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17/12/2019 | FRANCE | N°18MA04153

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 17 décembre 2019, 18MA04153


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2001 et de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2002, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1601421 du 29 juin 2018, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une

requête, enregistrée le 4 septembre 2018, Mme D..., représentée par Me A..., demande à la Cour ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2001 et de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2002, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1601421 du 29 juin 2018, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 4 septembre 2018, Mme D..., représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 29 juin 2018 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités en litige ;

3°) de condamner l'Etat aux entiers dépens et de mettre à sa charge la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de ce que la procédure d'imposition est irrégulière dès lors que l'administration ne lui a pas communiqué les pièces de procédure et les relevés bancaires malgré sa demande formulée dans le cadre de l'instance ;

- l'administration ne lui a pas communiqué les pièces de procédure et les relevés bancaires malgré sa demande formulée dans le cadre de l'instance, de sorte que la procédure d'imposition est viciée ;

- l'administration fiscale aurait dû se prononcer sur sa réclamation préalable par une décision expresse ;

- en rejetant sa réclamation préalable près de dix ans après sa présentation, alors qu'elle ne disposait plus des pièces de procédure et des relevés bancaires, l'administration a méconnu les droits de la défense ainsi que son devoir de loyauté ;

- elle n'a pas bénéficié d'une " procédure équitable ", dès lors que sa réclamation préalable a été expressément rejetée près de dix ans après sa présentation ;

- sa réclamation préalable n'a pas été traitée dans un délai raisonnable, en méconnaissance de l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la proposition de rectification qui lui a été adressée le 17 septembre 2004 est insuffisamment motivée au regard des dispositions des articles L. 48 et L. 57 du livre des procédures fiscales ;

- les sommes déposées en espèces sur ses comptes bancaires au cours de l'année 2001, qui correspondent aux produits de la vente d'instruments de musique, ne pouvaient être regardées comme des revenus d'origine indéterminée ;

- c'est à tort que l'administration a imposé sur le fondement de l'article 111-a du code général des impôts des prélèvements sur son compte courant d'associé ouvert dans les écritures de la société à responsabilité limitée (SARL) La Chaumière au titre de l'année 2002 ;

- la cotisation supplémentaire de contribution sociale généralisée mise à sa charge au titre de l'année 2001 est déductible des revenus imposables de l'année 2002.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 décembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- et les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle, Mme D... a été assujettie, d'une part, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2001, résultant de la taxation d'office de sommes regardées comme des revenus d'origine indéterminée, et, d'autre part, à une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2002, résultant de la remise en cause du bénéfice de l'avoir fiscal déclaré à raison de revenus distribués. Elle fait appel du jugement du 29 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes.

Sur la régularité du jugement :

2. Mme D..., contrairement à ce qui est soutenu, n'a pas expressément soulevé devant le tribunal administratif de Nice le moyen tiré de de ce que la procédure d'imposition serait irrégulière dès lors que l'administration fiscale ne lui a pas communiqué les pièces de procédure et les relevés bancaires malgré sa demande formulée dans le cadre de l'instance. Par suite et en tout état de cause, elle n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier pour avoir omis de répondre à ce moyen.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. En premier lieu, Mme D... ne saurait utilement soutenir que la procédure d'imposition serait irrégulière en raison du défaut de communication par l'administration fiscale des pièces de procédure et des relevés bancaires malgré sa demande formulée dans le cadre de l'instance, dès lors qu'une telle circonstance, postérieure à l'établissement des impositions, ne saurait avoir une quelconque incidence sur la régularité de la procédure d'imposition.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 198-10 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au présent litige : " L'administration des impôts (...) statue sur les réclamations dans le délai de six mois suivant la date de leur présentation (...) ". Aux termes de l'article R. 199-1 du même livre : " L'action doit être introduite devant le tribunal compétent dans le délai de deux mois à partir du jour de la réception de l'avis par lequel l'administration notifie au contribuable la décision prise sur la réclamation, que cette notification soit faite avant ou après l'expiration du délai de six mois prévu à l'article R. 198-10. / Toutefois, le contribuable qui n'a pas reçu la décision de l'administration dans un délai de six mois mentionné au premier alinéa peut saisir le tribunal dès l'expiration de ce délai (...) ".

5. D'une part, le fait que l'administration n'aurait pas statué sur la réclamation préalable présentée le 7 avril 2006 par Mme D... dans le délai de six mois que lui impartit l'article R. 198-10 du livre des procédures fiscales a eu pour seul effet de permettre à l'intéressée de saisir le tribunal administratif du litige l'opposant à l'administration, mais ne constitue pas un vice de procédure et est sans influence sur le bien-fondé des impositions contestées.

6. D'autre part, Mme D... ne conteste pas avoir reçu la proposition de rectification qui lui a été notifiée le 21 septembre 2004 ainsi que la réponse aux observations du contribuable qui lui a été notifiée le 3 novembre 2004 et ne soutient pas ne pas avoir disposé des autres pièces de la procédure et de ses relevés bancaires ou ne pas avoir eu la possibilité d'en obtenir une copie à la date à laquelle sa réclamation préalable présentée le 7 avril 2006 a été implicitement rejetée, soit le 8 octobre 2006. Par suite, alors qu'elle pouvait saisir le tribunal administratif du litige l'opposant à l'administration dès cette date, elle ne saurait en tout état de cause utilement soutenir que l'administration fiscale aurait méconnu les droits de la défense ainsi que son devoir de loyauté en rejetant sa réclamation préalable près de dix ans après sa présentation, qu'elle n'aurait ainsi pas bénéficié d'une " procédure équitable " et que sa réclamation n'aurait pas été traitée dans un délai raisonnable, en méconnaissance de l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ".

