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26/06/2017 | FRANCE | N°16MA01938

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 26 juin 2017, 16MA01938


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Campéole a demandé au tribunal administratif de Bastia de condamner la commune de Belgodère à lui verser la somme de 113 705,24 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2013 et de leur capitalisation.

Par un jugement n° 1400229 du 17 mars 2016, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 17 mai 2016, la société Campéole, représentée par Me B..., demande à la Cour :<

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1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 17 mars 2016 ;

2°) de condamner la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Campéole a demandé au tribunal administratif de Bastia de condamner la commune de Belgodère à lui verser la somme de 113 705,24 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2013 et de leur capitalisation.

Par un jugement n° 1400229 du 17 mars 2016, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 17 mai 2016, la société Campéole, représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 17 mars 2016 ;

2°) de condamner la commune de Belgodère à lui verser la somme de 113 705,24 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2013 et de leur capitalisation à partir du 16 février 2015 ;

3°) de mettre une somme de 5 000 euros à la charge de la commune de Belgodère au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle est en droit d'être indemnisée de la valeur non amortie des biens repris par la commune ;

- elle justifie des sommes dont elle demande l'indemnisation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 juillet 2016, la commune de Belgodère conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 6 000 euros soit mise à la charge de la société Campéole au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société Campéole ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Héry,

- les conclusions de M. Thiele, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant la commune de Belgodère.

1. Considérant que la commune de Belgodère a conclu en juin 1983 avec la société Campéole une convention lui confiant la gestion d'un camping pour une durée de 30 ans, moyennant le versement d'une redevance annuelle de 410 000 francs ; que, par avenant du 10 octobre 2000, cette convention a été prolongée jusqu'au 31 octobre 2013 et le montant de la redevance a été ramené à 300 000 francs ; que par délibération du 20 octobre 2012, le conseil municipal a décidé de ne pas renouveler cette convention ; que la société Campéole relève appel du jugement du 17 mars 2016 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Belgodère à lui verser la somme de 113 705,24 euros au titre des investissements non amortis ;

2. Considérant que, lorsque le juge est saisi d'un litige relatif à l'exécution d'un contrat, les parties à ce contrat ne peuvent, en principe, invoquer un manquement aux règles de passation, ni le juge le relever d'office, aux fins d'écarter le contrat pour le règlement du litige ; que, par exception, il en va autrement lorsque, eu égard d'une part à la gravité de l'illégalité et d'autre part aux circonstances dans lesquelles elle a été commise, le litige ne peut être réglé sur le fondement de ce contrat ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 38 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, transposé à l'article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales : " Les délégations de service public des personnes morales de droit public sont soumises par l'autorité délégante à une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes, dans des conditions prévues par un décret en Conseil d'Etat (...) " ; que selon l'article 40 de cette même loi : " Les conventions de délégation de service public doivent être limitées dans leur durée. Celle-ci est déterminée par la collectivité en fonction des prestations demandées au délégataire. Lorsque les installations sont à la charge du délégataire, la convention de délégation tient compte, pour la détermination de sa durée, de la nature et du montant de l'investissement à réaliser et ne peut dans ce cas dépasser la durée normale d'amortissement des installations mises en oeuvre (...) " ;

4. Considérant que la convention liant la commune de Belgodère et la société Campéole a été conclue avant l'intervention de cette loi ; que, toutefois, l'avenant signé le 10 octobre 2000, qui fixe notamment la rémunération du délégataire et les conditions de son indemnisation en cas de non renouvellement du contrat, a prolongé la durée de cette convention jusqu'au 31 octobre 2013, soit au-delà de la durée nécessaire à l'amortissement des biens nécessaires à l'exploitation du camping, essentiellement constitués de bâtiments destinés à abriter le logement du gardien, un local de restauration, des sanitaires et des mobiliers démontables ; que cet avenant présente ainsi le caractère d'un nouveau contrat dont la passation aurait dû être précédée de la procédure de publicité et de mise en concurrence imposée par les dispositions précitées ; qu'il ne ressort toutefois d'aucune pièce du dossier que cette irrégularité puisse être regardée comme un vice d'une gravité telle que le contrat devrait être écarté et que le litige opposant les parties ne puisse pas être réglé sur le terrain contractuel ;

5. Considérant que, conformément à l'article 8 de l'avenant du 10 octobre 2000, la commune est tenue d'indemniser son délégataire de la part des investissements non amortis ; que la convention prévoit dans son article 4 que la société Campéole n'est en charge que de l'entretien des installations en bon état de réparations locatives et dans son article 8 que les travaux portant sur le clos, le couvert, les réseaux et le boisement sont financés par la commune sur la base d'un plan annuel, puis triennal à partir du 10 octobre 2000, établi par le délégataire et soumis à l'accord de la commune ; que si l'article 6 de cette convention dispose que les travaux et grosses réparations financés sur le budget communal doivent être soumis à l'accord préalable de la commune, cette disposition ne saurait être regardée comme interdisant à la société Campéole de programmer et financer des investissements de sa propre initiative ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des extraits de la comptabilité de la société certifiés par un commissaire aux comptes et suffisamment probants, que la part des investissements non amortis est de 113 706,44 euros ; qu'il ressort toutefois du constat d'huissier établi lors de la sortie des lieux du délégataire que la barrière d'accès au camping a été détruite et n'a donc pas fait retour à la commune ; que l'huissier a également constaté la détérioration de plusieurs bornes électriques, la présence de fils électriques laissés à nu, le bris ou le mauvais état de canalisations ainsi que le mauvais état de la plupart des sanitaires ; que la dépréciation des biens ainsi remis à la disposition de la commune justifie que l'indemnité à laquelle peut prétendre la société Campéole soit arrêtée à la somme de 75 000 euros ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Campéole est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande ;

Sur les intérêts et leur capitalisation :

8. Considérant que la société Campéole a droit aux intérêts de la somme de 75 000 euros à compter du 23 décembre 2013, date de réception par la commune de Belgodère de sa demande d'indemnisation ;

9. Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 16 février 2015, date à laquelle il était dû plus d'une année d'intérêts ; qu'il y a lieu de faire droit à cette demande à compter de cette date, ainsi qu'à chaque échéance annuelle suivante ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société Campéole qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, au titre des frais exposés par la commune de Belgodère et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas non plus lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur le fondement des mêmes dispositions par la société Campéole ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bastia du 17 mars 2016 est annulé.

Article 2 : La commune de Belgodère est condamnée à verser la somme de 75 000 euros à la société Campéole, cette somme portant intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2013 et les intérêts étant capitalisés au 16 février 2015 ainsi qu'à chaque échéance annuelle suivante pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Belgodère tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Campéole et à la commune de Belgodère.

Délibéré après l'audience du 12 juin 2017, où siégeaient :

- M. Moussaron, président,

- Mme Steinmetz-Schies, président-assesseur,

- Mme Héry, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 juin 2017.

4

N° 16MA01938


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA01938
Date de la décision : 26/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-04-02-03 Marchés et contrats administratifs. Fin des contrats. Résiliation. Droit à indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. MOUSSARON
Rapporteur ?: Mme Florence HERY
Rapporteur public ?: M. THIELE
Avocat(s) : GILBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-06-26;16ma01938 ?
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