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19/10/2017 | FRANCE | N°16MA02410

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 19 octobre 2017, 16MA02410


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... D...ont demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008 à 2010, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1400330 du 21 avril 2016, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 juin 2016, M. et Mme D..., repré

sentés par Me diB..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 21 avril 2016 du tribu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... D...ont demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008 à 2010, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1400330 du 21 avril 2016, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 juin 2016, M. et Mme D..., représentés par Me diB..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 21 avril 2016 du tribunal administratif de Toulon ;

2°) de prononcer la décharge demandée.

Ils soutiennent que :

- l'administration n'a pas respecté les obligations prévues par les dispositions du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales ;

- la reconstitution du chiffre d'affaires de la SNC Pharmacie du Champ de Mars est erronée ;

- les factures de la société Gdpme rejetées par l'administration correspondent à la rémunération d'un service d'apport d'affaires ou de facilitation ;

- l'application des pénalités pour manoeuvres frauduleuses n'est pas justifiée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 octobre 2016, le ministre chargé du budget conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme D... ne sont pas fondés.

Par lettre du 26 avril 2017, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et indiquant la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.

Un avis d'audience portant clôture immédiate de l'instruction a été émis le 15 septembre 2017.

Un mémoire a été présenté le 15 septembre 2017 pour M. D..., postérieurement à la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Sauveplane,

- les conclusions de M. Ouillon, rapporteur public ;

- et les observations de Me A...B..., représentant M. et Mme D....

1. Considérant que M. et Mme D... relèvent appel du jugement du 21 avril 2016 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008 à 2010 à la suite d'une vérification de comptabilité de la SNC Pharmacie du Champ de Mars, qui exploite une officine de pharmacie et dont M. D... est le co-gérant et l'associé ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant qu'aux termes des dispositions du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors applicable : " En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés et lorsqu'ils envisagent des traitements informatiques, les agents de l'administration fiscale indiquent par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées. Le contribuable formalise par écrit son choix parmi l'une des options suivantes : a) Les agents de l'administration peuvent effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable ; b) Celui-ci peut effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. Dans ce cas, l'administration précise par écrit au contribuable, ou à un mandataire désigné à cet effet, les travaux à réaliser ainsi que le délai accordé pour les effectuer. Les résultats des traitements sont alors remis sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget ; c) Le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise. Il met alors à la disposition de l'administration les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le vérificateur qui envisage un traitement informatique sur une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés est tenu d'indiquer au contribuable, au plus tard au moment où il décide de procéder au traitement, par écrit et de manière suffisamment précise, la nature des traitements informatiques qu'il souhaite effectuer, eu égard aux investigations envisagées, afin de permettre au contribuable de choisir en toute connaissance de cause entre les trois options offertes par ces dispositions ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par lettre du 8 avril 2011, l'administration a informé la SNC Pharmacie du Champ de mars que le vérificateur envisageait de mettre en oeuvre les traitements informatiques portant sur un " contrôle de l'archivage et de la conservation des données informatiques élémentaires ", un " contrôle de la saisie des données de caisse : ensemble des données relatives aux tickets de caisse ", un " contrôle de la saisie des données et des opérations de validation des informations nécessaires à la gestion des tickets de caisse et/ou de la facturation ", un " contrôle de la numérotation système des enregistrements et de la séquentialité de la numérotation des tickets de caisse et/ou factures clients " et un " contrôle des corrections et annulations des données saisies sur votre système et validation de la traçabilité des corrections et annulation de tout ou partie des données élémentaires saisies " ; que le vérificateur se proposait également de vérifier la " détermination du chiffre d'affaires déclaré en matière de bénéfices industriels et commerciaux ainsi que pour la taxe sur la valeur ajoutée ", la " détermination d'éléments statistiques d'appréciation sur les quantités de produits vendues, offertes ou annulées ou autres ainsi que sur les prix de vente pratiqués ", le " contrôle des différents taux de taxe sur la valeur ajoutée appliqués pour l'ensemble de votre activité " et la " réalisation d'une comptabilité matière pour tout ou partie des produits commercialisés par l'entreprise (contrôle des flux matière par rapprochement entre les stocks, les entrées et les sorties de produits) " ; que ce courrier doit être regardé comme comportant une information suffisante relative à la nature des traitements informatiques envisagés et permettait au contribuable d'effectuer un choix éclairé entre les trois options qui lui étaient ouvertes par ces dispositions du II de l'article L. 47 A du code général des impôts ; que, dès lors, M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que l'administration aurait méconnu les obligations prévues à cet article ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne la reconstitution du chiffre d'affaires :

5. Considérant que l'article L. 192 du livre des procédures fiscales prévoit que la charge de la preuve en cas de contestation de l'imposition incombe au contribuable lorsque, comme en l'espèce, la comptabilité comporte de graves irrégularités, ce qui n'est pas contesté, et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires rendu le 30 novembre 2012 ;

6. Considérant que, pour reconstituer le chiffre d'affaires de la SNC Pharmacie du Champ de Mars pour l'ensemble de la période vérifiée, le vérificateur a utilisé deux méthodes, l'une, par valorisation du montant des factures supprimées à partir d'un ticket moyen et l'autre, par valorisation des écarts entre les quantités facturées et les quantités déstockées ; qu'il a procédé ensuite au " lissage " de ces deux méthodes ;

7. Considérant qu'il y a lieu d'écarter la critique par les contribuables de la première méthode d'évaluation des recettes par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 10 de leur jugement ;

