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11/04/2017 | FRANCE | N°15MA02177

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre - formation à 3, 11 avril 2017, 15MA02177


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Les Acacias a demandé au tribunal administratif de Montpellier, d'une part, de prononcer à titre principal la décharge, ou à titre subsidiaire la réduction, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, assortis des intérêts de retard, qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er mai 2010 au 30 juin 2012, et, d'autre part, de prononcer la décharge de la taxe sur les salaires mise à sa charge au titre des années 2010 et 2011, ainsi que des intérêts

de retard y afférents.

Par un jugement n° 1305733 du 16 avril 2015, le tribunal a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Les Acacias a demandé au tribunal administratif de Montpellier, d'une part, de prononcer à titre principal la décharge, ou à titre subsidiaire la réduction, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, assortis des intérêts de retard, qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er mai 2010 au 30 juin 2012, et, d'autre part, de prononcer la décharge de la taxe sur les salaires mise à sa charge au titre des années 2010 et 2011, ainsi que des intérêts de retard y afférents.

Par un jugement n° 1305733 du 16 avril 2015, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête du 27 mai 2015 et des mémoires enregistrés les 30 octobre 2015, 4 mars 2016, 11 octobre 2016 et 9 février 2017, la SAS Les Acacias, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 16 avril 2015 ;

2°) de prononcer la décharge de l'intégralité des impositions contestées et des pénalités correspondantes ou, à défaut, de prononcer la réduction, à concurrence de 9 595,25 euros, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige et des pénalités y afférentes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les frais généraux n'étant intégrés qu'au prix de la prestation d'hébergement, restauration comprise, et à celui de la prestation liée à la dépendance, la taxe sur la valeur ajoutée qui s'y rapporte est intégralement déductible dans son intégralité par application des dispositions de l'alinéa 3 de l'article 1er de la directive européenne n° 2006/112/CE du 28 novembre 2006 et de l'article 271-I-1 du code général des impôts, telles qu'interprétées notamment par la Cour de justice de l'Union européenne ;

- en appliquant un coefficient de déduction limité à 67,2 % pour 2010, 68,6 % pour 2011 et 68,6 % pour 2012, l'administration a violé le principe de neutralité du système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;

- à titre subsidiaire, pour les charges et biens spécifiques qui ont un lien direct, immédiat et exclusif avec une prestation soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, la déduction doit être admise en application des articles 1 alinéa 3 et 173 de la directive européenne de 2006, des articles 271-I-1 et 273 du code général des impôts, et de l'article 206-III de l'annexe II à ce code ;

- la taxe sur les salaires qui lui est réclamée n'est pas exigible dès lors qu'elle ne peut concerner que les salaires des personnels affectés à l'activité de soins, laquelle est exonérée de taxe sur la valeur ajoutée ;

- la direction spécialisée de contrôle fiscal nord a pris la décision, sur la base de l'arrêt du Conseil d'Etat n° 390874 du 5 octobre 2016, de dégrever les rappels de taxe sur la valeur ajoutée réclamés à la SAS La Closerie des Tilleuls à la suite de la remise en cause des droits à déduction exercés par cette société, qui exploite comme elle un établissement d'hébergement de personnes âgées dépendantes.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 8 octobre 2015 et le 23 août 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SAS Les Acacias ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive n° 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Chevalier-Aubert,

- et les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public.

1. Considérant que la SAS Les Acacias exploite un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, relevant du 6° de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles, dans lequel sont rendues, d'une part, des prestations de soins, exonérées de taxe sur la valeur ajoutée en application du 1 ter du 4 de l'article 261 du code général des impôts, d'autre part, des prestations d'hébergement et de restauration, ainsi que des prestations liées à la dépendance, imposables à la taxe sur la valeur ajoutée ; que cette société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté sur la période allant du 22 mars 2010 au 31 décembre 2011, prorogée jusqu'au 30 juin 2012 en matière de taxe sur la valeur ajoutée, à l'issue de laquelle l'administration, faisant application du coefficient de déduction prévu par l'article 205 de l'annexe II au code général des impôts, a notamment rappelé une partie de la taxe sur la valeur ajoutée initialement déduite ; que la société Les Acacias relève appel du jugement, en date du 16 avril 2015 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la décharge, d'une part, des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des intérêts de retard correspondants qui lui ont été réclamés pour la période du 1er mai 2010 au 30 juin 2012, d'autre part, de la taxe sur les salaires mise à sa charge au titre des années 2010 et 2011, ainsi que des intérêts de retard y afférents ;

Sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

2. Considérant qu'aux termes du 1 du I de l'article 271 du code général des impôts : " La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération " ; qu'aux termes du 1 de l'article 273 du même code : " 1. Des décrets en Conseil d'Etat déterminent les conditions d'application de l'article 271. / Ils fixent notamment : / (...) - les modalités suivant lesquelles la déduction de la taxe ayant grevé les biens ou services qui ne sont pas utilisés exclusivement pour la réalisation d'opérations imposables doit être limitée ou réduite " ; qu'aux termes de l'article 205 de l'annexe II au code général des impôts : " La taxe sur la valeur ajoutée grevant un bien ou un service qu'un assujetti à cette taxe acquiert, importe ou se livre à lui-même est déductible à proportion de son coefficient de déduction. " ; qu'aux termes de l'article 206 de cette même annexe : " I. - Le coefficient de déduction mentionné à l'article 205 égal au produit des coefficients d'assujettissement, de taxation et d'admission. II. - Le coefficient d'assujettissement d'un bien ou d'un service est égal à sa proportion d'utilisation pour la réalisation d'opérations imposables. Les opérations imposables s'entendent des opérations situées dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée en vertu des articles 256 et suivants du code général des impôts, qu'elles soient imposées ou légalement exonérées. " ;

