTP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- leur responsabilité contractuelle ne peut plus être recherchée du fait de la signature du décompte général le 20 juin 2012 et du règlement du solde du marché le 22 octobre 2012 ;

- les moyens soulevés par la SMABTP ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

II. Par une requête et un mémoire, enregistrés le 6 janvier 2015 et le 13 septembre 2016, M. G... E...et la société 3A Architectes, représentés par la SCP Lévy, Balzarini, Sagnes, Serre, demandent à la Cour :

A titre principal :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 6 novembre 2014 ;

2°) de rejeter la demande de la société SMABTP ;

A titre subsidiaire :

3°) de condamner solidairement la société Egis Bâtiment Méditerranée à les relever et garantir de toute condamnation prononcée à leur encontre, à concurrence d'au moins 50 % ;

4°) de condamner in solidum les sociétés Vaucluse Provence et Socotec à les relever et garantir à hauteur d'au moins, respectivement, 35 % et 5 % des condamnations prononcées à leur encontre ;

5°) de mettre à la charge de la SMABTP ou de toute partie succombante une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la signature du décompte général définitif fait obstacle à l'engagement de leur responsabilité contractuelle ;

- la faute commise par le maître d'ouvrage en acceptant de réceptionner les travaux sans réserves est de nature à les exonérer de toute responsabilité ;

- les conclusions dirigées contre le BET Egis Bâtiment Méditerranée, membre du groupement conjoint de maîtrise d'oeuvre, ne pouvaient être rejetées comme présentées devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

- le contenu de la mission confiée au BET Egis Bâtiment Méditerranée justifie sa condamnation solidaire avec les autres membres du groupement de maîtrise d'oeuvre ;

- la responsabilité des sociétés Vaucluse Provence et Socotec a été écartée à tort par les premiers juges ;

- la responsabilité de ces sociétés doit être retenue sur le fondement des articles 1382 et suivants du code civil.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 avril 2015, la société Socotec France conclut :

- au rejet de la requête et de toute demande dirigée à son encontre ;

- à la condamnation des sociétés Lafarge Béton Sud, 3A Architectes, Mediteg Iosis Méditerranée, Vaucluse Provence, de M. E... et de leurs assureurs respectifs à la relever et garantir de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre ;

- à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. E... et de la société 3A Architectes ou de tout succombant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions de la SMABTP fondées sur la responsabilité contractuelle ou décennale des constructeurs sont irrecevables ;

- les moyens soulevés par M. E... et la société 3A Architectes ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 16 juillet 2015 et le 5 avril 2016, la SMABTP conclut :

- au rejet de la requête ;

- à la condamnation in solidum de la société 3A Architectes et de M. E... à lui verser la somme de 250 755,27 euros TTC assortie des intérêts moratoires ;

- à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge in solidum de la société 3A Architectes et de M. E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés ;

- dans l'hypothèse où une faute du maître d'ouvrage serait retenue, seule une part marginale de responsabilité devrait être laissée à sa charge, dès lors que ce dernier a reçu des informations erronées ayant minimisé l'importance des désordres.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 15 avril 2016 et le 20 avril 2016, la société Egis Bâtiment Méditerranée, venant aux droits de la société Iosis Méditerranée Bâtiment, venant elle-même aux droits de la société Mediteg, conclut :

- au rejet de la requête ;

- au rejet de la demande de la SMABTP ;

- à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge in solidum de la société 3A Architectes et de M. E... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par la société SMABTP à l'appui de sa demande ne sont pas fondés ;

- les moyens soulevés par les requérants tendant à sa mise en cause ne sont pas fondés ;

- la société Lafarge Béton Sud a commis une faute en fournissant un béton de mauvaise qualité ;

- la société Socotec a commis des fautes en s'abstenant d'effectuer ou d'exiger des contrôles sur le chantier, en ne demandant pas que lui soit communiquée la formulation du béton et en ne réalisant pas d'essais in situ ;

- les requérants ont commis une faute en n'assurant pas correctement leur mission de direction et de contrôle du chantier et d'assistance à la réception des travaux.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Héry,

- les conclusions de M. Thiele, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant la SMABTP, de Me D..., représentant M. E... et la société 3 A Architectes, de Me F..., pour la société Socotec et de Me C... pour la société Egis Bâtiments Méditerranée.

1. Considérant que, dans le cadre de la construction d'un pôle d'admission regroupant cinq unités de 20 lits, une unité de pédopsychiatrie et un accueil commun, le centre hospitalier Mas Careiron d'Uzès a conclu le 19 juin 2002 un marché de maîtrise d'oeuvre avec un groupement conjoint composé notamment de la société 3 A Architectes, de M. E... et de la société Iosis ; que le lot n° 3 " gros oeuvre " du marché de construction a été attribué à la société Vaucluse Provence par acte d'engagement du 14 février 2005, la mission de contrôle technique étant confiée à la société Socotec ; que la réception des travaux a été prononcée sans réserves le 30 juillet 2009, avec effet au 22 décembre 2008 ; que lors des travaux, des fissures sont apparues sur les voiles de béton ; que la SMABTP, assureur du centre hospitalier au titre de la garantie dommages-ouvrage, a conclu en septembre 2011 avec ce dernier un protocole d'accord aux termes duquel l'assureur s'est engagé à préfinancer le coût du paiement des travaux de remise en état du bâtiment, qui présentait depuis novembre 2005 des fissures sur les voiles en béton, à hauteur de la somme de 250 755,27 euros TTC arrêtée par l'expert judiciaire désigné par ordonnance du tribunal de grande instance de Montpellier du 5 juin 2008 ; que, par jugement du 6 novembre 2014, le tribunal administratif de Nîmes a partiellement fait droit à la demande de la SMABTP, subrogée dans les droits et actions du centre hospitalier Mas Careiron, en condamnant la société 3A Architectes et M. E... à lui verser la somme de 125 377,63 euros TTC ; que la SMABTP, d'une part, la société 3A Architectes et M. E..., d'autre part, relèvent appel de ce jugement ;

