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20/07/2021 | FRANCE | N°21MA01111-21MA01112

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre, 20 juillet 2021, 21MA01111-21MA01112


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un premier jugement n° 2004366 du 15 juillet 2020, le tribunal administratif de Marseille a décidé qu'une astreinte de 50 euros par jour serait prononcée à l'encontre de l'Etat s'il ne justifiait pas avoir, dans un délai d'un mois suivant la notification de ce jugement, exécuté totalement le jugement n° 1704014 du 24 septembre 2018 et ce, jusqu'à la date de cette exécution.

Par un mémoire enregistré le 21 octobre 2020, M. D... B... a demandé au tribunal de liquider l'astreinte prononcée pa

r le jugement du 15 juillet 2020.

Par un jugement du 1er février 2021, le tribunal...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un premier jugement n° 2004366 du 15 juillet 2020, le tribunal administratif de Marseille a décidé qu'une astreinte de 50 euros par jour serait prononcée à l'encontre de l'Etat s'il ne justifiait pas avoir, dans un délai d'un mois suivant la notification de ce jugement, exécuté totalement le jugement n° 1704014 du 24 septembre 2018 et ce, jusqu'à la date de cette exécution.

Par un mémoire enregistré le 21 octobre 2020, M. D... B... a demandé au tribunal de liquider l'astreinte prononcée par le jugement du 15 juillet 2020.

Par un jugement du 1er février 2021, le tribunal administratif de Marseille a condamné l'Etat à verser à M. B... la somme de 2 000 euros, au titre de la liquidation provisoire de l'astreinte prononcée par son jugement du 15 juillet 2020.

Procédure devant la Cour :

I. Par un recours enregistré le 19 mars 2021 sous le n° 21MA01111, le ministre de l'intérieur demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 1er février 2021 ;

2°) de rejeter la demande de M. B... tendant à la liquidation de l'astreinte prononcée par le tribunal administratif.

Il soutient qu'il a entièrement exécuté le jugement du 24 septembre 2018, la créance dont se prévaut le requérant, qu'il ne détient qu'au titre au titre de la période du

1er février 2009 au 1er février 2011, étant prescrite.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mai 2021, M. D... B..., représenté par Me E..., demande à la Cour :

1°) de rejeter le recours du ministre de l'intérieur ;

2°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement en tant qu'il a limité l'obligation d'exécuter le jugement du 24 septembre 2018 aux années 2012 à 2014 ;

3°) subsidiairement, de condamner l'Etat à l'indemniser de la perte de chance d'atteindre un nouvel échelon dans le grade de commandant de police ;

4°) en tout état de cause, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le ministre de l'intérieur ne peut remettre en cause le jugement du tribunal administratif de Marseille du 15 juillet 2020, passé en force de chose jugée ;

- le ministre ne pouvait opposer la prescription aux créances qu'il détient sur l'Etat, au titre de la période du 1er février 2009 au 1er février 2011, du fait de la reconstitution de sa carrière à la suite de la prise en compte de l'avantage spécifique d'ancienneté (ASA), sans méconnaître les dispositions de l'article 7 de la loi du 31 décembre 1968 ;

- la décision de rejet de sa demande tendant à bénéficier de l'ASA lui a fait perdre une chance d'accéder à l'échelon correspondant à un emploi fonctionnel de commandant de police, qui lui aurait permis de bénéficier de l'ASA acquis entre 2011 et le 30 décembre 2014, date de son départ à la retraite, dès lors que l'ancienneté des candidats dans leur grade constituait un critère important pour accéder à un tel emploi fonctionnel.

II. Par un recours, enregistré le 19 mars 2021 sous le n° 21MA01112, le ministre de l'intérieur demande à la Cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Marseille du 1er février 2021 sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative.

Il soutient qu'il développe à l'appui de sa demande d'annulation de ce jugement des moyens sérieux de nature à en justifier l'annulation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mai 2021, M. B..., représenté par Me E..., demande à la Cour de rejeter la demande du ministre de l'intérieur et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le ministre dans son recours n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- la loi n° 91-715 du 26 juillet 1991 ;

- le décret n° 95-313 du 21 mars 1995 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., substituant Me E..., représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement n° 1704014 du 24 septembre 2018, le tribunal administratif de Marseille a, d'une part, annulé la décision implicite rejetant la demande de M. B... du 14 janvier 2015 tendant à l'attribution de l'avantage spécifique d'ancienneté et, d'autre part, enjoint au ministre de l'intérieur de procéder à la reconstitution de la carrière de M. B..., en tenant compte de ses droits à l'avantage spécifique d'ancienneté à compter du 1er janvier 1995, par l'édiction d'une décision explicite, et de procéder au versement des rappels de rémunération augmentés des intérêts à compter de la réception par l'autorité administrative de sa demande du 30 janvier 2017, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement. Par un arrêté du 8 mars 2019, le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud a procédé à la reconstitution de carrière de M. B..., en avançant la date de son accession au 5ème échelon du grade de commandant de police du 1er février 2011 au 1er février 2009.

