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08/02/2021 | FRANCE | N°19MA01980

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 08 février 2021, 19MA01980


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association " La mosquée de Marseille " a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler la décision du 28 novembre 2016 portant résiliation du bail emphytéotique administratif la liant à la commune de Marseille et, d'autre part, d'enjoindre à la commune de Marseille de reprendre les relations contractuelles et de mettre à sa disposition les immeubles loués en vertu de ce bail.

Par un jugement n° 1609698 du 26 février 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté

sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 26 avri...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association " La mosquée de Marseille " a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler la décision du 28 novembre 2016 portant résiliation du bail emphytéotique administratif la liant à la commune de Marseille et, d'autre part, d'enjoindre à la commune de Marseille de reprendre les relations contractuelles et de mettre à sa disposition les immeubles loués en vertu de ce bail.

Par un jugement n° 1609698 du 26 février 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 26 avril 2019, l'association " La mosquée de Marseille ", représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'enjoindre à la commune de Marseille de reprendre les relations contractuelles et de mettre à sa disposition les immeubles loués en vertu de ce bail.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier car il ne vise pas les moyens tirés de la violation des articles L. 2121-12 et L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales, de l'erreur de fait et de l'erreur d'appréciation entachant les motifs de la décision ;

- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce que la dette locative était moindre que celle invoquée par la commune du fait de la prescription des sommes représentatives de la révision du loyer antérieure à 2012 ;

- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce que l'obligation de payer le loyer n'était pas née au 1er décembre 2007 faute pour elle de disposer d'un permis de construire ;

- le maire s'est cru tenu de résilier le bail en exécution de la délibération du conseil municipal alors qu'il était seul compétent pour décider cette mesure ;

- le rapport soumis aux conseillers municipaux mentionne des faits inexacts en ce qui concerne la dette de l'association, le délai de réalisation des travaux et l'origine des dégradations des lieux, de telle sorte que les dispositions des articles L. 2121-12 et L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales ont été méconnues ;

- en vertu des articles 4, 5 et 7 du bail, le terrain n'était pas mis à sa disposition et elle ne devait donc aucun loyer tant qu'elle n'était pas titulaire d'un permis de construire, de telle sorte qu'elle n'a aucune dette de loyer ;

- à supposer que le loyer soit exigible en vertu du bail, la commune est responsable de l'essentiel du retard ayant entaché l'octroi du permis de construire, de telle sorte que sa dette de loyer est moindre que le montant mentionné par la décision ;

- en tout état de cause, elle n'a jamais eu la jouissance du terrain et ne devait donc aucun loyer ;

- le délai de sept ans prévu par les stipulations de l'article 15 du bail n'a commencé à courir qu'à compter du moment où l'arrêt de la Cour rejetant le recours contre le permis de construire est devenu définitif, soit en août 2012, de telle sorte que ce délai n'était pas expiré à la date de résiliation et que la réalisation était toujours possible en vertu des règles imposées par le code de l'urbanisme ;

- la commune ne subissait aucun préjudice du fait du retard du chantier ;

- elle est étrangère à l'occupation et aux dégradations constatées ;

- la poursuite de l'exécution du bail présente un intérêt général de telle sorte que la résiliation constitue une mesure disproportionnée.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 août 2019, la commune de Marseille, représentée par Me F..., demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête de l'association " La mosquée de Marseille " ;

2°) de mettre une somme de 4 000 euros à la charge de l'association " La mosquée de Marseille " en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'association " La mosquée de Marseille " n'ayant pas la qualité d'association cultuelle, elle n'a pas intérêt à demander la reprise des relations contractuelles ;

- les conclusions à fin d'annulation sont irrecevables dès lors qu'elles sont dirigées contre l'acte du 28 novembre 2016, qui se borne à notifier la délibération du conseil municipal ;

- les moyens soulevés par l'association " La mosquée de Marseille " ne sont pas fondés ;

- si les motifs justifiant la résiliation étaient regardés comme infondés, la Cour devrait leur substituer un motif tiré de l'intérêt général à résilier le contrat pour assurer une meilleure exploitation du domaine public.

