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01/12/2020 | FRANCE | N°19MA01709

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 01 décembre 2020, 19MA01709


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) European Sakata Holding a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la restitution du crédit d'impôt pour les dépenses de recherche dont elle s'estime titulaire au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015.

Par un jugement n° 1705996, 1705997, 1705998 du 11 février 2019, le tribunal administratif de Montpellier a prononcé la restitution à la SAS European Sakata Holding du crédit d'impôt pour les dépenses de recherche à raison d'u

ne augmentation de la base de calcul de ce crédit s'élevant aux montants de 38 239 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) European Sakata Holding a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la restitution du crédit d'impôt pour les dépenses de recherche dont elle s'estime titulaire au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015.

Par un jugement n° 1705996, 1705997, 1705998 du 11 février 2019, le tribunal administratif de Montpellier a prononcé la restitution à la SAS European Sakata Holding du crédit d'impôt pour les dépenses de recherche à raison d'une augmentation de la base de calcul de ce crédit s'élevant aux montants de 38 239 euros, 39 403 euros et 29 703 euros au titre, respectivement, des années 2013, 2014 et 2015. Il a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 11 avril 2019 et le 12 novembre 2019, la SAS European Sakata Holding, représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 11 février 2019 ;

2°) d'ordonner une expertise portant sur les dépenses de personnels en contrat à durée déterminée, de personnels permanents et de personnels mis à disposition en Espagne et au Royaume-Uni ;

3°) de prononcer la restitution des crédits d'impôt pour les dépenses de recherche au titre des années 2013, 2014 et 2015 à hauteur, respectivement, de 552 834 euros, de 614 352 euros et de 711 506 euros ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les dépenses de personnel du centre de recherche et développement d'Uchaud (Gard), qu'il s'agisse de personnels saisonniers recrutés sous contrat à durée déterminée, de personnels permanents employés en station expérimentale ou affectés dans les filiales anglaise ou espagnole ouvrent droit au crédit d'impôt pour dépenses de recherche en application du II de l'article 244 quater B du code général des impôts et de l'article 49 septies G de l'annexe III au même code ;

- les dépenses de personnels saisonniers recrutés sous contrat à durée déterminée sont éligibles au crédit d'impôt pour dépenses de recherche en application du paragraphe n° 310 de la doctrine portant la référence BOI-BIC-RICI-10-10-10-20 et des paragraphes 20 et 50 de la doctrine portant la référence BOI-BIC-RICI-10-10-20-20 dont elle se prévaut sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juillet 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SAS European Sakata Holding ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 14 novembre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 13 décembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant la SAS European Sakata Holding.

Considérant ce qui suit :

1. Par deux décisions du 5 octobre 2017 et une décision du 13 novembre 2017, l'administration fiscale a rejeté les demandes rectificatives, présentées par la SAS European Sakata Holding, de restitutions de crédit d'impôt pour dépenses de recherche exposées en 2013, 2014 et 2015. Elle a estimé que les dépenses, correspondant à titre principal à la rémunération du personnel, d'un montant respectivement de 1 842 780 euros, 2 047 840 euros et 2 371 687 euros n'étaient pas éligibles et que les crédits d'impôt demandés ne pouvaient donc pas être accordés à hauteur de 553 834 euros, 614 352 euros et 711 506 euros. Par le jugement attaqué du 11 février 2019, le tribunal administratif de Montpellier a décidé que les dépenses de montants de 38 239 euros, 39 403 euros et 29 703 euros étaient éligibles et a prononcé la restitution du crédit d'impôt pour dépenses de recherche au titre de ces années correspondant à cette augmentation des dépenses ouvrant droit au crédit. La SAS European Sakata Holding fait appel de ce jugement et demande à la Cour de prononcer la restitution de crédit d'impôt pour dépenses de recherche à hauteur de 553 834 euros, 614 352 euros et 711 506 euros au titre, respectivement, des années 2013, 2014 et 2015.

Sur l'application de la loi fiscale :

2. En vertu du II de l'article 244 quater B du code général des impôts, les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont, notamment, " les dépenses de personnel afférentes aux chercheurs et techniciens de recherche directement et exclusivement affectés " aux opérations de recherche scientifique et technique. L'article 49 septies G de l'annexe III au même code dispose que : " Le personnel de recherche comprend : / 1. Les chercheurs qui sont les scientifiques ou les ingénieurs travaillant à la conception ou à la création de connaissances, de produits, de procédés, de méthodes ou de systèmes nouveaux (...) / 2. Les techniciens, qui sont les personnels travaillant en étroite collaboration avec les chercheurs, pour assurer le soutien technique indispensable aux travaux de recherche et de développement expérimental. / Notamment : / Ils préparent les substances, les matériaux et les appareils pour la réalisation d'expériences ; / Ils prêtent leur concours aux chercheurs pendant le déroulement des expériences ou les effectuent sous le contrôle de ceux-ci ; / Ils ont la charge de l'entretien et du fonctionnement des appareils et des équipements nécessaires à la recherche et au développement expérimental. / Dans le cas des entreprises qui ne disposent pas d'un département de recherche, les rémunérations prises en compte pour le calcul du crédit d'impôt sont exclusivement les rémunérations versées aux chercheurs et techniciens à l'occasion d'opérations de recherche ".

3. Il appartient au juge de l'impôt de constater, au vu de l'instruction dont le litige qui lui est soumis a fait l'objet, qu'une entreprise remplit ou non les conditions lui permettant de se prévaloir de l'avantage fiscal institué par l'article 244 quater B du code général des impôts.

