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23/03/2018 | FRANCE | N°16MA01270

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre - formation à 3, 23 mars 2018, 16MA01270


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A...a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la commune de Laroque-des-Albères à lui verser une indemnité, d'un montant total de 213 842 euros, en réparation des préjudices matériel et moral, qu'il estime avoir subis, du fait du refus illégal de lui délivrer le permis de construire sollicité en juin 2003.

Par un jugement n° 1303668 du 4 février 2016, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une req

uête et un mémoire, respectivement enregistrés les 4 avril 2016 et 19 décembre 2017, M. A..., ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A...a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la commune de Laroque-des-Albères à lui verser une indemnité, d'un montant total de 213 842 euros, en réparation des préjudices matériel et moral, qu'il estime avoir subis, du fait du refus illégal de lui délivrer le permis de construire sollicité en juin 2003.

Par un jugement n° 1303668 du 4 février 2016, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, respectivement enregistrés les 4 avril 2016 et 19 décembre 2017, M. A..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) de condamner la commune de Laroque-des-Albères à lui verser une indemnité, d'un montant total de 213 842 euros, en réparation des préjudices matériel et moral subis consécutivement au refus de la commune de lui délivrer un permis de construire sollicité en juin 2003, cette somme devant être assortie des intérêts et des intérêts " composés " ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Laroque-des-Albères la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le principe de la non-rétroactivité des normes juridiques s'oppose à ce que la jurisprudence, apparue en 2014, selon laquelle la responsabilité de l'administration ne peut être engagée si l'administration pouvait prendre la même décision au terme d'une procédure régulière, s'applique à une faute commise en 2003 ;

- le tribunal a passé sous silence la faute de la commune qui a tenté de priver le pétitionnaire de la possibilité de faire état d'un permis tacite, laquelle atteste de la volonté de l'exécutif communal de lui nuire, alors que le maire a parallèlement accordé un permis de construire à son fils ;

- il y a rupture d'égalité entre l'administration et les administrés si toute indemnisation est impossible au motif que la même décision aurait pu être prise par la commune ;

- rien ne démontre que la décision est absolument légale sur le fond ;

- un délai de 8 ans s'est écoulé entre le refus illégal et la décision de la Cour qui a rendu impossible la réalisation du projet ;

- le préjudice matériel sur le coût de la construction envisagée s'établit à 95 542 euros ;

- il a subi un préjudice économique consistant en la perte des revenus qu'il espérait de son activité d'apiculteur et dans le coût des loyers qu'il a dû payer depuis 2003, soit un montant de 107 300 euros ;

- le préjudice moral subi du fait des années passées en contentieux avec la commune et des dysfonctionnements administratifs auxquels il a été exposé de la part de nombreuses administrations s'établit au minimum à 12 000 euros ;

- le cas d'espèce entre dans le champ des dispositions de l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juin 2017, la commune de Laroque-des-Albères, représentée par la société civile professionnelle d'avocats Margall-d'Albenas, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'appelant une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la Cour n'a annulé le refus de permis de construire que sur des moyens de forme et de procédure et faisant application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme avait déclaré qu'aucun autre moyen n'était de nature à entraîner l'annulation du refus de permis de construire ;

- la rupture d'égalité devant les charges publiques ne peut être invoquée s'agissant de demandes de permis de construire qui portaient sur des projets différents dans des zones différentes ;

- l'annulation du permis de construire a eu pour effet de faire revivre le permis de construire tacite dont il était titulaire et l'appelant n'était donc pas privé de ses droits ;

- le juge de plein contentieux applique les normes et règles applicables au jour où il statue ;

- aucune rupture d'égalité devant les charges publiques n'a été commise dès lors que l'administration aurait pris la même décision ;

- en tout état de cause, les préjudices invoqués ne sont pas indemnisables ;

- les devis d'origine ne sont pas produits ou sont postérieurs à la période indemnisable ;

- le surcoût allégué provient de l'arrêté préfectoral approuvant le plan de prévention du risque d'incendie et de feux de forêts (PPRIF) et est donc sans lien direct avec la faute alléguée ;

- la perte de bénéfices sur une activité professionnelle est sans lien direct avec un refus qui portait sur la réalisation d'une maison d'habitation ;

- le montant des loyers effectivement versé n'est attesté par aucune pièce justificative, non plus que le préjudice moral allégué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Busidan,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant la commune de Laroque-des-Albères.

