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15/06/2020 | FRANCE | N°18MA03049

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 15 juin 2020, 18MA03049


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête enregistrée sous le n° 1504722, la société Girard, venant aux droits de la société Mastran, a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la commune de Tarascon à lui verser une indemnité de 839 658,60 euros toutes taxes comprises en réparation des préjudices subis au cours de l'exécution du marché relatif au lot n° 1 " maçonnerie-pierre de taille " de l'opération de rénovation de la caserne Kilmaine, cette somme devant être majorée des intérêts moratoires à c

ompter du 8 avril 2014 et du produit de leur capitalisation.

Par une requête enregis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête enregistrée sous le n° 1504722, la société Girard, venant aux droits de la société Mastran, a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la commune de Tarascon à lui verser une indemnité de 839 658,60 euros toutes taxes comprises en réparation des préjudices subis au cours de l'exécution du marché relatif au lot n° 1 " maçonnerie-pierre de taille " de l'opération de rénovation de la caserne Kilmaine, cette somme devant être majorée des intérêts moratoires à compter du 8 avril 2014 et du produit de leur capitalisation.

Par une requête enregistrée sous le n° 1709366, la commune de Tarascon a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner M. A..., maître d'oeuvre de l'opération, à la relever et garantir de toute condamnation prononcée à son encontre dans le cadre de l'instance n° 1504722.

Par un jugement n° 1504722, 1709366 du 25 avril 2018, le tribunal administratif de Marseille a joint ces deux demandes et les a rejetées.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 29 juin et le 27 décembre 2018, la société Girard, représentée par Me H..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de condamner la commune de Tarascon à lui verser la somme de 463 990,75 euros toutes taxes comprises en réparation des préjudices subis dans l'exécution du marché ;

3°) d'assortir cette condamnation des intérêts moratoires à compter du 8 avril 2014 et de procéder à leur capitalisation ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Tarascon la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, seule une partie de la prolongation du chantier trouve son origine dans la réalisation des travaux supplémentaires qui lui ont été confiés ;

- le délai d'exécution du marché a été majoré de seize mois en raison de fautes de la commune, qui a tardé à assurer le désamiantage du chantier, à pallier la défaillance du titulaire du marché du lot " chauffage-ventilation " et est à l'origine de l'annulation du marché du lot " plomberie " ;

- cette prolongation s'explique également par des sujétions techniques imprévues ;

- elle est en droit d'être indemnisée des conséquences de la prolongation du chantier imputables à la défaillance d'autres entreprises sur le fondement des stipulations de l'article 7.2 du cahier des clauses administratives générales.

Par des mémoires en défense enregistrés les 30 et 31 octobre 2018, la commune de Tarascon, représentée par Me I..., demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête de la société Girard ;

2°) de condamner M. A... à la garantir de toute condamnation qui viendrait à être prononcée à son encontre ;

3°) de mettre à la charge de la société Girard ou, à défaut, de M. A..., la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande présentée par la société Girard au tribunal était irrecevable dès lors qu'elle a été enregistrée au-delà du délai de six mois qui lui était imparti pour ce faire par les stipulations de l'article 50.3.2 du cahier des clauses administratives générales ;

- les moyens soulevés par la société Girard ne sont pas fondés ;

- M. A..., maître d'oeuvre, était chargé de l'élaboration du calendrier détaillé d'exécution, de sorte que, en cas de condamnation, sa garantie est engagée.

Par ordonnance du 27 juin 2019, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 15 juillet 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. F... Grimaud, rapporteur,

- les conclusions de M. B... Thiele, rapporteur public,

- et les observations de Me H..., représentant la société Girard et de Me C..., représentant la commune de Tarascon.

