La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/10/2021 | FRANCE | N°18MA01539

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 11 octobre 2021, 18MA01539


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Cardem a demandé au tribunal administratif de Nîmes :

- de condamner le centre hospitalier Alès-Cévennes à lui verser la somme de 258 222 euros hors taxe, majorée de la révision des prix et de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) au titre de la rémunération complémentaire à laquelle elle a droit en exécution du marché public conclu le 31 août 2011, la somme de 16 572 euros hors taxe au titre des pénalités de retard appliquées à tort et la somme de 7 928,39 euros hors taxe au titre d

'une réfaction de prix infondée, assorties des intérêts moratoires calculés au taux con...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Cardem a demandé au tribunal administratif de Nîmes :

- de condamner le centre hospitalier Alès-Cévennes à lui verser la somme de 258 222 euros hors taxe, majorée de la révision des prix et de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) au titre de la rémunération complémentaire à laquelle elle a droit en exécution du marché public conclu le 31 août 2011, la somme de 16 572 euros hors taxe au titre des pénalités de retard appliquées à tort et la somme de 7 928,39 euros hors taxe au titre d'une réfaction de prix infondée, assorties des intérêts moratoires calculés au taux contractuel à partir du 6 mai 2013 et de la capitalisation des intérêts ;

- de condamner le centre hospitalier Alès-Cévennes à lui payer les intérêts moratoires dus sur la somme de 70 058,43 euros ainsi que la capitalisation de ces intérêts ;

- de mettre à la charge du centre hospitalier Alès-Cévennes la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1504045 du 25 janvier 2017, le tribunal administratif de Nîmes a condamné le centre hospitalier Alès-Cévennes à verser à la SAS Cardem la somme de 6 048 euros toutes taxes comprises, majorée de la révision des prix, et la somme de 24 500,39 euros, assorties des intérêts moratoires au taux contractuel à compter du 5 mai 2013, au titre du règlement des comptes du marché, ainsi que la somme de 1 186,43 euros, majorée des intérêts complémentaires y afférents, au titre des intérêts sur le solde du décompte général, et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoires enregistrés le 6 avril 2018 et le 17 septembre 2018, la SAS Cardem, représentée par CLL avocats, demande à la Cour :

1°) de réformer partiellement le jugement du tribunal administratif de Nîmes en tant qu'il a fixé le solde du décompte général du marché à 30 739 euros hors taxe, rejeté des demandes tendant au paiement des travaux supplémentaires pour des montants de 7 650 euros, 1 440 euros et 5 250 euros, limité le montant des condamnations prononcées au titre des travaux supplémentaires d'évacuation des fondations sur pieux à 5 040 euros hors taxe et rejeté ses demandes tendant à la rémunération des travaux supplémentaires d'évacuation des cloisons en placoplatre ;

2°) de condamner le centre hospitalier Alès-Cévennes à lui verser la somme de 258 222 euros hors taxe, majorée de la révision des prix et de la taxe sur la valeur ajoutée et assortie des intérêts moratoires au taux contractuel à compter du 6 mai 2013 et de la capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge du centre hospitalier Alès-Cévennes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SAS Cardem soutient que :

- le solde du décompte général fixé par le tribunal administratif de Nîmes est erroné ; les travaux supplémentaires n'ont pas été pris en compte dans ce calcul ; la somme de 401 euros hors taxe figurant dans ce décompte ne constitue pas la compensation de plus-values et de moins-values ;

- le décompte général et définitif ne comprend en déduction qu'une seule réfaction de prix, pour un montant de 7 928,39 euros ; le centre hospitalier Alès-Cévennes n'a fait droit aux demandes de rémunérations supplémentaires qu'à hauteur de 401 euros hors taxe et a renoncé à appliquer à la société Cardem les réfactions sur les lignes de prix liées au réseau d'évacuation DN1500 pour 19 013 euros hors taxe, à la clôture du chantier pour 10 486 euros hors taxe et au constat contradictoire pour 1 240 euros hors taxe ;

