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30/01/2020 | FRANCE | N°19MA05062

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 30 janvier 2020, 19MA05062


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... D... ont demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008, 2009 et 2010.

Par un jugement nos 1500718, 1500723 du 7 février 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande.

Par une requête, enregistrée le 25 novembre 2019, M. et Mme D..., représentés par Me B..., demandent à la Cour :

1

°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de prononcer la décharg...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C... D... ont demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008, 2009 et 2010.

Par un jugement nos 1500718, 1500723 du 7 février 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande.

Par une requête, enregistrée le 25 novembre 2019, M. et Mme D..., représentés par Me B..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige et des pénalités y afférentes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761 - 1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les impositions dues au titre de l'année 2008 sont prescrites ;

- en ce qui concerne la procédure suivie à l'égard de la SELARL Grande Pharmacie de La Plaine, le contrôle inopiné mis en oeuvre par le service en application de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales a été détourné et a en réalité consisté en un commencement de la vérification de comptabilité sans que les garanties attachées à la mise en oeuvre de cette dernière procédure n'aient été respectées ;

- le choix du contribuable concernant l'option de réalisation des traitements informatiques n'a pas été valablement exercé faute d'annexion de la réponse du gérant à la copie du rapport de vérification ; en outre, les traitements réellement opérés diffèrent de ceux annoncés dans le courrier du 7 juin 2011 ;

- sa comptabilité revêt un caractère probant ;

- les méthodes de reconstitution de recettes retenues par l'administration fiscale sont erronées et ils en proposent une qui est plus proche de la réalité;

- la majoration de 80 % qui leur a été infligée sur le fondement du c de l'article 1729 du code général des impôts n'est pas justifiée ;

- en vertu de la décision n° 2016-610 du 10 février 2017 du Conseil constitutionnel, les prélèvements sociaux mis à leur charge et liquidés sur une base indûment majorée de 25 % doivent être réduits ; en outre, la majoration de 25 % appliquée à l'assiette des revenus distribués est contraire au principe d'égalité devant les charges publiques et de légalité des peines, tels que consacrés aux articles 13 et 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 25 novembre 2019 et 20 décembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement prononcé en cours d'instance en matière de contributions sociales et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. et Mme D... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son préambule ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la décision du Conseil constitutionnel n° 2019-793 QPC du 28 juin 2019 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la Cour a désigné Mme E..., présidente assesseure, pour présider la formation de jugement, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Ouillon, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant M. et Mme D....

Vu la note en délibérée, présentée pour M. et Mme D..., et enregistrée le 17 janvier 2020.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., qui exploite une officine de pharmacie à Marseille, la SELARL Grande Pharmacie de La Plaine, a fait l'objet d'un contrôle inopiné le 17 mai 2011 suivi d'une vérification de comptabilité portant sur la période comprise entre le 1er janvier 2008 et le 31 décembre 2009, prolongée en matière de taxe sur la valeur ajoutée jusqu'au 31 mars 2011. A l'issue de ce contrôle, l'administration fiscale, après avoir écarté la comptabilité de la SELARL et procédé à la reconstitution des recettes omises, par deux propositions de rectification des 13 et 14 décembre 2011 selon la procédure contradictoire, lui a notifié des redressements portant sur les résultats déclarés à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010 ainsi que sur la taxe sur la valeur ajoutée due au titre de ces exercices, assortis de la majoration de 80 % pour manoeuvres frauduleuses prévue à l'article 1729 du code général des impôts. Dans le prolongement de cette vérification, l'administration fiscale, par une proposition de rectification du 15 décembre 2011, a notifié aux époux D... des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2008, 2009 et 2010 selon la procédure contradictoire, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement de l'article 109 et du c) de l'article 111 du code général des impôts. Par jugement du 7 février 2018, le tribunal administratif de Marseille, après en avoir prononcé la jonction, a rejeté la demande de la SELARL Grande Pharmacie de la Plaine tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos de 2008 à 2010, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010 et des pénalités correspondantes ainsi que la demande de M. et Mme D... tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années précitées. M. et Mme D... doivent être regardés comme relevant appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté leur demande.

