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28/01/2021 | FRANCE | N°19MA01422

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 28 janvier 2021, 19MA01422


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... D... a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner le centre hospitalier (CH) d'Avignon à lui verser la somme de 489 326,16 euros en réparation des préjudices qu'il impute à la décision illégale du 17 juillet 2009 portant non-renouvellement de son contrat de travail.

Par un jugement n° 1700203 du 31 janvier 2019, le tribunal administratif de Nîmes a condamné le CH d'Avignon à verser la somme de 30 000 euros à M. D....

Procédure devant la cour :

Par une requê

te et un mémoire, enregistrés le 25 mars et le 2 décembre 2019, M. D..., représenté par Me C......

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... D... a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner le centre hospitalier (CH) d'Avignon à lui verser la somme de 489 326,16 euros en réparation des préjudices qu'il impute à la décision illégale du 17 juillet 2009 portant non-renouvellement de son contrat de travail.

Par un jugement n° 1700203 du 31 janvier 2019, le tribunal administratif de Nîmes a condamné le CH d'Avignon à verser la somme de 30 000 euros à M. D....

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 25 mars et le 2 décembre 2019, M. D..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 31 janvier 2019 en tant qu'il a limité l'indemnité au versement de laquelle le CH d'Avignon a été condamné à la somme de 30 000 euros ;

2°) de porter à 89 408 euros le montant de cette indemnité, dont 67 644 euros au titre de son préjudice matériel, assortie des intérêts au taux légal calculés à compter du 28 octobre 2016, 6 764 euros au titre de la perte de chance de pouvoir bénéficier d'un contrat à durée indéterminée, et 15 000 euros au titre de son préjudice moral ;

3°) d'enjoindre au CH d'Avignon de procéder à la reconstitution de sa carrière pour la période durant laquelle il a été évincé, de verser aux organismes habilités à les recevoir les cotisations sociales destinées à rétablir ses droits au titre de sa pension de retraite et de justifier de cette régularisation dans le délai de trois mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de rejeter les conclusions incidentes du CH d'Avignon ;

5°) de mettre à la charge du CH d'Avignon une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- dès lors que le CH d'Avignon ne disposait d'aucun motif sérieux tiré de l'intérêt du service ou de sa manière de servir pour prononcer le non-renouvellement de son contrat, il a été illégalement privé de trois années de rémunération et d'une chance sérieuse de pouvoir bénéficier des dispositions de l'article L. 6152-403 du code de la santé publique, modifiées par le décret n° 2010-1137 du 29 septembre 2010 ;

- l'effet rétroactif de l'annulation de la décision du 17 juillet 2009 impliquait sa réintégration dans ses fonctions, sans avoir besoin de solliciter la conclusion d'un nouveau contrat ;

- la perte de gains professionnels sur une durée de trois années s'élève à la somme de 67 644 euros ;

- la perte de chance sérieuse de pouvoir bénéficier des dispositions de l'article L. 6152-403 du code de la santé publique modifiées doit être indemnisée à hauteur de 6 746 euros ;

- il a subi un préjudice moral du fait des conditions d'intervention de la décision du 17 juillet 2009, de son ancienneté de praticien, et des troubles dans ses conditions d'existence, qui doit être indemnisé à hauteur de 15 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 octobre 2019, le CH d'Avignon, représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 31 janvier 2019 en tant qu'il l'a condamné à verser la somme de 30 000 euros à M. D..., et de ramener cette indemnité à la somme de 8 000 euros ;

3°) de mettre à la charge de M. D... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- M. D... n'établit pas l'existence d'un lien de causalité entre l'illégalité de la décision du 17 juillet 2009 et les préjudices liés à la perte de trois années de rémunération et à la perte de chance sérieuse d'obtenir un contrat à durée indéterminée ;

- l'annulation de la décision du 17 juillet 2009 n'impliquait pas le renouvellement du contrat de M. D... mais implique seulement d'examiner à nouveau la situation de l'agent et aucun élément du dossier ne permet de considérer que M. D... avait une chance sérieuse de voir son contrat renouvelé dans la cadre d'un contrat à durée indéterminée ;