Par ordonnance du 28 février 2020, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 10 avril 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat ;

- la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 ;

- le décret n° 2007-807 du 11 mai 2007 ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D... Grimaud, rapporteur ;

- les conclusions de M. B... Thielé, rapporteur public ;

- et les observations de Me A..., représentant l'association " La mosquée de Marseille " et de Me C..., représentant la commune de Marseille.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Marseille et l'association " La mosquée de Marseille " ont, le 31 juillet 2007, conclu un bail emphytéotique administratif conférant à cette association la jouissance d'un terrain communal de 0,86 ha situé dans le 15ème arrondissement de Marseille, en vue d'y édifier la mosquée de Marseille. Par une délibération du 3 octobre 2016, le conseil municipal a décidé de mettre fin à ce bail.

I. Sur la régularité du jugement attaqué :

2. L'association " La mosquée de Marseille " a soutenu devant les premiers juges qu'en vertu de l'article 5 du contrat, le bail n'avait pas pris effet, faute pour elle de disposer d'un permis de construire, et qu'elle n'était dès lors redevable d'aucun loyer. Le jugement attaqué ne répondant pas à ce moyen, qui n'était pas inopérant, l'association " La mosquée de Marseille " est fondée à soutenir qu'il est insuffisamment motivé et doit dès lors être annulé.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par l'association " La mosquée de Marseille " devant le tribunal administratif de Marseille.

II. Sur les conclusions tendant à la reprise des relations contractuelles :

4. Le juge du contrat, saisi par une partie d'un litige relatif à une mesure d'exécution d'un contrat, peut seulement, en principe, rechercher si cette mesure est intervenue dans des conditions de nature à ouvrir droit à indemnité. Toutefois, une partie à un contrat administratif peut, eu égard à la portée d'une telle mesure d'exécution, former devant le juge du contrat un recours de plein contentieux contestant la validité de la résiliation de ce contrat et tendant à la reprise des relations contractuelles. Elle doit exercer ce recours, y compris si le contrat en cause est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle elle a été informée de la mesure de résiliation. Il incombe au juge du contrat, saisi par une partie d'un recours de plein contentieux contestant la validité d'une mesure de résiliation et tendant à la reprise des relations contractuelles, lorsqu'il constate que cette mesure est entachée de vices relatifs à sa régularité ou à son bien-fondé, de déterminer s'il y a lieu de faire droit, dans la mesure où elle n'est pas sans objet, à la demande de reprise des relations contractuelles, à compter d'une date qu'il fixe, ou de rejeter le recours, en jugeant que les vices constatés sont seulement susceptibles d'ouvrir, au profit du requérant, un droit à indemnité. Dans l'hypothèse où il fait droit à la demande de reprise des relations contractuelles, il peut décider, si des conclusions sont formulées en ce sens, que le requérant a droit à l'indemnisation du préjudice que lui a, le cas échéant, causé la résiliation, notamment du fait de la non-exécution du contrat entre la date de sa résiliation et la date fixée pour la reprise des relations contractuelles. Pour déterminer s'il y a lieu de faire droit à la demande de reprise des relations contractuelles, il incombe au juge du contrat d'apprécier, eu égard à la gravité des vices constatés et, le cas échéant, à celle des manquements du requérant à ses obligations contractuelles, ainsi qu'aux motifs de la résiliation, si une telle reprise n'est pas de nature à porter une atteinte excessive à l'intérêt général et, eu égard à la nature du contrat en cause, aux droits du titulaire d'un nouveau contrat dont la conclusion aurait été rendue nécessaire par la résiliation litigieuse.

II.1. En ce qui concerne la décision du 28 novembre 2016 :

5. Aux termes des dispositions de l'article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales : " Le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune (...) ". En vertu des dispositions de l'article L. 2122-21 du même code : " Sous le contrôle du conseil municipal et sous le contrôle administratif du représentant de l'Etat dans le département, le maire est chargé, d'une manière générale, d'exécuter les décisions du conseil municipal et, en particulier : / (...) 6° De souscrire les marchés, de passer les baux des biens et les adjudications des travaux communaux dans les formes établies par les lois et règlements (...) ".

6. Le conseil municipal de Marseille ayant, en vertu des dispositions précitées, approuvé le bail par délibération du 16 juillet 2007, il lui appartenait de décider sa résiliation. Il s'ensuit que la correspondance du 28 novembre 2016, contestée par l'association " La mosquée de Marseille ", ne constitue qu'un courrier de notification et non la décision de résiliation elle-même. Elle n'est par suite pas susceptible de faire grief à la requérante, ainsi que le soutient la commune de Marseille.