I. Sur l'étendue du litige :

2. Par décision du 29 octobre 2018, postérieure à l'introduction de la requête d'appel, l'administration a prononcé le dégrèvement des sommes de 3 377 euros en droits et 3107 euros en pénalités au titre de l'année 2008, celles de 3 375 euros en droits et 2 943 euros en pénalités au titre de l'année 2009 et celles de 2 969 euros en droits et 2 446 euros en pénalités au titre de l'année 2010, correspondant à la majoration de coefficient de 1,25 appliquée aux prélèvements sociaux. Les conclusions de la requête de M. et Mme D... sont, dans cette mesure, devenues sans objet.

II. Sur les conclusions à fin de décharge des impositions restant en litige :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

3. En raison du principe d'indépendance des procédures de rectification menées à l'encontre d'une société, d'une part, et de ses associés, d'autre part, les irrégularités de la procédure de rectification suivie à l'encontre de la SELARL Grande Pharmacie de La Plaine, à les supposer établies, sont sans incidence sur l'imposition personnelle de M. et Mme D....

En ce qui concerne l'exception de prescription :

4. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. ". Aux termes de l'article L. 189 du même livre : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification. (...) ".

5. Il incombe à l'administration d'établir que la proposition de rectification est parvenue en temps utile au contribuable pour interrompre le délai de reprise prévu par les dispositions précitées. En cas de retour à l'expéditeur du pli recommandé contenant le document, le contribuable ne peut être regardé comme l'ayant reçu que s'il est notamment établi qu'il a été avisé, par la délivrance d'un avis de passage, de ce que le pli était à sa disposition au bureau de poste dont il relève. Cette preuve peut résulter soit des mentions précises, claires et concordantes portées sur l'enveloppe, soit, à défaut, d'une attestation de l'administration postale ou d'autres éléments de preuve.

6. Il résulte des mentions portées sur l'enveloppe et sur le volet " avis de réception " sur lequel a été apposée la date de vaine présentation du courrier, que le pli contenant la proposition de rectification du 15 décembre 2011 a été présenté le 27 décembre 2011 à l'adresse de M. et Mme D.... En outre, la case " non réclamé ", correspondant au motif de non-distribution, y est cochée. Ces mentions, qui font foi jusqu'à preuve du contraire, établissent non seulement que le pli contenant la proposition de rectification a été présenté au domicile des époux D... le 27 décembre 2011, mais également qu'ils en ont été avisés par la remise le même jour d'un avis de passage mentionnant qu'une lettre recommandée était tenue à leur disposition au bureau de poste dont dépend leur domicile. Cette présentation est intervenue dans le délai de reprise, qui expirait, s'agissant de l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année 2008 le 31 décembre 2011. Par suite, le moyen tiré de la prescription de l'action en reprise de l'administration en ce qui concerne les impositions supplémentaires dues au titre de l'année 2008 doit être écarté.

En ce qui concerne l'existence et le montant des revenus regardés comme distribués :

7. Lorsqu'un contribuable n'a pas accepté la rectification de son revenu imposable dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers résultant d'une reconstitution de recettes d'une entreprise assujettie à l'impôt sur les sociétés, il appartient à l'administration fiscale d'établir l'existence, le montant et l'appréhension d'une distribution de bénéfices.

S'agissant du rejet de la comptabilité de la SELARL Grande Pharmacie de La Plaine :

8. Pour regarder comme irrégulière et non probante la comptabilité de la SELARL Grande Pharmacie de la Plaine au titre de la période vérifiée, l'administration fiscale fait valoir que cette société a obtenu le 20 septembre 2004, à la suite d'une demande formulée en ce sens le 15 septembre 2004, le mot de passe nécessaire pour activer sur le logiciel Alliance Plus qu'elle utilise une fonctionnalité permettant d'altérer la fiabilité et l'exhaustivité des informations reprises dans les écritures comptables et se prévaut de l'importance du nombre des ruptures constatées dans la numérotation séquentielle des données de facturation et de règlement, corroborées par des discordances significatives entre les quantités facturées et l'historique des produits.

9. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a pris connaissance de pièces d'une procédure pénale dans l'exercice de son droit de communication, se rapportant à une autre officine de pharmacie et comportant notamment un rapport d'expert précisant que le logiciel de gestion Alliance Plus " dispose de fonctionnalités permettant à l'utilisateur de supprimer de l'historique de la caisse en cours un certain nombre d'opérations. L'accès à cette fonction est subordonné à la saisie d'un mot de passe dans un écran accessible après un laborieux parcours dans les menus et sous-menus de l'application. Il en résulte la suppression pure et simple des sommes correspondantes de la caisse en cours. Les opérations étant affectées par un numéro chronologique, aucun traitement n'est opéré pour rétablir une suite incrémentielle correcte dans ces données et le déroulement du détail de chaque vente laisse apparaître des interruptions dans cette suite de numéros. (...) Une fonction a été prévue pour permettre à l'utilisateur de lister les données qu'il a ainsi " traitées ". Elle s'appuie sur un fichier qualifié de " mouchard ", totalement intégré au programme (...). A notre sens, il en résulte que les fonctionnalités " traitement écritures règlements " et " traitement écritures factures " disponibles nativement dans le logiciel Alliance Plus ne peuvent avoir pour finalité que de permettre à l'exploitant de faire disparaître une partie des recettes en espèces de l'officine. Les précautions nécessaires ont été prises par le programmeur pour que ces traitements ne puissent pas concerner des opérations commerciales engageant des tiers et ne perturbent pas les fonctions automatisées de gestion des stocks de marchandise. Une commande système simple, non intégrée au programme, permet de faire disparaître toute trace de ces manipulations par la suppression totale du fichier qui en tient la liste (...) ". Il résulte également de ce rapport que les encaissements supprimés ne peuvent porter que sur des espèces, le logiciel empêchant la suppression des encaissements par chèque, par carte bancaire ou avec " tiers payant ".

10. Il résulte également de l'instruction que l'analyse des résultats obtenus par l'administration fiscale après traitements informatiques a mis en évidence des ruptures de séquence dans la numérotation des factures à hauteur de 4 971 factures manquantes pour l'exercice clos en 2009, 10 079 pour l'exercice clos en 2010 ainsi que, pour la période courant du 1er janvier 2008 au 31 juillet 2009, la purge volontaire des fichiers clients avec historique sans sauvegarde entraînant l'effacement des coupures centralisatrices journalières, dites " tickets Z ", afférentes à cette période. En outre, lors des opérations de contrôle, l'administration a constaté l'absence du fichier " a_futil.d " qui aurait permis de consulter la trace des interventions effectuées et fait valoir, sans être contredite, que ce fichier peut être supprimé par l'utilisateur au moyen d'une commande dont la mise en oeuvre peut à son tour être effacée de l'historique des commandes saisies. Les requérants se bornent à soutenir que l'administration ne justifie pas de l'obtention du mot de passe permettant de supprimer certains paiements en espèces de l'historique de la caisse faute de produire une demande écrite de leur part sans sérieusement contredire les éléments circonstanciés avancés en ce sens par l'administration. S'ils font également valoir que la purge de l'historique client antérieur au 1er août 2009 visait à permettre un meilleur fonctionnement du logiciel Alliance Plus, cette allégation n'est corroborée par aucun élément alors qu'il ressort de la proposition de rectification que la SELARL Grande Pharmacie de la Plaine n'a été en mesure de produire, en édition papier, que les documents récapitulatifs journaliers des opérations de caisse qui globalisent les opérations et ne permettent pas de valider la séquence chronologique des factures. S'ils indiquent également que la suppression du fichier " a_futil.d " aurait dû être vérifiée sur tous les postes informatiques et non sur un seul poste, l'administration fait valoir sans être utilement contredite que cette vérification a été effectuée par accès au serveur central, cet accès pouvant être réalisé depuis n'importe quel poste informatique de l'officine. En outre, alors que l'administration a pris en compte les tickets en attente au moyen d'un abattement forfaitaire de 1 % et fait valoir sans être contredite qu'il n'a pas été constaté une suppression simultanée d'un nombre significatifs de tickets pouvant résulter d'un problème informatique mais des ruptures concernant seulement un ou deux tickets consécutifs, les requérants n'apportent aucun élément de nature à corroborer que les ruptures de séquence dans les règlements sont justifiées par des raisons autres qu'une suppression volontaire, tenant à la reprise des factures en attente d'un produit manquant, à la suppression de clients dans la base de données, à des problèmes de fonctionnement du logiciel, des systèmes ou de la base de données. Enfin, le service a relevé des discordances significatives entre les quantités vendues selon le journal des ventes et les quantités vendues selon l'historique des produits (2 209 références produits entre la période du 1er août au 31 décembre 2009 et 3 836 références produits pour l'exercice clos en 2010). Dans ces conditions, eu égard aux nombreuses omissions et anomalies affectant la comptabilité, l'administration fiscale a pu, à bon droit, regarder celle-ci comme non probante et procéder à la reconstitution du chiffre d'affaires de l'officine de pharmacie.

