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05/10/2021 | FRANCE | N°20MA00809

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 05 octobre 2021, 20MA00809


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la note du 11 avril 2018 par laquelle le directeur régional des finances publiques Provence-Alpes-Côte-d'Azur lui a confirmé l'interruption de son traitement à compter du 1er janvier 2018 et lui a ordonné de rejoindre son poste le 16 avril 2018 au matin sauf à être radié des cadres.

Par un jugement n° 1803079 du 20 décembre 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :>
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 février 2020 et le 8 janvier 2021, M. B...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la note du 11 avril 2018 par laquelle le directeur régional des finances publiques Provence-Alpes-Côte-d'Azur lui a confirmé l'interruption de son traitement à compter du 1er janvier 2018 et lui a ordonné de rejoindre son poste le 16 avril 2018 au matin sauf à être radié des cadres.

Par un jugement n° 1803079 du 20 décembre 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 février 2020 et le 8 janvier 2021, M. B..., représenté par Me Bruschi, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cette note ;

3°) d'enjoindre au directeur régional des finances publiques Provence-Alpes-Côte-d'Azur de rétablir sa rémunération à compter du 1er janvier 2018, dans le délai de sept jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'interruption du versement de sa rémunération ne peut reposer sur les dispositions de l'article 44 du décret du 14 mars 1986, ni sur aucune autre base légale ;

- la position d'attente dans laquelle il a été placé ne correspond pas à une position statutaire ;

- en présence d'une contestation de l'avis émis par le comité médical départemental du 6 décembre 2010 se prononçant dans le sens de son inaptitude définitive et absolue à toutes fonctions, l'administration devait suspendre la procédure de mise à la retraite d'office pour invalidité ;

- c'est à tort que le tribunal a estimé que l'administration devait être regardée comme ayant engagé à nouveau cette procédure ;

- une recherche des possibilités de reclassement devait être effectuée dans le cadre de cette procédure ;

- eu égard à la qualité de travailleur handicapé qui lui a été reconnue, l'administration devait respecter les obligations mises à sa charge par les articles 5 et 6 de la loi du 13 juillet 1983 ;

- aucune décision formelle portant suspension du versement du traitement n'a été prise ;

- il pouvait se prévaloir des dispositions de l'article 28 de la loi du 13 juillet 1983 pour refuser de prendre rendez-vous pour expertise médicale ;

- il n'était pas en mesure de reprendre son travail.

Par un mémoire enregistré le 7 décembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions à fin d'injonction ne sont pas recevables ;

- les conclusions tendant à l'annulation de la note du 11 avril 2018 sont irrecevables en ce qu'elles sont dirigées contre un acte ne faisant pas grief ;

- les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Par ordonnance en date du 8 juillet 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 23 juillet 2021, à 12 heures.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 février 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des pensions civiles et militaires ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Revert,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de Me Bruschi, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., agent de constatation et d'assiette de la direction régionale des finances publiques Provence-Alpes-Côte-d'Azur, a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la note du 11 avril 2018 par laquelle le directeur régional des finances publiques Provence-Alpes-Côte-d'Azur lui a confirmé l'interruption de son traitement à compter du 1er janvier 2018 et lui a ordonné de rejoindre son poste le 16 avril 2018 au matin sauf à être radié des cadres. Il relève appel du jugement du 20 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué en tant qu'il rejette les conclusions tendant à l'annulation de la mise en demeure de reprendre ses fonctions :

2. Ainsi que le soutient le ministre de l'économie et des finances, la mise en demeure de reprendre ses fonctions, adressée au requérant par la note attaquée du 11 avril 2018, constitue une simple mesure préparatoire qui n'est pas susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Il suit de là que les conclusions tendant à l'annulation de cette note en tant qu'elle contient cette mise en demeure sont irrecevables et que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté ces prétentions.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué en tant qu'il rejette les conclusions tendant à l'annulation de l'interruption du demi-traitement à compter du 1er janvier 2018 :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'économie et des finances :

3. Contrairement à ce que prétend en première instance le ministre de l'économie et des finances, la décision en litige, en ce qu'elle refuse de faire droit à la demande de M. B... visant au rétablissement du versement de son demi-traitement, interrompu à compter du 1er janvier 2018, n'est pas purement confirmative des lettres des 20 octobre et 9 novembre 2017 par lesquelles le directeur régional des finances publiques Provence-Alpes-Côte d'Azur se bornait à le mettre en demeure de se soumettre à un contrôle médical, sous peine d'interruption du versement de sa rémunération. Les conclusions tendant à l'annulation de cette décision sont donc recevables.

En ce qui concerne la légalité de la décision en litige :

4. Aux termes de l'article 27 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : " Lorsqu'un fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d'une durée totale de douze mois, il ne peut, à l'expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service sans l'avis favorable du comité médical : en cas d'avis défavorable il est soit mis en disponibilité, soit reclassé dans un autre emploi, soit, s'il est reconnu définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme. Le paiement du demi-traitement est maintenu, le cas échéant, jusqu'à la date de la décision de reprise de service, de reclassement, de mise en disponibilité ou d'admission à la retraite. ".

5. Il résulte des dispositions citées au point précédent, qui dérogent à la règle du service fait édictée par les dispositions de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 et desquelles le ministre de l'économie et des finances tire dans ses écritures le fondement de sa décision litigieuse, que lorsque l'agent a épuisé ses droits à un congé de maladie ordinaire, il appartient à la collectivité qui l'emploie, d'une part, de saisir le comité médical, qui doit se prononcer sur son éventuelle reprise de fonctions ou sur sa mise en disponibilité, son reclassement dans un autre emploi ou son admission à la retraite et, d'autre part, de verser à l'agent un demi-traitement dans l'attente de la décision du comité médical. Dans cette hypothèse, la décision de maintien du demi-traitement, le cas échéant révélée par le versement effectif des sommes correspondantes, présente le caractère d'une mesure créatrice de droits.