Une note en délibéré a été présentée pour la société Girard le 28 mai 2020.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Tarascon a, par un acte d'engagement conclu le 25 novembre 2009 à prix unitaire, confié à un groupement solidaire d'entreprises constitué des sociétés Mastran et Girard les travaux du lot n° 1 " maçonnerie - pierre de taille " de l'opération d'aménagement du nouveau palais de justice au sein des anciennes casernes désaffectées du quartier Kilmaine. Par ordre de service n° 1 du 10 décembre 2009, le maître de l'ouvrage a prescrit au groupement de commencer la réalisation des travaux qui, eu égard au délai d'exécution de dix-huit mois fixé par le contrat, devaient prendre fin le 14 juin 2011. Ce délai d'exécution a été prolongé à plusieurs reprises, portant la date de fin des travaux au 31 juillet 2013, date à laquelle leur réception a été prononcée. Le projet de décompte final a été adressé par le mandataire du groupement au maître d'oeuvre le 20 décembre 2013 et le décompte général et définitif lui a été notifié le 23 juin 2014. La société Mastran, aux droits de laquelle vient la société Girard, sa cotraitante qui l'a absorbée, a signé ce décompte avec réserves et a adressé à la commune de Tarascon un mémoire en réclamation reçu le 31 juillet 2014 en vue d'obtenir l'indemnisation des conséquences dommageables de la prolongation du chantier. Cette demande a été rejetée implicitement par la commune de Tarascon.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En vertu de l'article 19.21 du cahier des clauses administratives générales : " Lorsqu'un changement de la masse des travaux ou une modification de l'importance de certaines natures d'ouvrages, une substitution à des ouvrages initialement prévus d'ouvrages différents, une rencontre de difficultés imprévues au cours du chantier (...) ou encore un retard dans l'exécution d'opérations préliminaires qui sont à la charge du maître de l'ouvrage (...) justifie soit une prolongation du délai d'exécution de l'ensemble des travaux ou d'une ou plusieurs tranches de travaux, soit le report du début des travaux, l'importance de la prolongation ou du report est débattue par le maître d'oeuvre avec l'entrepreneur, puis elle est soumise à l'approbation de la personne responsable du marché, et la décision prise par celle-ci est notifiée à l'entrepreneur par ordre de service. (...) ". En vertu des stipulations de l'article 19.23 du même cahier : " En dehors des cas prévus aux 21 et 22 du présent article, la prolongation du délai d'exécution ne peut résulter que d'un avenant. ". Aux termes des stipulations de l'article 3 de l'avenant n° 1 au marché, conclu le 30 juillet 2012 : " Le délai initial d'exécution des travaux portait une fin de travaux au 14/06/11. / Ce délai a été reporté au 15/10/12 ". En vertu de l'article 3 de l'avenant n° 2 conclu le 9 janvier 2013 : " Le délai initial d'exécution des travaux portait une fin de travaux au 14/06/2011. / Ce délai a été reporté au 16/11/2012. / Suivant le planning TCE, le délai est reporté au 31/07/2013. ".

3. Si le groupement d'entreprises titulaire du marché s'est vu confier la réalisation de travaux supplémentaires par des avenants prévoyant l'un et l'autre une prolongation du délai global d'exécution, il ne résulte pas des articles 3 précités de ces avenants, non plus que de leurs autres stipulations, que ces prolongations de délai résulteraient uniquement de la nécessité de réaliser ces travaux supplémentaires, ainsi que le confirme d'ailleurs l'édiction parallèle, par le maître d'oeuvre, de cinq ordres de service reportant le délai d'exécution du marché pour des causes au moins en partie étrangères à l'exécution de ces travaux supplémentaires. Il en résulte que la société Girard ne peut être regardée, du seul fait qu'elle a conclu ces avenants, lesquels ne comportent au demeurant aucune clause de renonciation à une réclamation ultérieure, comme ayant acquiescé à la prolongation du délai d'exécution du marché ou renoncé à contester l'imputation des causes de retard du chantier et à demander la réparation des préjudices en découlant.

4. En vertu de l'article 10.11 du cahier des clauses administratives générales : " Les prix sont réputés comprendre toutes les dépenses résultant de l'exécution des travaux, y compris les frais généraux, impôts et taxes, et assurer à l'entrepreneur une marge pour risques et bénéfice. / (...) A l'exception des seules sujétions mentionnées dans le marché comme n'étant pas couvertes par les prix, ceux-ci sont réputés tenir compte de toutes les sujétions d'exécution des travaux qui sont normalement prévisibles dans les conditions de temps et de lieu où s'exécutent ces travaux (...) ".

5. S'il résulte de ces stipulations que les prix du marché, et notamment les prix convenus pour la réalisation des travaux supplémentaires confiés à l'entreprise par le maître de l'ouvrage, sont réputés inclure toutes les sujétions nécessaires à la réalisation des ouvrages qu'ils rémunèrent, ils ne peuvent, en revanche, être regardés comme incluant nécessairement l'indemnisation des préjudices découlant des conditions d'exécution du marché qui sont extérieures aux prestations de l'entreprise.