II.2. En ce qui concerne la régularité de la décision de résiliation adoptée par le conseil municipal le 3 octobre 2016 :

7. En premier lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit au point 5 ci-dessus que l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision en cause, qui a été adoptée par le conseil municipal en vertu des dispositions précitées du code général des collectivités territoriales, aurait été prise par une autorité incompétente. Le moyen tiré de ce que le maire se serait cru tenu de prononcer la résiliation et aurait méconnu sa compétence est dès lors infondé et ne peut qu'être écarté.

8. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal. (...) ". En vertu de l'article L. 2121-13 du même code : " Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération ".

9. Il résulte de l'instruction que les conseillers municipaux s'étaient vu remettre, avant la séance du conseil municipal au cours de laquelle a été décidée la résiliation du bail, une note de synthèse exposant précisément les motifs de la délibération. Les inexactitudes entachant cette note quant au montant de la dette de l'association, à la computation du délai pour réaliser la mosquée et à l'origine des dégradations constatées sur le site sont sans incidence sur la légalité de la procédure dès lors qu'elles n'ont pu induire en erreur les membres de l'assemblée délibérante sur les motifs et la portée de la délibération qui leur était soumise. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un conseiller municipal aurait sollicité des documents ou informations complémentaires qui lui auraient été refusés. La requérante n'est dès lors pas fondée à soutenir que les dispositions précitées du code général des collectivités territoriales auraient été méconnues.

II.3. En ce qui concerne le bien-fondé de la décision de résiliation :

II.3.1. S'agissant de la validité du motif tiré de l'existence d'une dette locative de l'association :

10. Aux termes du premier alinéa de l'article 4 du bail conclu avec la commune de Marseille : " Le présent bail emphytéotique est accepté pour une durée de 50 ans qui commencera à compter de la prise de possession fixée au 1er décembre 2007. Le loyer prévu à l'article 7 commencera à courir à compter de cette entrée en jouissance ". En vertu du 1 de l'article 5 de ce contrat : " La présente mise à disposition est consentie et acceptée sous la condition suspensive que l'association "La mosquée de Marseille ", le preneur soit titulaire de titre (s) valant permis d'édifier un édifice du culte ouvert au public ". En vertu de l'article 7 de ce bail : " Le présent bail est consenti moyennant le paiement d'un loyer annuel de 24 000 euros hors taxes et hors frais payable le jour de l'entrée en jouissance. Le preneur s'engage pendant toute la durée du bail emphytéotique administratif à verser le loyer annuel d'un montant égal à 24 000 euros hors taxe et hors frais le 15 janvier de chaque année. Il sera révisé chaque année en fonction de l'évolution de l'indice de référence des loyers. L'indice base étant celui du 4ème trimestre 2006 soit 107,13 (...) ". Aux termes du 3 de l'article 7 du bail : " En cas de défaut de paiement d'une seule échéance annuelle, après mise en demeure écrite du bailleur (...), si le preneur ne procède pas au versement correspondant dans le délai de quinze jours suivant ladite mise en demeure, le bail sera résilié de plein droit, unilatéralement par le bailleur ".

11. En premier lieu, il résulte clairement des stipulations précitées que l'obligation de paiement du loyer prenait naissance dès l'entrée en jouissance du preneur, indépendamment de sa possession, à ce moment, d'une autorisation de construire ou du caractère définitif de celle-ci, la clause de l'article 5 du bail se bornant à édicter aux dépens de l'association " La mosquée de Marseille " une charge conditionnant le maintien du contrat.

