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03/12/2019 | FRANCE | N°18MA04504

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 03 décembre 2019, 18MA04504


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Floreani et Associés a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er juillet 2011 au 30 juin 2014 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 juin 2012, 30 juin 2013 et 30 juin 2014, et des pénalités correspondantes, pour un montant de 43 590 euros.

Par un jugement n° 1603109 du 29 juin 2018, le tribunal administratif de Nice a rejeté s...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Floreani et Associés a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er juillet 2011 au 30 juin 2014 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 juin 2012, 30 juin 2013 et 30 juin 2014, et des pénalités correspondantes, pour un montant de 43 590 euros.

Par un jugement n° 1603109 du 29 juin 2018, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 18 octobre 2018, la SARL Floreani et Associés, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 29 juin 2018 ;

2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er juillet 2011 au 30 juin 2014 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 juin 2012, 30 juin 2013 et 30 juin 2014, et des pénalités correspondantes, pour un montant de 43 590 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de décharge portant sur l'exercice clos le 30 juin 2011 est recevable, le délai spécial prévu à l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales étant applicable à la cotisation d'imposition sur les sociétés au titre de cet exercice, alors même que la rectification ne portait que sur la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er juillet 2010 au 30 juin 2011 ;

- refuser le bénéfice des dispositions de l'article R. 196-3 méconnaît le principe d'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit, aucune prescription ne pouvant lui être opposée sur des créances inscrites à l'actif le 1er juillet 2011 et passées en perte à bon droit ultérieurement ;

- les créances sur les sociétés LD Paysages et Gyzmo Services, du comité d'entreprise de la société Nortel et du club des jeunes d'Antibes devaient être regardées comme irrécouvrables au titre de l'exercice clos le 30 juin 2012 ;

- les créances sur les sociétés Oscal, Igra et Seigneurie et sur Mme B... devaient être regardées comme irrécouvrables au titre de l'exercice clos le 30 juin 2013 ;

- la créance concernant Mme D... doit être regardée comme irrécouvrable au titre de l'exercice clos le 30 juin 2014 ;

- la pénalité pour manquement délibéré n'est pas fondée ;

- le montant total des pénalités crée une situation confiscatoire qui est contraire à la jurisprudence européenne.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 décembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SARL Floreani ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Floreani et Associés a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à la suite de laquelle, par avis de mise en recouvrement du 30 septembre 2015, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée portant sur la période du 1er juillet 2010 au 30 juin 2014 ont été mis à sa charge et elle a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos les 30 juin 2012, 30 juin 2013 et 30 juin 2014. A la suite de la réclamation de la SARL Floreani et Associés, l'administration a dégrevé les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er juillet 2010 au 30 juin 2011. La SARL fait appel du jugement du 29 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, et des pénalités correspondantes, pour un montant de 43 590 euros.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. (...) ". Le 1 de l'article 39 du même code dispose que : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature (...) / 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice (...) ". Il résulte des dispositions combinées de ces deux articles, dont les dispositions sont applicables à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code, que le bénéfice net est établi sous déduction des charges, comprenant notamment les pertes sur les créances devenues définitivement irrécouvrables à la clôture d'un exercice postérieur à celui de leur naissance.

3. Les rectifications en litige ont fait l'objet d'une taxation d'office sur le fondement du 2° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales s'agissant de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos le 30 juin 2014 et du 3° du même article s'agissant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour les périodes du 1er mai au 31 mai 2013, du 1er juillet au 31 juillet 2013 et du 1er avril au 30 avril 2014. Les autres rectifications ont été effectuées suivant la procédure de rectification contradictoire.

4. D'une part, s'agissant des rectifications effectuées selon la procédure contradictoire, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité.

5. D'autre part, en application des articles L. 193 et R. 193-1 du livre des procédures fiscales, la SARL Floreani et Associés supportent la charge de la preuve d'établir le caractère exagéré des impositions ayant fait l'objet d'une taxation d'office et dont elle demande la décharge.

En ce qui concerne l'exercice clos le 30 juin 2011 :

6. Aux termes de l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales : " Dans un cas où un contribuable fait l'objet d'une procédure de reprise ou de rectification de la part de l'administration des impôts, il dispose d'un délai égal à celui de l'administration pour présenter ses propres réclamations ". Si la SARL Floreani et Associés soutient que " le délai spécial de réclamation (...) est applicable au titre de l'exercice clos le 30 juin 2011 ", il ne ressort ni de sa demande présentée devant le tribunal administratif ni de la présente requête que ses conclusions tendent à la décharge de cotisations d'impôt sur les sociétés au titre de cet exercice. En conséquence, les dispositions de l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales ne sauraient être utilement invoquées.

7. En se prévalant de la méconnaissance du " principe d'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit " et en soutenant qu'" il ne peut (lui) être opposé une prescription (...) sur des créances inscrites à l'actif au 1er juillet 2011 passées en perte à bon droit ultérieurement ", sans d'ailleurs énumérer les créances dont il s'agit, la SARL Floreani et Associés n'assortit pas le moyen qu'elle soulève de précisions suffisantes pour permettre au juge d'en apprécier la portée.