8. D'une part, la proposition de rectification adressée le 17 septembre 2004 à Mme D... indiquait les impôts concernés, l'année d'imposition en cause et mentionnait la nature des rectifications opérées, en précisant le détail des crédits bancaires sur lesquels il avait été demandé au contribuable d'apporter des justifications, ceux pour lesquels celles-ci avaient été apportées et ceux qui demeuraient injustifiés. Ce document indiquait, en outre, l'incidence de ces rehaussements de la base imposable sur la cotisation d'impôt sur le revenu mise à la charge de l'intéressée, de même que leur conséquence en matière de prélèvements sociaux. Ainsi, le moyen tiré de ce que les rectifications proposées au titre de l'année 2001 sont insuffisamment motivées au regard de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales doit être écarté comme manquant en fait.

9. D'autre part, il ressort de la proposition de rectification du 17 septembre 2004 que le vérificateur, qui a mentionné le montant des rectifications proposées s'agissant des revenus de capitaux mobiliers, ainsi que l'année d'imposition, a également indiqué que les sommes déclarées, qui correspondent à des prélèvements en compte courant d'associé imposables sur le fondement de l'article 111-a du code général des impôts, n'ouvrent pas droit à l'avoir fiscal au regard de l'article 158 ter du même code. Les rectifications relatives à l'année 2002 sont par conséquent suffisamment motivées au regard des exigences de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales.

10. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales : " A l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu (...), lorsque des rectifications sont envisagées, l'administration doit indiquer, avant que le contribuable présente ses observations ou accepte les rehaussements proposés, dans la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou dans la notification mentionnée à l'article L. 76, le montant des droits, taxes et pénalités résultant de ces rectifications (...) ".

11. La proposition de rectification adressée à Mme D... le 17 septembre 2004 précise les conséquences financières du contrôle, en indiquant pour chacune des deux années concernées le montant des droits et pénalités résultant des rectifications. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales ne peut dès lors qu'être écarté.

12. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ". Il appartient à Mme D..., régulièrement taxée d'office à raison de revenus d'origine indéterminée sur le fondement de l'article L. 69 du même livre, d'apporter la preuve de l'exagération des impositions litigieuses.

13. Si Mme D... soutient, s'agissant des sommes en espèces portées au crédit de ses comptes bancaires au cours de l'année 2001, pour un montant global de 15 016,23 euros, qu'elles correspondent au produit de la vente d'instruments de musique, la seule production d'attestations rédigées par deux personnes indiquant avoir fait l'acquisition d'instruments auprès de M. et Mme C... au cours de l'année 2001 est insuffisante pour démontrer le caractère non imposable des sommes en litige. Par suite, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration fiscale a taxé d'office les sommes en litige en tant que revenus d'origine indéterminée.

14. En sixième lieu, aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : a. Sauf preuve contraire, les sommes mises à la disposition des associés directement ou par personnes ou sociétés interposées à titre d'avances, de prêts ou d'acomptes (...) ". Aux termes du I de l'article 158 bis du même code, alors en vigueur : " Les personnes qui perçoivent des dividendes distribués par des sociétés françaises disposent à ce titre d'un revenu constitué : / a) par les sommes qu'elles reçoivent de la société ; / b) par un avoir fiscal représenté par un crédit ouvert sur le Trésor. / Ce crédit d'impôt est égal à la moitié des sommes effectivement versées par la société (...) ". Aux termes du 1 de l'article 158 ter de ce code, alors en vigueur : " Les dispositions de l'article 158 bis s'appliquent exclusivement aux produits d'actions, de parts sociales ou de parts bénéficiaires dont la distribution est postérieure au 31 décembre 1965 et résulte d'une décision régulière des organes compétents de la société (...) ".

15. Le moyen tiré de ce que l'administration fiscale ne pouvait imposer sur le fondement de l'article 111-a du code général des impôts les sommes portées au débit du compte courant d'associé ouvert au nom de Mme D... dans les écritures de la SARL La Chaumière au titre de l'année 2002 est dépourvu des précisions permettant à la Cour de statuer sur son bien-fondé. A supposer que Mme D... ait entendu soutenir qu'elle était en droit de bénéficier de l'avoir fiscal alors prévu par l'article 158 bis du code général des impôts, l'administration a pu à bon droit regarder comme des revenus distribués imposables sur le fondement de l'article 111-a du code au titre de l'année 2002 les avances en compte courant consenties par la SARL La Chaumière à Mme D..., faute de remboursement de ces avances au 31 décembre 2012, et remettre en cause le bénéfice de l'avoir fiscal dont l'intéressée avait entendu bénéficier, les sommes en cause ne constituant pas des dividendes distribués en vertu d'une décision régulière prise par les organes compétents de la société. Le moyen doit donc être écarté.

16. En dernier lieu, Mme D... reprend le moyen soutenu en première instance, tiré de ce que la cotisation supplémentaire de contribution sociale généralisée mise à sa charge au titre de l'année 2001 serait déductible des revenus imposables de l'année 2002, sans apporter d'élément nouveau au soutien de ce moyen. Il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Nice.

17. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

18. En premier lieu, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Mme D... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

19. En second lieu, aucun dépens n'ayant été exposé dans cette instance, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de Mme D... tendant à l'application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.

Délibéré après l'audience du 3 décembre 2019, où siégeaient :

- M. Antonetti, président,

- M. Barthez, président assesseur,

- Mme E..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 décembre 2019.

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N° 18MA04153

mtr


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