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11/10/2021 | FRANCE | N°19MA01244

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 11 octobre 2021, 19MA01244


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Europe Echafaudage a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la ville de Marseille à lui verser le solde de son marché en y intégrant la somme de 57 514,70 euros toutes taxes comprises au titre des travaux et prestations supplémentaires qu'elle a réalisés, majorée des intérêts moratoires à compter de la date de paiement du premier solde et de mettre à la charge de la ville de Marseille une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrat

ive.

Par un jugement n° 1703109 du 15 janvier 2019, le tribunal administrat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Europe Echafaudage a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la ville de Marseille à lui verser le solde de son marché en y intégrant la somme de 57 514,70 euros toutes taxes comprises au titre des travaux et prestations supplémentaires qu'elle a réalisés, majorée des intérêts moratoires à compter de la date de paiement du premier solde et de mettre à la charge de la ville de Marseille une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1703109 du 15 janvier 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes.

Par une requête enregistrée le 18 mars 2019, la société Europe Echafaudage, représentée par la SELAS Fidal, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille n° 1703109 du 15 janvier 2019 ;

2°) de condamner la ville de Marseille à lui verser le solde de son marché en y intégrant la somme de 57 514,70 euros toutes taxes comprises au titre des travaux et prestations supplémentaires qu'elle a réalisés, majorée des intérêts moratoires à compter de la date de paiement du premier solde ;

3°) de mettre à la charge de la ville de Marseille une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Europe Echafaudage soutient que :

- sa demande était recevable au sens des dispositions de l'article 13.44 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux (CCAG-Travaux ); elle a produit un mémoire de réclamation conforme à ces dispositions, comportant l'énoncé des différends et les chefs de contestation concernant le décompte général ; ce mémoire n'était pas une simple facture ;

- elle a réalisé des travaux supplémentaires ;

- concernant la " phase 1.A - Pavillon Ouest ", le vérificateur a commis des erreurs de calcul, sous-évaluant les quantités et la superficie de l'échafaudage ; le surcoût s'élève à une somme de 7 769,19 euros ;

- concernant l'échafaudage de pied de la " phase 1.B - Corps central ", l'application d'un coefficient de 75 % à l'ensemble des largeurs alors que seules les sur-largeurs auraient dû être affectées d'un tel coefficient a entraîné une moins-value de 2 328,17 euros concernant les largeurs non payées, 3 112,39 euros du fait de l'incidence sur la location de l'échafaudage et 1 592,96 euros pour la dépose et le repli en fin de chantier ;

- concernant " l'échafaudage prenant appui sur couverture ", elle est fondée à demander le paiement de la somme de 907,83 euros au titre des largeurs impayées, 691,88 euros du fait de l'incidence sur la location et l'entretien des échafaudages et 583,61 euros en raison de l'incidence sur la dépose et le repli en fin de chantier ;

- elle a dû laisser son échafaudage à la société Sele afin que celle-ci exécute les travaux non terminés, entraînant un surcoût de 434,70 euros ;

- concernant les " pares gravois ", le décalage de chantier lié à la réalisation de travaux non achevés par la société Sele a représenté un coût de 532,66 euros ;

- la dépose et la repose de la bâche thermo soudée pour les phases 1.A et 1.B doivent être payées ;

- concernant la " phase 2 - Pavillon Est ", le vérificateur a unilatéralement arrondi les hauteurs des échafaudages en pied pour le calcul des surfaces d'échafaudage, ce qui a eu une incidence sur la pose-dépose et entraîné un surcoût de 1 061,90 euros, et une incidence sur la location pendant huit mois pour un montant de 770,64 euros ;

- concernant l'échafaudage en bascule, le vérificateur a opéré un arrondi des surfaces, entraînant une perte de 7 758,28 euros et 553,94 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 mai 2019, la ville de Marseille, représentée par Me Baillon-Passe, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la société Europe Echafaudage au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors que le mémoire présenté par la société Europe Echafaudage concernant le décompte général ne comportait aucun motif de réclamation, ni aucun exposé du différend ; la présentation d'une simple facture ne saurait être assimilée à la présentation d'un mémoire en réclamation au sens du CCAG-Travaux ;

- la demande présentée devant le tribunal administratif de Marseille était tardive ;

- les demandes de paiement des travaux supplémentaires ne sont pas fondées ; les erreurs de vérification alléguées ne sont pas constitutives de travaux supplémentaires.

