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09/01/2020 | FRANCE | N°18MA01252

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 09 janvier 2020, 18MA01252


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Naisca a demandé au tribunal administratif de Marseille, à titre principal, de prononcer la décharge de la cotisation de taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2009, ainsi que des intérêts de retard et, à titre subsidiaire, de prononcer la réduction de cette cotisation.

Par un jugement n° 1508415 du 26 janvier 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :>
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 20 mars 2018 et 11 janvier 2019,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Naisca a demandé au tribunal administratif de Marseille, à titre principal, de prononcer la décharge de la cotisation de taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2009, ainsi que des intérêts de retard et, à titre subsidiaire, de prononcer la réduction de cette cotisation.

Par un jugement n° 1508415 du 26 janvier 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 20 mars 2018 et 11 janvier 2019, la SARL Naisca, représentée par Me C..., doit être regardée comme demandant à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 26 janvier 2018 ;

2°) à titre principal, de prononcer la décharge demandée et d'ordonner la restitution des sommes déjà acquittées à ce titre ;

3°) à titre subsidiaire, de prononcer la réduction de l'imposition mise à sa charge ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle exerce une activité d'affrètement et de location de bateaux affectés à la navigation en haute mer, couverte par l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) prévue à l'article 148 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006, reprise à l'article 262 II 2° du code général des impôts, peu important, à cet égard, qu'il s'agisse d'un navire de plaisance et qu'elle n'ait pas effectivement bénéficié de cette exonération ;

- son bateau étant utilisé pour réaliser des opérations non soumises à la TVA, il ne doit pas être maintenu dans la base imposable de la taxe professionnelle en application du 2° de l'article 310 HH de l'annexe II au code général des impôts ;

- son navire étant essentiellement utilisé en dehors des eaux territoriales tant françaises que de celles des autres Etat membres de l'Union européenne, elle ne relève pas du champ d'application territorial de la TVA pour les transports définis à l'article 259 A 1° du code général des impôts ;

- l'imposition méconnaît l'article 1448 du code général des impôts dès lors qu'il est inéquitable et économiquement aberrant qu'elle soit assujettie à une cotisation de taxe professionnelle de 86 098 euros pour 60 000 euros de recettes dans l'année ;

- elle est fondée à se prévaloir de la doctrine administrative référencée DB 3A3331, qui prévoit que la location de bâtiments de mer utilisés pour le transport de voyageurs ou d'excursions touristiques est exonérée de TVA ;

- l'agent vérificateur, lorsqu'il a motivé l'imposition à la taxe professionnelle, a lui-même admis que les dispositions de l'article 310 HH de l'annexe II au code général des impôts étaient applicables ;

- s'agissant de sa demande subsidiaire de réduction, le tribunal n'a pas répondu au moyen relatif à l'argumentation développée par l'administration quant au lieu d'embarquement et de débarquement des passagers et à la répartition de la base imposable proportionnellement aux effectifs de passagers et aux tonnages de marchandises embarqués et débarqués ;

- elle est en droit de bénéficier d'une réduction au regard de son chiffre d'affaires hors taxes de 2008, en application de l'article 310 HH de l'annexe II au code général des impôts, dès lors que l'administration ne démontre pas qu'elle embarquait et débarquait ses passagers uniquement depuis son port d'attache situé à Marseille ni ne justifie en quoi la répartition de la base imposable aurait été faite proportionnellement aux effectifs de passagers et aux tonnages de marchandises embarqués et débarqués ;

- elle est en droit de bénéficier, le cas échéant dans le cadre de la compensation prévue à l'article L. 205 du livre des procédures fiscales, du plafonnement de la taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée, demande qu'elle a formulée dans son courrier du 12 septembre 2012, réitérée par réclamation du 12 décembre 2012 puis dans la réclamation du 5 mai 2015 ; elle a également établi une demande de plafonnement sur l'imprimé n° 1327 TP, formalité qui n'est imposée par aucun texte ; elle pouvait valablement demander ce plafonnement dans le cadre d'un réclamation contentieuse ;

- la circonstance que le navire n'ait été inscrit au registre international français (RIF) qu'en 2009 et qu'elle ait soumis ses recettes de 2008 à la TVA ne fait pas obstacle à l'application de ces textes puisque c'est la situation de l'année 2009 en matière de TVA qui doit être retenue ;