12. En deuxième lieu, si l'association " La mosquée de Marseille " soutient qu'elle n'est jamais entrée en jouissance du bien, il résulte de l'instruction qu'elle a, dans l'appel à candidatures lancé en vue de désigner un architecte chargé de la conception du projet, indiqué " la ville de Marseille a mis à disposition ce site à l'association chargée de la construction de la grande mosquée de Marseille le 17 juillet 2006 avec la signature d'un bail emphytéotique. Cet accord a été formalisé par une remise officielle des clefs de la future grande mosquée de Marseille le 22 novembre 2007 ". Par ailleurs, l'association " La mosquée de Marseille ", qui assurait le gardiennage des lieux, a par ailleurs déposé elle-même, au printemps 2013, la déclaration réglementaire d'ouverture de chantier, et ses représentants ont accompagné sur la parcelle en cause un huissier de justice conduit à faire un état des lieux le 26 juin 2014. Enfin, si l'association a, le 14 juin 2013, sollicité l'enlèvement par la commune de blocs de pierre qui gênaient l'accès au terrain, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle ait, à un quelconque moment à compter de la conclusion du bail, réclamé auprès des services municipaux l'accès à ce terrain et que celui-ci lui aurait été refusé. Dans ces conditions, et eu égard à l'objet du bail, conclu en vue d'une construction future, l'association " La mosquée de Marseille " doit être regardée comme ayant pris possession des lieux, au sens de l'article 4 du bail, à la date du 1er décembre 2007. Il en résulte que le loyer stipulé par le bail était dû à compter de cette date.

13. En troisième lieu, le contrat de bail ne comportait aucune stipulation dispensant l'association " La mosquée de Marseille " du paiement du loyer dans l'hypothèse où l'autorisation de construire serait délivrée avec retard. L'absence d'une telle clause ne méconnaissant par ailleurs aucune disposition ou principe général du droit, l'association n'est pas fondée à soutenir que l'application de la clause exigeant le paiement du loyer indépendamment des diligences accomplies par la commune pour la délivrance du permis de construire devrait être écartée. Il s'ensuit qu'eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, la commune est fondée à demander l'application de cette clause.

14. En quatrième lieu, le contrat prévoyait, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la révision du loyer chaque année en fonction de l'évolution de l'indice de référence des loyers, l'indice de base retenu étant celui du 4ème trimestre 2006 et le contrat indiquant que sa valeur à cette date était de 107,13. Si la requérante soutient que cet indice est erroné, elle ne l'établit pas et n'est en tout état de cause pas fondée à soutenir que c'est à tort que la commune de Marseille a appliqué cet indice pour calculer la révision du loyer dès lors que la valeur de celui-ci était stipulée par le contrat.

15. Si l'association requérante soutient ensuite que le choix de l'indice du dernier trimestre de l'année précédente est illégal pour le calcul d'une révision devant intervenir en décembre de l'année suivante, elle se borne à soutenir que ce mode de calcul aboutirait à une majoration abusive sans préciser quel principe ou quelle disposition serait ainsi méconnu. Il n'y a donc pas lieu d'écarter cette stipulation contractuelle et d'y substituer un autre indice, ainsi que le demande la requérante en se bornant à proposer plusieurs solutions alternatives. En tout état de cause, l'association " La mosquée de Marseille " n'établit nullement que la méthode de calcul retenue par la ville aurait, ainsi qu'elle le soutient, majoré artificiellement le montant du loyer de 500 euros par an.

16. Enfin, si l'association requérante fait valoir qu'elle n'a jamais reçu notification de la révision annuelle des loyers, elle ne produit pas les appels de loyers qui lui ont été adressés par la commune, ce qui ne permet pas à la Cour de vérifier le bien-fondé de son affirmation. Par ailleurs, en ce qui concerne les exercices 2012 à 2015, il résulte de l'instruction, et notamment des bordereaux de situation établis par le comptable de la commune, que les loyers annuels ont été notifiés à l'association par des titres exécutoires des 11 février 2013, 2 janvier 2014, 31 décembre 2014, et 17 décembre 2015 dont les montants comprenaient la révision du loyer. Il s'ensuit que l'association " La mosquée de Marseille " n'est pas fondée à soutenir que les sommes dues au titre de cette révision ne seraient pas exigibles ou seraient prescrites, la requérante n'indiquant nullement, au demeurant, de quelle prescription elle entend se prévaloir.

17. La requérante soutient en revanche sans être utilement contredite qu'une somme de 300 euros a été ajoutée par erreur au montant de sa dette locative pour l'occupation d'un local dont elle n'a plus la disposition depuis le 1er juillet 2014. Elle est dès lors fondée à soutenir que sa dette locative s'élève à la somme de 61 959,40 euros et non à la somme de 62 259,40 euros.

18. Il résulte de ce qui précède qu'en dépit de l'erreur de calcul mentionné au point 17 ci-dessus, le motif tiré de l'existence d'une dette contractuelle de l'association " La mosquée de Marseille " retenu par la commune pour motiver la résiliation du bail est fondé.