- elle a contesté dans son mémoire de réclamation le décompte général et définitif, en ce qu'il concernait la somme de 401 euros hors taxe ;

- elle a droit au paiement des travaux supplémentaires d'évacuation de fondations sur pieux pour un montant correspondant à 5 146 m3 ;

- elle a droit au paiement des travaux supplémentaires d'évacuation des cloisons de placoplatre pour un montant de 44 982 euros hors taxe ; il n'y a pas lieu de déduire de cette somme le coût de chargement et d'évacuation des briques pour 9 548 euros hors taxe.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 août 2018, et un mémoire en réplique du 9 septembre 2021, le centre hospitalier Alès-Cévennes, représenté par la SCP Charrel et associés, demande à la Cour :

1°) à titre principal, de rejeter la requête ;

2°) à titre subsidiaire, d'appeler à la cause l'agence de l'architecture Pierre Tourre et la société Nox Industrie et Process, et de les condamner solidairement à la relever et garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;

3°) de mettre à la charge de la SAS Cardem la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Il soutient que :

- le solde dû à la SAS Cardem au titre du décompte général et définitif s'élève à la somme de 401 euros hors taxe ; le détail de cette somme a été explicité par une note d'analyse du bureau d'études techniques (BET) Jacobs ; la SAS Cardem n'a pas contesté cette somme dans son mémoire de réclamation ; la somme de 401 euros correspond à la différence entre les plus-values pour un montant de 31 140 euros et les moins-values pour un montant de 30 739 euros ; les moins-values retenues par le centre hospitalier Alès-Cévennes étaient définitives ;

- le quantum des travaux supplémentaires d'évacuation de fondations sur pieux s'élève à la somme de 5 040 euros hors taxe, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Nîmes ; le volume prévisionnel établi dans le cadre de l'évaluation du prix forfaitaire ne permet pas de déduire le volume des travaux supplémentaires effectifs ; seule l'évacuation des têtes de pieux représentait un travail supplémentaire ;

- la demande de paiement de travaux supplémentaires au titre de l'évacuation des cloisons en placoplatre n'est pas fondée ; les quantités initialement prévues n'ont pas été atteintes et l'entreprise ne justifie pas d'un surcoût qui aurait bouleversé l'économie générale de son marché ;

- à titre subsidiaire, le maître d'œuvre a commis une faute dans l'établissement des pièces du marché ; la maîtrise d'œuvre est responsable du préjudice résultant de l'impossibilité d'appliquer les pénalités de retard.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 août 2018, l'agence de l'architecture Pierre Tourre, représentée par Me Lallemand, conclut à titre principal au rejet de la requête, demande à titre subsidiaire à ce que la société Nox Industrie et Process la garantisse de toute condamnation prononcée à son encontre, et demande qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la SAS Cardem au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- dans le décompte général notifié à la SAS Cardem, le poste " chiffrage des travaux supplémentaires " a été entièrement rejeté par le maître de l'ouvrage ; la SAS Cardem a accepté les éléments du décompte ;

- les demandes de la SAS Cardem sont infondées ; l'entreprise ne peut se prévaloir d'imprécisions dans les prescriptions techniques du marché ;

- les pénalités de retard sont justifiées ;

- le BET Jacobs devra la garantir de toute condamnation ; le BET Jacobs était responsable des lots techniques.

Par ordonnance en date du 20 août 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 septembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B... Point, rapporteur,

- les conclusions de M. A... Thielé, rapporteur public,

- et les observations de Me Meyer pour la SAS Cardem et de Me Jolly pour le centre hospitalier Alès-Cévennes.