- elle est en droit de bénéficier du dégrèvement de taxe professionnelle prévu en faveur des investissements nouveaux par l'article 1647 C quinquies du code général des impôts, dont elle remplit les conditions, si bien qu'elle ne doit être assujettie qu'à la cotisation minimum de taxe professionnelle prévue à l'article 1 647 d du même code ;

- elle entre dans les prévisions des instructions administratives relatives à ce dégrèvement pour investissements nouveaux référencées BOI 6 E 9 04 du 26 octobre 2004 et BOI 6 E 7 06 du 29 décembre 2006, qui renvoient à la doctrine DB 4 D-2661.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 décembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées le 24 octobre 2019, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office, tiré de ce qu'en l'absence de litige né et actuel avec le comptable public, les conclusions de la requête tendant à la restitution des sommes déjà acquittées au titre de la cotisation de taxe professionnelle à laquelle la SARL Naisca a été assujettie au titre de l'année 2009 sont irrecevables.

Le 6 novembre 2019, la SARL Naisca a produit un mémoire en réponse à ce moyen d'ordre public.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné Mme D..., présidente assesseure, pour présider la formation de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de Mme A..., présidente de la 3ème chambre, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de M. Ouillon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Naisca, qui exerce une activité de location de navires, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au terme de laquelle l'administration fiscale l'a assujettie à la taxe professionnelle au titre de l'année 2009. La SARL Naisca relève appel du jugement du 26 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge ou, à titre subsidiaire, à la réduction de cette imposition.

Sur la régularité du jugement contesté :

2. Si la société requérante soutient que le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen " relatif aux arguments invoqués par l'administration " quant au lieu d'embarquement et de débarquement des passagers et à la répartition de la base imposable proportionnellement aux effectifs de passagers et aux tonnages de marchandises embarqués et débarqués, il ressort de ses écritures de première instance que ces développements constituaient des arguments présentés à l'appui du moyen tiré de ce qu'elle était en droit de bénéficier, en application de l'article 310 HH de l'annexe II au code général des impôts, d'une réduction de la cotisation de taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie, en regard du chiffre d'affaires réalisé en 2008. Le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de se prononcer sur l'ensemble des arguments développés par la requérante, a bien répondu à ce moyen au point 8 de son jugement. Par suite, la SARL Naisca n'est pas fondée à soutenir que ce jugement serait irrégulier.

Sur les conclusions à fin de décharge de l'imposition en litige :

3. Aux termes de l'article 1467 du code général des impôts, dans sa version en vigueur au titre de l'année d'imposition en litige : " La taxe professionnelle a pour base : 1°(...) a. la valeur locative, (...), des immobilisations corporelles dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence définie aux articles 1467 A et 1478 (...) ". Aux termes de l'article 310 HF de l'annexe II à ce code : " Pour la détermination de la valeur locative qui sert de base à la taxe professionnelle : (...) 3° La valeur locative des biens faisant l'objet d'un contrat de crédit-bail mobilier est déterminée d'après leur prix de revient dans l'acte ; (...) ". Aux termes de l'article 310 HH de cette annexe II : " Pour les entreprises qui exercent une partie de leur activité en dehors du territoire national et qui disposent en France de locaux ou de terrains : (...) 2° La valeur locative de l'ensemble des véhicules dont dispose une entreprise de transport ou de pêche maritime, ainsi que de leurs équipements et matériel de transport, est retenue proportionnellement à la part, dans les recettes hors taxes de l'entreprise, de celles qui correspondent à des opérations effectuées dans les limites du territoire national et soumises à la taxe sur la valeur ajoutée ; toutefois, lorsque le trafic assuré par l'entreprise est principalement en provenance de France ou à destination de la France, la proportion retenue ne peut être inférieure au dixième. ". Aux termes du II de l'article 1478 du même code, dans sa version en vigueur en 2009 : " En cas de création d'un établissement (...), la taxe professionnelle n'est pas due pour l'année de création. Pour les deux années suivant celle de la création, la base d'imposition est calculée d'après les immobilisations dont le redevable a disposé au 31 décembre de la première année d'activité et les recettes réalisées au cours de cette même année, ajustées pour correspondre à une année pleine. ".

4. Les entreprises de transport, au sens de l'article 310 HH de l'annexe II du code général des impôts, sont celles qui ont pour activité de déplacer des marchandises, des voyageurs ou des bagages tout en assurant la maîtrise de l'opération de transport, ce qui implique d'assurer la direction, la coordination et le contrôle de ces opérations.