II.3.2. S'agissant de la validité du motif tiré de l'expiration du délai imparti à l'association " La mosquée de Marseille " pour édifier le bâtiment :

19. En vertu de l'article 15 du contrat : " La ville de Marseille, unilatéralement, se réserve le droit d'annuler le présent bail emphytéotique administratif en cas de non-respect des clauses suivantes : / (...) 6) Le preneur dispose de deux ans, à compter de l'obtention de toutes les autorisations nécessaires à la construction et à l'ouverture de la mosquée de Marseille, pour commencer les travaux. L'absence de début des travaux au bout de deux ans entraînera la résiliation du bail par le bailleur. / Le preneur dispose de sept ans pour achever les travaux, de façon définitive et contestable, à dater de l'obtention de toutes les autorisations nécessaires à l'édification. Si ce délai n'est pas respecté, le bail sera résilié de façon unilatérale par le bailleur ".

20. Il résulte de l'instruction que l'association " La mosquée de Marseille " a obtenu le 24 septembre 2009 un permis de construire en vue d'édifier la mosquée pour la construction de laquelle le bail emphytéotique a été conclu. Toutefois, celui-ci a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Marseille du 27 octobre 2011, lequel a ensuite été annulé par un arrêt de la Cour en date du 19 juin 2012, aujourd'hui définitif. L'association " La mosquée de Marseille " est par suite fondée à soutenir qu'ayant accompli les diligences pour se voir délivrer un permis de construire, elle ne peut être tenue pour responsable du retard imputable au recours contentieux présenté contre cette autorisation puis à la disparition temporaire de celle-ci de l'ordonnancement juridique entre le 27 octobre 2011, date de son annulation par le tribunal, et le 19 juin 2012, date à laquelle cette autorisation a retrouvé sa validité. Il s'ensuit que le délai de sept ans qui lui était imparti pour achever la construction doit être regardé comme ayant commencé à courir à compter du 19 juin 2012, date de l'arrêt de la Cour annulant le jugement du tribunal administratif de Marseille. Ce délai n'était donc pas expiré à la date du 3 octobre 2016. L'association " La mosquée de Marseille " est dès lors fondée à soutenir que la délibération attaquée ne pouvait valablement se fonder sur ce motif pour décider la résiliation du bail.

II.3.3. S'agissant de la validité du motif tiré de l'absence d'entretien du site :

21. Il résulte de l'instruction, et notamment de la rédaction de la délibération attaquée, qui relève notamment que le site est jonché de détritus et de débris de verre, qu'un incendie a touché le bâtiment principal et que l'ensemble des bâtiments est couvert de graffitis, que la commune de Marseille a entendu se fonder sur ce motif pour résilier le bail emphytéotique. Toutefois, il résulte également de l'instruction que le site est constitué d'une friche industrielle dont les bâtiments étaient à l'abandon dès avant la conclusion de ce contrat, de telle sorte que la commune de Marseille n'est pas fondée à soutenir que l'absence d'entretien de la parcelle présentait un caractère fautif. L'association " La mosquée de Marseille " est dès lors fondée à soutenir que la délibération attaquée ne pouvait valablement se fonder sur ce motif pour décider la résiliation du bail.

III. En ce qui concerne la reprise des relations contractuelles :

22. Il résulte de ce qui vient d'être dit aux points 19 à 21 ci-dessus que la commune de Marseille n'était fondée à se prévaloir ni de l'expiration du délai imparti à l'association " La mosquée de Marseille " pour construire l'édifice cultuel ayant justifié la conclusion du bail, ni de l'absence d'entretien du site.

23. En premier lieu, toutefois, il résulte de l'instruction qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, l'association présentait une dette de loyer envers la commune, fait qui, en application du 3 de l'article 7 du contrat, suffisait à justifier la résiliation.

24. En outre et en deuxième lieu, aux termes des dispositions du premier alinéa de l'article L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales : " Un bien immobilier appartenant à une collectivité territoriale peut faire l'objet d'un bail emphytéotique prévu à l'article L. 451-1 du code rural et de la pêche maritime en vue de la réalisation d'une opération d'intérêt général relevant de sa compétence ou en vue de l'affectation à une association cultuelle d'un édifice du culte ouvert au public. Ce bail emphytéotique est dénommé bail emphytéotique administratif ".

