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23/02/2021 | FRANCE | N°20MA04779

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 23 février 2021, 20MA04779


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le centre hospitalier universitaire de Nice a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice de prescrire une expertise aux fins de constater l'ensemble des désordres qui affectent les bâtiments M et G du nouvel hôpital Pasteur II à Nice, édifié dans le cadre de marchés publics de travaux, ainsi que de déterminer les solutions pour y mettre un terme et d'en évaluer le coût, en présence de la société CHUBB European Group SE, en sa qualité d'assureur " tous risques chantiers ".
>Par une ordonnance n° 2002306 du 2 décembre 2020, le juge des référés a fait droit à ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le centre hospitalier universitaire de Nice a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice de prescrire une expertise aux fins de constater l'ensemble des désordres qui affectent les bâtiments M et G du nouvel hôpital Pasteur II à Nice, édifié dans le cadre de marchés publics de travaux, ainsi que de déterminer les solutions pour y mettre un terme et d'en évaluer le coût, en présence de la société CHUBB European Group SE, en sa qualité d'assureur " tous risques chantiers ".

Par une ordonnance n° 2002306 du 2 décembre 2020, le juge des référés a fait droit à cette demande et a rejeté les conclusions reconventionnelles présentées par la société CHUBB European Group SE tendant à ce que les opérations d'expertise soient étendues à la détermination de l'origine de ces désordres, en présence de la société Icade Promotion, assistante du maître d'ouvrage, des membres du groupement de maîtrise d'oeuvre composé de la société Reichen et Robert et Associés Architectes et de la société Ingerop Conseil et Ingénierie, de la société Apave Sud Europe, contrôleur technique, des sociétés Dumez Côte d'Azur, Eiffage Construction Côte D'Azur, Fayat Bâtiment et Bouygues Bâtiment Sud-Est, titulaires du lot n° 1 " Gros-oeuvre ", et des sociétés Fondasol et Geos Ingénieurs Conseils, en charge d'une mission d'étude géotechnique.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 23 décembre 2020 et 3 février 2021, la société CHUBB European Group SE, représentée par Me G..., demande à la cour :

1°) de réformer l'ordonnance du 2 décembre 2020 en ce qu'elle a rejeté ses conclusions reconventionnelles ;

2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande d'extension, de modifier, en conséquence, la mission de l'expert et d'ordonner au centre hospitalier universitaire de Nice, aux sociétés Icade Promotion, Reichen et Robert et Associés Architectes, Ingerop Conseil et Ingénierie, Apave Sud Europe, Dumez Côte d'Azur, Eiffage Construction Côte D'Azur, Fayat Bâtiment, Bouygues Bâtiment Sud-Est, Fondasol et Geos Ingénieurs Conseils, de communiquer tous documents justifiant de la souscription d'une assurance couvrant leur responsabilité civile dans le cadre de l'exécution des travaux.

Elle soutient que, pour évaluer l'indemnité susceptible d'être versée au titre de la police d'assurance " tous risques chantier ", il convient de déterminer l'origine des désordres affectant les bâtiments M et G et leur imputabilité aux divers intervenants à l'opération de construction ; que cette mission répond aux prescriptions de l'article L. 532-1 du code de justice administrative en ce qu'elle permettra à la juridiction qui sera éventuellement saisie de statuer sur son éventuelle garantie en fonction de la police qui a été souscrite ainsi que sur la responsabilité des divers intervenants à l'origine des désordres ; que la présence aux opérations d'expertise des sociétés en charge de l'exécution des travaux qui, en l'état de l'instruction ne peuvent être regardées comme étant manifestement étrangères au litige, apparaît utile d'autant plus qu'elles ont été présentes dans le cadre de la procédure de constat précédemment confiée à M. H... ; que la discussion sur le point de savoir si les locateurs d'ouvrage bénéficient de la qualité d'assuré dans le cadre de la police d'assurance souscrite par le centre hospitalier universitaire de Nice s'agissant des dommages aux existants relève du seul juge du fond ; qu'il est jugé que, sauf stipulation contraire, le recours contre l'assureur du responsable est maintenu en dépit de la renonciation à recours contre le responsable ; que la possibilité d'une action contre l'assuré repose sur la nécessité de faire préalablement reconnaître sa responsabilité par la juridiction administrative avant d'actionner son assureur devant le juge judiciaire ; que l'article 15 des conditions générales de la police d'assurance n'a pas vocation à s'appliquer en l'espèce.