4. En premier lieu, s'agissant du personnel saisonnier, la SAS European Sakata Holding vient aux droits de la société Sakata Vegetables Europe qui exploite à Uchaud (Gard), notamment, un centre de recherche et de développement dans le domaine de la sélection variétale d'espèces végétales. Ce centre comprend trois principaux pôles dont l'un, appelé " fermes ou stations expérimentales ", correspond à un domaine agricole, comprenant notamment des serres, sur lequel travaille le personnel saisonnier. Il résulte de l'instruction, ainsi que le relève l'administration, que celui-ci effectue presque exclusivement un travail consistant à préparer l'irrigation, planter et semer, fertiliser et traiter, palisser les plantes et les tailler, évacuer les déchets végétaux et récolter. En raison de ses caractéristiques, un tel travail ne peut être considéré comme présentant un caractère technique au sens des dispositions précédemment citées de l'article 49 septies G de l'annexe III au code général des impôts.

5. En deuxième lieu, s'agissant du personnel permanent, l'administration a estimé qu'au titre respectivement des années 2013, 2014 et 2015, six, neuf et dix employés ne pouvaient être considérés comme du personnel de recherche au sens de ces dispositions dès lors qu'il ressortait notamment de leurs bulletins de salaires qu'ils sont affectés à l'exploitation agricole et que cette activité sur le site d'Uchaud consistait tant en la sélection variétale d'espèces végétales qu'en la production de semences destinées à être vendues. Ni les fiches de poste ni les bulletins de salaires de plusieurs de ces employés produits dans le cadre de la présente instance ne confirment l'allégation de la société requérante selon laquelle ces employés seraient affectés exclusivement à l'activité de sélection variétale d'espèces végétales. Les indications de la société selon lesquelles la production de semences vendue par le site d'Uchaud excède nettement, étant donné les rendements moyens habituellement constatés, les capacités de production d'un domaine de quinze hectares de terres agricoles, ne permettent pas d'établir, en tout état de cause, qu'aucune production de semences destinées à être commercialisées n'y serait effectuée. En l'absence d'autres éléments précis apportés par la société requérante, il ne résulte pas de l'instruction que l'activité relative aux semences réalisée sur le site consisterait uniquement dans leur conditionnement en vue de leur revente et que la seule activité agricole serait donc la sélection variétale d'espèces végétales. Par suite, la SAS European Sakata Holding n'est pas fondée à soutenir que ces employés agricoles seraient ainsi affectés, de manière exclusive, à des travaux de recherche et de développement expérimental.

6. En troisième lieu, s'agissant du personnel exerçant en Espagne et au Royaume-Uni, les dispositions du II de l'article 244 quater B du code général des impôts ne limitent pas les dépenses de personnel susceptibles d'ouvrir droit au crédit d'impôt aux seules rémunérations et charges sociales versées pour des personnes employées par l'entreprise et affectées à des opérations de recherche susceptibles d'ouvrir droit à ce crédit, mais s'étendent aux rémunérations et aux charges sociales prises en charge par l'entreprise au titre de la mise à sa disposition par un tiers de personnes afin d'y effectuer dans ses locaux et avec ses moyens des opérations de recherche.

7. En l'espèce, il est constant que la société Sakata Vegetables Europe rembourse les rémunérations de certains membres du personnel salarié de la société de droit espagnol Sakata Seed Iberica SL et de la société de droit britannique Sakata UK Ltd qu'elle considère comme faisant partie du programme de recherche et développement mis en oeuvre dans le centre d'Uchaud. Toutefois, il est également constant que les opérations de recherche ainsi effectuées par ces employés sont exclusivement réalisées en Espagne et au Royaume-Uni. Il résulte de cette seule circonstance, et alors que la SAS European Sakata Holding n'établit pas la réalité de son allégation selon laquelle les locaux britanniques et espagnols seraient mis à la disposition de la société Sakata Vegetables Europe en contrepartie d'un financement, que le remboursement de ces rémunérations ne peut être inclus dans les bases de calcul du crédit d'impôt pour dépenses de recherche au titre des années 2013, 2014 et 2015.

Sur l'interprétation administrative de la loi fiscale :

8. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, applicable en l'espèce : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente (...) ".

9. La demande de restitution d'un crédit d'impôt a le caractère d'une réclamation préalable au sens des dispositions de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales. La décision refusant de restituer un crédit d'impôt ne constitue pas, par suite, un rehaussement d'imposition. La SAS European Sakata Holding ne peut donc, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 du même livre, se prévaloir ni de la doctrine portant la référence BOI-BIC-RICI-10-10-10-20 publiée le 2 novembre 2016 ni de celle portant la référence BOI-BIC-RICI-10-10-20-20 publiée le 5 décembre 2018.

10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise ni de statuer sur la recevabilité de la requête, que la SAS European Sakata Holding n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme à verser à la SAS European Sakata Holding au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SAS European Sakata Holding est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée European Sakata Holding et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 17 novembre 2020, où siégeaient :

- M. Antonetti, président,

- M. A..., président assesseur,

- Mme Carotenuto, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er décembre 2020.

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N° 19MA01709

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA01709
Date de la décision : 01/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-08-01-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Calcul de l'impôt.


Composition du Tribunal
Président : M. ANTONETTI
Rapporteur ?: M. Alain BARTHEZ
Rapporteur public ?: Mme BOYER
Avocat(s) : MORICE-CHAUVEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-12-01;19ma01709 ?
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