25. Les dispositions ci-dessus reproduites ont ouvert aux collectivités territoriales la faculté, dans le respect du principe de neutralité à l'égard des cultes et du principe d'égalité, d'autoriser un organisme qui entend construire un édifice du culte ouvert au public à occuper pour une longue durée une dépendance de leur domaine privé ou de leur domaine public, dans le cadre d'un bail emphytéotique, dénommé bail emphytéotique administratif et soumis aux conditions particulières posées par l'article L. 1311-3 du code général des collectivités territoriales. Cette faculté n'est ouverte qu'à la condition que l'affectataire du lieu de culte édifié dans le cadre de ce bail soit, ainsi que l'impliquent les termes mêmes de l'article L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales, une association cultuelle, c'est-à-dire une association satisfaisant aux prescriptions du titre IV de la loi du 9 décembre 1905.

26. Aux termes des dispositions de l'article 18 de la loi du 9 décembre 1905 : " Les associations formées pour subvenir aux frais, à l'entretien et à l'exercice public d'un culte devront être constituées conformément aux articles 5 et suivants du titre Ier de la loi du 1er juillet 1901. Elles seront, en outre, soumises aux prescriptions de la présente loi ". L'article 19 de cette loi dispose : " Ces associations devront avoir exclusivement pour objet l'exercice d'un culte (...) / Les associations pourront recevoir, en outre, des cotisations prévues par l'article 6 de la loi du 1er juillet 1901, le produit des quêtes et collectes pour les frais du culte, percevoir des rétributions : pour les cérémonies et services religieux même par fondation ; pour la location des bancs et sièges ; pour la fourniture des objets destinés au service des funérailles dans les édifices religieux et à la décoration de ces édifices. / Les associations cultuelles pourront recevoir, dans les conditions prévues par les trois derniers alinéas de l'article 910 du code civil, les libéralités testamentaires et entre vifs destinées à l'accomplissement de leur objet ou grevées de charges pieuses ou cultuelles (...) ". Aux termes des dispositions du V de l'article 111 de la loi du 12 mai 2009 : " Toute association qui, n'ayant pas reçu de libéralité au cours des cinq années précédentes, souhaite savoir si elle entre dans l'une des catégories d'associations mentionnées au cinquième alinéa de l'article 6 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association ou aux articles 18 et 19 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat pour prétendre au bénéfice des dispositions législatives ou réglementaires applicables à la catégorie d'associations dont elle revendique le statut, peut interroger le représentant de l'Etat dans le département qui se prononce sur sa demande dans des conditions définies par décret ". En vertu des dispositions de l'article 12-1 du décret du 11 mai 2007 prises pour l'application de ces dispositions : " La demande faite par une association sur le fondement du V de l'article 111 de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures est accompagnée des documents suivants : / 1° Les statuts de l'association ; / 2° Les nom, prénoms, profession, domicile et nationalité de ceux qui, à un titre quelconque, sont chargés de son administration ; / 3° Le budget prévisionnel de l'exercice en cours ainsi que les comptes annuels des trois derniers exercices clos ou, si l'association a été créée depuis moins de trois ans, les comptes des exercices clos depuis sa date de création ; / 4° Toute justification tendant à établir que l'association remplit les conditions prévues aux cinquième à septième alinéas de l'article 6 de la loi du 1er juillet 1901. Ces conditions sont présumées satisfaites lorsque l'association dispose d'une prise de position formelle délivrée dans le cadre de la procédure prévue à l'article L. 80 C du livre des procédures fiscales l'avisant qu'elle relève des dispositions du b du 1de l'article 200 du code général des impôts. / Pour les associations cultuelles, toute justification tendant à établir que l'association bénéficiaire réunit les conditions requises pour être qualifiée d'association cultuelle mentionnée aux articles 18 et 19 de la loi du 9 décembre 1905 susvisée. / Le préfet accuse réception de cette demande dans les conditions prévues par les articles L. 114-5, R. 112-4 et R. 112-5 du code des relations entre le public et l'administration ". Aux termes des dispositions de l'article 12-2 de ce décret : " Le cas échéant, le préfet procède à une enquête aux fins d'établir si l'association qui fait la demande mentionnée à l'article 12-1 : / a) Remplit les conditions prévues aux cinquième et septième alinéas de l'article 6 de la loi du 1er juillet 1901 ou remplit les conditions requises pour être qualifiée d'association cultuelle mentionnée aux articles 18 et 19 de la loi du 9 décembre 1905 ; / (...) Le préfet constate que l'association remplit ou ne remplit pas les conditions énoncées au a et au b. / L'absence de décision expresse dans un délai de quatre mois à compter de la date de l'accusé de réception mentionné à l'article 12-1 ou, en cas de dossier incomplet, à compter de la date de réception de la dernière des pièces manquantes vaut constatation implicite que l'association remplit les conditions énoncées au a et au b. A la demande de l'association intéressée, le préfet délivre l'attestation prévue à l'article L. 232-3 du code des relations entre le public et l'administration ".