5. Il résulte de l'instruction que la SARL Naisca, créée en 2008, exerce une activité de location de navires. Elle a souscrit le 15 mai 2008 un contrat de crédit-bail avec la société Lixxbail portant sur un navire à moteur dénommé Naisca IV, dont le prix de revient, aux termes de ce contrat, est de 3 250 000 euros hors taxes (HT). L'administration fiscale a imposé la SARL Naisca à la taxe professionnelle au titre de l'année 2009 en retenant dans ses bases d'imposition, au titre des immobilisations corporelles, la valeur locative de ce navire, déterminée d'après son prix de revient, conformément aux dispositions de l'article 310 HF précité de l'annexe II au code général des impôts.

6. Si la société requérante soutient que la valeur locative de ce navire devait être évaluée conformément aux dispositions du 2° précité de l'article 310 HH de l'annexe II au code général des impôts, elle n'apporte aucune précision sur les modalités d'exercice de son activité ni aucun élément tendant à démontrer que la location du Naisca IV serait intervenue, en pratique, au cours de la période de référence fixée à l'article 1478 de ce code, dans des conditions telles qu'elle continuait d'assurer la direction, la coordination et le contrôle des opérations de transport. Dans ces conditions, la SARL Naisca ne peut être regardée comme une entreprise de transport au sens de ces dispositions, quand bien même le Naisca IV serait un navire de haute mer inscrit l'année suivante au registre international français. Par suite, et à supposer même que les prestations réalisées soient, comme elle le soutient, exonérées de taxe sur la valeur ajoutée, en application du 1° de l'article 259 A du code général des impôts, du 2° de l'article 262 du même code, ou de l'article 148 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006, elle ne peut bénéficier des modalités particulières de détermination de la valeur locative de son navire fixées au 2° de l'article 310 HH, qui sont réservées aux seules entreprises de transport. Par ailleurs, et en tout état de cause, s'agissant d'un litige portant sur la taxe professionnelle, elle ne peut utilement se prévaloir de l'effet direct de la directive précitée, qui porte sur la seule taxe sur la valeur ajoutée.

7. La SARL Naisca n'est pas fondée à se prévaloir de la doctrine administrative référencée DB 3A3331, qui a trait à l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée dont peuvent bénéficier les navires mentionnés à l'article 262 II 2° du code général des impôts, dès lors qu'ainsi qu'il a été dit au point 6 ci-dessus, l'exonération ou l'assujettissement des prestations réalisées par la société à cette taxe est sans incidence sur l'application du régime particulier prévu à l'article 310 HH de l'annexe II au code général des impôts.

8. En prenant en compte, pour déterminer la base d'imposition de la SARL Naisca à la taxe professionnelle au titre de l'année 2009, soit l'année suivant sa création, les immobilisations dont elle a disposé au 31 décembre 2008 et les recettes réalisées au cours de cette même année, l'administration a fait une exacte application des dispositions précitées de l'article 1478 du code général des impôts qui définissent la période de référence à prendre en compte au titre des deux années suivant celles de la création d'une société. Par suite, la SARL Naisca n'est pas fondée à soutenir que pour déterminer sa base imposable, l'administration fiscale aurait dû tenir compte de sa situation en 2009.

9. Aux termes de l'article 1448 du code général des impôts : " La taxe professionnelle est établie suivant la capacité contributive des redevables, appréciée d'après des critères économiques en fonction de l'importance des activités exercées par eux sur le territoire de la collectivité bénéficiaire ou dans la zone de compétence de l'organisme concerné. ".

10. Il résulte enfin de ce qui a été dit ci-dessus que la SARL Naisca est redevable de la taxe professionnelle au titre de l'année 2009 et que sa base imposable a été déterminée conformément aux dispositions de l'article 1467 du code général des impôts, au regard de la valeur locative des immobilisations dont elle a disposé pour les besoins de son activité. Dans ces conditions, elle ne peut utilement invoquer, devant le juge de l'impôt, le fait que l'imposition mise à sa charge serait sans rapport avec le chiffre d'affaires réalisé en 2008. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées ne peut qu'être écarté.

Sur les conclusions tendant à la réduction de l'imposition en litige :

En ce qui concerne l'application des dispositions de l'article 310 HH de l'annexe II au code général des impôts :

11. Il résulte de ce qui a été dit au point 6 ci-dessus que la SARL Naisca, qui n'est pas une entreprise de transport, ne peut bénéficier des modalités de détermination de la valeur locative du navire Naisca IV fixées à l'article 310 HH de l'annexe II au code général des impôts. Par suite, elle ne saurait davantage, en application de ce même article, bénéficier d'une réduction de la cotisation de taxe professionnelle mise à sa charge.

