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17/11/2016 | FRANCE | N°15MA04297

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 17 novembre 2016, 15MA04297


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008, 2009 et 2010.

Par un jugement n° 1400029, 1401415 du 16 juillet 2015, le tribunal administratif de Nîmes a prononcé la décharge demandée.

Procédure devant la Cour :

Par un recours enregistré le 12 novembre 2015 et un mémoire enregistré le 3 juin 2016, le ministre

des finances et des comptes publics demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 16 juillet...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008, 2009 et 2010.

Par un jugement n° 1400029, 1401415 du 16 juillet 2015, le tribunal administratif de Nîmes a prononcé la décharge demandée.

Procédure devant la Cour :

Par un recours enregistré le 12 novembre 2015 et un mémoire enregistré le 3 juin 2016, le ministre des finances et des comptes publics demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 16 juillet 2015 du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) de remettre à la charge de M. A... les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008 à 2010.

Il soutient que :

- le tribunal administratif a commis une erreur de droit en jugeant que la méthode était radicalement viciée alors que la procédure d'évaluation d'office a été appliquée dans le cadre d'une opposition à contrôle fiscal ;

- les moyens en défense soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 février 2016, M. A..., représenté par Me B... de la SCP Nataf etB..., demande à la Cour :

1°) de rejeter le recours du ministre ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal administratif de Nîmes n'a commis aucune erreur de droit en estimant que la méthode de reconstitution suivie par le service était radicalement viciée dans son principe ;

- l'administration n'a pas produit les pièces de procédure de nature à établir un taux de fraude de 2,60 % ;

- l'administration n'apporte pas la preuve du caractère non probant de la comptabilité de la société Pharmacie Grand Angles ;

- l'administration fiscale ne peut pas se prévaloir des dispositions de l'article L. 135 L du livre des procédures fiscales ;

- en l'absence de toute instance devant une juridiction pénale, l'administration ne pouvait pas exercer le droit de communication prévu à l'article L. 82 C du livre des procédures fiscales ;

- l'administration ne pouvait procéder à aucune investigation portant sur des éléments immatériels de l'entreprise dans le cadre du contrôle inopiné prévu par le 4ème alinéa de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ;

- le logiciel Caduciel ne fait pas partie du système comptable informatisé dès lors qu'aucune connexion informatique n'existe entre ce système et le logiciel comptable ;

- lors du contrôle inopiné, l'administration a omis de délivrer l'information écrite relative à la nature des investigations souhaitées et aux options prévues par l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales ;

- l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne n'ont pas été respectés ;

- l'impossibilité de contester en justice le ficher " Excel " de juin 2009 est contraire aux dispositions de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;

- l'article L. 74 du livre des procédures fiscales ne pouvait s'appliquer du fait de l'impossibilité matérielle de fournir les fichiers demandés ;

- les conditions permettant le recours à la procédure d'opposition à contrôle fiscal ne sont pas remplies.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Sauveplane,

- les conclusions de M. Maury, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant M. A....

1. Considérant que la SNC Pharmacie Grand Angles, dont M. A... était l'associé à hauteur de 50 % des parts, exploite un fonds de commerce de pharmacie ; qu'à compter du 31 mars 2008, elle s'est transformée en société d'exercice libéral à responsabilité limitée ; qu'elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les années 2008 à 2010 à l'issue de laquelle l'administration a évalué d'office son chiffre d'affaires en se fondant sur les dispositions de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales après avoir estimé qu'elle était en situation d'opposition à contrôle fiscal ; que M. A... a été en conséquence assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2008, 2009 et 2010 ; que le ministre chargé du budget relève appel du jugement du 16 juillet 2015 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a fait droit à la demande de M. A... tendant à la décharge de ces impositions ;

2. Considérant que, dans le cadre de l'exercice du droit de communication exercé auprès du vice-président du tribunal de grande instance de Nîmes, l'administration fiscale a consulté un dossier comportant un rapport d'expertise précisant les modalités d'utilisation des fonctions de suppression existant dans le programme informatique Alliance +, logiciel utilisé par la SELARL Pharmacie Grand Angles au cours des années en litige et jusqu'à la fin du mois de janvier 2011 ; qu'à compter de cette date, la SELARL Pharmacie Grand Angles a cessé d'utiliser ce logiciel au profit du logiciel Caduciel V6 ; que les données informatiques issues du logiciel Alliance + ont été transférées dans le logiciel Caduciel V6 ; que l'administration fiscale a mis en oeuvre un contrôle inopiné le 6 avril 2011 dans les locaux de la pharmacie en présence des cogérants de celle-ci et ont constaté l'absence d'utilisation du logiciel Alliance + ; que l'administration a ultérieurement demandé dans le cadre de la vérification de comptabilité, sur le fondement du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, la communication des fichiers utilisés par le logiciel Alliance + et notamment le fichier intitulé " A_futil.d " ; qu'en raison du transfert des données du logiciel Alliance + vers le logiciel Caduciel V6 réalisé antérieurement aux opérations de contrôle, la SELARL Pharmacie Grand Angles s'est trouvée dans l'impossibilité matérielle de satisfaire à la demande de l'administration, ainsi que l'atteste le courrier du 27 mai 2011 du prestataire informatique de la SELARL Pharmacie Grand Angles et de fournir une copie du fichier " A_futil.d " qui ne contenait aucune information technique ou comptable nécessaire au fonctionnement du logiciel Caduciel V6 ou au transfert des données comptables d'un programme informatique à l'autre ; que l'administration a alors dressé un procès-verbal d'opposition à contrôle fiscal et a procédé à la reconstitution du chiffre d'affaires de la société au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010 en évaluant les conséquences de l'utilisation de la fonction du logiciel Alliance +, qui permettait de supprimer de l'historique de la caisse en cours des factures sans tiers-payant réglées en espèces, à 2 % du chiffre d'affaires hors taxes de l'entreprise ; que ce chiffre a été fixé à partir du pourcentage moyen de minoration de chiffre d'affaires de 2,6 % relevé par l'administration fiscale lors du contrôle des officines de pharmacie du Gard utilisant le logiciel Alliance + ;