Considérant ce qui suit :

1. Par un marché public conclu le 31 août 2011, le centre hospitalier Alès-Cévennes a chargé la SAS Cardem, sous la maîtrise d'œuvre d'un groupement d'entreprises composé notamment du bureau d'études techniques Jacobs France et de l'agence d'architecture Pierre Tourre, mandataire des cotraitants, du lot n° 17 " déconstruction, désamiantage " de l'opération de démolition de l'hôpital existant et de réalisation des parkings et réseaux nécessités par la construction d'un nouveau hôpital à Alès, pour un prix global et forfaitaire de 1 242 902 euros hors taxe. Un avenant n° 1 supprimant certains travaux, signé par les parties le 26 septembre 2001, a ramené ce prix à 1 188 323 euros hors taxe. Le prix du marché a été porté à 1 380 939,45 euros hors taxe par un avenant n° 2 conclu le 4 juin 2012, prévoyant la réalisation de travaux complémentaires, notamment des travaux de désamiantage des bâtiments A, B et C évalués à 170 078,10 euros hors taxe. Un ordre de service du 2 septembre 2011 a prescrit au titulaire le démarrage des travaux à compter du 5 septembre 2011. Le délai d'exécution des travaux, fixé à 16 mois, a été porté à 19 mois par l'avenant n° 2. Les travaux réalisés par l'entreprise ont été réceptionnés avec réserves le 30 décembre 2012, avec effet au 24 octobre 2012. Les réserves autres que celles portant sur le manque de matériaux de remblaiement ont été levées le 6 mai 2013. Les travaux ont été réceptionnés en totalité le 25 novembre 2013 par le maître d'ouvrage, qui a retenu une réfaction de prix à raison des réserves non levées. Le maître de l'ouvrage a établi le même jour un décompte des pénalités de retard appliquées au titulaire, faisant mention de la somme totale de 19 820,11 euros. Le 4 février 2014, le titulaire a adressé au maître d'ouvrage une mise en demeure d'établir le décompte général du marché. Le décompte général, arrêté à la somme de 1 658 449,58 euros toutes taxes comprises, a été notifié au titulaire par un ordre de service du 17 février 2014. Par un courrier du 31 mars 2014, la SAS Cardem a renvoyé ledit décompte général signé et assorti de réserves développées dans un mémoire de réclamation joint à ce courrier. Par une lettre du 27 novembre 2015, le directeur du centre hospitalier Alès-Cévennes a informé l'entreprise de sa décision de ne pas suivre l'avis émis le 24 septembre 2015 par le comité consultatif interrégional de règlement amiable des litiges en matière de marchés publics de Marseille. Par un jugement en date du 25 janvier 2018, le tribunal administratif de Nîmes a fait droit partiellement aux demandes indemnitaires présentées par la SAS Cardem et a rejeté le surplus des conclusions des parties. La SAS Cardem relève appel de ce jugement.

Sur les travaux supplémentaires :

2. Le caractère global et forfaitaire du prix du marché ne fait pas obstacle à ce que l'entreprise cocontractante sollicite une indemnisation au titre de travaux supplémentaires effectués, même sans ordre de service, dès lors que ces travaux étaient indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art.

En ce qui concerne la contestation des sommes inscrites au décompte général :

3. Aux termes de l'article 13.4 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux (CCAG-Travaux), dans sa rédaction applicable en l'espèce, auquel se réfère l'article 2 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du marché : " 13.4. Décompte général. - Solde : /13.4.1. Le maître d'œuvre établit le projet de décompte général, qui comprend : /- le décompte final ; /- l'état du solde, établi à partir du décompte final et du dernier décompte mensuel, dans les mêmes conditions que celles qui sont définies à l'article 13.2.1 pour les acomptes mensuels ; /- la récapitulation des acomptes mensuels et du solde. /Le montant du projet de décompte général est égal au résultat de cette dernière récapitulation. /Le maître d'œuvre transmet le projet de décompte général au représentant du pouvoir adjudicateur dans un délai compatible avec les délais de l'article 13.4.2. (...) 13.4.4. Dans un délai de quarante-cinq jours compté à partir de la notification du décompte général, le titulaire renvoie au représentant du pouvoir adjudicateur, avec copie au maître d'œuvre, le décompte général revêtu de sa signature, sans ou avec réserves, ou fait connaître les motifs pour lesquels il refuse de le signer. / Si la signature du décompte général est donnée sans réserve par le titulaire, il devient le décompte général et définitif du marché. / Ce décompte lie définitivement les parties, sauf en ce qui concerne le montant des intérêts moratoires afférents au solde. 13.4.5. Dans le cas où le titulaire n'a pas renvoyé le décompte général signé au représentant du pouvoir adjudicateur, dans le délai de quarante-cinq jours fixé à l'article 13.4.4, ou encore, dans le cas où, l'ayant renvoyé dans ce délai, il n'a pas motivé son refus ou n'a pas exposé en détail les motifs de ses réserves, en précisant le montant de ses réclamations comme indiqué à l'article 50.1.1, ce décompte général est réputé être accepté par lui ; il devient alors le décompte général et définitif du marché. ".