En ce qui concerne la demande de dégrèvement pour investissements nouveaux :

12. Aux termes de l'article 1647 C quinquies du code général des impôts dans sa version applicable en 2009 : " I.- Les immobilisations corporelles neuves éligibles aux dispositions de l'article 39 A ouvrent droit à un dégrèvement égal respectivement à la totalité, aux deux tiers et à un tiers de la cotisation de taxe professionnelle pour la première année au titre de laquelle ces biens sont compris dans la base d'imposition et pour les deux années suivantes. / Pour bénéficier du dégrèvement, les redevables indiquent chaque année sur les déclarations prévues à l'article 1477 la valeur locative et l'adresse des biens éligibles. / Les biens pour lesquels les redevables demandent le bénéfice du dégrèvement ne peuvent faire l'objet des dégrèvements mentionnés aux articles 1647 C à 1647 C quater. (...) ".

13. Il résulte de l'instruction que la SARL Naisca a présenté une demande de dégrèvement sur le fondement de ces dispositions dans son courrier du 12 septembre 2012, réceptionné par l'administration le 17 septembre 2012 et dans sa première réclamation préalable, du 12 décembre suivant, reçue le 17 décembre. Toutefois, elle n'apporte aucun élément de nature à démontrer que le navire Naisca IV aurait été mis à sa disposition à l'état neuf. Au contraire, il ressort de ses écritures que ce navire était un équipement d'occasion. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir qu'elle peut bénéficier du dégrèvement prévu par ces dispositions, qui n'est applicable qu'au titre des immobilisations corporelles neuves figurant dans la base d'imposition à la taxe professionnelle des redevables concernés.

14. La SARL Naisca n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'instruction référencée BOI 6 E 9 04 du 26 octobre 2004, relative au dispositif de dégrèvement pour investissements nouveaux issu de l'article 11 de la loi 2004-804 du 9 août 2004, modifié par l'article 95 de la loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004, qui n'est applicable qu'aux immobilisations entrées dans la base d'imposition à la taxe professionnelle en 2004 et 2005, ce qui n'est pas le cas du Naisca IV, objet d'un crédit-bail immobilier souscrit par la requérante en 2008.

15. Elle n'est pas davantage fondée à se prévaloir de l'instruction référencée BOI 6 E 7 06 du 29 décembre 2006, relative au dispositif de dégrèvement pour investissements nouveaux résultant de l'article 85 II-C de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005, applicable aux immobilisations comprises dans la base imposable à la taxe professionnelle à compter de 2006, dès lors que cette instruction ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il a été fait application au point 13 ci-dessus. En particulier, et contrairement à ce que soutient la SARL Naisca, cette instruction ne prévoit pas l'extension du dispositif de dégrèvement, réservé aux immobilisations neuves, aux navires de commerce d'occasion.

En ce qui concerne la demande de plafonnement en fonction de la valeur ajoutée :

16. D'une part, aux termes de l'article 1647 B sexies du code général des impôts, dans sa version applicable au litige : " I. - Sur demande du redevable, la cotisation de taxe professionnelle de chaque entreprise est plafonnée en fonction de la valeur ajoutée produite au cours de l'année au titre de laquelle l'imposition est établie ou au cours du dernier exercice de douze mois clos au cours de cette même année lorsque cet exercice ne coïncide pas avec l'année civile. La valeur ajoutée est définie selon les modalités prévues au II. / Le taux de plafonnement est fixé à 3,5 % de la valeur ajoutée. (...) ".

17. D'autre part, aux termes de l'article R. 190-1 du livre des procédures fiscales : " Le contribuable qui désire contester tout ou partie d'un impôt qui le concerne doit d'abord adresser une réclamation au service territorial, selon le cas, de l'administration des impôts ou de l'administration des douanes et droits indirects dont dépend le lieu de l'imposition. (...) ". Aux termes de l'article R. 196-2 du même livre : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts directs locaux et aux taxes annexes doivent être présentées à l'administration des impôts au plus tard le 31 décembre de l'année suivant celle, selon le cas : / a) De la mise en recouvrement du rôle ou de la notification d'un avis de mise en recouvrement ; (...) ". Aux termes de l'article R. 196-3 de ce livre : " Dans le cas où un contribuable fait l'objet d'une procédure de reprise ou de rectification de la part de l'administration des impôts, il dispose d'un délai égal à celui de l'administration pour présenter ses propres réclamations. ". Enfin, l'article L. 174 du même livre, dans sa version applicable au présent litige, dispose que : " Les omissions ou les erreurs concernant la taxe professionnelle peuvent être réparées par l'administration jusqu'à l'expiration de la troisième année suivant celle au titre de laquelle l'imposition est due. (...) ".