6. En l'espèce, il résulte de l'instruction, que les ordres de service nos 2, 3, 6, 7 et 8 ont allongé le délai d'exécution du marché d'une durée totale de vingt-six mois. Si la société Girard soutient que les travaux supplémentaires qui lui ont été commandés ne nécessitaient que dix mois d'exécution, elle n'apporte aucun élément de nature à l'établir, alors qu'il résulte des mentions concordantes portées sur les ordres de service nos 6, 7 et 8, ainsi que sur l'avenant n° 2, que ces travaux ont engendré une prolongation totale du délai d'exécution de treize mois. Il résulte en revanche de l'instruction, et notamment du contenu des ordres de service nos 2 et 3, que les prolongations de délai respectives de sept et six mois arrêtées par ces décisions n'entretenaient aucun rapport avec les nécessités de l'exécution des travaux supplémentaires confiés à la société Girard et à la société Marsan.

7. La société Girard ne peut, toutefois, réclamer l'indemnisation des conséquences dommageables de ces deux prolongations, que sur le fondement de la responsabilité contractuelle pour faute du maître de l'ouvrage ou en raison de difficultés exceptionnelles et imprévisibles rencontrées dans l'exécution des travaux. Elle n'est en revanche pas fondée, quand bien même elle était titulaire d'un marché à prix unitaire, à obtenir du maître de l'ouvrage l'indemnisation des préjudices résultant de fautes commises par d'autres intervenants.

En ce qui concerne les fautes imputées au maître de l'ouvrage :

8. En premier lieu, en vertu des articles R. 1334-14 et suivants du code de la santé publique, et, en particulier de l'article R. 1334-22, dans leur rédaction alors en vigueur, antérieure au décret n° 2011-629 du 3 juin 2011, les propriétaires d'immeubles bâtis, personnes privées comme personnes publiques, à la seule exception des immeubles à usage d'habitation comportant un seul logement, devaient constituer, conserver et actualiser un dossier technique regroupant notamment les informations relatives à la recherche et à l'identification des flocages, calorifugeages et faux plafonds contenant de l'amiante et le communiquer à toute personne physique ou morale appelée à effectuer des travaux dans l'immeuble bâti.

9. La société Girard soutient que le chantier a subi un retard de sept mois en raison de l'absence de diagnostic de repérage d'amiante avant le début des travaux, du retard à achever ce diagnostic, qui n'a été conclu qu'au cours du chantier, puis du retard à assurer le désamiantage du chantier, dont elle estime qu'il aurait dû être réalisé avant l'exécution du marché.

10. Il résulte tout d'abord de l'instruction, et notamment du premier rapport d'inspection dressé par la société Agenda, chargée de procéder au repérage de l'amiante, tant en application des dispositions précitées du code de la santé publique que des dispositions des articles R. 4412-61 à R. 4412-65 du code du travail sur l'évaluation des " risques d'exposition (des travailleurs) à des agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction ", que son ordre de mission lui a été confié le 7 novembre 2009 par la commune de Tarascon et qu'elle a procédé à ce diagnostic le 11 décembre 2009 et le 14 décembre 2009. S'il est vrai que l'annonce par le maître d'oeuvre, au cours de la réunion de chantier n° 0 du 3 décembre 2009, que " la mairie a fait procéder à des diagnostics des zones de chantier avant travaux " et que ces diagnostics ont révélé qu'" il n'y aurait pas de trace d'amiante " était prématurée, il résulte de l'instruction que la société Agenda a remis son rapport le 14 décembre 2009 à la commune et que celui-ci a été porté à la connaissance des entreprises le 14 janvier 2010. Par ailleurs, bien que cette société n'ait pu accéder à l'ensemble des pièces du bâtiment au mois de décembre 2009 faute de disposer des clés d'accès au rez-de-chaussée gauche du bâtiment Est, comprenant quatorze pièces et à une pièce du bâtiment Nord, son rapport, établi sur la base de la visite de quatre-vingt-quatorze pièces et locaux de l'ouvrage, ne révèle que sept sources très localisées d'amiante concentrées dans deux parties restreintes de l'aile Est et du bâtiment central. Dans ces conditions, la société Girard n'est pas fondée à soutenir que la commune, qui avait commandé un diagnostic complet avant le début du chantier et a obtenu de son prestataire, concomitamment à son début d'exécution, un état des lieux démontrant la quasi-absence d'amiante dans l'essentiel des zones du chantier, aurait méconnu les dispositions précitées du code de la santé publique ou commis une faute au regard de ses obligations générales de maître de l'ouvrage. Par ailleurs, si les travaux de démolition ont, à compter du 6 mai 2010, révélé d'autres sources d'amiante, celles-ci sont apparues dans le bâtiment central, déjà visité par la société Agenda au mois de décembre 2009, de telle sorte que le caractère partiellement incomplet du diagnostic de décembre 2009 n'entretient, en tout état de cause, aucun lien de causalité avec la découverte d'amiante en mai 2010.