- l'indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité de ne pas renouveler le contrat doit être évaluée en fonction de la nature et de la gravité de l'illégalité, de l'ancienneté de l'intéressé, de sa rémunération antérieure et des troubles dans les conditions de l'existence, et non en fonction de la perte de chance de percevoir sa rémunération dans le cadre du renouvellement du contrat ;

- M. D... n'établit ni la réalité de son préjudice moral, ni que les conséquences de l'illégalité de la décision du 17 juillet 2009 auraient entraîné des troubles dans ses conditions d'existence ;

- M. D... n'a pas droit à la reconstitution de sa carrière.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 2010-1137 du 29 septembre 2010 portant dispositions relatives aux praticiens contractuels, aux assistants, aux praticiens attachés et aux médecins, pharmaciens et chirurgiens-dentistes recrutés dans les établissements publics de santé ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G...,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant M. D..., et de Me B..., représentant le CH d'Avignon.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., chirurgien-dentiste, a été recruté en tant que praticien contractuel à temps partiel par le CH d'Avignon afin d'assurer des consultations et soins ambulatoires auprès des détenus de la maison d'arrêt d'Avignon du 26 juin 1997 au 31 juillet 2009. Par décision du 17 juillet 2009, le directeur du CH d'Avignon n'a pas renouvelé son contrat de travail. Par un arrêt du 4 juin 2015 devenu irrévocable, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé cette décision. Par une décision du 24 novembre 2016, le directeur du CH d'Avignon a rejeté la réclamation du 28 octobre 2016 par laquelle M. D... a demandé à être indemnisé des préjudices qu'il impute à l'illégalité de la décision du 17 juillet 2009. M. D... relève appel du jugement du 31 janvier 2019 du tribunal administratif de Nîmes, en tant que ce jugement, statuant sur sa demande tendant à la condamnation du CH d'Avignon à lui payer la somme de 489 326,16 euros en réparation de ses préjudices matériel et moral liés au non-renouvellement de son contrat de travail, a limité l'indemnité au versement de laquelle le CH d'Avignon a été condamné à la somme de 30 000 euros, demande que le montant de cette indemnité soit porté à 89 408 euros et sollicite en outre l'allocation d'intérêts au taux légal. Par la voie de l'appel incident, le CH d'Avignon demande à la cour de ramener cette indemnité à la somme de 8 000 euros.

Sur les fins de non-recevoir opposées à la demande présentée devant le tribunal :

2. Ainsi que l'ont retenu les premiers juges, la réponse du CH d'Avignon au courrier du 3 octobre 2013 de M. D... ayant sollicité le paiement de ses jours de récupération consignés sur son compte épargne temps ainsi que de ses jours de congés non pris n'a pas lié le présent contentieux, qui l'a été par la réponse à la demande du 28 octobre 2016 tendant à obtenir l'indemnisation des préjudices matériels et moraux imputés à la décision du 17 juillet 2009. La demande de M. D... enregistrée au greffe du tribunal administratif de Nîmes le 23 janvier 2017 n'était ainsi pas tardive. Par ailleurs, si les termes du courrier du 3 octobre 2013 pouvaient laisser penser que M. D... ne souhaitait pas formuler à l'avenir de demande indemnitaire du fait de l'illégalité de la décision du 17 juillet 2009, ils ne faisaient en tout état de cause pas obstacle à la recevabilité de cette demande.

Sur l'exception de chose jugée :

3. Ainsi que l'ont également retenu les premiers juges, si les demandes présentées par M. D... au cours de précédentes instances tendaient à l'indemnisation de préjudices imputés à la décision du 17 juillet 2009, et présentaient donc la même cause juridique que celle du 28 octobre 2016, elles n'avaient pas le même objet dès lors qu'ainsi que l'a relevé le Conseil d'Etat dans sa décision du 15 décembre 2014, elles portaient seulement sur des préjudices induits par ce que M. D... estimait être une interruption illégale d'un contrat à durée indéterminée, et non sur des préjudices résultant de la non reconduction de son contrat de travail à durée déterminée. L'exception de chose jugée doit donc être écartée.