18. Une demande tendant à obtenir le plafonnement de la taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée institué par l'article 1647 B sexies du code général des impôts constitue une réclamation dont la recevabilité doit être appréciée au regard des seules règles du plein contentieux fiscal qui sont définies par le livre des procédures fiscales.

19. Il résulte de l'instruction que la SARL Naisca a présenté une demande de plafonnement sur le fondement des dispositions de l'article 1647 B sexies du code général des impôts dans ses réclamations préalables des 12 décembre 2012 et 5 mai 2015. Dans la décision de rejet de cette dernière réclamation, l'administration l'a invitée à présenter cette demande de plafonnement au moyen du formulaire n° 1727 TP avant le 31 décembre 2015. Si, comme le relève l'administration fiscale, la société requérante n'est pas en mesure de justifier du dépôt de sa demande sur le formulaire prévu à cet effet, il résulte toutefois de ce qui a été dit au point 18 ci-dessus qu'une demande de plafonnement peut valablement être formulée par voie de réclamation contentieuse et qu'elle est, dans cette hypothèse, soumise aux seules règles de recevabilité applicables en la matière. Par conséquent, l'administration fiscale, qui a été saisie par la SARL Naisca, par voie de réclamation, d'une demande de plafonnement, ne saurait fonder le rejet de celle-ci sur le seul motif que la demande n'a pas été présentée au moyen du formulaire prévu à cet effet. Il n'est par ailleurs pas contesté que ces réclamations ont été introduites avant l'expiration du délai spécial prévu à l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales, applicable à la société requérante qui a fait l'objet d'une procédure de reprise par l'administration, et qui expirait le 31 décembre 2015. Par suite, et dans la mesure où l'administration ne fait état d'aucun élément s'opposant à ce que la SARL Naisca bénéficie, au titre de l'année 2009, du plafonnement de la cotisation de taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie en fonction de la valeur ajoutée, cette dernière est fondée à obtenir, à ce titre, une réduction de l'imposition mise à sa charge, sur la base des éléments chiffrés avancés dans ses écritures pour déterminer sa valeur ajoutée, lesquels ne sont pas contestés par l'administration.

20. Il résulte de ce qui précède que la SARL Naisca est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation de taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2009, à concurrence de la différence entre le montant de cette cotisation et de celui résultant de l'application du plafonnement en fonction de la valeur ajoutée prévu à l'article 1647 B sexies du code général des impôts.

Sur les conclusions tendant au remboursement des sommes déjà acquittées :

21. Aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales : " Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal (...) les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires (...) ".

22. Il résulte de ces dispositions qu'en exécution d'une décision de justice ordonnant une décharge ou une réduction d'imposition, la restitution des sommes déjà versées par un contribuable doit être faite par le comptable chargé du recouvrement, sans qu'il soit besoin d'adresser à cette fin une injonction à l'administration fiscale. Dans ces conditions, et en l'absence de litige né et actuel avec le comptable chargé du recouvrement, les conclusions de la SARL Naisca tendant au remboursement des sommes déjà acquittées sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

23. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

24. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SARL Naisca et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La cotisation de taxe professionnelle à laquelle la SARL Naisca a été assujettie au titre de l'année 2009 est réduite à concurrence de la prise en compte du plafonnement en fonction de la valeur ajoutée prévu à l'article 1647 B sexies du code général des impôts dans les conditions précisées au point 19 du présent arrêt.

Article 2 : La SARL Naisca est déchargée de la différence entre la taxe professionnelle mise à sa charge au titre de l'année 2009 et celle définie à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Le jugement n° 1508415 du tribunal administratif de Marseille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'État versera à la SARL Naisca la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL Naisca est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Naisca et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2019, où siégeaient :

- Mme D..., présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme B..., premier conseiller,

- Mme Tahiri, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 janvier 2020.

2

N°18MA01252


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA01252
Date de la décision : 09/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-03-04-04 Contributions et taxes. Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances. Taxe professionnelle. Assiette.


Composition du Tribunal
Président : Mme BERNABEU
Rapporteur ?: Mme Audrey COURBON
Rapporteur public ?: M. OUILLON
Avocat(s) : MONDINI

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-01-09;18ma01252 ?
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