S'agissant de la reconstitution des recettes de la société :

11. Pour reconstituer les recettes, le vérificateur a utilisé deux méthodes, dont il a fait la moyenne des résultats, la première s'appuyant sur une valorisation du montant des factures supprimées à partir d'un " ticket moyen ", en multipliant le nombre de règlements manquants par le montant du ticket moyen tiers payant tout mode de règlement confondu, et la seconde sur une valorisation des écarts entre les quantités facturées et les quantités déstockées.

12. Concernant la première méthode, si les requérants font valoir que l'abattement de 1% pour les factures mises en attente n'est pas explicité et que les tickets manquants peuvent s'expliquer par la reprise des factures en attente d'un produit manquant, par la suppression de clients dans la base de données ou encore par des problèmes de fonctionnement du logiciel, des systèmes ou de la base de données, ils ne justifient aucunement qu'un taux supérieur devrait être appliqué. S'ils soutiennent également qu'il y avait lieu de retenir un ticket moyen " hors ordonnances " et que la rareté des paiements en espèces supérieurs à 10 euros rend artificielle la pondération des tickets moyens réglés en espèces en se fondant sur les tickets moyens tous modes de règlement, l'administration fait valoir sans être utilement contredite que le nombre de règlements en espèces supérieurs à 10 euros avancé est erroné, le fichiers des ventes 2010 révélant par exemple que les tickets hors tiers payant réglés en espèces présentant un total TTC supérieur ou égal à 10 euros sont au nombre de 8 001 tickets (sur un total de 47 510, soit 17 %), que la méthodologie de fraude de l'utilisateur peut porter principalement sur les tickets les plus importants hors tiers payant réglés en espèces et que, dès lors, la prise en compte des seuls tickets hors tiers payant réglés en espèces sous-évaluerait le montant des recettes reconstituées. En outre, si les requérants affirment qu'il faudrait retenir la valorisation du ticket moyen " hors ordonnance ", il ressort des précisions contenues dans la proposition de rectification, laquelle s'appuie sur un rapport d'expertise judiciaire communiqué à l'administration, que les manipulations sur les recettes réalisées avec le logiciel Alliance Plus ne concernent que les tickets " hors tiers payant ". Enfin, s'ils soutiennent que des travaux importants ont été menés et que la pharmacie a rouvert en octobre 2009 avec un doublement de sa surface de vente, ils n'établissent ni la réalité de ces changements ni qu'ils auraient eu pour effet de rendre le chiffre d'affaires tel que reconstitué incohérent, le chiffre d'affaires déclaré pour l'année 2008 (2 346 280 euros) étant proche de celui de l'année 2009 (2 440 379 euros).

