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19/11/2018 | FRANCE | N°18MA04373

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 19 novembre 2018, 18MA04373


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Office national des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) le versement de la somme de 120 000 euros à titre de provision sur les sommes qu'elle estime lui être dues en réparation des conséquences d'un accident médical.

Par une ordonnance n° 1804084 d

u 13 septembre 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Office national des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) le versement de la somme de 120 000 euros à titre de provision sur les sommes qu'elle estime lui être dues en réparation des conséquences d'un accident médical.

Par une ordonnance n° 1804084 du 13 septembre 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 28 septembre 2018, Mme C..., représentée par la SCP Marchessaux ConcaB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier du 13 septembre 2018 ;

2°) statuant en référé, de mettre à la charge de l'ONIAM le versement d'une provision d'un montant de 120 000 euros à titre principal ou de 20 000 euros à titre subsidiaire, assortie des intérêts au taux légal à compter de l'ordonnance à intervenir et d'une astreinte en application des dispositions de l'article L. 911-5 du code de justice administrative ;

3°) de mettre à la charge de l'ONIAM le versement à Me B... de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le mémoire en défense de l'ONIAM ne lui a pas été communiqué ;

- l'obligation d'indemnisation des préjudices professionnels et des conséquences de l'aggravation de l'état de santé n'est pas sérieusement contestable ;

- elle subit une perte de gains professionnels actuels et futurs ;

- l'accident médical a une incidence professionnelle ;

- son état de santé s'est aggravé depuis l'indemnisation transactionnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 octobre 2018, l'ONIAM, représenté par la SELARL de la Grange et Fitoussi avocats, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- Mme C... n'est pas recevable à demander une provision au titre des pertes de gains professionnels actuels, déjà indemnisés par transaction ;

- la somme demandée à ce titre est au demeurant excessive ;

- le lien de causalité entre l'inaptitude professionnelle et l'incidence professionnelle, d'une part, et l'accident médical, d'autre part, n'est pas établi ;

- le lien de causalité entre l'aggravation de l'état de santé et l'accident médical n'est pas établi.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la Cour a désigné M. Vanhullebus, président, en application de l'article L. 511-2 du code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... a fait l'objet, le 7 janvier 2014, d'une intervention pour thyroïdectomie totale. Elle présente depuis lors une hypoparathyroïdie qui est en relation directe avec l'intervention pratiquée. Par deux protocoles d'indemnisation transactionnelle conclus au cours de l'année 2016, l'ONIAM a indemnisé la patiente des préjudices relatifs au déficit fonctionnel temporaire, aux souffrances endurées, au besoin en assistance par une tierce personne, aux frais de conseil et au déficit fonctionnel permanent. Mme C... fait appel de l'ordonnance du 13 septembre 2018 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à ce que l'ONIAM lui verse une provision en indemnisation des préjudices résultant de la perte de revenus, de l'incidence professionnelle et de l'aggravation de son état de santé.

2. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ".

3. Il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état. Dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction de ce montant qui lui parait revêtir un caractère de certitude suffisant.

4. Il résulte des termes mêmes du protocole d'indemnisation transactionnelle partielle conclu le 3 août 2016 entre l'ONIAM et Mme C... que celle-ci n'a subi aucune perte de revenus au cours de la période du 18 janvier 2014 au 20 novembre 2014, les pertes de salaires ayant été compensées par les indemnités journalières versées par la caisse primaire d'assurance maladie. La transaction a ainsi exclu le versement d'une indemnité à ce titre. L'obligation de l'office dont se prévaut Mme C... ne peut dès lors être regardée comme n'étant pas sérieusement contestable.

5. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise diligentée par la commission de conciliation et d'indemnisation, que l'état de santé de Mme C... est consolidé depuis le 20 novembre 2014 et que la patiente n'est apte à reprendre son activité professionnelle antérieure qu'à temps partiel et sur un poste aménagé. L'intéressée, qui avait été recrutée par contrat à durée indéterminée à compter du 18 janvier 2014 en qualité d'auxiliaire de vie sociale, à temps complet depuis le 1er février 2014, a été déclarée inapte à cet emploi, la seule possibilité envisageable étant, aux termes de la fiche d'aptitude médicale, un poste sédentaire de type administratif. Son licenciement a été prononcé le 18 mai 2017 en l'absence de poste disponible en adéquation avec les compétences de la requérante et les préconisations du médecin du travail. Il suit de là que Mme C... n'est pas insusceptible d'occuper tout emploi. L'obligation d'indemnisation par l'ONIAM des pertes de gains professionnels futurs ne présente dès lors pas un caractère non sérieusement contestable.

6. Il résulte de ce qui a été indiqué au point précédent que les possibilités d'emploi de Mme C... ont été réduites par l'accident médical survenu à l'occasion de l'intervention non fautive du 7 janvier 2014. Cet accident a ainsi pour l'intéressée une incidence professionnelle. L'ONIAM avait d'ailleurs proposé d'indemniser ce préjudice. L'obligation de l'office à réparer cette incidence professionnelle n'est dès lors pas sérieusement contestable. Ainsi, eu égard au déficit fonctionnel permanent au taux de 10 % conservé par Mme C... depuis la consolidation de son état de santé à l'âge de trente-trois ans, le préjudice revêt un caractère de certitude suffisant à hauteur de la somme de 10 000 euros.

7. La requérante fait état d'une aggravation de son état de santé depuis le début de l'année 2018 et notamment de complications cardiaques et néphrologiques. Le rapport établi le 3 septembre 2015 dans le cadre de l'expertise diligentée par la commission de conciliation et d'indemnisation, relève que l'état de santé de Mme C... est susceptible de s'aggraver. Toutefois, il ne ressort pas des documents médicaux produits par la requérante que les complications constatées soient imputables à l'affection iatrogène consécutive à l'intervention du 7 janvier 2014 et non à une évolution de son état de santé antérieur. L'obligation de l'ONIAM ne présente dès lors pas un caractère non sérieusement contestable.

8. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité de l'ordonnance attaquée, Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à ce que le versement d'une provision soit mis à la charge de l'ONIAM.

9. Il y a lieu, par suite, d'annuler l'ordonnance du 13 septembre 2018 et de mettre à la charge de l'ONIAM le versement de la somme de 10 000 euros à Mme C... à titre de provision.

10. Il résulte des dispositions de l'article 1231-7 du code civil qu'en toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Ainsi la demande de Mme C... tendant à ce que lui soient alloués, à compter de la date de la présente ordonnance, des intérêts au taux légal sur la provision mise à la charge de l'ONIAM, est dépourvue de tout objet et doit donc être rejetée.

11. Les dispositions de l'article L. 911-5 du code de justice administrative prévoient que le Conseil d'Etat peut, même d'office, prononcer une astreinte contre les personnes morales de droit public ou les organismes de droit privé chargés de la gestion d'un service public en cas d'inexécution d'une décision rendue par une juridiction administrative. Il suit de là que les conclusions présentées par Mme C... tendant à ce que le juge des référés de la Cour assortisse la mise à la charge de l'ONIAM du versement de la provision d'une astreinte en application des dispositions de l'article L. 911-5 ne peuvent qu'être rejetées.

12. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme C... ait demandé à être admise à l'aide juridictionnelle au titre de l'instance introduite devant la Cour en appel de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ONIAM le versement à Mme C... de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

ORDONNE

Article 1er : L'ordonnance du 13 septembre 2018 du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier est annulée.

Article 2 : L'ONIAM versera à Mme C... une provision de 10 000 euros.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : L'ONIAM versera à Mme C... une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme A...C..., à Me B... et à l'Office national des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Fait à Marseille, le 19 novembre 2018.

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N°18MA04373


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