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18/06/2018 | FRANCE | N°17MA01653

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 18 juin 2018, 17MA01653


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une demande n° 1401069, la Société Nationale Corse Méditerranée a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler le titre exécutoire n° 27/2014 d'un montant de 167 263 000 euros émis à son encontre par l'office des transports de la Corse le 7 novembre 2014.

Par une demande n° 1401070, la Société Nationale Corse Méditerranée a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler le titre exécutoire n° 28/2014 d'un montant de 30 533 576 euros émis à son encontre par l'office des

transports de la Corse le 19 novembre 2014.

Par un jugement n° 1401069-1401070 du 23 f...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une demande n° 1401069, la Société Nationale Corse Méditerranée a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler le titre exécutoire n° 27/2014 d'un montant de 167 263 000 euros émis à son encontre par l'office des transports de la Corse le 7 novembre 2014.

Par une demande n° 1401070, la Société Nationale Corse Méditerranée a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler le titre exécutoire n° 28/2014 d'un montant de 30 533 576 euros émis à son encontre par l'office des transports de la Corse le 19 novembre 2014.

Par un jugement n° 1401069-1401070 du 23 février 2017, le tribunal administratif de Bastia a rejeté ces deux demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 21 avril 2017, le 22 février et le 21 mars 2018, Me E... A..., liquidateur judiciaire de la Société Nationale Corse Méditerranée, représenté par Me F..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bastia ;

2°) d'annuler les titres exécutoires du 7 novembre 2014 et du 19 novembre 2014 ;

3°) de mettre une somme de 5 000 euros à la charge de l'office des transports de la Corse en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé en ce qui concerne les moyens tirés de l'incompétence de l'office des transports de la Corse pour procéder au recouvrement des créances en cause et de l'insuffisance de motivation des titres en cause ;

- l'office des transports de la Corse était incompétent pour procéder au recouvrement des créances en cause dès lors, d'une part, que l'article L. 1511-1 du code général des collectivités territoriales donne compétence aux seules collectivités locales et à leurs groupements pour recouvrer les aides d'Etat irrégulières et, d'autre part, que cette aide avait été attribuée par la collectivité territoriale de Corse ;

- les titres en cause sont insuffisamment motivés ;

- le rejet de la créance de l'office des transports de la Corse dans le cadre de la procédure d'admission des créances prive le titre exécutoire de base légale.

Par des mémoires enregistrés les 1er février 2018, 8 mars 2018 et 9 avril 2018, l'office des transports de la Corse, représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de Me E... A..., liquidateur judiciaire de la Société Nationale Corse Méditerranée, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est suffisamment motivé ;

- les autres moyens soulevés par Me A... sont infondés.

Par ordonnance du 16 mai 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 31 mai 2018.

Un mémoire, présenté pour Me E... A..., liquidateur judiciaire de la Société Nationale Corse Méditerranée et enregistré le 31 mai 2018 n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le règlement (CE) n° 659/1999 du 22 mars 1999 ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le code de commerce ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné, par arrêté du 29 mars 2018, Mme Marie-Pierre Steinmetz-Schies, président assesseur, pour présider par intérim la 6ème chambre de la cour administrative d'appel de Marseille à compter du 1er avril 2018.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C... Grimaud, rapporteur ;

- et les conclusions de M. B... Thiele, rapporteur public.

