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17/03/2020 | FRANCE | N°19MA00149

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 17 mars 2020, 19MA00149


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer, à titre principal, la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2010 ou, à titre subsidiaire, la réduction de ces cotisations à raison des avances en compte courant effectuées pour le compte de la société civile immobilière (SCI) Le Grand Large, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1601828 du 15 novembre 20

18, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer, à titre principal, la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2010 ou, à titre subsidiaire, la réduction de ces cotisations à raison des avances en compte courant effectuées pour le compte de la société civile immobilière (SCI) Le Grand Large, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1601828 du 15 novembre 2018, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 14 janvier 2019, le 1er juillet 2019 et le 2 septembre 2019, M. B..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 15 novembre 2018 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2010, et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la somme de 70 000 euros créditée sur le compte courant d'associé ouvert à son nom dans la comptabilité de la société TF Holding, d'une part, correspond à un simple apport en compte courant de fonds qu'il détenait en Suisse et est donc justifiée et, d'autre part, s'agissant de salaires pour une activité exercée en Suisse où il résidait, ne peut être imposée en France ;

- c'est à tort que l'administration a considéré, au cours de l'examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle, que la somme de 1 200 000 euros, versée par la société SH Group sur le compte bancaire qu'il détient, constituait un revenu d'origine indéterminée et pouvait être imposée d'office, ce qui l'a privé de garanties de procédure ;

- la somme de 1 200 000 euros constitue un prêt que la société SH Group a accordé à la société civile immobilière (SCI) Le Grand Large et, si l'existence d'un prêt n'est pas retenue, cette somme doit être regardée comme des revenus de capitaux mobiliers en application du 1° de l'article 109 du code général des impôts et du a) de l'article 111 du même code ;

- afin de justifier l'imposition en litige, l'administration ne peut, dans le cadre de la présente instance, demander à ce que cette somme soit regardée comme des revenus de capitaux mobiliers, une telle substitution de motifs le privant de garanties, notamment de celles de faire un recours hiérarchique ou de saisir l'interlocuteur départemental.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 29 mai 2019 et le 29 août 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés ;

- si la somme de 1 200 000 euros devait être regardée comme ne pouvant être imposée en tant que revenu d'origine indéterminée, il demande que soit substituée au fondement légal initialement retenu une imposition dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.

Par ordonnance du 2 septembre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 23 septembre 2019.

Des pièces ont été produites par M. B..., le 13 janvier 2020, en vue de compléter l'instruction et communiquées au titre des dispositions de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention entre la France et la Suisse en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune signée le 9 septembre 1966 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'un examen contradictoire de l'ensemble de sa situation fiscale personnelle, M. B... a été assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2010, et aux pénalités correspondantes. Il fait appel du jugement du 15 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.

Sur les revenus présumés imposables :

2. Aux termes de l'article 1649 A du code général des impôts, applicable au présent litige : " (...) Les personnes physiques, les associations, les sociétés n'ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l'étranger. Les modalités d'application du présent alinéa sont fixées par décret. / Les sommes, titres ou valeurs transférés à l'étranger ou en provenance de l'étranger par l'intermédiaire de comptes non déclarés dans les conditions prévues au deuxième alinéa constituent, sauf preuve contraire, des revenus imposables ". Pour faire échec aux présomptions édictées par ces dispositions, il appartient au contribuable, quelle que soit la qualification juridique ou comptable que peut recevoir la somme qui est employée à fin d'être transférée, d'établir que les ressources ayant contribué à la constituer ont par elles-mêmes déjà été imposées, ou ne devaient, ou ne pouvaient pas l'être, non seulement au titre de l'année du transfert, mais aussi, le cas échéant, au titre d'années antérieures.

3. La somme de 70 000 euros a été débitée, le 9 février 2010, d'un compte bancaire en euros non déclaré ouvert en Suisse au nom de M. B... et porté au crédit, le 11 février 2010 d'un compte bancaire ouvert en France au nom de la société par actions simplifiée (SAS) TF Holding. Cette somme a été regardée comme un apport en compte courant d'associé et inscrite dans la comptabilité de cette société au crédit du compte courant d'associé détenu par M. B.... L'administration fiscale a estimé que cette somme constituait un revenu imposable en application de la présomption prévue par les dispositions précédemment citées.