27. Il résulte de l'instruction, ainsi que des stipulations des articles 1er et 5 du contrat, que l'association " La mosquée de Marseille ", titulaire du bail, est également affectataire de l'édifice cultuel à construire, dont elle doit être le maître de l'ouvrage. Cette association s'est vu reconnaître la qualité d'association cultuelle par le préfet des Bouches-du-Rhône lors du dépôt de ses statuts en 2007. Toutefois, si elle a sollicité le renouvellement de cette reconnaissance le 2 mars 2016, il résulte de l'instruction que son dossier n'était pas complet à la date du 16 janvier 2017 et n'était dès lors pas susceptible de donner lieu à la constatation implicite, par l'autorité préfectorale, de sa qualité d'association cultuelle en vertu des dispositions de l'article 12-2 du décret du 11 mai 2007. Par ailleurs, alors que la commune de Marseille fait valoir, en se fondant sur un échange de correspondances avec la préfecture des Bouches-du-Rhône, que le dossier déposé aux fins de cette reconnaissance était toujours incomplet à la date du 11 janvier 2019 et conteste, pour ce motif, la qualité d'association cultuelle de l'association " La mosquée de Marseille ", celle-ci n'établit nullement qu'elle aurait toujours cette qualité à la date du présent arrêt. Il en résulte que celle-ci, qui ne peut donc plus être affectataire de l'édifice cultuel et ne soutient ni avoir la volonté ni disposer de la capacité d'affecter l'ouvrage à édifier à une autre association cultuelle, n'a, en tout état de cause, plus la possibilité d'exécuter légalement le bail du 31 juillet 2007.

28. Il résulte de tout ce qui précède, et après avoir pris en compte l'ensemble des intérêts en cause, que bien que la décision de résiliation repose sur deux motifs erronés en fait, il n'y a pas lieu, eu égard à l'existence d'un motif de nature à la fonder, à l'absence de possibilité légale de poursuite du contrat au profit d'une association n'ayant plus de caractère cultuel et à l'absence de travaux significatifs engagés sur le terrain alors que le permis de construire accordé à l'association est définitif depuis juin 2012, de regarder la décision de résiliation comme entachée d'erreur d'appréciation. Il n'y a pas lieu, par suite, de prononcer la reprise des relations contractuelles.

29. Il résulte de tout ce qui précède que la demande présentée par l'association " La mosquée de Marseille " devant le tribunal administratif de Marseille ne peut qu'être rejetée.

IV. Sur les frais du litige :

30. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de l'association " La mosquée de Marseille ", à verser à la commune de Marseille sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1609698 du tribunal administratif de Marseille du 26 février 2019 est annulé.

Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Marseille par l'association " La mosquée de Marseille " est rejetée.

Article 3 : L'association " La mosquée de Marseille " versera une somme de 2 000 euros à la commune de Marseille en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association " La mosquée de Marseille " et à la commune de Marseille.

Délibéré après l'audience du 25 janvier 2021, où siégeaient :

- M. Guy Fédou, président,

- Mme E... G..., présidente assesseure,

- M. D... Grimaud, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 février 2021.

2

N° 19MA01980


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA01980
Date de la décision : 08/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Domaine - Domaine public - Régime - Occupation - Utilisations privatives du domaine - Contrats et concessions.

Marchés et contrats administratifs - Notion de contrat administratif - Nature du contrat - Contrats ayant un caractère administratif - Contrats relatifs au domaine public.

Marchés et contrats administratifs - Règles de procédure contentieuse spéciales - Pouvoirs et obligations du juge.


Composition du Tribunal
Président : M. FEDOU
Rapporteur ?: M. Philippe GRIMAUD
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : CANDON

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-02-08;19ma01980 ?
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