3. Considérant qu'il résulte des dispositions visées au point 2, à la lumière, notamment, de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 29 octobre 2009, Skatteverket c/ AB SKF, C-29/08, relatif à l'interprétation des dispositions communautaires dont elles assurent la transposition et qui figurent, pour la période litigieuse, aux articles 1er, 168 et 173 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, en premier lieu, que le droit à déduction existe dans le cas où l'opération en amont soumise à cette taxe se trouve en lien direct et immédiat avec une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction, en deuxième lieu, que, si tel n'est pas le cas, il y a lieu d'examiner si les dépenses effectuées pour acquérir des biens ou des services en amont font partie des frais généraux liés à l'ensemble de l'activité économique de l'assujetti et, en troisième lieu, que, dans l'un ou l'autre cas, l'existence d'un lien direct et immédiat présuppose que le coût des prestations en amont est incorporé respectivement dans le prix des opérations particulières en aval ou dans le prix des biens ou des services fournis par l'assujetti dans le cadre de ses activités économiques ; qu'ainsi, si, en règle générale, la déductibilité n'est que partielle, à hauteur du prorata de déduction, lorsque les biens ou services sont utilisés concurremment pour la réalisation d'opérations taxées et pour la réalisation d'opérations exonérées, elle est intégrale dans l'hypothèse particulière où l'assujetti est tenu de répercuter l'intégralité du coût de ces dépenses dans le prix de ses seules opérations taxées, alors même que les dépenses seraient aussi utilisées pour les opérations exonérées ;

4. Considérant que les dépenses d'administration générale d'un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes et de fonctionnement et d'entretien général de ses bâtiments concourent tant à la réalisation des prestations de soins qu'à la réalisation des prestations d'hébergement et de restauration et des prestations liées à la dépendance ; que toutefois, en vertu des articles R. 314-158 à R. 314-163 du code de l'action sociale et des familles et de l'annexe 3-2 à ce code, l'ensemble de ces dépenses est obligatoirement incorporé dans les tarifs afférents à l'hébergement et à la dépendance, lesquels sont imposés à la taxe sur la valeur ajoutée, et non dans le tarif afférent aux soins, qui n'incorpore que les charges relatives aux prestations de soins, à l'emploi du personnel assurant les soins et au matériel médical ; que, dès lors, ces dépenses ne peuvent être regardées comme faisant partie des éléments constitutifs du prix des prestations de soins, qui sont les seules à être exonérées de la taxe ; qu'il n'est pas contesté que les frais et charges d'administration générale, de fonctionnement et d'entretien général des bâtiments de la SAS Les Acacias, au titre desquels les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige ont été mis à la charge de cette société, ont été intégralement incorporés dans le prix des prestations relatives à l'hébergement et à la dépendance ; qu'ainsi, l'administration ne pouvait remettre en cause, par l'application du coefficient prévu à l'article 205 code général des impôts, la déduction intégrale de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les frais et charges ci-dessus mentionnés ;

Sur la taxe sur les salaires :

5. Considérant qu'aux termes de l'article 231 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " 1. Les sommes payées à titre de rémunérations sont soumises à une taxe sur les salaires égale à 4,25 % de leur montant, (...) et à la charge des personnes ou organismes, (...), qui paient ces rémunérations lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations. L'assiette de la taxe due par ces personnes ou organismes est constituée par une partie des rémunérations versées, déterminée en appliquant à l'ensemble de ces rémunérations le rapport existant, au titre de cette même année, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total. (...) " ;

6. Considérant que la société Les Acacias n'allègue pas avoir, durant les années concernées, constitué de secteurs distincts d'activité pour l'exercice de ses droits à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ; que, dès lors, contrairement à ce que soutient la requérante, l'assiette de la taxe sur les salaires devait comprendre les rémunérations versées à l'ensemble des salariés et non seulement les salaires des personnels affectés à l'activité de soins ; qu'ainsi et alors qu'elle ne conteste pas ne pas avoir été taxée sur 90 % au moins de son chiffre d'affaires des années concernées, sa demande de décharge des impositions en litige ne peut être accueillie ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Les Acacias est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a, par le jugement attaqué, rejeté sa demande tendant à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des intérêts de retard correspondants qui lui ont été réclamés pour la période du 1er mai 2010 au 30 juin 2012 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à la SAS Les Acacias au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1305733 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 2 : La SAS Les Acacias est déchargée des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des intérêts de retard correspondants qui lui ont été réclamés pour la période du 1er mai 2010 au 30 juin 2012.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à la SAS Les Acacias en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Les Acacias et au ministre de l'économie et des finances.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.

Délibéré après l'audience du 28 mars 2017 où siégeaient :

- M. Cherrier, président,

- Mme Chevalier-Aubert, président assesseur,

- Mme Boyer, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 avril 2017.

2

N° 15MA02177

nc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA02177
Date de la décision : 11/04/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-08-03-03 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Liquidation de la taxe. Déductions. Cas des entreprises qui n'acquittent pas la TVA sur la totalité de leurs affaires.


Composition du Tribunal
Président : M. CHERRIER
Rapporteur ?: Mme Virginie CHEVALIER-AUBERT
Rapporteur public ?: M. RINGEVAL
Avocat(s) : SCP ARCIL, MARSAUDON

Origine de la décision
Date de l'import : 25/04/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-04-11;15ma02177 ?
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