Par ordonnance en date du 11 juillet 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 31 juillet 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 ;

- le code des marchés publics ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B... Point, rapporteur,

- les conclusions de M. A... Thielé, rapporteur public,

- et les observations de Me Baillon-Passe, représentant la ville de Marseille.

Considérant ce qui suit :

1. Par acte d'engagement du 16 mars 2009, la ville de Marseille a confié au groupement constitué de la société Sèle, mandataire du groupement, la société Europe Echafaudage, les sociétés Lefèvre et Tollis, le lot n° 1 " installation de chantier, maçonneries, pierre de taille " du marché public relatif à la réfection des façades, couvertures et menuiseries extérieures du musée des Beaux-arts installé dans l'aile Nord du Palais Longchamp, pour un montant de 2 332 881,34 euros toutes taxes comprises. Le décompte final du marché a été notifié le 16 juillet 2013 au mandataire de ce groupement, qui l'a signé avec réserves le 2 août 2013. Le mandataire du groupement a adressé le même jour au maître d'œuvre un mémoire de réclamation tendant au versement d'une indemnité de 57 514,70 euros toutes charges comprises. Par un courrier du 16 décembre 2013, reçu le 6 janvier 2014 par le mandataire du groupement, la ville de Marseille a partiellement rejeté cette réclamation. La société Europe Echafaudage fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à intégrer au solde du marché la somme de 57 514,70 euros toutes charges comprises au titre des travaux et prestations supplémentaires qu'elle a réalisés, majorée des intérêts moratoires à compter de la date de paiement du premier solde.

Sur le bien-fondé de la demande :

2. Aux termes de l'article 13.44 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux : " (...) Si la signature du décompte général est refusée ou donnée avec réserves, les motifs de ce refus ou de ces réserves doivent être exposées par l'entrepreneur dans un mémoire de réclamation qui précise le montant des sommes dont il revendique le paiement et qui fournit les justifications nécessaires en reprenant, sous peine de forclusion, les réclamations déjà formulées antérieurement et qui n'ont pas fait l'objet d'un règlement définitif ; ce mémoire doit être remis au maître d'œuvre dans le délai Indiqué au premier alinéa du présent article Le règlement du différend intervient alors suivant les modalités indiquées à l'article 50.(...)". Aux termes de l'article 13.45 du même cahier : " Dans le cas où [l'entrepreneur] n'a pas motivé son refus ou n'a pas exposé en détail les motifs de ses réserves en précisant le montant de ses réclamations, ce décompte général est réputé être accepté par lui ; il devient le décompte général et définitif du marché. ". Aux termes également de l'article 50.11 du même cahier : " Si un différend survient entre le maître d'œuvre et l'entrepreneur sous la forme de réserves faites à un ordre de service ou sous toute autre forme, L'entrepreneur remet au maître d'œuvre, aux fins de transmission à la personne responsable du marché, un mémoire exposant les motifs et indiquant les montants de ses réclamations. (... ") et selon l'article 50.5 du même cahier : " Règlement des différends et litiges en cas d'entrepreneurs groupés conjoints : Lorsque le marché est passé avec des entrepreneurs groupés conjoints, le mandataire représente chacun d'eux pour l'application des dispositions du présent article jusqu'à la date, définie au 1 de l'article 44, à laquelle prennent fin les obligations contractuelles, chaque entrepreneur étant ensuite seul habilité à poursuivre les litiges qui le concernent. ". Un mémoire du titulaire d'un marché ne peut être regardé comme une réclamation au sens des dispositions de l'article 13-44 et 50-11 du CCAG-Travaux que s'il comporte l'énoncé d'un différend et expose de façon précise et détaillée les chefs de la contestation en indiquant, d'une part, les montants des sommes dont le paiement est demandé et, d'autre part, les motifs de ces demandes, notamment les bases de calcul des sommes réclamées.