4. Il résulte de l'instruction que le maître de l'ouvrage a adressé le décompte général à la SAS Cardem par un courrier daté du 19 février 2014. La SAS Cardem a signé le décompte général le 31 mars 2014 avec réserves, et l'a renvoyé assorti d'un mémoire en réclamation. Le centre hospitalier Alès-Cévennes en a reçu notification en mains propres le 2 avril 2014. Le décompte général est ainsi devenu définitif pour l'ensemble des points non contestés dans le mémoire en réclamation de la SAS Cardem.

5. Il résulte de l'instruction que figure au décompte général une somme versée au crédit du titulaire au titre des " travaux modificatifs revalorisables suite à l'analyse BET " pour un montant de 401 euros hors taxe. La SAS Cardem, qui sollicite le versement d'une rémunération complémentaire au titre des travaux supplémentaires à hauteur de 258 222 euros, soutient que le centre hospitalier Alès-Cévennes a ainsi limité la prise en compte des travaux supplémentaires à la somme de 401 euros hors taxe. Le centre hospitalier Alès-Cévennes fait valoir que cette somme de 401 euros hors taxe résulte de la compensation entre une somme de 31 140 euros, correspondant au montant des travaux supplémentaires dont elle a accepté le paiement, et une somme de 30 739 euros correspondant à une série de réfactions pour travaux non effectués, sommes dont le détail figure dans la note du BET Jacobs du 8 mars 2013. Il résulte de l'instruction que la somme de 31 140 euros mentionnée par le centre hospitalier Alès-Cévennes résulte de l'addition de quatre sommes figurant au tableau du point 5 de la note du BET Jacobs du 8 mars 2013. Cette somme globale est constituée d'une somme de 16 800 euros relative à des travaux supplémentaires d'évacuation de fondations sur pieux, d'une somme de 7 650 euros relative à des travaux supplémentaires liés à l'amiante, d'une somme de 1 440 euros relative à des travaux supplémentaires effectués sur le transformateur et d'une somme de 5 250 euros relative à des travaux supplémentaires sur les réseaux fluides médicaux. La somme globale de 30 739 euros également mentionnée par le centre hospitalier Alès-Cévennes au titre des réfactions correspond à trois sommes de 19 013 euros, 10 486 euros et 1 240 euros figurant dans ce même tableau, qui comporte en outre une somme de 7 928 euros au titre des réfactions opérées sur le niveau de remblaiement.