Par un mémoire, enregistré le 8 janvier 2021, la société Icade Promotion, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que l'extension de la mesure d'expertise n'est pas utile pour déterminer le montant de l'indemnité due par la société CHUBB European Group SE au centre hospitalier universitaire de Nice ; que la société CHUBB European Group SE n'a pas intérêt à mettre en cause les intervenants à l'opération de construction, à l'encontre desquels elle ne peut engager aucune action ; qu'en sa qualité d'assistant au maître d'ouvrage, sa responsabilité est insusceptible d'être engagée par la société CHUBB European Group SE.

Par un mémoire, enregistré le 12 janvier 2021, les sociétés Dumez Côte d'Azur et Fayat Bâtiment, représentées par Me D..., concluent au rejet de la requête.

Elles soutiennent qu'il n'appartient pas à la société CHUBB European Group SE de demander que soit inclus dans la mission de l'expert un avis sur les préjudices et coûts induits par les désordres et leur évaluation, dès lors que le centre hospitalier universitaire lui-même ne l'a pas demandé.

Par un mémoire, enregistré le 18 janvier 2021, la société Ingerop Conseil et Ingénierie et la société Geos Ingénieurs Conseils, représentées par Me B..., concluent au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 000 euros chacune soit mise à la charge de société CHUBB European Group SE, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que les différends allégués à l'origine de la mesure d'instruction opposent exclusivement le centre hospitalier universitaire de Nice à la société CHUBB European Group SE ; que cette dernière ne dispose d'aucune action contre les participants à l'opération de construction dont elle sollicite la mise en cause ; qu'à supposer que la société CHUBB European Group SE disposerait d'une action contre les assureurs des participants à l'opération de construction, celle-ci ne pourrait être exercée qu'une fois qu'elle serait subrogée dans les droits de son ou ses assurés donc après paiement ; que, subsidiairement, l'article 15 des conditions générales de la police d'assurance impose la mise en oeuvre d'une expertise amiable.

Par un mémoire, enregistré le 29 janvier 2021, la société Reichen et Robert et Associés Architectes, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de société CHUBB European Group SE, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le débat porte exclusivement sur l'étendue des travaux de réparation à entreprendre sur les deux bâtiments sinistrés ; que la société CHUBB European Group SE ne peut se retourner contre les participants à l'opération de construction qui sont ses assurés.

Par un mémoire, enregistré le 4 février 2021, la société Apave Sud Europe, représentée par Me F..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la société CHUBB European Group SE, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le différend qui oppose le centre hospitalier universitaire à son assureur " tous risques chantiers " porte sur l'étendue des garanties d'assurance et la mobilisation desdites garanties ; que le point 7 de la mission d'expertise a précisément pour objet de fournir au juge tous éléments de nature à permettre de déterminer si les désordres invoqués sont au nombre de ceux devant être pris en charge par l'assurance " tous risques chantiers " souscrite par le centre hospitalier universitaire ; qu'en l'état, la société CHUBB European Group SE ne peut justifier l'utilité de ce que la mesure d'expertise lui soit étendue.

La requête a également été communiquée au centre hospitalier universitaire de Nice, à la société Fondasol, à la société Bouygues Bâtiment Sud-Est, à la société Eiffage Construction Sud-Est, qui n'ont pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des assurances ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête (...) prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction ". Aux termes de l'article R. 532-3 du même code : " Le juge des référés peut, à la demande de l'une des parties formée dans le délai de deux mois qui suit la première réunion d'expertise, ou à la demande de l'expert formée à tout moment, étendre l'expertise à des personnes autres que les parties initialement désignées par l'ordonnance (...). / Il peut, dans les mêmes conditions, étendre la mission de l'expertise à l'examen de questions techniques qui se révélerait indispensable à la bonne exécution de cette mission (...) ". En vertu de l'article L. 555-1 du même code, le président de la cour administrative d'appel est compétent pour statuer sur les appels formés contre les décisions rendues par le juge des référés.

