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11/06/2019 | FRANCE | N°17MA03435

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 11 juin 2019, 17MA03435


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile d'exploitation agricole (SCEA) Château du Seuil a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 17 mars 2015 par laquelle le directeur général de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) a rejeté sa demande d'aide aux investissements vitivinicoles pour l'année 2015.

Par un jugement n° 1506084 du 31 mai 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

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r une requête sommaire et des mémoires, enregistrés les 31 juillet 2017, 15 décembre 2017 et ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile d'exploitation agricole (SCEA) Château du Seuil a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 17 mars 2015 par laquelle le directeur général de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) a rejeté sa demande d'aide aux investissements vitivinicoles pour l'année 2015.

Par un jugement n° 1506084 du 31 mai 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire et des mémoires, enregistrés les 31 juillet 2017, 15 décembre 2017 et 26 novembre 2018, la SCEA Château du Seuil, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 31 mai 2017 ;

2°) d'annuler la décision du 17 mars 2015 du directeur général de FranceAgriMer ;

3°) d'enjoindre à FranceAgriMer de réexaminer sa demande ;

4°) de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle relative à l'interprétation des dispositions de l'article 18 du règlement (CE) n° 436/2009 portant application du règlement du conseil n° 479/2008 relatif au casier viticole ;

5°) de mettre à la charge de FranceAgriMer le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce que les premiers juges ont méconnu le caractère contradictoire de la procédure, en procédant d'office à une substitution de motif ;

- la décision est entachée d'une erreur de fait, dès lors que l'attestation de respect des obligations communautaires a été fournie à l'appui de sa demande d'aide ;

- la décision est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation dès lors qu'elle était dans l'impossibilité matérielle de déposer sa déclaration annuelle de stock au 31 juillet 2014 ;

- l'impossibilité de déposer la déclaration annuelle de stock au 31 juillet 2014 constitue un cas de force majeure au sens de l'article 18 du règlement (CE) n° 436/2009 ;

- FranceAgriMer, en s'abstenant de prendre en compte les informations transmises le 7 août 2015 sur l'état des stocks au 31 juillet 2014, a commis une erreur d'appréciation ;

- FranceAgriMer a méconnu les principes de proportionnalité des sanctions administratives et de confiance légitime.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 25 octobre 2018 et le 10 décembre 2018, FranceAgriMer, représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête de la SCEA Château du Seuil ;

2°) de mettre à la charge de la SCEA Château du Seuil la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la SCEA Château du Seuil ne sont pas fondés.

Par courrier du 25 avril 2019, des pièces complémentaires ont été demandées à la SCEA Château du Seuil pour compléter l'instruction, en application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative.

Les pièces sollicitées ont été produites par la SCEA Château du Seuil le 7 mai 2019 et communiquées à FranceAgriMer.

En réponse à la communication de ces éléments, FranceAgriMer a produit un mémoire, enregistré le 22 mai 2019, qui n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le décret n° 2013-172 du 25 février 2013 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., substituant Me A..., représentant la SCEA Château du Seuil, et de Me D..., substituant Me C..., représentant FranceAgriMer.

Considérant ce qui suit :

1. La SCEA Château du Seuil, qui exploite un domaine viticole, a déposé le 12 janvier 2015 une demande d'aide aux investissements vitivinicoles dans le but de créer un nouveau chai ainsi qu'un caveau de dégustation et de vente, et de transformer l'ancien chai en local de stockage climatisé. Par une décision du 17 mars 2015, le directeur général de FranceAgriMer a rejeté cette demande. La SCEA Château du Seuil fait appel du jugement du 31 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 611-7 du code de justice administrative : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement (...) en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué (...) ".

3. Pour rejeter les conclusions de la SCEA Château du Seuil tendant à l'annulation de la décision du 17 mars 2015 par laquelle le directeur général de FranceAgriMer a rejeté sa demande d'aide aux investissements vitivinicoles, les premiers juges ont estimé que si, contrairement au motif mentionné dans la décision litigieuse, la société avait fourni, à la date du dépôt de sa demande, une attestation de respect des obligations communautaires, cette attestation révélait un non-respect des délais impartis pour procéder aux déclarations de stocks au 31 juillet 2014, ce respect conditionnant le versement de l'aide sollicitée. Il ressort des pièces du dossier de première instance que ni la décision attaquée, fondée sur le caractère incomplet du dossier de demande, ni le mémoire en défense de FranceAgriMer ne comportaient un tel motif. Les premiers juges ont ainsi procédé à une substitution de motifs d'office sans en avoir informé les parties en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative. La requérante est dès lors fondée à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité et à en demander l'annulation.