6. Le centre hospitalier Alès-Cévennes fait valoir que la compensation dont il se prévaut pour justifier le paiement des travaux supplémentaires à hauteur de 31 140 euros a été explicitée dans la note d'analyse du BET Jacobs du 8 mars 2013 et que cette note était annexée au décompte général. Toutefois, il résulte de l'examen de la note du BET Jacobs qu'il n'y est fait mention d'aucune compensation entre des travaux supplémentaires à payer et des réfactions aboutissant à une somme de 401 euros au crédit de l'entreprise. Les sommes détaillées au point 5 de la note font notamment apparaître une réfaction de 7 928 euros au titre du " niveau de remblaiement ", qui a été explicitement et distinctement prise en compte dans le décompte général et définitif. En outre, ni le bordereau d'envoi daté du 19 février 2014, ni le contenu du décompte général et définitif, ni aucun autre élément du dossier ne permettent d'établir que la note du BET Jacobs du 8 mars 2013 aurait été jointe au décompte général transmis au titulaire du marché. Cette note ne peut par suite être regardée comme constituant un élément du décompte général. Au regard du principe d'unicité du décompte, le fait que la SAS Cardem ait eu par ailleurs connaissance de cette note est sans incidence sur le contenu du décompte général. Dans ces conditions, la SAS Cardem est fondée à soutenir que dans le décompte général, au titre des réfactions opérées pour travaux non exécutés, le centre hospitalier Alès-Cévennes s'est borné à prendre en compte la somme de 7 928 euros pour le niveau de remblaiement, à l'exclusion des trois autres sommes de 19 013 euros, 10 486 euros et 1 240 euros mentionnées au point 5 de la note du 8 mars 2014. Par suite, ces trois réfactions de prix ne figuraient pas dans le décompte général. Par voie de conséquence, la SAS Cardem est également fondée à soutenir que le centre hospitalier Alès-Cévennes n'a pas opéré dans le décompte général la compensation alléguée et qu'il n'a pris en compte au titre des travaux supplémentaires sollicités qu'une somme de 401 euros hors taxe.

7. Il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier Alès-Cévennes ne peut utilement soutenir que les réfactions correspondant aux sommes de 19 013 euros, 10 486 euros et 1 240 euros figuraient dans le décompte général et auraient été acceptées définitivement par la SAS Cardem. Les réfactions en cause doivent, dès lors, être regardées comme ayant été définitivement abandonnées par le centre hospitalier Alès-Cévennes.

8. Il résulte de l'instruction que dans son mémoire en réclamation sur le décompte général remis au maître de l'ouvrage le 2 avril 2014, la SAS Cardem a spécifiquement contesté le montant des sommes retenues par le maître de l'ouvrage au titre des travaux supplémentaires, notamment concernant les travaux d'évacuation de fondations sur pieux, l'amiante, le transformateur et les réseaux de fluides médicaux. Par suite, le centre hospitalier Alès-Cévennes n'est pas fondé à soutenir que le décompte général serait devenu définitif sur ces points.

En ce qui concerne les travaux supplémentaires d'évacuation de fondations sur pieux :

9. Aux termes de l'article 5.6.3 du cahier des stipulations techniques particulières du marché : " Purge des fondations : Les bâtiments sont fondés superficiellement soit sur massifs isolés, soit sur semelles filantes (au maximum à deux mètres de profondeur par rapport au niveau des vides sanitaires ou des dalles inférieures). Il n'y a pas de fondations connues sur pieux. Toutes ces fondations seront entièrement dégagées et évacuées. ".

10. Il résulte de l'instruction que la SAS Cardem a procédé à l'évacuation de fondations sur pieux du plateau technique, alors que le cahier des stipulations techniques particulières du marché ne prévoyait pas l'existence de fondations de cette nature. La réalisation de ces travaux était nécessaire en vue d'effectuer les prestations de démolition prévues par le marché. Par suite, de tels travaux avaient un caractère indispensable et constituent des travaux supplémentaires ouvrant droit, pour le titulaire du marché, à une rémunération complémentaire.

11. La SAS Cardem soutient que le volume des travaux supplémentaires réalisés représente 5 146 m3 de déchets évacués, correspondant à la différence entre le volume à démolir tel qu'il résultait de l'estimation réalisée pour l'établissement de son offre, sur la base des plans du marché, et les quantités des déchets inertes effectivement évacués, tel que figurant dans le dossier des ouvrages exécutés. Toutefois, au regard du caractère prévisionnel des volumes estimés pour l'établissement du forfait, il n'est pas établi que l'écart relevé par la SAS Cardem entre son estimation initiale et les volumes réels évacués correspondent à la réalisation de travaux supplémentaires d'évacuation des fondations sur pieux, le dépassement des volumes prévisionnels pouvant correspondre à une sous-estimation initiale des quantités à réaliser au titre du marché. Dans ces conditions, la méthode proposée par la SAS Cardem pour évaluer le volume des travaux supplémentaires réalisés au titre de l'évacuation des déchets de fondations sur pieux n'a pas un caractère probant et ne peut être retenue. A cet égard, la SAS Cardem ne peut utilement se prévaloir de l'avis du CCIRAL en date du 24 septembre 2015. Le volume de 5 146 m3 allégué par la société Cardem ne peut par suite être regardé comme établi.