11. En outre, et en tout état de cause, il ne résulte pas de l'instruction que l'absence de diagnostic concernant les zones non visitées par la société Agenda en décembre 2009 ou la présence ponctuelle d'amiante mise en lumière par son rapport auraient affecté de manière sensible le déroulement du chantier, et notamment les travaux confiés à la société Girard entre le mois de janvier 2010 et le début du mois de mai 2010, les comptes rendus de réunions de chantier faisant au contraire état d'un avancement normal de celui-ci. Il en résulte qu'aucun retard au cours de cette phase n'est susceptible d'engager la responsabilité du maître de l'ouvrage.

12. Il résulte ensuite de l'instruction que, si les travaux de démolition ont révélé d'autres sources d'amiante dans l'aile centrale le 6 mai 2010, ce qui a conduit à suspendre les travaux sur cette partie de l'ouvrage à compter de cette date, cette découverte a eu lieu, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, dans des locaux déjà inspectés pour lesquels le diagnostic initial s'était révélé négatif. A compter de ce moment, la commune de Tarascon a sollicité auprès de la société Agenda un nouveau rapport d'analyse qui, après deux nouvelles visites du site effectuées les 26 mai 2010 et 25 juin 2010, a livré ses conclusions complémentaires le 12 juillet 2010. La commune de Tarascon a ensuite recouru au service de la société Isoléa, entreprise de désamiantage par un marché dont la date de conclusion est inconnue mais dont l'exécution a commencé dès le 6 août 2010 par un état des lieux préalable à l'établissement du plan de dépose de l'amiante et aux travaux de désamiantage, qui se sont terminés le 10 décembre 2010. Eu égard au fait que l'amiante ainsi découverte l'a été dans des zones que le diagnostic préalable de décembre 2009 avait jugées saines, qu'il ne résulte pas de l'instruction et qu'il n'est pas soutenu que les travaux de désamiantage auraient excédé ceux nécessaires à ôter ces éléments découverts fortuitement et au délai relativement limité s'étant écoulé entre cette découverte et l'achèvement complet de la dépose de ces éléments amiantés, la société Girard n'est pas fondée à soutenir que la commune de Tarascon aurait commis une faute dans la planification et l'exécution du désamiantage du chantier. Il en résulte que la prolongation du délai d'exécution de sept mois décidée par l'ordre de service n° 2 à raison, notamment, de l'enlèvement d'amiante non programmé et, ainsi qu'il vient d'être dit, non programmable par la commune, ne peut être regardée comme la conséquence d'une faute du maître de l'ouvrage.

13. En deuxième lieu, s'il résulte de l'instruction qu'ainsi que le soutient la requérante, les locaux de la caserne Kilmaine ont été occupés par divers services administratifs jusqu'en avril 2010, il n'est pas établi que cette circonstance a eu une quelconque incidence sur le calendrier d'exécution du chantier. Il en résulte que ce fait, qui ne caractérise au demeurant aucune faute de la commune, n'est en tout état de cause pas susceptible d'ouvrir droit à indemnité au bénéfice de la requérante.

14. Si, en troisième lieu, la société Girard soutient que l'annulation du marché attribué au titre du lot " plomberie " et du lot " chauffage-ventilation ", qui a justifié la prolongation du délai d'exécution du contrat au terme de l'ordre de service n° 2, résulte de fautes du maître de l'ouvrage, elle ne fait état d'aucun élément de fait ou de droit susceptible de caractériser une telle faute et ne démontre dès lors pas, en se bornant à cette affirmation, l'existence de cette faute.

