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02/07/2020 | FRANCE | N°19MA01742

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 02 juillet 2020, 19MA01742


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... A... et M. F... B... ont demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner, à titre principal, l'hôpital d'instruction des armées Laveran ou, à titre subsidiaire, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des infections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à verser aux ayants-droit de Mickaël C... la somme de 86 800 euros, à Mme A... la somme de 140 000 euros et à M. B... la somme de 70 000 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du

fait du décès de Mickaël C....

Par un jugement n° 1401337 du 25 février ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... A... et M. F... B... ont demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner, à titre principal, l'hôpital d'instruction des armées Laveran ou, à titre subsidiaire, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des infections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à verser aux ayants-droit de Mickaël C... la somme de 86 800 euros, à Mme A... la somme de 140 000 euros et à M. B... la somme de 70 000 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait du décès de Mickaël C....

Par un jugement n° 1401337 du 25 février 2019, le tribunal administratif de Marseille a mis hors de cause l'ONIAM, a condamné l'Etat à verser la somme de 2 000 euros aux ayants-droit de Mickaël C..., a rejeté le surplus des conclusions de la demande et a donné acte du désistement de la requête de la caisse primaire centrale d'assurance maladie du Val de Marne.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 12 avril 2019, le 19 juin 2019, le 21 janvier 2020 et le 4 février 2020, Mme A..., en son nom personnel et en sa qualité de représentant de son fils E... C..., et M. B..., représentés par Me H..., demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement du 25 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a limité à la somme de 2 000 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné l'Etat en réparation du préjudice subi par les ayants-droit de Mickaël C..., Mme A... et M. B... ;

2°) de porter aux sommes respectives de 86 800, 140 000 et 70 000 euros le montant des indemnités dues à titre principal par l'Etat et à titre subsidiaire par l'ONIAM aux ayants-droit de la victime, à Mme A... et à M. B... ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 18 février 2014 et la capitalisation de ces intérêts ;

3°) à défaut, d'ordonner une expertise médicale ;

4°) de mettre à la charge de la partie perdante les sommes respectives de 3 000 et 3 000 euros au titre des frais exposés en première instance et en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et la somme de 4 200 euros au titre des dépens.

Ils soutiennent que :

- la responsabilité de l'Etat est engagée en raison des multiples infections nosocomiales contractées par le patient ;

- les infections nosocomiales ont concouru au décès de M. C... ;

- aucune information n'a été délivrée avant les deux injections de toxine botulique ;

- le consentement de la victime ou de sa famille n'a pas été demandé avant ces injections ;

- les souffrances endurées doivent être mieux indemnisées ;

- le déficit fonctionnel temporaire et la perte de chance de survie de la victime doivent être indemnisés ;

- les préjudices subis par la mère de la victime et son beau-père doivent également être indemnisés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 juin 2019, l'ONIAM, représenté par la SARL De La Grange et Fitoussi, demande à la cour de confirmer le jugement attaqué en tant que ce jugement l'a mis hors de cause et de mettre à la charge de la partie perdante la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les conditions de mise en jeu de la solidarité nationale ne sont pas remplies ;

- les préjudices subis par M. C... sont en lien avec l'accident de la circulation dont il a été victime ;

- les infections nosocomiales n'ont pas pour origine un défaut de prise en charge.

Un mémoire, présenté par la ministre des armées enregistré le 11 mai 2020 après la clôture automatique de l'instruction intervenue suivant les prévisions de l'article R. 6132 du code de justice administrative n'a pas été communiqué.

La requête a été communiquée à la caisse primaire centrale d'assurance maladie du Val de Marne et à la mutuelle des étudiants qui n'ont pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme J...,

- les conclusions de M. Argoud, rapporteur public,

- et les observations de Me H..., représentant Mme A... et M. B....

Considérant ce qui suit :

1. Mickaël C... a été victime le 25 juillet 2012 d'un accident sur la voie publique. Il est décédé le 5 décembre suivant à l'hôpital d'instruction des armées Laveran. Par un jugement du 25 février 2019, le tribunal administratif de Marseille a condamné l'Etat à verser la somme de 2 000 euros aux ayants-droit de M. C.... Mme A... et M. B..., mère et beau-père de la victime, relèvent appel de ce jugement en vue d'obtenir une meilleure indemnisation des préjudices subis par les ayants-droit de Mickaël C... et l'indemnisation de leurs préjudices propres.

Sur le manquement à l'obligation d'information :

2. Il résulte des dispositions de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique que lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé. Si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité, de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obligation. Un manquement des médecins à leur obligation d'information engage la responsabilité de l'hôpital dans la mesure où il a privé le patient d'une chance de se soustraire au risque lié à l'intervention en refusant qu'elle soit pratiquée. C'est seulement dans le cas où l'intervention était impérieusement requise, en sorte que le patient ne disposait d'aucune possibilité raisonnable de refus, que peut être déniée l'existence d'une perte de chance. La preuve de la délivrance de l'information peut être apportée par tout moyen.

3. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Marseille, que M. C... a bénéficié le 22 août 2012 d'injections de toxine botulique au niveau du trapèze supérieur et du sternocléidomastoïdien puis le 3 décembre d'une autre injection au niveau cervical droit. Ce même rapport précise que le décès du patient est consécutif à un choc septique à point de départ pulmonaire sur une pneumopathie d'inhalation favorisée par une paralysie d'une corde vocale qui a pour origine l'atteinte du récurrent lors de l'accident et non, comme le soutiennent les requérants, des complications qui seraient liées aux injections de toxine botulique alors, en outre, que l'aggravation respiratoire conduisant au décès ne peut être attribuée à la seconde injection de toxine en raison du délai trop court qui s'est écoulé entre cette injection et le décès. En l'absence de tout élément de nature médicale susceptible de remettre en cause les conclusions du collège d'experts judiciaires sur ces points, il y a lieu de considérer que le défaut d'information de l'établissement de soins sur les risques inhérents à ces injections et l'absence de consentement n'ont pas privé le patient d'une chance de se soustraire à un risque qui ne s'est pas réalisé. C'est donc à juste titre que le tribunal a considéré, au point 10 de son jugement, que la responsabilité de l'Etat n'était pas engagée du fait d'un manquement de l'hôpital Laveran à son obligation d'information.

Sur les infections nosocomiales :

4. Il résulte des dispositions de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique que l'ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation des dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la double condition qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état et que leur gravité excède le seuil défini à l'article D. 1142-1 du code de la santé publique.

5. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport du collège d'experts, que les multiples infections par les germes de Pseudomonas aeruginosa, d'Enterococcus faecalis, de Candidurie, de Bactéroïdes capillosus et d'Escherichia coli contractées par M. C... au cours de son séjour à l'hôpital d'instruction des armées Laveran, qui sont en lien avec les soins qui lui ont été prodigués, présentent un caractère nosocomial. Toutefois, et dès lors que ces infections nosocomiales n'ont pas entraîné de déficit fonctionnel permanent ni de déficit fonctionnel temporaire à un taux de 50% pendant une durée supérieure à 6 mois ni de conséquences exceptionnellement graves au sens de l'article D. 1142-1 du code la santé publique, c'est à bon droit que les premiers juges ont, d'une part, considéré que les conditions d'intervention de l'ONIAM n'étaient pas remplies et, d'autre part, retenu que la responsabilité de l'Etat était engagée du fait de ces infections. Par ailleurs, si, comme cela a été précisé au point 3, ces infections ne sont pas à l'origine du décès du patient, il résulte du complément au rapport d'expertise que M. C... a, du fait des infections nosocomiales, enduré des souffrances qu'il convient d'indemniser.

Sur les préjudices :

6. Il résulte de l'instruction, et notamment du complément au rapport d'expertise, que les souffrances endurées par M. C... du fait des infections nosocomiales peuvent être fixées à 2 sur une échelle allant de 1 à 7 pendant une période de quatre mois. Les premiers juges ont fait une estimation suffisante de la réparation du pretium doloris de la victime en lui allouant la somme de 2 000 euros.

7. M. C... n'a pas subi d'autre préjudice qui serait dû aux infections nosocomiales.

8. C'est, enfin, à bon droit que le tribunal a considéré que Mme A... et M. B... n'étaient pas fondés à demander l'indemnisation des préjudices résultant du décès de Mickaël C..., lequel, comme il vient d'être dit, est sans lien avec les infections nosocomiales, seules de nature à engager la responsabilité de l'Etat.

9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il y ait lieu d'ordonner une nouvelle expertise, que Mme A... et M. B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a limité à la somme de 2 000 euros le montant de l'indemnité mise à la charge de l'Etat du fait du décès de Mickaël C.... Leurs conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des requérants la somme demandée par l'ONIAM au titre de ces mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... et de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'ONIAM présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... A... et M. F... B..., à la ministre des armées, à l'office national des accidents médicaux, des infections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire centrale d'assurance maladie du Val de Marne et à la mutuelle des étudiants.

Délibéré après l'audience du 11 juin 2020 où siégeaient :

- M. D..., présidente de chambre,

- Mme I..., présidente-assesseure,

- Mme J..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 2 juillet 2020.

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N° 19MA01742


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA01742
Date de la décision : 02/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Service public de santé.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: Mme Agnes BOURJADE
Rapporteur public ?: M. ARGOUD
Avocat(s) : CAYOL

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-07-02;19ma01742 ?
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