6. Il ressort des pièces du dossier que le comité médical départemental, amené à se prononcer, en application de l'article 27 du décret du 14 mars 1986, sur l'aptitude à reprendre son service de M. B..., placé en congé de maladie depuis le 29 juin 2009, a estimé, à l'issue de sa séance du 6 décembre 2010, que l'intéressé présentait une inaptitude absolue et définitive à son poste et à tout poste dans la fonction publique et a proposé son placement en disponibilité pour trois mois dans l'attente de la procédure à engager devant la commission de réforme. M. B... a en conséquence été destinataire d'une note de son administration datée du 16 décembre 2010 l'informant du sens de cet avis, de ce qu'il serait admis d'office à la retraite pour invalidité sur le fondement de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite et que son dossier allait ainsi être soumis à la commission de réforme. Alors qu'il percevait un demi-traitement depuis le 18 février 2011, date d'expiration de son congé pour raison de santé sans traitement d'une durée de trois mois, son administration lui a demandé par courrier du 26 septembre 2017 de prendre rendez-vous avec un médecin désigné dans ce courrier, puis l'a mis en demeure par un nouveau courrier l'invitant à justifier son refus éventuel de se soumettre à ce " contrôle médical ". Le 20 octobre 2017, il a été mis en demeure, sur le fondement des articles 25 et 44 du décret du 14 mars 1986, de justifier son refus de se soumettre au contrôle médical, à défaut de quoi le versement de son traitement serait interrompu. Le 9 novembre 2017, il a été informé que la visite de contrôle médical avait pour objet de déterminer un taux d'invalidité en vue de l'examen de son dossier devant la commission de réforme en lui rappelant la mise en demeure du 20 octobre selon laquelle le versement de sa rémunération serait interrompu s'il s'y soustrayait. Par lettre du 2 février 2018, M. B... a demandé à son administration de rétablir le versement de sa rémunération, interrompu depuis le 1er janvier 2018. La décision du 11 avril 2018 en litige refuse de faire droit à cette demande.

7. Ainsi qu'il a été dit au point 5, alors qu'il est constant que M. B... avait épuisé ses droits à congé de maladie ordinaire, son administration, qui avait engagé à son égard une procédure de mise à la retraite d'office pour invalidité et dont il ne résulte pas des éléments produits au dossier qu'elle l'aurait placé en disponibilité d'office, était tenue de maintenir son demi-traitement jusqu'à ce que soit décidée l'une des positions statutaires énumérées à l'article 27 du décret du 14 mars 1986. Comme le soutient M. B..., il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date à laquelle le directeur régional des finances publiques Provence-Alpes-Côte-d'Azur lui a confirmé l'interruption du versement de son demi-traitement, il ait été statué sur sa situation au regard de l'une des positions statutaires mentionnées auxdites dispositions. Dans ces conditions, qui d'ailleurs rendent inapplicables les dispositions de l'article 25 du décret du 14 mars 1986 prévoyant l'interruption de la rémunération du fonctionnaire qui bénéficie d'un congé de maladie et refuse de se soumettre à une contre-visite médicale, la circonstance que, à plusieurs reprises, M. B... ait refusé de se soumettre à un examen médical diligenté à l'initiative de l'administration qui l'emploie, n'est pas de nature à dispenser celle-ci de son obligation de maintien de demi-traitement. Par suite, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, M. B... est fondé à soutenir que la décision en litige a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article 27 du décret du 14 mars 1986 et qu'elle doit être annulée pour ce motif.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. (...)".

9. Comme le demande à titre accessoire et de manière recevable M. B..., le présent arrêt implique nécessairement, compte tenu de son motif, qu'il soit enjoint au directeur régional des finances publiques Provence-Alpes-Côte-d'Azur de procéder à son bénéfice au versement d'un demi-traitement, à compter du 1er janvier 2018, date de prise d'effet de la décision annulée, jusqu'à la date de la décision de reprise de service, de reclassement, de mise en disponibilité ou d'admission à la retraite. L'injonction devra être exécutée dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

10. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme au titre des frais exposés par le requérant et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées à ce titre doivent donc être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La note du directeur régional des finances publiques Provence-Alpes-Côte-d'Azur du 11 avril 2018 est annulée en tant qu'elle confirme à M. B... l'interruption de son demi- traitement à compter du 1er janvier 2018.

Article 2 : Il est enjoint au directeur régional des finances publiques Provence-Alpes-Côte-d'Azur de procéder au versement du demi-traitement de M. B..., à compter du 1er janvier 2018, jusqu'à la date de la décision de reprise de service, de reclassement, de mise en disponibilité ou d'admission à la retraite. L'injonction devra être exécutée dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le jugement n° 1803079 du tribunal administratif de Marseille en date du 20 décembre 2019 est annulé en ce qu'il a de contraire aux articles 1 et 2 du présent dispositif.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Bruschi, à la direction régionale des finances publiques Provence-Alpes-Côte-d'Azur et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 21 septembre 2021, où siégeaient :

- M. Badie, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Ury, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 octobre 2021.

N° 20MA00809 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA00809
Date de la décision : 05/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Positions.

Fonctionnaires et agents publics - Rémunération.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Michaël REVERT
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : BRUSCHI

Origine de la décision
Date de l'import : 12/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-10-05;20ma00809 ?
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