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12/06/2017 | FRANCE | N°09MA04654

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 12 juin 2017, 09MA04654


Vu la procédure suivante :

La commune de Hyères a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner solidairement l'Etat et la société Verdino Constructions à lui verser la somme de 254 030,40 euros correspondant au montant estimé de la réparation des désordres constatés sur le quai d'avitaillement du port.

Par un jugement n° 0705856 du 15 octobre 2009, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 09MA04654 du 16 juillet 2012, la cour administrative d'appel, statuant sur la requête de la commune de Hyères tendant, d'une pa

rt, à l'annulation du jugement du 15 octobre 2009, d'autre part, à la désignation...

Vu la procédure suivante :

La commune de Hyères a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner solidairement l'Etat et la société Verdino Constructions à lui verser la somme de 254 030,40 euros correspondant au montant estimé de la réparation des désordres constatés sur le quai d'avitaillement du port.

Par un jugement n° 0705856 du 15 octobre 2009, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 09MA04654 du 16 juillet 2012, la cour administrative d'appel, statuant sur la requête de la commune de Hyères tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 15 octobre 2009, d'autre part, à la désignation d'un expert ainsi qu'à la condamnation solidaire de l'Etat et de la société Verdino Constructions à lui verser la somme de 254 030,40 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 6 novembre 2007, a :

- annulé le jugement du tribunal administratif de Toulon du 15 octobre 2009 ;

- déclaré l'Etat et la société Verdino Constructions solidairement responsables du préjudice résultant pour la commune de Hyères des désordres affectant le quai d'avitaillement du port ;

- ordonné, avant de statuer sur les conclusions indemnitaires de la commune de Hyères, une expertise aux fins notamment de déterminer les causes et origines de ces désordres et d'évaluer la nature et le coût des travaux nécessaires pour y remédier.

Par un arrêt n° 09MA04654 du 22 décembre 2014, la Cour a ordonné une nouvelle expertise aux fins notamment d'évaluer le montant des travaux de reprise rendus nécessaires par les désordres constatés dans le rapport d'expertise remis le 15 juillet 2014.

Par décision du 5 janvier 2015, M. A...a été désigné en qualité d'expert, les sociétés Etudes de Génie Civil et d'Equipements (EGCEM) et Géologie Informatique Appliquée Ingénierie (GIA) étant désignées comme sapiteurs par décision du 29 avril 2015.

Le rapport d'expertise a été remis à la Cour le 27 juillet 2016.

Les parties ont été invitées le 2 août 2016 à produire leurs observations sur le rapport.

Par un mémoire consécutif au dépôt du rapport d'expertise, enregistré le 23 février 2017, la commune de Hyères, représentée par la SCP Vedesi, demande à la Cour :

1°) de condamner solidairement l'Etat et la société Verdino Constructions à lui verser la somme de 686 036,94 euros ;

2°) de condamner l'Etat et la société Verdino Constructions aux entiers dépens ;

3°) de mettre une somme de 5 000 euros à la charge de l'Etat et de la société Verdino Constructions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle maintient ses précédentes écritures ;

- la somme demandée correspond au constat de l'expert sur le montant des travaux rendus nécessaires pour remédier aux désordres.

Par ordonnance du 13 avril 2017, la clôture d'instruction a été prononcée à effet immédiat, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Un mémoire présenté pour la société Travaux du Midi Var, venant aux droits de la société Verdino Constructions a été enregistré le 24 mai 2017, postérieurement à la clôture d'instruction.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- les ordonnances du 28 juillet 2014 et du 2 février 2017 par lesquelles le président de la Cour a taxé les frais des expertises réalisées respectivement par M. B... et M. A....

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Héry,

- les conclusions de M. Thiele, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., représentant la commune de Hyères, et de Me C... représentant la société Travaux du Midi Var.