8. Considérant, en ce qui concerne la seconde méthode de reconstitution, que l'administration fiscale a mis en évidence des discordances portant, s'agissant des produits vendus sur ordonnance, sur plusieurs centaines de produits pour chacun des exercices clos de 2008 à 2010 alors que les contribuables ne s'appuient que sur l'analyse de trois produits vendus sur ordonnance pour contester la pertinence de la méthode utilisée ; que les premiers juges ont retenu à bon droit que cette critique très partielle de la seconde méthode de reconstitution employée ne permettait pas de la remettre en cause, alors que les requérants supportent la charge de la preuve ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme D..., qui ne proposent aucune autre méthode d'évaluation des recettes de l'officine, ne sont pas fondés à soutenir que les méthodes de reconstitution utilisées par le service seraient radicalement viciées ni même excessivement sommaires et n'établissent pas que le chiffre d'affaires de l'officine tel que reconstitué serait exagéré ;

En ce qui concerne le caractère déductible des factures établies par la SARL Gdpme :

10. Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts dans sa rédaction applicable : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature (...) " ; qu'en vertu des règles qui gouvernent l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie, d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est à dire du principe même de leur déductibilité ; qu'en ce qui concerne les charges, le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que, dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;

11. Considérant que la SNC Pharmacie du champs de Mars a comptabilisé au titre de l'exercice clos en 2008, une facture d'honoraires du 27 juin 2008 établie par la SARL Gdpme d'un montant de 14 140 euros hors taxes ainsi libellée : " Honoraires de transaction sur la négociation de la période du 1er janvier 2008 au 31/12/2008 des fournitures et livraisons de médicaments sur les EHPAD : - Bon Repos à Toulon - Cora à La Garde - Les Cigognes à Carnoules " et, au titre de l'exercice clos en 2009, ,une facture du 25 novembre 2011 néanmoins relative selon elle à l'exercice au titre duquel elle a été prise en compte, produite en cours du contrôle en novembre 2011 sur demande du service, d'un montant de 12 500 euros hors taxes avec le libellé : " Redevance et transaction commerciale sur la période du 1er janvier 2009 au 31/ décembre 2009 sur les EHPAD : Bon Repos à Toulon - Cora à La Garde - Les Cigognes à Carnoules " ;

12. Considérant que, pour rejeter l'inscription en charges des sommes figurant sur ces factures au motif que la réalité des prestations qui auraient été fournies par la SARL Gdpme n'était pas établie, l'administration souligne l'absence de contrat écrit prévoyant les redevances facturées, l'absence de justificatifs du mode de détermination de la redevance et de l'existence de la transaction commerciale à laquelle se réfère la facture de 2011, l'absence de paiement de ces prestations depuis novembre 2008 et l'absence de justifications de l'existence de négociations annuelles au cours des années 2009, 2010 et 2011 ; que l'administration fiscale rappelle également que M. D... a précisé que les prestations mentionnées dans la facture établie en 2008 n'avaient pas été réalisées et que le prix payé par la société en 2008 aurait en fait représenté l'acquisition d'un droit d'exclusivité pour la fourniture des médicaments aux trois établissements d'hébergement de personnes âgées et dépendantes ; que M. et Mme D... se bornent à soutenir pour leur part en appel que les factures de la société Gdpme rejetées par l'administration s'analysent comme la rémunération d'un service d'apport d'affaires ou de facilitation ; que, par les éléments de fait concordants qu'elle a réunis et compte tenu des incohérences qu'elle a relevées, l'administration fiscale doit être regardée comme apportant le preuve qui lui incombe, s'agissant de facturations répondant aux exigences formelles de comptabilisation, que celles-ci étaient dépourvues de contrepartie ou présentaient une contrepartie dépourvue d'intérêt pour la société ; que, dès lors, c'est à bon droit que l'administration a refusé d'admettre en charges déductibles le montant de ces factures ;

Sur l'application des pénalités :

13. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : (...) c. 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses (...) " ;

14. Considérant que, comme le rappelle l'administration, le rapport de l'expertise diligentée dans le cadre de l'instruction pénale a fait apparaître que le logiciel " Alliance plus " utilisé par la SNC Pharmacie du Champ de Mars comportait un module permettant de dissimuler des recettes ; que l'administration souligne également que l'activation de ce module nécessitait l'entrée d'un mot de passe sollicité par la société requérante et que celle-ci a utilisé de façon régulière voire quotidienne au cours de la période en litige les fonctionnalités permissives de ce logiciel et effacé régulièrement le fichier qui assurait la traçabilité des manipulations opérées ; que ces agissements délibérés ont créé une situation occultant des opérations imposables tout en donnant à la comptabilité l'apparence de la sincérité ; que, dans ces conditions, l'administration apporte la preuve qui lui incombe de l'existence de manoeuvres frauduleuses de la part du co-gérant de la société, justifiant l'application de la majoration de 80 % prévue à l'article 1729 du code général des impôts ;

15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... D... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est.

Délibéré après l'audience du 5 octobre 2017, où siégeaient :

- M. Bédier, président,

- Mme Paix, président assesseur,

- M. Sauveplane, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 octobre 2017.

6

N° 16MA02410


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA02410
Date de la décision : 19/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-03-01-02-03 Contributions et taxes. Généralités. Règles générales d'établissement de l'impôt. Contrôle fiscal. Vérification de comptabilité. Garanties accordées au contribuable.


Composition du Tribunal
Président : M. BEDIER
Rapporteur ?: M. Mathieu SAUVEPLANE
Rapporteur public ?: M. OUILLON
Avocat(s) : DI RUSSO et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 31/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-10-19;16ma02410 ?
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