1. Considérant que par une délibération n° 2000/108 du 7 juin 2007, l'Assemblée de Corse a attribué au groupement constitué entre la Société Nationale Corse Méditerranée (SNCM) et la Compagnie Méditerranéenne de Navigation (CMN) la délégation de service public de la desserte maritime entre le port de Marseille et plusieurs ports de Corse pour la période allant du 1er juillet 2007 au 31 décembre 2013 ; que le président du conseil exécutif de la collectivité de Corse a, le 7 juin 2007, signé la convention de délégation dudit service ; que par une décision C(2013) 1926 du 2 mai 2013, confirmée par un jugement T-454/13 du tribunal de première instance de l'Union européenne, la Commission européenne a estimé que les compensations perçues par la SNCM au titre du service complémentaire prévu par la convention sur la période du 1er juillet 2007 au 31 décembre 2013 constituent des aides illégales et incompatibles avec le marché intérieur et a enjoint aux autorités françaises de recouvrer les sommes versées à ce titre à la SNCM ; que l'office des transports de la Corse a émis à cette fin le 7 novembre 2014 un titre exécutoire d'un montant de 167 263 000 euros à l'encontre de la Société Nationale Corse Méditerranée et, le 19 novembre 2014, un titre exécutoire d'un montant de 30 533 576 euros en vue de recouvrer les intérêts ayant couru sur cette somme ; que Me A..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la Société Nationale Corse Méditerranée, interjette appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux titres exécutoires ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés " ;

3. Considérant que le jugement attaqué ne comporte aucune motivation de nature à répondre au moyen soulevé par la Société Nationale Corse Méditerranée tiré de ce que l'office des transports de la Corse n'était, en vertu des dispositions de l'article L. 1511-1-1 du code général des collectivités territoriales, pas compétent pour recouvrer l'aide perçue par la SNCM ; que Me A..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de cette société, est par suite fondé à soutenir que le jugement est insuffisamment motivé et qu'il doit en conséquence être annulé ;

4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de Me A... ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article L. 1511-1 du code général des collectivités territoriales : " La région coordonne sur son territoire les actions de développement économique des collectivités territoriales et de leurs groupements, sous réserve des missions incombant à l'Etat " ; qu'aux termes des dispositions de l'article L. 1511-1-1 de ce code : " L'Etat notifie à la Commission européenne les projets d'aides ou de régimes d'aides que les collectivités territoriales et leurs groupements souhaitent mettre en oeuvre (...) / Toute collectivité territoriale, tout groupement de collectivités territoriales ayant accordé une aide à une entreprise est tenu de procéder sans délai à sa récupération si une décision de la Commission européenne ou un arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes l'enjoint, à titre provisoire ou définitif. (...) " ; qu'aux termes des dispositions de l'article L. 4424-18 du même code : " La collectivité territoriale de Corse définit, sur la base du principe de continuité territoriale destiné à atténuer les contraintes de l'insularité et dans les conditions de l'article L. 4425-4, les modalités d'organisation des transports maritimes et aériens entre l'île et toute destination de la France continentale, en particulier en matière de desserte et de tarifs. " ; qu'aux termes des dispositions de l'article L. 4424-19 de ce code : " Des obligations de service public sont imposées par la collectivité territoriale de Corse sur certaines liaisons aériennes ou maritimes pour assurer le principe de continuité territoriale. Ces obligations ont pour objet, dans le cadre adapté à chaque mode de transport, de fournir des services passagers ou fret suffisants en termes de continuité, régularité, fréquence, qualité et prix et, le cas échéant, de capacité, pour atténuer les contraintes liées à l'insularité et faciliter ainsi le développement économique de l'île, l'aménagement équilibré du territoire insulaire et le développement des échanges économiques et humains entre l'île et la France continentale. " ; que les dispositions de l'article L. 4424-20 du même code disposent que : " Sous la forme d'un établissement public de la collectivité territoriale de Corse à caractère industriel et commercial, l'office des transports de la Corse, sur lequel la collectivité exerce son pouvoir de tutelle, a les missions ci-après définies. / En prenant en considération les priorités de développement économique définies par la collectivité territoriale de Corse, l'office des transports de la Corse conclut avec les compagnies désignées pour l'exploitation des liaisons mentionnées à l'article L. 4424-19 des conventions de délégation de service public qui définissent les tarifs, les conditions d'exécution et la qualité du service ainsi que les modalités de contrôle. / L'office répartit les crédits visés à l'article L. 4425-4 entre les deux modes de transports aérien et maritime, sous réserve que cette répartition reste compatible avec les engagements contractés dans le cadre des conventions conclues avec les concessionnaires et qu'elle n'affecte pas, par elle-même, l'équilibre financier de ces compagnies. / L'office assure la mise en oeuvre de toute autre mission qui pourrait lui être confiée par la collectivité territoriale de Corse dans la limite de ses compétences " ;