2. Le centre hospitalier universitaire de Nice a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice, dans le cadre du litige qui l'oppose à son assureur, la société CHUBB European Group SE, de prescrire une expertise aux fins de constater l'ensemble des désordres qui affectent les bâtiments M et G du nouvel hôpital Pasteur II à Nice, édifié dans le cadre de marchés publics de travaux, de déterminer la solution la mieux adaptée pour mettre un terme définitif à ces désordres et d'en évaluer le coût. La société CHUBB European Group SE ne s'est pas, en première instance, opposée au prononcé d'une telle mesure d'expertise mais elle a, pour sa part, demandé à ce que la mission confiée à l'expert soit étendue à la détermination de l'origine de ces désordres, en présence des participants à l'opération de construction, soit la société Icade Promotion, assistante du maître d'ouvrage, les membres du groupement de maîtrise d'oeuvre, composé de la société Reichen et Robert et Associés Architectes et de la société Ingerop Conseil et Ingénierie, la société Apave Sud Europe, contrôleur technique, les sociétés Dumez Côte d'Azur, Eiffage Construction Côte D'Azur, Fayat Bâtiment et Bouygues Bâtiment Sud-Est, titulaires du lot n° 1 " Gros-oeuvre ", et les sociétés Fondasol et Geos Ingénieurs Conseils, en charge d'une mission d'étude géotechnique. Par l'ordonnance du 2 décembre 2020, le juge des référés a ordonné une expertise, en présence uniquement du centre hospitalier de Nice et de la société CHUBB European Group SE, confiée à M. H... remplacé depuis par M. E..., aux fins notamment " de décrire l'ensemble des désordres ", " d'émettre des avis sur les éventuels risques de déstabilisation des existants et sur les mesures à prendre pour réparer et mettre fin aux désordres relevés ", " de se prononcer si faire se peut sur les éventuels dommages existants avant l'opération de construction (...) et sur l'incidence de cette opération sur l'apparition ou sur l'aggravation des dommages constatés ainsi que sur les travaux nécessaires pour y remédier et d'en chiffrer le coût ", et " de fournir de façon générale tous éléments de nature à permettre à la juridiction compétente, éventuellement saisie, de déterminer notamment si les désordres invoqués sont au nombre de ceux devant être pris en charge par l'assurance TRC souscrite par le CHU de Nice et de se prononcer s'il y a lieu, sur l'indemnisation proposée à ce titre ". Le juge des référés a ainsi rejeté le surplus des conclusions des parties, dont les conclusions reconventionnelles de la société CHUBB European Group SE. Cette dernière demande l'annulation de cette ordonnance en tant seulement qu'elle a rejeté ses conclusions reconventionnelles tendant à l'extension de cette mesure d'expertise, tant au regard des missions confiées à l'expert que des parties présentes aux opérations d'expertise.

3. Il résulte de l'instruction que le centre hospitalier universitaire de Nice a conclu avec ACE Insurance S.A.-NV aux droits de laquelle il est constant que la société CHUBB European Group SE a succédé, un contrat d'assurance dit " tous risques chantiers " visant à garantir l'opération de construction neuve de l'hôpital Pasteur II à Nice. Aux termes de l'article 1.1 du titre 2 des conditions particulières de ce contrat, sont assurés " le Souscripteur,/ le Maître d'ouvrage, jusqu'à la réception de l'ouvrage, et son mandataire,/ la Maîtrise d'oeuvre (architectes, BET, Ingénieux Conseils ...) et leurs sous-traitants à tous niveaux, / les Entreprises et leurs sous-traitants de tous niveaux intervenant sur le chantier, / les fournisseurs pour leurs prestations sur le site autres que le simple déchargement, / les contrôleurs techniques ". Aux termes de l'article 1.2 du même titre les biens assurés sont, d'une part, " les travaux neufs " définis comme " l'ensemble des travaux et/ou ouvrages objet des marchés de l'opération de construction ", d'autre part, les " existants " définis notamment comme les " (...) six autres ouvrages existants avant l'ouverture du chantier (définis au 2.1.1) " parmi lesquels le " Bat M de psychiatrie " et le " Bat G Neurologie ". Enfin, aux termes de l'article 1.3 du même titre, le " dommage matériel " est défini comme " toute détérioration d'une chose ou d'une substance ".