12. Il résulte de l'instruction que le maître d'œuvre, dans sa note technique datée du 23 septembre 2015, a relevé que les travaux supplémentaires allégués pas la SAS Cardem correspondent à la déconstruction de 70 têtes de pieux des fondations du plateau technique et que l'évacuation d'autres fondations que les têtes de pieux n'était pas établie. Le maître d'œuvre a estimé que le volume de chaque tête de pieux était de 8 m3 et a ainsi estimé la quantité de déchets évacués supplémentaires à 560 m3. La SAS Cardem, qui se borne à faire valoir que les pieux sont également constitués d'un fût et d'une pointe, n'établit pas qu'elle aurait procédé à la destruction de l'intégralité des pieux et ne fournit au demeurant aucune information sur le volume de déchets correspondant aux fûts et aux pointes de pieux. Par suite, elle ne contredit pas utilement l'estimation des volumes résultant de l'analyse du maître d'œuvre. Dans ses écritures, le centre hospitalier Alès-Cévennes reconnaît le bien-fondé du tarif de 39 euros par m3 proposé par le titulaire, conformément à l'estimation fournie par le maître d'œuvre dans sa note du 23 septembre 2015. Ainsi, le centre hospitalier Alès-Cévennes, qui avait préalablement admis le paiement de travaux supplémentaires des travaux d'évacuation de fondations sur pieux à hauteur de 16 800 euros hors taxe, correspondant à un volume de déchets évacués supplémentaires de 560 m3 à raison de 30 euros hors taxe par m3, ne conteste pas dans ses écritures le droit de la SAS Cardem au versement d'un complément de rémunération à hauteur de 5 040 euros hors taxe correspondant à l'application du tarif de 39 euros par m3. Il y a lieu, pour établir le montant de la rémunération due à la SAS Cardem au titre des travaux supplémentaires d'évacuation des fondations sur pieux, de retenir cette évaluation et de fixer le préjudice à la somme de 21 840 euros hors taxe.

13. Il résulte de ce qui précède que la société Cardem est seulement fondée à demander que le montant des condamnations prononcées à l'encontre du centre hospitalier Alès-Cévennes au titre des travaux supplémentaires d'évacuation des fondations sur pieux soit porté à la somme de 21 840 euros hors taxe.

En ce qui concerne les travaux supplémentaires d'évacuation des cloisons de placoplatre :

14. Il résulte des stipulations de l'article 1 du cahier des spécifications techniques particulières du marché que l'objet du marché était notamment la " démolition des superstructures des bâtiments " et " l'évacuation des déchets, gravats et déblais de toute nature non valorisés sur site ". L'article 1 précise que " le but des travaux est de livrer un terrain en terre, vierge de tout déchet et de tout point dur ".