En ce qui concerne l'exercice clos le 30 juin 2012 :

8. La créance sur la société LD Paysages a été déduite comme charge de l'exercice clos le 30 juin 2012, alors que la clôture de la procédure de liquidation judiciaire de cette société pour insuffisance d'actif a été prononcée le 6 mai 2011. La créance présentait un caractère irrécouvrable dès cette date et constituait donc une charge pour l'exercice clos le 30 juin 2011. Elle ne pouvait donc être admise en déduction qu'au titre de cet exercice et non au titre de celui clos le 30 juin 2012.

9. La créance sur la société Gyzmo Service a été déduite comme charge de l'exercice clos le 30 juin 2012, alors que la clôture de la procédure de liquidation judiciaire de cette société pour insuffisance d'actif a été prononcée le 8 mars 2010. La créance présentait un caractère irrécouvrable dès cette date et constituait donc une charge pour l'exercice clos le 30 juin 2010. Elle ne pouvait donc être admise en déduction qu'au titre de cet exercice et non au titre de celui clos le 30 juin 2012.

10. La SARL Floreani et Associés ne produit aucun élément à l'appui de son allégation, contestée par le ministre, selon laquelle le comité d'entreprise de la société Nortel aurait été dissous. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que la créance qu'elle détenait présentait un caractère irrécouvrable au cours de l'exercice clos le 30 juin 2012.

11. La société requérante, qui notamment ne présente aucun document établissant l'existence de démarches qu'elle aurait vainement accomplies afin d'obtenir le paiement de la somme qui lui était due, ne produit aucun élément à l'appui de son allégation selon laquelle la créance qu'elle détenait sur le Club des jeunes d'Antibes présentait un caractère irrécouvrable au cours de l'exercice clos le 30 juin 2012.

En ce qui concerne l'exercice clos le 30 juin 2013 :

12. La SARL Floreani et Associés ne produit aucun élément à l'appui de son allégation selon laquelle elle aurait accompli vainement des démarches afin d'obtenir le paiement de la somme que la société Oslo lui aurait due. La créance ne présente pas un caractère irrécouvrable.

13. La SARL Floreani et Associés a décidé de ne pas poursuivre, auprès des héritiers de la société Igra, la créance qu'elle détenait en raison des circonstances du décès du précédent dirigeant. Ainsi, elle ne produit aucun élément de nature à établir, ni même n'allègue d'ailleurs, que cette créance présentait un caractère irrécouvrable.

14. Les échanges de courriers entre la SARL Floreani et Associés et Mme B..., qui montrent les difficultés financières de celle-ci et l'existence d'un différend, ne suffisent pas à établir que la créance que la société détenait était irrécouvrable au titre de l'exercice clos le 30 juin 2013.

15. La créance sur la société Seigneurie a été déduite comme charge de l'exercice clos le 30 juin 2013, alors que la clôture de la procédure de liquidation judiciaire de cette société pour insuffisance d'actif a été prononcée le 4 avril 2011. La créance présentait un caractère irrécouvrable dès cette date et constituait donc une charge pour l'exercice clos le 30 juin 2011. Elle ne pouvait donc être admise en déduction qu'au titre de cet exercice et non au titre de celui clos le 30 juin 2013.

En ce qui concerne l'exercice clos le 30 juin 2014 :

16. La SARL Floreani et Associés ne produit aucun élément à l'appui de son allégation selon laquelle elle aurait accompli vainement des démarches afin d'obtenir le paiement de la somme que Mme D... lui aurait due. La créance ne présente pas un caractère irrécouvrable.

En ce qui concerne les pénalités :

17. En premier lieu, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : (...) a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

18. La SARL Floreani et Associés a, pendant l'ensemble de la période du 1er juillet 2012 au 30 juin 2014, minoré la taxe sur la valeur ajoutée qu'elle a comptabilisée et encaissée. Ces inexactitudes ont présenté un caractère répété et la SARL Floreani et Associés, qui exerce l'activité d'expertise comptable, ne pouvait ignorer le montant de la taxe réellement collecté. Par suite, le ministre de l'action et des comptes publics doit être regardé comme établissant l'existence d'un manquement délibéré.

19. En second lieu et en tout état de cause, le moyen tiré de ce que le cumul de la pénalité pour manquement délibéré, de la majoration de 10 % pour déclaration tardive et des intérêts moratoires crée une situation confiscatoire qui " est contraire à la jurisprudence européenne " n'est pas assorti de précisions suffisantes pour permettre au juge d'en apprécier le bien-fondé.

20. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Floreani et Associés n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Sur les frais liés aux litiges :

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit à verser à la SARL Floreani et Associés au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Floreani et Associés est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Floreani et Associés et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.

Délibéré après l'audience du 19 novembre 2019, où siégeaient :

- M. Antonetti, président,

- M. C..., président assesseur,

- M. Maury, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 décembre 2019.

6

N° 18MA04504

mtr


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA04504
Date de la décision : 03/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-03-04 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Détermination du revenu imposable. Charges déductibles du revenu global.


Composition du Tribunal
Président : M. ANTONETTI
Rapporteur ?: M. Alain BARTHEZ
Rapporteur public ?: Mme BOYER
Avocat(s) : NAHON

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-12-03;18ma04504 ?
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