4. M. B... produit l'ensemble des relevés mensuels, depuis celui du mois de février 2009, du compte bancaire suisse débité le 9 février 2010. Il en ressort que le solde créditeur de ce compte s'élevait à la somme de 4 914,04 euros le 25 février 2009 et que ce compte a bénéficié ultérieurement de diverses sommes portées à son crédit, le solde créditeur atteignant 70 296,34 euros le 31 janvier 2010. Ces diverses sommes, qui ont contribué à constituer le transfert de 70 000 euros en litige sont les suivantes : des virements mensuels de l'ordre de 5 400 euros, un virement de 75 263,52 euros appelé " plac fiduciaire " le 22 mai 2009 et un autre de 24 821,04 euros le 15 octobre 2009. Les bulletins de salaires produits établissent que les virements mensuels correspondent au salaire de M. B... en qualité de directeur de la société SH Consulting. L'avis de débit du montant de 24 821,04 euros d'un compte ouvert au nom de cette société auprès d'une banque en Suisse et le " grand livre global provisoire " de cette société montrant le débit de la somme de 37 231,52 francs suisses du compte courant d'associé de M. B... établissent que la somme de 24 821,04 euros est liée à sa qualité d'associé. Enfin, M. B... soutient que l'intitulé " plac fiduciaire " correspond à un placement financier et que la somme de 75 263,52 euros portée au crédit du compte bancaire correspond au " dénouement " de ce placement alors qu'il résidait en Suisse.

5. M. B... était résident fiscal suisse jusqu'au 30 septembre 2009. D'une part, et en tout état de cause, en application du 1 de l'article 17 de la convention franco-suisse précédemment visée, les salaires perçus pour un emploi exercé en Suisse ne sont pas imposables en France. D'autre part, en application de l'article 12 de cette même convention, les intérêts perçus par des personnes résidents en Suisse sont imposables dans cet Etat et M. B... doit ainsi être regardé comme établissant que la somme perçue au titre du " plac fiduciaire " ne pouvait être imposée en France.

6. Cependant, aux termes de l'article 11 de cette convention : " 1. Les dividendes provenant d'un Etat contractant et payés à un résident de l'autre Etat contractant sont imposables dans cet autre Etat. / (...) 5. Le terme " dividendes " employé dans le présent article désigne les revenus provenant d'actions, actions ou bons de jouissance, parts de mine, parts de fondateur ou autres parts bénéficiaires à l'exception des créances, ainsi que les revenus soumis au régime des distributions par la législation fiscale de l'Etat contractant dont la société distributrice est un résident (...) ". La somme de 24 821,04 euros a été versée au débit du compte courant d'associé de M. B... à une date où il était résident fiscal en France et M. B..., qui ne soutient pas que le solde débiteur d'un compte courant d'associé ne serait pas soumis au régime des distributions par la législation fiscale suisse, ne peut être regardé comme établissant que cette somme ne serait pas imposable en France.

7. Ainsi, il résulte de ce qui précède que, pour la plus grande part des montants portés au crédit du compte bancaire à compter du 25 février 2009, M. B... établit que ces sommes ont par elles-mêmes déjà été imposées, ou ne devaient, ou ne pouvaient pas l'être. Par suite, il est fondé à soutenir que la somme de 70 000 euros ne pouvait être regardée comme un revenu imposable.

Sur les revenus d'origine indéterminée imposés selon la procédure de taxation d'office :

8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements (...) ". L'article L. 16 A du même livre dispose que : " Les demandes d'éclaircissements et de justifications fixent au contribuable un délai de réponse qui ne peut être inférieur à deux mois. / Lorsque le contribuable a répondu de façon insuffisante aux demandes d'éclaircissements ou de justifications, l'administration lui adresse une mise en demeure d'avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours en précisant les compléments de réponse qu'elle souhaite ". Aux termes de l'article L. 69 du même livre : " Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16 ".

9. La société de droit suisse Saint-Honoré (SH) Group, détenue à 98 % par la SAS TF Holding dont M. Frésard est l'unique associé, a versé la somme de 1 200 000 euros le 17 septembre 2010 sur le compte bancaire ouvert en France au nom de M. B.... Celui-ci a produit au cours de l'examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle, notamment à la suite des demandes du vérificateur sur le fondement des articles L. 16 et L. 16 A du livre des procédures fiscales, différents documents dont il estime qu'ils justifient l'existence d'un prêt de la société SH Group à la société civile immobilière (SCI) Le Grand Large, dont il détient 90 % des parts, en vue d'un achat immobilier.