1. Considérant que dans le cadre de l'extension du quai d'avitaillement du port Saint-Pierre, la commune de Hyères a confié en février 1992 une mission de maîtrise d'oeuvre à la direction départementale de l'équipement du Var et a conclu un marché de travaux publics avec la société Verdino Constructions ; que les travaux ont été réceptionnés sans réserve le 10 août 1992 ; que, suite à l'appel formé par la commune contre le jugement du tribunal administratif de Toulon du 15 octobre 2009 rejetant sa demande de condamnation solidaire de l'Etat et de la société Verdino Constructions au titre de la garantie décennale par suite de désordres constatés en juillet 2001, la Cour a, par arrêt du 16 juillet 2012, annulé ce jugement et retenu la responsabilité solidaire des intervenants à la construction du fait des désordres affectant le quai d'avitaillement et le rendant impropre à sa destination ; que par le même arrêt, la Cour a ordonné une expertise aux fins notamment de déterminer les causes et origines des désordres et malfaçons et d'évaluer la nature et le coût des travaux nécessaires pour y remédier ; que par un arrêt du 22 décembre 2014, la Cour a ordonné une nouvelle expertise portant principalement sur l'évaluation du montant des travaux de reprise des désordres et malfaçons ;

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise ordonnée en 2012 que les désordres sont la conséquence d'un tassement différentiel du quai basculant du nord vers le sud, de la déficience du dallage de contreventement, d'un phénomène de fissuration multidirectionnelle du quai par suite de l'apparition d'ettringite différée dans le béton et, en dernier lieu, de l'érosion du pied de quai Sud et Est, du fait de l'absence d'assise et de jonction de la partie nord vers le sud ;

3. Considérant que la reprise de ces désordres et malfaçons nécessite la réalisation de travaux d'ordre géotechnique portant sur la consolidation des sols, la reconstitution de la forme en assise de la dalle en béton armé et l'exécution de files de micro-pieux, puis celle de travaux structurels destinés à régénérer les maçonneries des quais et à assurer la liaison de la structure projetée aux maçonneries existantes, consolider le sol de fondation, démolir le dallage de contreventement, réaliser une dalle autoportée et assurer la collecte des eaux de ruissellement ; qu'il convient également de retenir la déconstruction et la récupération des équipements de la station d'avitaillement ainsi que sa reconstruction ; que l'expert chiffre ces travaux à un montant de 571 697,45 euros hors taxes, soit 686 036,94 euros TTC, non contesté par l'Etat et la société Verdino Constructions ;

4. Considérant que la commune, qui n'a connu l'étendue réelle des conséquences dommageables des désordres relevés par la Cour dans son arrêt du 16 juillet 2012 qu'à la suite de l'expertise ordonnée par l'arrêt du 22 décembre 2014, a pu ainsi porter dans ses dernières écritures le montant de ses conclusions indemnitaires au montant retenu par l'expert ;

5. Considérant qu'il y a lieu, par suite, de condamner solidairement l'Etat et la société Travaux du Midi Var, venant aux droits de la société Verdino Constructions, à verser à la commune de Hyères la somme de 686 036,94 euros TTC, cette somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter du 6 novembre 2007 ;

Sur les conclusions d'appel provoqué :

6. Considérant que la situation de la société Travaux du Midi Var étant aggravée par le présent arrêt, qui accueille l'appel principal de la commune de Hyères, ses conclusions tendant à ce que l'Etat soit condamné à la garantir des condamnations prononcées à son encontre sont recevables ;

7. Considérant que l'apparition des désordres est due à l'absence d'étude géotechnique préalable ; que la réalisation d'une telle étude était rendue nécessaire du fait de la présence d'une ancienne contrejetée en enrochement et de l'absence d'information sur sa stabilité, sans que l'Etat puisse utilement, à cet égard, se prévaloir de la connaissance des lieux par la société Verdino Constructions et son sous-traitant, pour avoir participé à la réalisation de bassins portuaires en 1977 et 1980 ou procédé à la réparation des quais de trois bassins en 1991 et réalisé des dragages ;

8. Considérant que l'expert a également relevé le caractère incomplet des plans d'avant projet sommaire, portant notamment sur l'assise du quai, ainsi que des documents contractuels du marché de travaux, qui ne comportaient pas de stipulation adaptée sur les essais et le contrôle des ouvrages en béton ; que si la mission confiée à la direction départementale de l'équipement en 1992 comportait la réalisation d'un avant-projet sommaire, ce document devait toutefois permettre d'assurer la faisabilité de la solution retenue et décrire ses principales caractéristiques ; que l'Etat ne justifie pas que l'analyse préalable du béton a permis de s'assurer de sa tenue en milieu immergé, dans la mesure où celle-ci a été réalisée avant la livraison du béton sur le chantier et son coulage en mer ;