13. Concernant la seconde méthode, la seule circonstance qu'elle soit fondée sur les données chiffrées issues de traitements comparatifs du journal des ventes et de l'historique des produits, qui comportent des discordances, ne suffit pas à l'écarter alors qu'il résulte de l'instruction que pour apprécier ces discordances l'administration fiscale a tenu compte des ventes en rétrocession, des factures en attente, des articles non référencés ainsi que ceux dont le Code Identifiant de Présentation (CIP) ressort en anomalie. En outre, en établissant qu'une employée de la pharmacie a été licenciée pour avoir procédé à des annulations de vente en encaissant pour son propre compte le prix de certains produits vendus, ainsi que cela ressort d'un constat d'huissier dressé le 31 janvier 2013, la société requérante n'apporte pas la preuve qu'elle aurait subi des vols durant la période vérifiée par l'administration.

14. Enfin, pour tenir compte des approximations inhérentes à toute reconstitution, le vérificateur a déterminé le montant des recettes minorées en retenant la moyenne des résultats des deux méthodes réunies. Eu égard à ce qui précède, la méthode de reconstitution, qui s'appuie sur les conditions d'exploitation de l'établissement pendant une période significative, ne saurait être regardée comme étant radicalement viciée ou même excessivement sommaire. La société requérante, qui propose une méthode d'évaluation fondée, s'agissant du chiffre d'affaires reconstitué pour les années 2008 et 2009, sur une extrapolation des seules données d'août à décembre 2009 et sur un ticket moyen concernant uniquement les règlements en espèces, ne justifie, ainsi qu'il a été dit aux points précédents, par aucun élément que cette méthode correspondrait davantage à la réalité de son exploitation. Par suite, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve du bien-fondé des suppléments d'impôt procédant de cette reconstitution de chiffre d'affaires.

III. Sur les pénalités :

15. L'article 1729 du code général des impôts dispose que : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / (...) / c. 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses (...) ". L'article L. 195 A du livre des procédures fiscales précise que : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaire, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration ".

16. Il résulte de l'instruction que la SELARL Grande Pharmacie de La Plaine est intervenue à plusieurs reprises dans le logiciel Alliance Plus aux fins de faire disparaître des recettes d'exploitation, après s'être fait communiquer, comme il vient d'être dit au point 10, le mot de passe nécessaire à cette fin. La volonté du contribuable, gérant de la SELARL Grande Pharmacie de La Plaine, d'éluder l'impôt, par la mise en oeuvre de ce procédé permettant de donner à la comptabilité l'apparence de la sincérité malgré un nombre très important de manipulations, établit l'existence de procédés destinés à égarer l'administration ou rendre plus difficile le contrôle, et donc de manoeuvres frauduleuses au sens et pour l'application des dispositions précitées du c. de l'article 1729 du code général des impôts. Dès lors, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve d'un manquement délibéré de M. et Mme D....

IV. Sur la majoration de 1,25 prévue par les dispositions du 7 de l'article 158 du code général des impôts :

17. Si les requérants entendent soutenir que les diverses majorations mises à leur charge résulteraient de l'application de dispositions législatives méconnaissant, notamment, les droits garantis par les dispositions, à valeur constitutionnelle, des articles 8 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 14 août 1789, ce moyen, qui ne pourrait utilement être invoqué que dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité formée dans les conditions prévues par l'article R. 771-3 du code de justice administrative, doit être écarté comme irrecevable. En tout état de cause, par sa décision n° 2019-793 QPC du 28 juin 2019, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution l'application des dispositions du 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts, en tant qu'elles s'appliquent aux revenus distribués taxés sur le fondement du c) de l'article 111 du même code.

18. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté le surplus des conclusions de leur demande. Par suite, leurs conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de décharge de la requête de M. et Mme D... à concurrence des dégrèvements prononcés par l'administration et précisés au point 2 du présent arrêt.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme D... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... D... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 16 janvier 2020, où siégeaient :

- Mme E..., présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Courbon, premier conseiller,

- Mme A..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 janvier 2020.

N° 19MA05062 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA05062
Date de la décision : 30/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu.


Composition du Tribunal
Président : Mme BERNABEU
Rapporteur ?: Mme Samira TAHIRI
Rapporteur public ?: M. OUILLON
Avocat(s) : BINISTI

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-01-30;19ma05062 ?
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