4. Il y a lieu, dès lors, par la voie de l'évocation, de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SCEA Château du Seuil devant le tribunal administratif de Marseille.

Sur la légalité de la décision du 17 mars 2015 du directeur général de FranceAgriMer :

5. Aux termes de l'article 1er du décret du 25 février 2013 relatif au programme d'aide national au secteur vitivinicole pour les exercices financiers 2014 à 2018 : " Le programme d'aide national au secteur vitivinicole (...) est mis en oeuvre par l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer). / A ce titre, (...) le directeur général de l'établissement détermine notamment, après avis du conseil spécialisé intéressé : / 1° Les modalités de demande des aides (...) ". La décision du directeur général de FranceAgriMer du 6 novembre 2014 (INTV-SANAEI 2014-72) précise que : " la demande d'aide doit être adressée au service territorial de FranceAgriMer du site sur lequel l'investissement objet de la demande est réalisé, à compter du mardi 6 janvier 2015 et jusqu'au vendredi 30 janvier, date incluse. La date de complétude est fixée au vendredi 27 février 2015 inclus " et que " Les pièces demandées composant un dossier considéré comme complet sont (...) : / - La dernière AROC (attestation de respect des obligations communautaires) pouvant être mise à disposition par les services des Douanes à la date du dépôt de la demande d'aide ". Aux termes de l'article 16 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, alors en vigueur : " Toute personne tenue de respecter une date limite ou un délai pour présenter une demande (...) auprès d'une autorité administrative peut satisfaire à cette obligation au plus tard à la date prescrite au moyen d'un envoi de correspondance, le cachet apposé par les prestataires de services postaux (...) faisant foi (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier que la SCEA Château du Seuil a adressé au service territorial de FranceAgriMer, le 27 février 2015, soit à la date prescrite, les pièces composant son dossier de demande d'aide aux investissements vitivinicoles, dont l'attestation de respect des obligations communautaires exigée par la décision INTV-SANAEI 2014-72 du directeur général de FranceAgriMer du 6 novembre 2014. Dans ces conditions, la société est fondée à soutenir que le directeur général de FranceAgriMer a entaché sa décision d'une erreur de fait en rejetant sa demande au motif que cette attestation n'avait pas été produite, peu important la circonstance que cette attestation ne contenait pas toutes les informations requises.

7. Il résulte de ce qui précède que la SCEA Château du Seuil est fondée à demander l'annulation de la décision du 17 mars 2015 par laquelle le directeur général de FranceAgriMer a rejeté sa demande d'aide aux investissements vitivinicoles.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé (...) ".

9. Le présent arrêt implique nécessairement que FranceAgriMer procède à un nouvel examen de la demande dont elle se trouve à nouveau saisie, en application des motifs du présent arrêt. Il y a lieu d'enjoindre un tel réexamen dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SCEA Château du Seuil, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande FranceAgriMer au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de FranceAgriMer une somme de 2 000 euros à verser à la SCEA Château du Seuil au titre des frais qu'elle a exposés pour sa défense.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1506084 du 31 mai 2017 du tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 2 : La décision du 17 mars 2015 du directeur général de FranceAgriMer est annulée.

Article 3 : Il est enjoint à FranceAgriMer de procéder au réexamen de la demande d'aide aux investissements vitivinicoles présentée par la SCEA Château du Seuil dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : FranceAgriMer versera à la SCEA Château du Seuil une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions de FranceAgriMer présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile d'exploitation agricole Château du Seuil et à l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer).

Délibéré après l'audience du 28 mai 2019, où siégeaient :

- M. Antonetti, président,

- M. Barthez, président assesseur,

- Mme E..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 juin 2019.

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N° 17MA03435

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17MA03435
Date de la décision : 11/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

15-08 Communautés européennes et Union européenne. Litiges relatifs au versement d`aides de l'Union européenne.


Composition du Tribunal
Président : M. ANTONETTI
Rapporteur ?: Mme Florence MASTRANTUONO
Rapporteur public ?: Mme BOYER
Avocat(s) : BREDIN PRAT AARPI

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-06-11;17ma03435 ?
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