15. Aux termes de l'article 2.2 du même cahier des spécifications techniques particulières du marché : " Descriptif sommaire des bâtiments à démolir ", l'aménagement intérieur de l'hôpital (ailes A, B et C) est constitué notamment de " Cloisons : brique + plâtre ". Aux termes de l'article 4.3 du cahier des clauses techniques particulières (CCTP ) : " Les entrepreneurs ont été invités à visiter le terrain pour y effectuer les relevés qu'ils jugeaient nécessaires et collecter tous les renseignements utiles à l'établissement de leurs prix (...). ". Aux termes de l'article 5.4.5 " Connaissance des locaux ", l'entrepreneur " est censé avoir effectué sa propre évaluation des quantités et qualités en jeu pour remettre son offre. Les quantitatifs fournis dans le Cahier des clauses Techniques particulières ne sont qu'indicatifs et en aucun cas contractuels. / Les plans fournis en annexe sont donnés à titre indicatif. Leur exactitude n'est pas garantie. (...) En aucun cas les entrepreneurs ne pourront se prévaloir après la passation de leur marché d'une connaissance insuffisante des lieux et terrains d'implantation des ouvrages. (...) Suivant les rapports fournis, les entrepreneurs auraient en particulier pris connaissance des ouvrages existants contenant ces types de déchets (...) ". Aux termes de l'article 7 du cahier des clauses techniques particulières du lot n° 17 : " 7. Gestion - évacuation des déchets. / Sont à la charge de l'entreprise toutes sujétions inhérentes à cette tâche, notamment le chargement, la signalisation, le transport, la mise en décharge. (...) En toute état de cause, pour tous les déchets de chantier à évacuer, quels qu'ils soient et quelle que soit leur destination, l'entreprise devra fournir un bordereau de suivi de déchets (B.S.D.). ".

16. Il résulte de l'instruction, en particulier de la note d'analyse du maître d'œuvre du 25 septembre 2015, qu'une partie des cloisons des bâtiments A, B et C de l'hôpital étaient en placoplatre, alors que le cahier des stipulations particulières du marché indiquait spécifiquement que les cloisons étaient composées de briques et de plâtre. Les cloisons détruites et évacuées des bâtiments A, B et C par la SAS Cardem étaient constituées pour un tiers de cloisons en brique et plâtre, et aux deux tiers de cloisons en placoplatre. Il est constant que la SAS Cardem a évacué 357 tonnes de cloisons en placoplatre. Les prestations d'évacuation du placoplatre, qui n'étaient pas prévues par le marché, avaient ainsi le caractère de travaux supplémentaires. Toutefois, la SAS Cardem, qui a été rémunérée au tarif forfaitaire pour l'évacuation de 682 tonnes de matériaux de cloisons, n'a droit qu'au paiement de la plus-value résultant de la modification des prestations.

17. La SAS Cardem soutient en appel que le coût de chargement et d'évacuation de la brique s'élève à 21 euros hors taxe par tonne, alors que le coût de chargement et d'évacuation du placoplatre s'élève à la somme de 126 euros hors taxe par tonne. Il résulte de ce qui précède que la SAS Cardem n'a évacué qu'un tiers des 682 tonnes de matériaux de cloisons en briques et plâtre correspondant au forfait et a ainsi économisé 9 548 euros hors taxe. Les coûts d'évacuation des 357 tonnes de placoplatre s'élèvent à la somme de 44 987 euros hors taxe, montant duquel il y a lieu de déduire la somme de 9 548 euros hors taxe. Si la SAS Cardem soutient par ailleurs qu'elle a subi un surcoût lié au travail de deux ouvriers supplémentaires pour le chargement, elle n'établit pas la réalité de ce surcoût. Par suite, il sera fait une juste évaluation du préjudice subi par la SAS Cardem au titre des travaux supplémentaires d'évacuation des cloisons en placoplatre en le fixant à la somme de 35 434 euros hors taxe.

En ce qui concerne les travaux supplémentaires relatifs à la pollution du transformateur :

18. Il résulte de l'instruction que dans son analyse du 8 mars 2014, le maître d'œuvre a admis le caractère indispensable des travaux en cause et le montant des travaux allégué par la SAS Cardem. Dans ses écritures, le centre hospitalier Alès-Cévennes ne conteste ni le principe ni le montant de la demande indemnitaire présentée par la SAS Cardem sur ce point. Par suite il y a lieu d'y faire droit, à hauteur de 1 440 euros hors taxe.

En ce qui concerne les travaux supplémentaires relatifs au découpage et au nettoyage des réseaux médicaux :

19. Il résulte de l'instruction que dans son analyse du 8 mars 2014, le maître d'œuvre a admis le caractère indispensable des travaux en cause et le montant des travaux allégué par la SAS Cardem. Dans ses écritures, le centre hospitalier Alès-Cévennes ne conteste ni le principe ni le montant de la demande indemnitaire présentée par la SAS Cardem sur ce point. Par suite, il y a lieu d'y faire droit, à hauteur de 5 250 euros hors taxe.