2. A la suite de la demande faite par M. B... au tribunal d'enjoindre à l'administration d'exécuter totalement le jugement n° 1704014 du 24 septembre 2018 en lui versant les rappels de rémunération et les intérêts en lien avec la reconstitution de sa carrière, tenant compte de ses droits à l'avantage spécifique d'ancienneté, le tribunal administratif de Marseille a, par jugement n° 2004366 du 15 juillet 2020, prononcé à l'encontre de l'Etat une astreinte de 50 euros par jour s'il ne justifiait pas avoir, dans un délai d'un mois suivant la notification de ce jugement, exécuté totalement le jugement du 24 septembre 2018 et ce, jusqu'à la date de cette exécution. Le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 1er février 2021 par lequel ce même tribunal a condamné l'Etat à verser la somme de 2 000 euros à M. B... au titre de la liquidation provisoire de l'astreinte prononcée par le jugement du 15 juillet 2020. M. B... doit être regardé comme soulevant, par la voie de l'appel incident, la réformation de ce jugement en tant qu'il a jugé que le ministre avait pu légalement opposer la prescription aux créances qu'il détenait aux titres des années 2009 à 2011.

Sur la jonction :

3. Les recours enregistrés sous les nos 21MA01111 et 21MA01112 concernent le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'ils fassent l'objet d'un seul arrêt.

Sur le recours incident de M. B... :

4. D'une part, aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu le jugement d'en assurer l'exécution " et aux termes de l'article L. 911-7 du même code : " En cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive, la juridiction procède à la liquidation de l'astreinte qu'elle avait prononcée. Sauf s'il est établi que l'inexécution de la décision provient d'un cas fortuit ou de force majeure, la juridiction ne peut modifier le taux de l'astreinte définitive lors de sa liquidation. Elle peut modérer ou supprimer l'astreinte provisoire, même en cas d'inexécution constatée ".

5. D'autre part, aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat (...), et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis (...) ", tandis qu'aux termes de l'article 7 de cette loi : " L'Administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d'une créance litigieuse, de la prescription prévue par la présente loi, l'invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond. / En aucun cas, la prescription ne peut être invoquée par l'Administration pour s'opposer à l'exécution d'une décision passée en force de chose jugée ".

6. L'ouverture de l'avantage spécifique d'ancienneté réservé par les dispositions combinées des articles 11 de la loi du 26 juillet 1991 et 2 du décret du 21 mars 1995 susvisés aux agents affectés pendant trois ans, au moins, dans un quartier connaissant des problèmes sociaux particuliers donne lieu, si elle résulte d'une décision juridictionnelle annulant un refus d'accorder cet avantage, à une reconstitution de carrière permettant de repositionner l'intéressé aux échelons qu'il aurait dû détenir successivement s'il avait fait l'objet d'une promotion à ancienneté réduite au cours de la période d'éligibilité, ainsi qu'au rappel de traitement correspondant à ces gains indiciaires successifs. Si le paiement de cette somme demeure soumis, comme celui de toute créance détenue sur l'Etat, à la prescription quadriennale instituée par l'article 1er précité de la loi du 31 décembre 1968, il en va autrement lorsqu'en vertu de l'article 7 précité de la même loi, la décision juridictionnelle passée en force de chose jugée dont il s'agit d'assurer l'exécution a expressément condamné l'administration ou lui a délivré injonction de verser les rappels de traitement sur la totalité de la période en litige, soit qu'elle ait écarté l'exception de forclusion opposée en défense soit qu'elle n'ait pas eu à y statuer, le défendeur s'étant abstenu de s'en prévaloir en cours d'instance.

7. Le jugement du 24 septembre 2018 tranche définitivement le fond du litige sur l'éligibilité de l'agent à l'avantage spécifique d'ancienneté et les conséquences à en tirer sur sa situation individuelle. Elle est donc revêtue de l'autorité de chose jugée et a acquis force de chose jugée après l'expiration du délai d'appel, ce qui faisait obstacle à ce que son dispositif soit remis en cause postérieurement, que ce soit à l'occasion de la demande d'exécution du jugement comme de la demande de liquidation de l'astreinte provisoire mise à la charge de l'Etat pour défaut d'exécution du jugement dans le délai imparti. Par suite, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 1er février 2021, les premiers juges ont estimé que le ministre avait pu légalement opposer la prescription aux créances qu'il détenait aux titres de la période du 1er février 2009 au 1er février 2011, et qu'ainsi, le jugement du 24 septembre 2018 avait été entièrement exécuté au titre de cette période.