3. Considérant que, pour prononcer la décharge qui leur était demandée, les premiers juges se sont fondés sur le caractère radicalement vicié de la méthode de l'administration qui, selon eux, se référait uniquement et sans autre précision à un taux moyen de fraude d'officines de pharmacies du département du Gard au surplus non identifiées ; que le ministre soutient que le tribunal administratif a commis une erreur de droit en jugeant que la méthode était radicalement viciée alors que la procédure d'évaluation d'office a été appliquée dans le cadre d'une opposition à contrôle fiscal ;

4. Considérant que, si l'administration peut utiliser, en vue de déterminer les bases d'imposition d'un contribuable, les informations qu'en usant régulièrement de son droit de communication, elle a recueillies sur l'activité d'un tiers, de tels éléments ne sauraient, toutefois, être utilement opposés à l'intéressé que s'ils sont, en outre, corroborés par des constatations propres à son entreprise, à ses activités ou à sa situation ; qu'elle peut néanmoins se fonder sur les seuls éléments recueillis auprès de tiers lorsque le contribuable ne lui fournit aucun élément propre à son entreprise, à ses activités ou à sa situation ;

5. Considérant qu'il est constant que la SELARL Pharmacie Grand Angles disposait d'une comptabilité informatique et ne s'est jamais opposée à la consultation par l'administration fiscale de sa comptabilité ou des fichiers informatiques issus du logiciel Caduciel V6 ; qu'en revanche, si elle n'a pas pu satisfaire à la demande de l'administration de consultation du fichier " A_futil.d ", généré par le seul logiciel Alliance +, elle n'avait aucune obligation légale de conserver une copie de ce fichier informatique, qui ne contenait aucune information technique ou comptable nécessaire au fonctionnement du logiciel Caduciel V6 ou à la migration des données comptables d'un programme informatique à l'autre ; que la société était libre d'utiliser le logiciel Caduciel V6 ou tout autre logiciel pour tenir sa comptabilité et satisfaire ainsi aux obligations comptables prévues aux articles L. 123-12 et suivants du code de commerce ; qu'au demeurant, le requérant soutient, sans être contredit par l'administration, que le logiciel Caduciel ne fait pas partie du système comptable informatisé dès lors qu'aucune connexion informatique n'existe entre ce système et le logiciel comptable ; que l'administration n'a jamais contrôlé ni critiqué la comptabilité de la SELARL Pharmacie Grand Angles et s'est bornée à dresser un procès-verbal d'opposition à contrôle fiscal en raison de l'impossibilité de consulter un fichier informatique ne contenant aucune information comptable ; qu'ainsi, l'administration n'était privée d'aucune information comptable utile pour pouvoir corroborer, à partir des constatations propres à l'entreprise, les informations obtenues de tiers relatives au pourcentage moyen de minoration de chiffre d'affaires relevé lors du contrôle des officines de pharmacie du Gard utilisant le logiciel Alliance +, lesquelles ne concernaient pas directement la formation du chiffre d'affaires de la SELARL Pharmacie Grand Angles ; que, dès lors, la méthode de reconstitution, qui s'appuyait uniquement sur des données extérieures à la société alors que celle-ci avait fourni les éléments propres à son entreprise, à ses activités et à sa situation, était, comme l'a retenu à bon droit le tribunal administratif de Nîmes, radicalement viciée ; que la circonstance que la SELARL Pharmacie Grand Angle se serait trouvée en situation d'opposition à contrôle fiscal demeure sans incidence en l'espèce dès lors que l'administration avait toujours accès à la comptabilité régulièrement tenue par la société ;

6. Considérant que, dès lors qu'il constatait le caractère radicalement vicié de la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires de la SNC Pharmacie Grand Angles, devenue la SELARL du même nom, c'est à bon droit que le tribunal administratif a prononcé la décharge des suppléments d'imposition qui procédaient de cette reconstitution et qui ont été mis à la charge de M. A... dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux au titre de l'année 2008 et dans celle des revenus de capitaux mobiliers au titre des années 2009 et 2010 ; qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie et des finances n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a déchargé M. A... des impositions supplémentaires en litige ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que l'Etat étant partie perdante dans la présente instance, il y a lieu de mettre à sa charge la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le recours du ministre des finances et des comptes publics est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie et des finances et à M. C... A....

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est.

Délibéré après l'audience du 3 novembre 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Bédier, président,

- Mme Paix, président assesseur,

- M. Sauveplane, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 novembre 2016.

4

N° 15MA04297


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA04297
Date de la décision : 17/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Liquidation de la taxe - Déductions - Conditions de la déduction.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Liquidation de la taxe - Fraude.


Composition du Tribunal
Président : M. BEDIER
Rapporteur ?: M. Mathieu SAUVEPLANE
Rapporteur public ?: M. MAURY
Avocat(s) : SCP NATAF et PLANCHAT

Origine de la décision
Date de l'import : 29/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2016-11-17;15ma04297 ?
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