Sur les conclusions indemnitaires :

4. Par son arrêt devenu irrévocable du 4 juin 2015, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé la décision du 17 juillet 2009 du directeur du CH d'Avignon portant non-renouvellement du contrat à durée déterminée de M. D... au motif que cet établissement ne démontrait pas que la manière de servir de l'intéressé était de nature à justifier cette décision. L'illégalité de celle-ci constitue une faute de nature à engager la responsabilité du CH d'Avignon à l'égard de M. D....

5. M. D..., dont le dernier contrat arrivait à expiration le 31 juillet 2009, ne bénéficiait d'aucun droit à son renouvellement. En outre, ainsi que l'ont retenu les premiers juges, l'annulation contentieuse de la décision du 17 juillet 2009 n'impliquait pas le renouvellement de son contrat de praticien contractuel, ni la réintégration de l'intéressé, mais seulement qu'il soit statué sur sa situation administrative.

6. Si les dispositions de l'article R. 6152-403 du code de la santé publique modifiées par le décret du 29 septembre 2010, entrées au demeurant en vigueur postérieurement à la décision du 17 juillet 2009, prévoient qu'au-delà de six ans d'exercice les praticiens contractuels ne peuvent voir leurs contrats renouvelés que pour une durée indéterminée, elles n'instaurent en tout état de cause aucun droit au bénéfice d'un contrat à durée indéterminée. En se prévalant de ces dispositions, M. D... n'établit pas avoir été privé d'une chance sérieuse de bénéficier d'un contrat à durée indéterminée. Ses conclusions tendant à obtenir une indemnité à ce titre doivent donc être rejetées.

7. Par ailleurs, compte tenu notamment de l'âge de M. D... à la date d'expiration de son dernier contrat, de sa rémunération mensuelle, de son ancienneté, et des conditions dans lesquelles est intervenue la décision du 17 juillet 2009, les premiers juges ont procédé à une évaluation ni insuffisante ni excessive des préjudices financiers et moraux qu'il a subis en fixant à 30 000 euros le montant de l'indemnité réparant les préjudices qui ont résulté pour lui de l'illégalité de la décision refusant le renouvellement de son contrat.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à demander une meilleure indemnisation que celle qui lui a été accordée par le tribunal administratif de Nîmes et que les conclusions présentées par le CH d'Avignon par la voie de l'appel incident doivent également être rejetées.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Les conclusions à fin d'injonction de reconstitution de carrière présentées par M. D..., dont le contrat était arrivé à son terme, doivent, en tout état de cause, être rejetées.

Sur les intérêts :

10. M. D..., qui doit être regardé comme demandant que la condamnation du CH soit assortie des intérêts, a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 30 000 euros, à compter du 28 octobre 2016, date de réception par le CH d'Avignon de sa demande indemnitaire préalable.

Sur les frais liés au litige :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à chacune des parties la charge de ses propres frais d'instance.

D É C I D E :

Article 1er : La somme de 30 000 euros que le CH d'Avignon a été condamné à verser à M. D... sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 28 octobre 2016.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 31 janvier 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D... est rejeté.

Article 4 : Les conclusions du CH d'Avignon présentées par la voie de l'appel incident et tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... D... et au centre hospitalier d'Avignon.

Délibéré après l'audience du 14 janvier 2021, où siégeaient :

- M. Alfonsi, président de chambre,

- Mme G..., présidente assesseure,

- Mme E..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 janvier 2021.

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N° 19MA01422

kp


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA01422
Date de la décision : 28/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: Mme Karine JORDA-LECROQ
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : GAUTIER

Origine de la décision
Date de l'import : 13/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-01-28;19ma01422 ?
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