4. En premier lieu, contrairement à ce que soutient la société requérante, la détermination des dommages garantis par ce contrat d'assurances ne nécessite pas de rechercher l'origine de ces dommages, dès lors qu'il est établi qu'ils ont été provoqués par l'opération de construction, et, en particulier, leur imputabilité aux divers intervenants à cette opération. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'extension qu'elle demande est justifiée par l'objet même de la mission confiée à l'expert, à la demande du centre hospitalier universitaire de Nice.

5. En second lieu, l'action que la société requérante pourrait engager à l'encontre des intervenants à l'opération de construction qui, ainsi qu'il a été rappelé au point 3, sont eux-mêmes ses assurés, ne saurait être regardée comme un appel en garantie dirigé " contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur ", au sens de l'article L. 121-12 du code des assurances. A supposer même que la société requérante disposerait d'une action à l'encontre des assureurs garantissant la responsabilité civile de ses assurés, une telle action qui relèverait de la compétence du juge judiciaire ne suppose pas, contrairement à ce qu'elle soutient, une action préalable devant le juge administratif.

6. Il résulte de ce qui précède que l'extension de la mission de l'expert demandée par la société requérante n'apparaît pas indispensable, ni même utile dans la perspective de l'action susceptible d'être engagée à son encontre devant le juge administratif par le centre hospitalier universitaire de Nice et que les sociétés auxquelles elle demande que l'expertise soit étendue doivent être ainsi regardées comme manifestement étrangères à ce litige.

7. Il résulte de ce qui précède que la société CHUBB European Group SE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a rejeté ses conclusions reconventionnelles.

8. La présente décision ne fait, toutefois, pas obstacle à une saisine du juge des référés du tribunal administratif de Nice par l'expert, sur le fondement de l'article R. 532-3 du code de justice administrative, si ce dernier devait ultérieurement estimer nécessaire pour la bonne exécution de sa mission telle qu'elle est définie par l'ordonnance du 2 décembre 2020, la présence aux opérations d'expertise, en qualité de sachant, d'une ou de plusieurs des sociétés visées par la présente requête, en raison de l'éclairage que celles-ci pourraient lui apporter pour répondre aux questions telles qu'elles lui sont ainsi posées.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société CHUBB European Group SE la somme de 1 500 euros à verser respectivement à la société Reichen et Robert et Associés Architectes, à la société Apave Sud Europe et conjointement aux sociétés Ingerop Conseil et Ingénierie et Geos Ingénieurs Conseils, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

Article 1er : La requête de la société CHUBB European Group SE est rejetée.

Article 2 : La société CHUBB European Group SE versera respectivement à la société Reichen et Robert et Associés Architectes, à la société Apave Sud Europe et conjointement aux sociétés Ingerop Conseil et Ingénierie et Geos Ingénieurs Conseils, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société CHUBB European Group SE, au centre hospitalier universitaire de Nice, à la société Icade Promotion, à la société Reichen et Robert et Associés Architectes, à la société Ingerop Conseil et Ingénierie, à la société Apave Sud Europe, à la société Dumez Côte d'Azur, à la société Eiffage Construction Sud-Est, à la société Fayat Bâtiment, à la société Bouygues Bâtiment Sud-Est, à la société Fondasol, à la société Geos Ingénieurs Conseils et à M. J... E..., expert.

Fait à Marseille, le 23 février 2021

N° 20MA04779 6

LH


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Numéro d'arrêt : 20MA04779
Date de la décision : 23/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Avocat(s) : CHAUVERON, VALLERY-RADOT, LECOMTE, FOUQUIER

Origine de la décision
Date de l'import : 12/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-02-23;20ma04779 ?
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