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12/05/2021 | FRANCE | N°19MA04032

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 12 mai 2021, 19MA04032


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Le Cannet Maurice Jean-Pierre a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 26 janvier 2017 par lequel le maire de la commune du Cannet a sursis à statuer sur sa demande de permis de construire valant permis de démolir en vue de la construction d'un ensemble immobilier comprenant vingt-sept logements et deux commerces en rez-de-chaussée sur un terrain situé 37 avenue Maurice Jean-Pierre.

Par un jugement n° 1700793 du 20 juin 2019 le tribunal administratif de Nice a annulé

cet arrêté.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 20 ao...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Le Cannet Maurice Jean-Pierre a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 26 janvier 2017 par lequel le maire de la commune du Cannet a sursis à statuer sur sa demande de permis de construire valant permis de démolir en vue de la construction d'un ensemble immobilier comprenant vingt-sept logements et deux commerces en rez-de-chaussée sur un terrain situé 37 avenue Maurice Jean-Pierre.

Par un jugement n° 1700793 du 20 juin 2019 le tribunal administratif de Nice a annulé cet arrêté.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 20 août 2019, la commune du Cannet, représentée par Me E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 20 juin 2019 ;

2°) de rejeter la demande de première instance ;

3°) de mettre à la charge de la société Le Cannet Maurice Jean-Pierre la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal n'a pas sursis à statuer ; ce faisant il a méconnu son office ;

- c'est également à tort que le tribunal a estimé que la décision attaquée méconnaissait l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme, alors que le jugement du tribunal annulant le refus de permis de construire du 17 décembre 2013 n'était pas devenu définitif.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 octobre 2019, la SCI Le Cannet Maurice Jean-Pierre conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de la commune du Cannet la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Un courrier du 5 septembre 2019 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.

Par ordonnance du 1er juillet 2020, la clôture de l'instruction a été fixée à sa date d'émission en application de l'article R613-1 du code de justice administrative.

Un mémoire présenté pour la commune du Cannet a été enregistré le 15 avril 2021, postérieurement à la clôture d'instruction et non communiqué.

La présidente de la Cour a désigné M. D... C..., en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de Mme Giocanti, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 17 décembre 2013, le maire de la commune du Cannet a refusé d'accorder à la société civile immobilière (SCI) Le Cannet Maurice Jean-Pierre un permis de construire valant permis de démolir portant sur la réalisation d'un immeuble en R+4 de vingt-sept logements, dont huit logements sociaux avec commerces en rez-de-chaussée pour une surface de 1 834 m², sur une parcelle cadastrée AK n° 409, classée en zone UC du plan d'occupation des sols (POS) communal. Par un jugement du 1er décembre 2016 le tribunal administratif de Nice a annulé cet arrêté et a enjoint à la commune de procéder à une nouvelle instruction de la demande d'autorisation. Par un arrêt n° 17MA00464, 18MA00034, du 21 juin 2018, la Cour a annulé le jugement du tribunal administratif de Nice et rejeté les demandes de la SCI Le Cannet Maurice Jean-Pierre. Par une décision n° 423437 du 8 novembre 2019, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, sur pourvoi formé par la société Le Cannet Maurice Jean-Pierre, a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire à la Cour. Et par un arrêt n° 19MA04897 du 24 mars 2020 la Cour a annulé le jugement du tribunal administratif de Nice du 1er décembre 2016 et rejeté la demande de la SCI Le Cannet Maurice Jean-Pierre. Cet arrêt est devenu définitif. Parallèlement, dans le cadre de l'injonction de réexamen du tribunal, le maire de la commune du Cannet a opposé un sursis à statuer à la société pétitionnaire par arrêté du 26 janvier 2017. La commune du Cannet interjette appel du jugement du 20 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Nice a annulé cet arrêté du 26 janvier 2017.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, il appartient au juge d'appel, saisi d'un jugement annulant un acte en matière d'urbanisme, de se prononcer sur les différents motifs d'annulation retenus par les premiers juges, dès lors que ceux-ci sont contestés devant lui.

3. Le tribunal a annulé la décision de sursis à statuer opposée à la SCI Le Cannet Maurice Jean-Pierre au motif qu'elle méconnaissait les dispositions de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme.

4. En premier lieu, le tribunal a écarté les conclusions aux fins de sursis à statuer présentées par la commune du Cannet au motif qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne lui imposait de surseoir à statuer dans l'attente de la décision du Conseil d'État à intervenir sur le pourvoi formé par la SCI Le Cannet Jean-Pierre contre l'arrêt du 21 juin 2018 de la cour administrative d'appel de Marseille. Ce faisant le tribunal n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence, alors qu'il n'était pas tenu de répondre à de telles conclusions et qu'il avait seulement la faculté de prononcer un tel sursis, dans un souci de bonne administration de la justice.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'un refus opposé à une demande d'autorisation d'occuper ou d'utiliser le sol ou l'opposition à une déclaration de travaux régies par le présent code a fait l'objet d'une annulation juridictionnelle, la demande d'autorisation ou la déclaration confirmée par l'intéressé ne peut faire l'objet d'un nouveau refus ou être assortie de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d'urbanisme intervenues postérieurement à la date d'intervention de la décision annulée sous réserve que l'annulation soit devenue définitive et que la confirmation de la demande ou de la déclaration soit effectuée dans les six mois suivant la notification de l'annulation au pétitionnaire. " Si une décision de sursis à statuer prise sur le fondement de l'article L. 123-6 du code de l'urbanisme, désormais codifié à l'article L. 153-11 du même code doit être regardée comme un refus au sens de l'article L. 600-2 de ce code, en revanche ce n'est que lorsque l'annulation est devenue définitive que l'autorité administrative compétente doit réexaminer la demande initiale sur le fondement des dispositions d'urbanisme applicables à la date de la décision annulée, en application de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme.