Sur l'appel principal du ministre de l'intérieur :

En ce qui concerne la période du 1er février 2009 au 1er février 2011 :

8. Le ministre de l'intérieur ne conteste pas que M. B... détenait sur l'Etat une créance, au titre de la période du 1er février 2009 au 1er février 2011, du fait des rappels de rémunération qui lui étaient dus par suite de la reconstitution de sa carrière en tenant en compte de ses droits à l'avantage spécifique d'ancienneté. Ainsi qu'il a été dit au point 7, la prescription ne pouvait être opposée à cette créance après que le jugement du

24 septembre 2018 était passé en force de chose jugée. Dans ces conditions, le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que le jugement du 24 septembre 2018 a été entièrement exécuté après que le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud, a pris, le 8 mars 2019, un arrêté reconstituant la carrière de M. B....

En ce qui concerne la période du 1er février 2011 au 30 décembre 2014 :

9. Par arrêté du 8 mars 2019, le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud a reconstitué la carrière de M. B... et a fixé au 1er février 2009 l'accession de ce dernier au 5ème échelon du grade de commandant de police, antérieurement fixé au 1er février 2011, du fait de la prise en compte des 22 mois d'ASA acquis par M. B... de 1998 à 2009, et a réservé la prise en compte des 11 mois d'ASA acquis par l'intéressé entre 2009 et 2014 pour un avancement anticipé à valoir sur un prochain échelon. Le ministre soutient que M. B... ne détenait de créance sur l'Etat qu'au titre de la période du 1er février 2009 au 1er février 2011, dès lors que le 5ème échelon, qu'il occupait toujours lors de son départ à la retraite, le 30 décembre 2014, constituait l'échelon terminal du grade de commandant de police, et qu'il ne pouvait par suite bénéficier d'un avancement au titre de l'ASA postérieurement au 1er février 2011. Cet arrêté, dont la contestation éventuelle relèverait d'un litige distinct de la procédure d'exécution en litige, n'a fait l'objet d'aucun recours. Par suite, le ministre de l'intérieur pouvait à bon droit considérer qu'il n'était pas tenu de verser à M. B... des rappels de rémunération au titre de la période postérieure au 1er février 2011 et que le jugement du 24 septembre 2018 avait été, pour ce qui concerne cette période, entièrement exécuté.

10. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'à la date du jugement contesté, le jugement du 24 septembre 2018 du tribunal administratif de Marseille n'avait pas été entièrement exécuté. Cette absence d'exécution complète justifiait, eu égard au montant de 50 euros par jour de l'astreinte décidée par le jugement du 15 juillet 2020, notifié le

16 juillet 2020, et au délai d'un mois imparti à l'administration pour exécuter le jugement du

24 septembre 2018, qu'il soit procédé à la liquidation provisoire de l'astreinte pour la période courant du 17 août 2020 au 1er février 2021. Il suit de là que le ministre de l'intérieur, qui ne conteste pas le montant de l'astreinte retenue mais seulement son principe, n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille l'a condamné à verser à M. B... la somme de 2 000 euros au titre de l'astreinte prononcée par le jugement du 15 juillet 2020 du tribunal administratif de Marseille.

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement du 1er février 2021 :

11. Par le présent arrêt, la Cour se prononce sur les conclusions du ministre de l'intérieur tendant à l'annulation du jugement du 1er février 2021. Les conclusions du recours n° 21MA01112 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont donc privées d'objet. Il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer.

Sur les frais liés au litige :

12. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais exposés par M. B... et non compris les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur le recours n° 21MA01112 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 2004366 du 1er février 2021 du tribunal administratif de Marseille.

Article 2 : Le recours n° 21MA01111 du ministre de l'intérieur est rejeté.

Article 3 : L'Etat versera à M. B... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la zone de défense et de sécurité Sud.

Délibéré après l'audience du 6 juillet 2021, où siégeaient :

- M. d'Izarn de Villefort, président,

- M. Ury, premier conseiller,

- Mme A..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition du greffe, le 20 juillet 2021.

N° 21MA01111, 21MA01112 7


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA01111-21MA01112
Date de la décision : 20/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-06-07 Procédure. - Jugements. - Exécution des jugements.


Composition du Tribunal
Président : M. D'IZARN DE VILLEFORT
Rapporteur ?: Mme Thérèse RENAULT
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : SCP BERENGER - BLANC - BURTEZ - DOUCEDE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-07-20;21ma01111.21ma01112 ?
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