2. Considérant que les requêtes n°14MA05228 et 15MA00033, présentées respectivement pour la SMABTP et pour la société 3A Architectes et M. E..., présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la société 3A Architectes et M. E... ;

3. Considérant que la réception des travaux a été prononcée sans réserves, ce qui fait obstacle à la mise en jeu de la responsabilité contractuelle du maître d'oeuvre à raison des fautes commises pendant l'exécution du contrat ; que, par suite, la SMABTP n'est pas fondée à rechercher la responsabilité contractuelle de la société 3A Architectes et de M. E... du fait de fautes commises pendant la réalisation des travaux ;

4. Considérant que la réception sans réserve ne fait toutefois pas obstacle à la mise en jeu de la responsabilité contractuelle du maître d'oeuvre, en ce qui concerne le manquement à son devoir de conseil lors de la réception de l'ouvrage ; que cette responsabilité est susceptible d'être retenue lorsque ce dernier s'est abstenu d'attirer l'attention du maître d'ouvrage sur des désordres affectant l'ouvrage dont il pouvait avoir connaissance, en sorte que la personne publique soit mise à même de ne pas réceptionner l'ouvrage ou d'assortir la réception de réserves ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise judiciaire réalisée à la demande du centre hospitalier Mas Careiron, que les premiers désordres ont commencé à apparaître en novembre 2005, les comptes rendus de réunions de chantier des 25 novembre 2005, 2 septembre 2006 et 15 novembre 2006 mentionnant des fissures sur les voiles en béton ; que le 1er octobre 2007, la société Citadis, maître d'ouvrage délégué aux termes d'une convention conclue avec le centre hospitalier en octobre 2000, a déclaré un sinistre à la SMABTP faisant état de fissurations des murs béton intérieurs dans les zones de chantier 1 et 2 ainsi que des murs béton en façade dans les zones de chantier 3 et 6 ; que, suite au refus de son assureur d'indemniser ce sinistre, le centre hospitalier Mas Careiron a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Montpellier et a obtenu le 5 juin 2008 la désignation d'un expert aux fins, notamment, de décrire les désordres, d'en rechercher la cause et les origines et de décrire les travaux nécessaires à leur reprise ; qu'il appartenait au maître d'oeuvre d'appeler l'attention de la commune sur les désordres ainsi constatés et sur leurs possibles conséquences ;

6. Considérant, toutefois, que ces désordres, ainsi qu'il a été dit, étaient connus du centre hospitalier depuis le mois de novembre 2005 ; que ce dernier était assisté d'un maître d'ouvrage délégué spécialisé dans le domaine de la construction, qu'il a déclaré un sinistre portant sur ces désordres à son assureur et est à l'origine de la mesure d'expertise judiciaire ; qu'il a néanmoins signé les procès-verbaux de réception sans y apposer aucune réserve, alors même que les opérations d'expertise n'étaient pas achevées, le rapport de l'expert ayant été remis en avril 2011 ; que, par suite, en décidant de réceptionner l'ouvrage sans réserve, le centre hospitalier Mas Careiron a commis une faute de nature à exonérer totalement le maître d'oeuvre de sa responsabilité ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société 3A Architectes et M. E... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a retenu leur responsabilité et les a condamnés solidairement à verser la somme de 125 377,63 euros TTC à la SMABTP ; que, par voie de conséquence, la demande de la SMABTP, ses conclusions d'appel ainsi que les conclusions d'appel en garantie formées par la société 3A Architectes, M. E... et la société Socotec France doivent être, en tout état de cause, rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de chaque partie les frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1201820 du 6 novembre 2014 du tribunal administratif de Nîmes est annulé.

Article 2 : La demande de la SMABTP devant le tribunal administratif de Nîmes et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société SMABTP, à la société 3A Architectes, à M. G... E..., à la société Egis Bâtiment Méditerranée, à la société Vaucluse Provence, à la société Socotec France et à la société Lafarge Béton Sud.

Délibéré après l'audience du 19 septembre 2016, où siégeaient :

- M. Moussaron, président,

- Mme Markarian, premier conseiller,

- Mme Héry, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 3 octobre 2016.

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N° 14MA05228,15MA00033


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA05228
Date de la décision : 03/10/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Rapports entre l'architecte - l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage.

Marchés et contrats administratifs - Rapports entre l'architecte - l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage - Responsabilité contractuelle.


Composition du Tribunal
Président : M. MOUSSARON
Rapporteur ?: Mme Florence HERY
Rapporteur public ?: M. THIELE
Avocat(s) : SCP LEVY - BALZARINI - SAGNES - SERRE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-10-03;14ma05228 ?
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