9. Considérant en revanche qu'il résulte du rapport d'expertise que l'insuffisance de surveillance par la maîtrise d'oeuvre de la réalisation par la société Verdino Constructions de l'assise du quai suivant les stipulations contractuelles prévues aux articles 2 et 4.2. du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) n'est pas constitutive d'une faute caractérisée d'une gravité suffisante de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

10. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'origine des désordres trouve également sa cause dans la mauvaise réalisation du béton immergé du quai en partie Sud et Est, dans les conditions d'exécution du remblaiement arrière du quai et de la future assise du dallage de contreventement et, enfin, de ce dallage ;

11. Considérant que la circonstance que la réalisation des ouvrages en béton immergé a été sous-traitée à la société Birukoff n'est pas de nature à exonérer la société Verdino Constructions de sa responsabilité, seule cette dernière étant tenue contractuellement à l'exécution des travaux ;

12. Considérant que la circonstance que le dallage de contreventement aurait été réalisé hors marché est sans influence sur le droit à réparation de la commune de Hyères, les désordres structurels survenus sur le quai d'avitaillement, tels que décrits précédemment, impliquant nécessairement la dépose du dallage existant puis sa reconstruction ;

13. Considérant que l'ensemble de ces malfaçons justifie que la responsabilité de l'Etat soit retenue à hauteur de 25 % et celle de la société Travaux du Midi Var à hauteur de 75 % ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de condamner l'Etat à garantir la société Travaux du Midi Var à hauteur de 25 % des condamnations prononcées à son encontre ;

Sur les dépens :

15. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties (...) " ;

16. Considérant que par ordonnance du 28 juillet 2014, le président de la Cour a taxé et liquidé les frais de l'expertise ordonnée le 16 juillet 2012 à la somme de 33 845,32 euros ; que, par ordonnance du président de la Cour du 2 février 2017, les frais de l'expertise ordonnée le 22 décembre 2014 ont été taxés et liquidés à la somme de 37 446 euros ; qu'il y a lieu de mettre ces frais d'expertise, d'un montant total de 71 291,32 euros à la charge définitive et solidaire de l'Etat et de la société Travaux du Midi Var ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la commune de Hyères et de mettre à la charge solidaire de l'Etat et de la société Travaux Midi Var une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la société Travaux du Midi Var, partie perdante dans la présente instance ;

D É C I D E :

Article 1er : L'Etat et la société Travaux du Midi Var sont solidairement condamnés à verser la somme de 686 036,94 euros TTC à la commune de Hyères, cette somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter du 6 novembre 2007.

Article 2 : Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme totale de 71 291,32 euros, sont mis à la charge définitive et solidaire de l'Etat et de la société Travaux du Midi Var.

Article 3 : L'Etat garantira la société Travaux du Midi Var à hauteur de 25 % des sommes qui lui seront demandées en exécution des articles 1er et 2 du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat et la société Travaux du Midi Var verseront solidairement à la commune de Hyères une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Hyères, à l'Etat (ministère de la transition écologique et solidaire), à la société Travaux du Midi Var, à M.A..., expert et aux sociétés EGCEM et GIA, sapiteurs.

Délibéré après l'audience du 29 mai 2017, où siégeaient :

- M. Moussaron, président,

- Mme Steinmetz-Schies, président-assesseur,

- Mme Héry, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 juin 2017.

4

N° 09MA04654


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09MA04654
Date de la décision : 12/06/2017
Type d'affaire : Administrative

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Rapports entre l'architecte - l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage.

Marchés et contrats administratifs - Rapports entre l'architecte - l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage - Responsabilité décennale - Désordres de nature à engager la responsabilité décennale des constructeurs - N'ont pas ce caractère.

Marchés et contrats administratifs - Rapports entre l'architecte - l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage - Responsabilité décennale - Désordres de nature à engager la responsabilité décennale des constructeurs - Ont ce caractère.

Procédure - Instruction - Moyens d'investigation - Expertise - Recours à l'expertise - Caractère contradictoire de l'expertise.


Composition du Tribunal
Président : M. GUERRIVE
Rapporteur ?: Mme Emilie FELMY
Rapporteur public ?: M. THIELE
Avocat(s) : SCP SCHMIDT- VERGNON- PELISSIER- THIERRY et EARD- AMINTHAS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-06-12;09ma04654 ?
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