15. La société Girard soutient, en dernier lieu, que la prolongation du délai d'exécution du marché de treize mois par les ordres de service n° 2 et n° 3 découle d'une insuffisante définition préalable des besoins par le maître de l'ouvrage, qui a conduit à confier un important volume de travaux supplémentaires à la plupart des entreprises, et d'un défaut de maîtrise de l'ordonnancement du chantier, révélé notamment par le retard à conclure le marché du lot " charpente " en dépit de l'importance des travaux confiés à son titulaire. Il résulte toutefois de l'instruction que la prolongation du délai d'exécution de treize mois décidée par ces ordres de service est exclusivement la conséquence de la défaillance de l'entreprise du lot " chauffage-ventilation ", de l'annulation du marché du lot " plomberie " et de l'opération de désamiantage non programmée, faits qui, ainsi qu'il vient d'être dit, ne présentent pas de caractère fautif. Par ailleurs, la société ne démontre pas en tout état de cause, en se bornant à ces affirmations, que l'exécution de travaux supplémentaires et la passation tardive du marché du lot " charpente ", qui sont sans rapport avec le délai supplémentaire arrêté par les ordres de service n° 2 et n° 3, révéleraient une faute quelconque du maître de l'ouvrage.

En ce qui concerne les sujétions imprévues :

16. Il résulte de l'instruction que l'ouvrage objet des travaux, dont la construction remonte au XVIIème siècle, a été occupé par de nombreux maîtres d'ouvrage publics, dont le ministère des armées et la commune de Tarascon, et a été affecté de manière continue à des cantonnements ou à des services administratifs. La présence d'amiante dans un tel bâtiment, présence qui n'a au demeurant pas présenté en l'espèce de caractère exceptionnel eu égard au faible nombre de locaux affectés, ne présentait, dès lors, pas un caractère imprévisible.

17. Ni la défaillance de l'entreprise chargée du lot " chauffage-ventilation ", ni l'annulation du marché confié au lot " plomberie " ne présentent le caractère de sujétions exceptionnelles et imprévisibles.

18. Il résulte de ce qui précède que la société Girard n'est pas fondée à demander la réparation des préjudices découlant de l'allongement du chantier sur le fondement du droit à indemnisation des sujétions imprévues.

En ce qui concerne la charge de la garde du chantier :

19. En vertu des stipulations de l'article 7.2 du cahier des clauses administratives particulières du marché : " La garde des ouvrages est assurée par le titulaire du lot n° 1 (...). / Si le marché relatif à un autre lot que le lot n° 1 (...) était résilié par application des articles 47 et 49 du C.C.A.G., l'entrepreneur titulaire du lot n° 1 (...) devra assurer la garde des ouvrages, approvisionnements et installations réalisées par l'entrepreneur défaillant et ce, jusqu'à désignation d'un nouveau titulaire. / Les dépenses, justifiées, entraînées par cette garde ne seront pas à la charge de l'entrepreneur titulaire du lot n° 1 (...) ".

20. Il ne résulte pas de l'instruction que le marché du lot " chauffage-ventilation " ait été résilié, ni qu'il l'ait été en vertu de l'article 47 ou de l'article 49 du cahier des clauses administratives générales, de telle sorte que la société Girard n'est pas fondée à se prévaloir de cette clause, qui ne régit que les prolongations de chantier découlant de telles circonstances et n'ouvre, en tout état de cause, droit qu'au remboursement des dépenses liées à la garde du chantier en résultant et non à l'indemnisation de l'ensemble des coûts de la prolongation du chantier consécutive à ces mesures.

21. Il résulte de tout ce qui précède que la société Girard n'est pas fondée à se plaindre que les premiers juges ont, par leur jugement, rejeté sa demande. Il y a donc lieu de rejeter sa requête.

Sur l'appel en garantie formulé par la commune de Tarascon :

22. La commune de Tarascon n'étant l'objet d'aucune condamnation, ses conclusions d'appel en garantie à l'encontre du maître d'oeuvre doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que la somme réclamée par la société Girard sur leur fondement soit mise à la charge de la commune de Tarascon, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il n'y a par ailleurs pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Tarascon sur le fondement de ces mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Girard est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Tarascon sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Girard, à la commune de Tarascon et à M. D... A....

Délibéré après l'audience du 25 mai 2020, où siégeaient :

- Mme E... J..., présidente,

- Mme G... K..., présidente assesseure,

- M. F... Grimaud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 juin 2020.

4

N° 18MA03049


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA03049
Date de la décision : 15/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Exécution technique du contrat - Conditions d'exécution des engagements contractuels en l'absence d'aléas - Marchés.

Marchés et contrats administratifs - Exécution financière du contrat - Rémunération du co-contractant - Indemnités - Travaux supplémentaires.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur ?: M. Philippe GRIMAUD
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : SELARL HUC-BEAUCHAMPS ASSOCIÉS - ELEOM AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-06-15;18ma03049 ?
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