6. Considérant, d'une part, qu'il résulte de ces dispositions que l'office des transports de la Corse, établissement public de la collectivité territoriale de Corse, est chargé de conclure, les conventions de délégation de service public avec les entreprises de transport desservant la Corse et de répartir entre eux les crédits correspondants ; qu'il résulte par ailleurs de l'instruction, et notamment de l'attestation rédigée par l'agent comptable de l'office, que celui-ci s'est acquitté du versement des sommes dues à la SNCM au titre du service complémentaire inclus dans les obligations de la délégation de service public ; que si, d'autre part, il résulte des dispositions précitées de l'article L. 1511-1-1 du code général des collectivités territoriales qu'il n'appartient en principe qu'à l'Etat ainsi qu'aux collectivités territoriales et à leurs groupements de recouvrer des sommes indûment versées en application d'un régime d'aide d'Etat irrégulier, ces dispositions ne font pas par elles-mêmes obstacle à ce qu'un établissement public local chargé par la loi de verser des sommes susceptibles de recevoir cette qualification les recouvre s'il s'avère qu'elles ont été indûment versées ; qu'il en résulte qu'eu égard à la nature de la mission confiée à l'office des transports de la Corse (OTC) par les dispositions de l'article L. 4424-20 du code général des collectivités territoriales, celui-ci doit être regardé comme ayant reçu compétence du législateur pour procéder à la récupération d'aides d'Etat irrégulières payées sur sa caisse ; qu'il s'ensuit que le moyen d'incompétence soulevé par Me A... doit être écarté ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article 24 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " Dans les conditions prévues pour chaque catégorie d'entre elles, les recettes sont liquidées avant d'être recouvrées. La liquidation a pour objet de déterminer le montant de la dette des redevables. / (...). Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation. (...) " ;

8. Considérant que les titres exécutoires attaqués, s'ils ne mentionnent pas eux-mêmes les bases de la liquidation renvoient, pour l'un directement, pour l'autre indirectement moyennant une référence au premier de ces deux titres, à un document de synthèse intitulé " annexe 5 au titre de recette de l'OTC - motifs et décompte de la recette " présentant les bases de liquidation de la créance ainsi qu'à un document intitulé " annexe 6 : rapport du 31 octobre 2014 de Fiduciaire Corse Audit Baker Tilly, évaluation du service complémentaire 2007-2013 et calcul des intérêts, service de base - service complémentaire délégation de service public ", qui décrivent de manière détaillée l'ensemble des hypothèses et calculs ayant servi à déterminer le montant de la créance, mettant ainsi à même la SNCM de comprendre les bases de liquidation de la somme mise à sa charge ; qu'il est constant que ces pièces ont été notifiées à la SNCM le même jour et par un même pli ; que, dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance des bases de liquidation de l'état exécutoire contesté doit être écarté, les circonstances que la somme ainsi arrêtée ne serait pas conforme au montant arrêté par la Commission européenne dans sa décision du 2 mai 2013 ou aurait varié au cours du temps avant l'établissement des titres attaqués étant sans incidence sur le bien-fondé de ce moyen ;

9. Considérant, en troisième lieu, qu'aucune disposition législative ou réglementaire ou stipulation contractuelle n'imposait à la collectivité de Corse d'organiser une procédure contradictoire permettant à la SNCM de faire valoir ses observations lors de l'établissement du rapport du cabinet Fiduciaire Corse Audit Baker Tilly ; que, dès lors, la circonstance que la SNCM n'ait pas été entendue pendant la période de préparation de ce rapport est sans incidence sur la légalité des titres litigieux ;

10. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article L. 622-21 du code de commerce : " I - Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant : / 1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ; / 2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent. / II.- Il arrête ou interdit également toute procédure d'exécution de la part de ces créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture. (...) " ; qu'aux termes des dispositions de l'article L. 622-24 du même code : " A partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire dans des délais fixés par décret en Conseil d'Etat. / (...) " ; qu'aux termes des dispositions de l'article L. 624-2 du même code : " Au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l'absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l'a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d'admission " ; que, par ailleurs, aux termes des dispositions de l'article 28 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " L'ordre de recouvrer fonde l'action de recouvrement. Il a force exécutoire dans les conditions prévues par l'article L. 252 A du livre des procédures fiscales. / Le comptable public muni d'un titre exécutoire peut poursuivre l'exécution forcée de la créance correspondante auprès du redevable, dans les conditions propres à chaque mesure d'exécution. / Le cas échéant, il peut également poursuivre l'exécution forcée de la créance sur la base de l'un ou l'autre des titres exécutoires énumérés par l'article L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution " ;

11. Considérant que les dispositions précitées du code de commerce, d'où résulte l'obligation qui s'impose aux personnes publiques comme à tous les autres créanciers de déclarer leurs créances dans les conditions et délais fixés, n'ont pas pour effet d'empêcher l'émission d'un titre de perception exécutoire, lequel a pour objet de liquider et rendre exigible la dette dont est redevable un particulier à l'égard d'une personne publique et intervient sans préjudice des suites que la procédure judiciaire, engagée à l'égard du débiteur en application des dispositions de ce code, est susceptible d'avoir sur le recouvrement de la créance en cause ; que, par suite, Me A... agissant en qualité de mandataire judiciaire de la Société Nationale Corse Méditerranée, n'est pas fondé à invoquer à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation des titres exécutoires attaqués, la circonstance que la créance objet de ces titres aurait été rejetée par l'ordonnance du 24 novembre 2016 du juge-commissaire à la liquidation judiciaire de la société en application des dispositions de l'article L. 624-2 du même code, qui est sans incidence sur la validité de ces titres exécutoires ; qu'au surplus et en tout état de cause, dès lors que l'ordonnance en cause a été frappée d'appel, Me A... n'est pas davantage fondé à soutenir que la créance objet des titres en cause ne serait pas exigible ; que le moyen tiré de l'illégalité de ces titres à raison de l'intervention de l'ordonnance du juge-commissaire du 24 novembre 2016 doit dès lors être écarté ;

12. Considérant, en cinquième lieu, que les titres exécutoires attaqués ont été émis pour l'application de la décision précitée du 2 mai 2013 de la Commission, prise elle-même pour l'application de l'article 88 du traité instituant la Communauté économique européenne, devenu l'article 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; que si, en vertu du § 1 de l'article 14 du règlement (CE) n° 659/1999 du 22 mars 1999, la récupération des aides ne doit pas être poursuivie si elle entraîne une méconnaissance de principes généraux du droit communautaire, les entreprises bénéficiaires d'une aide ne sauraient avoir, en principe, une confiance légitime dans la régularité de l'aide que si celle-ci a été accordée dans le respect de la procédure prévue par ces dispositions du traité ; qu'un opérateur économique diligent doit normalement être en mesure de s'assurer que cette procédure a été respectée ; qu'en particulier et en l'état actuel de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, lorsqu'une aide est mise à exécution sans notification préalable à la Commission de sorte qu'elle est illégale en vertu de l'article 88 du traité instituant la Communauté économique européenne, devenu l'article 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, le bénéficiaire de l'aide ne peut avoir une confiance légitime dans la régularité de l'octroi de celle-ci ; qu'en l'espèce, il résulte de l'instruction, d'une part, que le régime d'aide en cause n'a jamais été notifié à la Commission européenne et, d'autre part, qu'il a été établi par la convention de délégation de service public du 7 juin 2007, soit plusieurs années après l'intervention de l'arrêt du 24 juillet 2003 Altmark Trans GmbH (C-280/00) par lequel la Cour de justice des Communautés européennes a jugé que des subventions représentant la contrepartie des prestations effectuées par des entreprises pour exécuter des obligations de service public ne constituaient pas des aides d'Etat qu'à la condition de remplir quatre conditions cumulatives, dont le respect pouvait en l'espèce être vérifié par la SNCM, opérateur bénéficiaire de l'aide ; que la SNCM n'est dès lors pas fondée à soutenir que les titres de perception contestés méconnaissent le principe communautaire de confiance légitime ;

