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15/10/2020 | FRANCE | N°18MA02482

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 15 octobre 2020, 18MA02482


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... née B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes, d'une part, de condamner le centre hospitalier d'Avignon et l'Assistance publique des hôpitaux de Marseille (AP-HM) à réparer les préjudices subis par sa fille, Isabelle C..., imputables selon elle aux fautes commises par ces établissements dans sa prise en charge, et, d'autre part, d'ordonner avant-dire droit une expertise médicale.

Par un jugement n° 1601994-1602136 du 30 mars 2018, le tribunal administratif de Nîmes, après l

es avoir jointes, a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... née B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes, d'une part, de condamner le centre hospitalier d'Avignon et l'Assistance publique des hôpitaux de Marseille (AP-HM) à réparer les préjudices subis par sa fille, Isabelle C..., imputables selon elle aux fautes commises par ces établissements dans sa prise en charge, et, d'autre part, d'ordonner avant-dire droit une expertise médicale.

Par un jugement n° 1601994-1602136 du 30 mars 2018, le tribunal administratif de Nîmes, après les avoir jointes, a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 29 mai 2018 et le 11 janvier 2019, Mme C..., représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 30 mars 2018 ;

2°) d'ordonner avant-dire droit une expertise médicale ;

3°) de condamner le centre hospitalier d'Avignon et l'AP-HM à réparer les préjudices subis par sa fille Isabelle à la suite de la prise en charge de cette dernière par ces établissements ;

4°) de mettre une somme de 10 000 euros à la charge du centre hospitalier d'Avignon, et une somme de 10 000 euros à la charge de l'AP-HM au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- les premiers juges se sont à tort fondés sur le rapport d'une expertise ordonnée dans une autre procédure et non homologué ;

- le contenu de ce rapport est en outre contestable en ce qui concerne tant la relation des faits que le manque d'objectivité et d'impartialité de l'expert ;

- les établissements hospitaliers ont commis une erreur de diagnostic en ne détectant pas la brucellose dont souffrait sa fille Isabelle, affection qui n'a pas été recherchée par le centre hospitalier d'Avignon ni traitée dans les deux établissements ;

- le traitement par corticoïdes est à l'origine de l'aggravation de l'état de santé d'Isabelle et de son décès ;

- à supposer qu'Isabelle ait été atteinte de polyarthrite rhumatoïde, elle n'a pas reçu les soins adéquats et les établissements hospitaliers ont manqué à leur obligation d'information sur les traitements prodigués et leurs conséquences ;

- elle est fondée à demander la réparation de l'entier préjudice subi par sa fille, qu'une expertise médicale avant-dire droit devra évaluer.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 2 novembre 2018 et le 10 février 2019, le centre hospitalier d'Avignon et l'AP-HM, représentés par Me E..., concluent au rejet de la requête.

Ils soutiennent que :

- la demande de Mme C... est prescrite ;

- les autres moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse et à la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes qui n'ont pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Alfonsi, président,

- les conclusions de M.Gautron, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... relève appel du jugement du 30 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses demandes tendant à ce que le centre hospitalier d'Avignon et l'Assistance publique des hôpitaux de Marseille (AP-HM) soient déclarés responsables des préjudices subis par sa fille, Isabelle C..., qu'elle impute aux fautes commises par ces établissements lors de sa prise en charge, et à ce que soit ordonnée une expertise en vue d'évaluer ces préjudices.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Le respect du caractère contradictoire de la procédure d'expertise implique que les parties soient mises à même de discuter devant l'expert des éléments de nature à exercer une influence sur la réponse aux questions posées par la juridiction saisie du litige. Lorsqu'une expertise est entachée d'une méconnaissance de ce principe ou lorsqu'elle a été ordonnée dans le cadre d'un litige distinct, ses éléments peuvent néanmoins, s'ils sont soumis au débat contradictoire en cours d'instance, être régulièrement pris en compte par le juge, soit lorsqu'ils ont le caractère d'éléments de pur fait non contestés par les parties, soit à titre d'éléments d'information dès lors qu'ils sont corroborés par d'autres éléments du dossier.

3. S'il est exact, comme le relève Mme C..., que l'arrêt n° 13MA03735 du 25 septembre 2014 par lequel la cour a ordonné une expertise médicale dans une instance qui l'opposait à l'AP-HM a été annulé par une décision du Conseil d'Etat n° 386034 du 20 novembre 2015, il est constant que le tribunal s'est référé à l'expertise médicale du Professeur Vincent datée du 14 mars 2016 ordonnée par l'arrêt avant-dire droit de cette cour n° 13MA03687 du 25 septembre 2014 et dont la régularité a, au demeurant, été expressément admise par l'arrêt rendu le 1er décembre 2016 dans cette même instance.