6. En l'espèce, ainsi qu'il a été dit au point 1, par un arrêt n° 19MA04897 du 24 mars 2020 devenu définitif, la Cour a annulé le jugement du tribunal administratif de Nice du 1er décembre 2016 qui avait annulé l'arrêté de refus de permis de construire initial du 17 décembre 2013 et enjoint à l'autorité administrative de réexaminer la demande de la SCI Le Cannet Maurice Jean-Pierre, puis a rejeté les demandes de première instance de cette dernière. L'annulation prononcée par le tribunal n'étant donc pas définitive, l'autorité administrative n'était pas tenue, ainsi qu'il a été dit au point 5 de réexaminer la demande initiale sur le fondement des dispositions d'urbanisme applicables à la date de la décision annulée. Dans ces conditions, la commune du Cannet est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a estimé que les dispositions de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme faisaient obstacle à ce que le sursis puisse se fonder sur la circonstance que la réalisation du projet de construction litigieux serait de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan local d'urbanisme dès lors que la délibération prescrivant le plan local d'urbanisme (PLU) avait été approuvé le 28 novembre 2014, soit postérieurement au refus initial du 17 décembre 2013. C'est donc à tort que le tribunal s'est fondé sur la méconnaissance de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme pour annuler la décision de sursis à statuer attaquée.

7. Il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SCI Le Cannet Maurice Jean-Pierre tant en première instance qu'en cause d'appel.

8. Aux termes de l'article L. 153-11, en vigueur à la date de la décision attaquée : " ... À compter de la publication de la délibération prescrivant l'élaboration d'un plan local d'urbanisme, l'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 424-1, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan. ". La faculté ouverte par ces dispositions à l'autorité compétente pour se prononcer sur la demande de permis de construire, de surseoir à statuer sur cette demande, est subordonnée à la double condition que l'octroi du permis soit susceptible de compromettre l'exécution du projet du PLU et que ce dernier ait atteint, à la date à laquelle l'autorité doit statuer, un état d'avancement suffisant.

9. En l'espèce pour soutenir que le projet de PLU avait atteint un état d'avancement suffisant à la date de la décision en litige, la commune du Cannet se borne à se prévaloir de la mention, trop générale, de la délibération prescrivant l'élaboration du PLU selon laquelle l'objectif de " protection du patrimoine naturel et urbain, notamment des sites et des paysages " sera poursuivi, qui ne permettait pas de localiser les zones du territoire communal concernées. Si elle se prévaut également d'un inventaire du patrimoine paysage qu'elle date de novembre 2016, qui relève: " A l'angle de l'avenue Maurice l'avenue de la pinède, la pinède des Amandiers fait le lien entre les pinèdes habitées [...] sa proximité immédiate avec le square des amandiers souligne encore le caractère exemplaire de cet ensemble aéré qui doit être préservé. Il se présente comme un espace homogène, au coeur d'un quartier qui offre des équipements publics de première importance... ", elle n'apporte aucune précision sur la nature de ce document et les conditions de son élaboration. Ce faisant, la commune du Cannet ne démontre pas que son projet de PLU concernant le terrain d'assiette de la demande de permis de construire avait atteint un degré de précision suffisant. La SCI Le Cannet Maurice Jean-Pierre est par conséquent fondée à soutenir que l'état d'avancement du PLU n'était pas suffisamment avancé pour que le maire du Cannet puisse opposer un sursis à statuer sur sa demande.

10. Il résulte de ce qui précède que la commune du Cannet n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a annulé la décision de sursis à statuer du 26 janvier 2017.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la commune du Cannet dirigées contre la SCI Le Cannet Maurice Jean-Pierre qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune du Cannet la somme de 2 000 euros, à verser à la SCI Le Cannet Maurice Jean-Pierre en application de ces dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la commune du Cannet est rejetée.

Article 2 : La commune du Cannet versera à la SCI Le Cannet Maurice Jean-Pierre une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune du Cannet et à la SCI Le Cannet Maurice Jean-Pierre.

Délibéré après l'audience du 22 avril 2021, où siégeaient :

- M. C..., président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme B..., première conseillère,

- Mme A..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 mai 2021.

2

N° 19MA04032

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19MA04032
Date de la décision : 12/05/2021
Type d'affaire : Administrative

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Nature de la décision - Sursis à statuer - Motifs.

Urbanisme et aménagement du territoire - Règles de procédure contentieuse spéciales - Effets des annulations.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: Mme Isabelle GOUGOT
Rapporteur public ?: Mme GIOCANTI
Avocat(s) : SELARL PLENOT-SUARES-BLANCO-ORLANDINI

Origine de la décision
Date de l'import : 25/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-05-12;19ma04032 ?
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