13. Considérant, en sixième lieu, qu'il résulte de l'instruction que la créance de l'office des transports de la Corse a été liquidée sur la base des montants de compensation versés à la SNCM au titre du service complémentaire institué par la convention de délégation de service public ; que la SNCM ne soulève aucun élément chiffré ou moyen de fait ou de droit précis à l'appui de sa contestation des montants ainsi retenus, en dehors d'affirmations non étayées sur la nature des navires chargés d'assurer le service de base et le service complémentaire ; que le moyen tiré du caractère erroné du montant de la créance ne peut dès lors qu'être écarté, la circonstance que le montant de l'aide à recouvrer a varié à plusieurs reprises selon les analyses de la collectivité préalables à l'émission des titres attaqués n'étant pas de nature, à elle seule, à remettre en cause le bien-fondé de ces décisions ;

14. Considérant, en septième lieu, qu'à supposer même que la SNCM soit fondée à invoquer l'enrichissement sans cause de la collectivité de Corse en ce qui concerne les charges qu'elle a exposées en vue d'assurer le service complémentaire, elle se borne à indiquer que le montant de ces charges est " à vérifier " et n'apporte aucun élément chiffré ou moyen de fait précis susceptible de démontrer le caractère excessif des sommes mises à sa charge par les titres exécutoires attaqués ; qu'ainsi, en l'absence des circonstances exceptionnelles qui justifieraient que l'aide ne soit pas recouvrée, ce moyen doit également être écarté ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Me A... n'est pas fondé à demander l'annulation des titres exécutoires n° 27/2014 du 7 novembre 2014 et n° 28/2014 du 19 novembre 2014 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Considérant que ces dispositions s'opposent à ce que la somme réclamée par Me A..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la Société Nationale Corse Méditerranée au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens soit mise à la charge de l'office des transports de la Corse, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de l'office des transports de la Corse à l'encontre de Me E... A..., liquidateur judiciaire de la Société Nationale Corse Méditerranée, présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1401069-1401070 du tribunal administratif de Bastia du 23 février 2017 est annulé.

Article 2 : Les conclusions de Me A..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la Société Nationale Corse Méditerranée, tendant à l'annulation des titres exécutoires n° 27/2014 du 7 novembre 2014 et n° 28/2014 du 19 novembre 2014 sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Me A..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la Société Nationale Corse Méditerranée et à l'office des transports de la Corse.

Copie en sera adressée à la collectivité de Corse et à l'agent comptable de l'office des transports de la Corse.

Délibéré après l'audience du 4 juin 2018, où siégeaient :

- Mme Marie-Pierre Steinmetz-Schies, président,

- M. C... Grimaud, premier conseiller,

- M. Allan Gautron, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 juin 2018.

9

N° 17MA01653


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA01653
Date de la décision : 18/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

18-03-02-01-01 Comptabilité publique et budget. Créances des collectivités publiques. Recouvrement. Procédure. État exécutoire.


Composition du Tribunal
Président : Mme STEINMETZ-SCHIES
Rapporteur ?: M. Philippe GRIMAUD
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS DE PARDIEU-BROCAS-MAFFEI

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-06-18;17ma01653 ?
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