10. En l'espèce, M. B... produit un contrat de prêt, qui aurait été conclu le 12 septembre 2010 entre la société SH Group et la SCI Le Grand Large, prévoyant un taux d'intérêt de 3,5 %, un remboursement à l'échéance le 31 décembre 2015 sauf remboursement anticipé. Ce contrat a seulement été communiqué pour la première fois dans la réponse du 21 décembre 2012 à la mise en demeure faite sur le fondement de l'article L. 16 A du livre des procédures fiscales et enregistré en janvier 2013. Aucun remboursement anticipé n'a été effectué. En outre, la comptabilité de la société SH Group ne porte pas la mention d'un tel prêt, le débit de la somme de 1 500 540 francs suisses étant assorti du libellé suivant : " C/C Thierry B... EUR EUR 1 200 000,00 ". En outre, M. B... est, ainsi qu'il a été dit, l'associé de la SAS TF Holding qui détient 98 % du capital de la société SH Group dont il est également le directeur. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, c'est à bon droit que l'administration a estimé que la somme de 1 200 000 euros, utilisée par la SCI Le Grand Large pour un achat immobilier, ne pouvait être regardée comme un prêt.

11. En outre, M. B... n'est pas l'associé de la société SH Group et la somme n'a pas été versée sur un compte courant d'associé. Il n'est donc pas fondé à soutenir que l'administration, dès lors qu'au surplus elle écartait l'existence d'un prêt, aurait dû présumer l'existence de revenus distribués en application du 2° de l'article 109 et du a) de l'article 111 du code général des impôts. Par suite, l'administration, qui ne pouvait exclure que la somme corresponde à d'autres catégories de revenus que les revenus de capitaux mobiliers tels que notamment des traitements et salaires, a pu régulièrement, au cours de la procédure d'imposition, les regarder comme des revenus d'origine indéterminée taxés d'office en application des dispositions précédemment citées de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales. M. B... n'est pas fondé à soutenir que la taxation d'office l'aurait privé de garanties.

12. En second lieu, il est loisible au contribuable taxé d'office en application de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales d'apporter devant le juge de l'impôt la preuve que les sommes concernées, soit ne constituent pas des revenus imposables, soit se rattachent à une catégorie déterminée de revenus. Dans ce cas, le contribuable peut obtenir, le cas échéant, une réduction de l'imposition d'office régulièrement établie au titre du revenu global à raison de la différence entre les bases imposées d'office et les bases résultant de l'application des règles d'assiette propres à la catégorie de revenus à laquelle se rattachent, en définitive, les sommes en cause. Lorsque le contribuable taxé d'office en application de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales établit, au soutien de conclusions visant à la décharge des impositions régulièrement établies sur ce fondement, que les sommes en litige se rattachaient à une catégorie déterminée de revenus, il appartient à l'administration, si elle l'estime utile, de demander au juge, dans le cadre de la procédure de taxation d'office, une imposition des sommes en litige selon les règles applicables à la catégorie d'imposition concernée. Dans cette dernière hypothèse, la procédure d'imposition d'office suivie sur le fondement de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales demeurant ....

13. M. B... ne produit pas d'élément devant le juge de nature à justifier son allégation selon laquelle la somme de 1 200 000 euros correspondrait à un prêt. Il n'établit ni même n'allègue que, notamment, à l'échéance du 31 décembre 2015, cette somme avec les intérêts aurait été remboursée à la société SH Group. Il ne donne pas davantage de précision sur l'origine de la somme de 1 200 000 euros versée sur un compte bancaire dont il est titulaire en France et ne permet pas d'exclure qu'il s'agirait de revenus autres que des revenus de capitaux mobiliers. Par suite, M. B... n'établit pas que cette somme ne constituerait pas des revenus d'origine indéterminée.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice ne lui a pas accordé une réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2010, à raison du redressement portant sur les revenus présumés imposables d'un montant de 70 000 euros, et des pénalités correspondantes.

Sur les frais liés au litige :

15. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à M. B... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Les bases des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles M. B... a été assujetti au titre de l'année 2010 sont réduites de la somme correspondant au redressement portant sur les revenus présumés imposables d'un montant de 70 000 euros.

Article 2 : M. B... est déchargé des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux correspondant à cette réduction des bases d'imposition.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Nice n° 1601828 du 15 novembre 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel de M. B... est rejeté.

Article 5 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à M. B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 3 mars 2020, où siégeaient :

- M. Antonetti, président,

- M. A..., président assesseur,

- M. Maury, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 mars 2020 (article 11 de l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020).

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