En ce qui concerne les travaux supplémentaires relatifs au désamiantage :

20. Il résulte de l'instruction que dans son analyse du 8 mars 2014, le maître d'œuvre a admis le caractère indispensable des travaux en cause et le montant des travaux allégué par la SAS Cardem. Dans ses écritures, le centre hospitalier Alès-Cévennes ne conteste ni le principe ni le montant de la demande indemnitaire présentée par la SAS Cardem sur ce point. Par suite, il y a lieu d'y faire droit, à hauteur de 7 650 euros hors taxe.

21. Il résulte de l'instruction qu'aux termes du décompte général, 401 euros ont été admis au titre des travaux supplémentaires. Par suite, la SAS Cardem est seulement fondée à demander un complément de rémunération au titre des travaux supplémentaires effectués à hauteur de la somme de 71 213 euros hors taxe, soit 85 856,60 euros toutes taxes comprises.

Sur les pénalités :

22. Il résulte de l'instruction que les premiers juges ont fait droit à la demande de la SAS Cardem concernant les pénalités appliquées par le maître de l'ouvrage pour un montant de 16 572 euros et ont condamné le centre hospitalier Alès-Cévennes à payer cette somme à la SAS Cardem. Le jugement n'est pas contesté sur ce point par le centre hospitalier Alès-Cévennes. La société Pierre Tourre n'ayant pas intérêt à agir sur ce point, ainsi que le fait valoir la SAS Cardem dans ses écritures, ses conclusions tendant à l'infirmation du jugement doivent être rejetées.

Sur les appels en garantie :

23. Le centre hospitalier Alès-Cévennes appelle en garantie la SARL Pierre Tourre Architecte et la SAS Nox Industrie et Process, venue aux droits du bureau d'études techniques Jacobs France. Toutefois, le centre hospitalier Alès-Cévennes se borne à faire valoir les erreurs commises par la maîtrise d'œuvre dans les pièces du marché et n'établit pas qu'il aurait renoncé à son projet ou qu'il l'aurait modifié si les travaux supplémentaires indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art mis à sa charge avaient été initialement prévus. Par ailleurs, si le centre hospitalier soutient que les sociétés mises en cause doivent répondre du préjudice résultant de l'impossibilité de mettre les pénalités de retard à la charge du titulaire, il n'assortit pas cette demande des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. Dans ces conditions, les appels en garantie formés par le centre hospitalier Alès-Cévennes doivent être rejetés.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

24. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SAS Cardem, qui n'est pas la partie perdante, les sommes réclamées par le centre hospitalier Alès-Cévennes et l'agence d'architecture Pierre Tourre au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, en revanche, sur ce même fondement, de condamner le centre hospitalier Alès-Cévennes à verser à SAS Cardem la somme de 2 000 euros.

D É C I D E :

Article 1er : Le montant des condamnations prononcées par le tribunal administratif de Nîmes à l'encontre du centre hospitalier Alès-Cévennes au titre du règlement du solde du marché est porté à la somme de 85 856,60 euros toutes taxes comprises.

Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 25 janvier 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Il est mis à la charge du centre hospitalier Alès-Cévennes la somme de 2 000 euros à verser à la SAS Cardem au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Cardem, au centre hospitalier Alès-Cévennes, à la société anonyme à responsabilité limitée Pierre Tourre Architecte et à la société par actions simplifiée Nox Industrie et Process.

Délibéré après l'audience du 27 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Guy Fédou, président,

- M. Gilles Taormina, président assesseur,

- M. B... Point, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 octobre 2021.

3

N° 18MA01539


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA01539
Date de la décision : 11/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-02 Marchés et contrats administratifs. - Exécution financière du contrat. - Règlement des marchés.


Composition du Tribunal
Président : M. FEDOU
Rapporteur ?: M. François POINT
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : SELARL LALLEMAND ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 19/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-10-11;18ma01539 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award