4. En premier lieu, il résulte de l'instruction que le rapport d'expertise du Professeur Vincent, qui avait été ordonnée entre la requérante, le centre hospitalier d'Avignon et l'AP-HM, a été produit par les défendeurs devant le tribunal qui l'a communiqué à Mme C... et a été, ainsi, soumis au débat contradictoire dans le cadre de la présente instance.

5. En deuxième lieu, les éléments du rapport du Professeur Vincent sur lesquels s'est fondé le tribunal sont corroborés par d'autres éléments du dossier s'agissant, notamment, de la recherche de la brucellose effectuée dès le 7 février 1978 à l'occasion de la première admission d'Isabelle au centre hospitalier d'Avignon. Il résulte en effet de l'instruction et, en particulier d'un courrier du 11 février 1986 adressé par le chef du service de chirurgie infantile de ce centre hospitalier au centre hospitalier universitaire Nord, que cette recherche, effectuée selon la technique dite de Wright, a donné un résultat négatif. Les informations contenues dans ce courrier ont d'ailleurs été relevées par la cour dans son arrêt n° 13MA03735-15MA04522 du 1er décembre 2016 produit par les défendeurs devant les premiers juges et n'ont fait l'objet d'aucune contestation par Mme C... ni dans les précédentes instances l'opposant au centre hospitalier d'Avignon et à l'AP-HM, ni à l'occasion de la présente instance.

6. Enfin, et en tout état de cause, il ne résulte pas de l'instruction que dans la conduite de ses opérations d'expertise, le Professeur Vincent aurait manqué à ses devoirs d'objectivité et d'impartialité ni qu'il aurait méconnu le principe du contradictoire en fondant ses conclusions sur des éléments d'information qui n'auraient été portés qu'à sa seule connaissance.

7. Il résulte de ce qui vient d'être dit que, ainsi qu'ils l'ont fait, les premiers juges pouvaient sans entacher leur jugement d'irrégularité, retenir les éléments d'information contenus dans le rapport du Professeur Vincent qui sont, comme il vient d'être dit, corroborés par les autres éléments du dossier.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

8. Il résulte de l'instruction que l'éventualité d'une contamination par la brucellose, déjà recherchée lors de l'admission d'Isabelle C... au centre hospitalier d'Avignon le 7 février 1978 avec, comme il a été dit ci-dessus, des résultats négatifs, a de nouveau été recherchée par un sérodiagnostic effectué le 15 février 1983, qui n'indique qu'une " réaction douteuse limite ". Dans ces conditions, compte tenu du nombre important de faux-positifs susceptibles de résulter de ce test, le résultat faiblement positif du sérodiagnostic effectué le 20 décembre 1984 n'était pas, à lui seul, suffisant pour poser le diagnostic de la brucellose, alors que les autres signes cliniques présentés par la patiente ne permettaient pas d'évoquer cette pathologie, mais plutôt une polyarthrite rhumatoïde pour laquelle ont été prescrits les traitements adaptés, notamment l'administration d'une corticothérapie.

9. En se prévalant de certificats médicaux qui se bornent à affirmer de manière non argumentée qu'Isabelle était atteinte de brucellose, ainsi que de la synthèse des examens biologiques effectués depuis 1996, qui sont plutôt en faveur d'une absence de contamination par un germe du genre brucella dès lors qu'il ne peut raisonnablement être contesté que la sérologie de la patiente, qui n'a jamais été traitée par antibiotique spécifique, n'aurait pas été négative même 18 ans après une contamination et que l'utilisation répétée de corticoïdes n'aurait fait qu'amplifier un éventuel tableau infectieux, Mme C... n'est fondée à soutenir, ainsi que les premiers juges l'ont justement retenu, ni que les établissements mis en cause se sont abstenus de rechercher si sa fille était atteinte de brucellose, ni qu'ils auraient écarté à tort ce diagnostic ni, enfin, que les traitements qu'ils ont prodigués à sa fille n'étaient pas été adaptés à son état de santé.

10. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, ni d'examiner l'exception de prescription opposée par les défendeurs, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses demandes.

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier d'Avignon et de l'AP-HM qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme C... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C..., au centre hospitalier d'Avignon, à l'assistance publique - Hôpitaux de Marseille, à la caisse primaire d'assurance maladie de Vaucluse et à la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes.

Délibéré après l'audience du 10 septembre 2020, où siégeaient :

- M. Alfonsi, président-rapporteur,

- Mme F..., présidente-assesseure,

- M. G..., conseillère.

Lu en audience publique, le 15 octobre 2020.

5

N° 18MA02482

kp


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA02482
Date de la décision : 15/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-02-02-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux. Absence de faute médicale de nature à engager la responsabilité du service public. Diagnostic.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: M. Jean-François ALFONSI
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : BRUNET

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-10-15;18ma02482 ?
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