3. Il résulte de l'instruction que le décompte général du marché a été notifié à la société Sèle, mandataire du groupement Sèle-Lefèvre-Europe Echafaudage-Tollis, le 16 juillet 2013. Par un courrier en date du 2 août 2013, la société Sèle a adressé à la Ville de Marseille le décompte général signé avec réserves, accompagné d'un mémoire de réclamation " au visa de l'article 13.44 du CCAG-Travaux ". Au point II de ce mémoire, le mandataire du groupement a formulé une demande de règlement de travaux supplémentaires concernant les travaux effectués par la société Europe Echafaudage, pour un montant de 57 514,70 euros. Pour justifier cette demande, le mandataire du groupement s'est borné à faire référence au " mémoire de Réclamation Europe Echafaudage sur les quantités vérifiées par le maître d'œuvre (pièce n° 6) ". Si le document versé en pièce jointe n° 6 au mémoire fournit le détail quantitatif des prestations pour chaque chef de contestation, expose les bases de calcul et indique le montant global de la demande, il ne comporte aucune indication sur les motifs de la contestation. Les seules mentions dans le mémoire du 2 août 2013 de " travaux supplémentaires " et des " quantités vérifiées par le maître d'œuvre ", en l'absence de toute référence au bordereau des prix unitaires, au détail quantitatif estimatif des prestations, aux quantités déjà admises par le maître de l'ouvrage ou à la nature des erreurs de calcul et d'estimation alléguées par la société Europe Echafaudage concernant les quantités effectivement réalisées, ne permet pas de justifier avec suffisamment de précision le motif des réserves émises pour chaque chef de contestation. Ainsi, si la société requérante fait valoir dans ses écritures que sa réclamation porte principalement sur des " erreurs du vérificateur " sur les quantités réalisées et sur des " éléments liés au décalage des prestations ", il résulte de l'instruction que ces motifs n'ont pas été exposés dans le mémoire de réclamation du 2 août 2013. Dans ces conditions, faute d'exposition précise et détaillée des motifs de réclamation, le mémoire du 2 août 2013 ne respectait pas les prescriptions de l'article 13.44 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux concernant les prestations effectuées par la société Europe Echafaudage. Par suite, en l'absence de mémoire de réclamation au sens de ces dispositions, la ville de Marseille est fondée à soutenir que les conclusions présentées par la société Europe Echafaudage devant le tribunal administratif de Marseille et tendant au versement d'une indemnité au titre des travaux supplémentaires étaient irrecevables.

4. Il résulte de ce qui précède que la requête de la société Europe Echafaudage doit être rejetée.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la ville de Marseille qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à la société Europe Echafaudage de la somme que demande celle-ci au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société Europe Echafaudage sur ce même fondement la somme de 2 000 euros à verser à la ville de Marseille.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Europe Echafaudage est rejetée.

Article 2 : Il est mis à la charge de la société Europe Echafaudage le versement à la ville de Marseille d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Europe Echafaudage et à la commune de Marseille.

Copie en sera adressée à la société Sèle.

Délibéré après l'audience du 27 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Guy Fédou, président,

- M. Gilles Taormina, président assesseur,

- M. B... Point, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 octobre 2021.

6

N° 19MA01244


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA01244
Date de la décision : 11/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-02-01 Marchés et contrats administratifs. - Exécution financière du contrat. - Règlement des marchés. - Décompte général et définitif.


Composition du Tribunal
Président : M. FEDOU
Rapporteur ?: M. François POINT
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : BAILLON-PASSE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-10-11;19ma01244 ?
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