1. Considérant que, par un arrêt n° 07MA03439 du 23 octobre 2009, la présente Cour a annulé l'arrêté du 19 septembre 2003 par lequel le maire de la commune de Laroque-des Albères avait refusé à M. A... la délivrance d'un permis de construire tendant à la réalisation d'une maison à usage d'habitation dans le lotissement du " Domaine des Albères ", en le requalifiant de retrait de permis de construire tacite ; que, par courrier daté du 9 avril 2013, M. A... a demandé à la commune de l'indemniser de préjudices, matériels et moral, qu'il soutient avoir subis du fait de l'illégalité de cet arrêté ; que cette demande ayant fait l'objet d'une décision implicite de rejet, M. A... a saisi le tribunal administratif de Montpellier d'une demande tendant à la condamnation de la commune à lui verser une indemnité de 213 842 euros ; qu'il relève appel du jugement du 4 février 2016 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'il ne ressort pas de l'examen de la demande et du mémoire en réponse, produits par M. A... devant le tribunal administratif, que celui-ci ait entendu invoquer une faute distincte de celle résultant de l'illégalité du refus de permis de construire du 19 septembre 2003 ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le tribunal aurait omis de statuer sur une faute de la commune, ayant consisté à priver l'intéressé de la possibilité de faire état d'un permis de construire tacite, manque en fait et ne peut qu'être écarté ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Considérant, en premier lieu, que si l'intervention d'une décision illégale peut constituer une faute susceptible d'engager la responsabilité de la collectivité publique, elle ne saurait donner lieu à réparation si, dans le cas d'une procédure régulière, la même décision aurait pu légalement être prise ;

4. Considérant que, dans son arrêt du 23 octobre 2009, devenu irrévocable, la Cour a retenu deux illégalités entachant l'arrêté du 19 septembre 2003, la première étant une illégalité de forme tenant à l'absence de mention du nom et du prénom du signataire de l'arrêté en méconnaissance de l'article 4 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 alors en vigueur, la seconde étant une illégalité de procédure tenant au non-respect de l'obligation de la procédure contradictoire préalable imposée par l'article 24 de la même loi ; que M. A..., qui se borne à affirmer que " rien ne démontre que la décision est absolument légale sur le fond ", ne fait état, dans la présente instance, d'aucune autre illégalité qui aurait entaché l'arrêté du 19 septembre 2003 ; qu'il résulte de l'instruction qu'en raison du fort risque d'incendie auquel est exposée la parcelle d'assiette du projet, la même décision de refus de permis de construire aurait pu, dans le cadre d'une procédure régulière, être légalement prise sur le fondement de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ; que, dès lors, les préjudices consécutifs au refus illégal de permis de construire dont M. A... demande réparation et qui consistent en un préjudice financier dû au renchérissement du coût d'une construction qu'en tout état de cause il n'a pas réalisée, en un préjudice économique lié à l'impossibilité de mener à bien une reconversion professionnelle, en une privation de jouissance d'un logement qui aurait pu être construit en 2003 et en un préjudice moral, sont sans lien avec les illégalités commises ;

5. Considérant, en second lieu, que si M. A... fait état de ce que la responsabilité sans faute de la commune pourrait être engagée sur les fondements des dispositions de l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme et d'une rupture d'égalité devant les charges publiques, ces moyens ne sont pas assortis des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, doivent être rejetées les conclusions accessoires de sa requête présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, dans les circonstances de l'espèce et sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre à la charge de l'appelant la somme de 1 500 euros que la commune de Laroque-des-Albères demande au titre des frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : M. A... versera à la commune de Laroque-des-Albères la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A...et à la commune de Laroque-des-Albères.

Délibéré après l'audience du 13 mars 2018, où siégeaient :

- Mme Buccafurri, présidente,

- M. Portail, président-assesseur,

- Mme Busidan, première conseillère.

Lu en audience publique, le 23 mars 2018.

2

N° 16MA01270


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA01270
Date de la décision : 23/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-05 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Services de l'urbanisme.


Composition du Tribunal
Président : Mme BUCCAFURRI
Rapporteur ?: Mme Hélène BUSIDAN
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : PECHEVIS

Origine de la décision
Date de l'import : 03/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-03-23;16ma01270 ?
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