La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/11/2021 | FRANCE | N°19MA00424

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 29 novembre 2021, 19MA00424


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Fayat bâtiment a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler les titres exécutoires n° 21080-1 d'un montant de 626 764,76 euros et n° 21081-1 d'un montant de 193 983,22 euros, émis le 18 août 2015 par le département des Bouches-du-Rhône à l'encontre de la société Cari aux droits de laquelle elle vient et de condamner le département des Bouches-du-Rhône à lui verser la somme de 2 527 395,07 euros toutes taxes comprises en règlement du solde du lot n° 2 du marché de reconst

ruction du collège Fernand Léger à Berre-l'Etang, majorée des intérêts moratoires ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Fayat bâtiment a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler les titres exécutoires n° 21080-1 d'un montant de 626 764,76 euros et n° 21081-1 d'un montant de 193 983,22 euros, émis le 18 août 2015 par le département des Bouches-du-Rhône à l'encontre de la société Cari aux droits de laquelle elle vient et de condamner le département des Bouches-du-Rhône à lui verser la somme de 2 527 395,07 euros toutes taxes comprises en règlement du solde du lot n° 2 du marché de reconstruction du collège Fernand Léger à Berre-l'Etang, majorée des intérêts moratoires à compter du 28 août 2015.

Par jugement n° 1601774 du 27 novembre 2018, le tribunal administratif de Marseille a déchargé la société Fayat Bâtiment de l'obligation de payer les sommes dont les titres exécutoires n° 21080-1 et 21081-1 émis le 18 août 2015 l'ont constituée débitrice et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 28 janvier et 15 juillet 2019, la société Fayat Bâtiment, représentée par Me Engelhard, demande à la Cour :

A titre principal :

1°) d'annuler ce jugement, en ce qu'il n'a pas fait droit intégralement à ses demandes ;

2°) de condamner le département des Bouches-du-Rhône à lui verser la somme de 113 422,01 euros, assortie des intérêts moratoires courants à compter du 28 août 2015 ;

A titre subsidiaire :

3°) de réduire le montant des pénalités mises à sa charge ;

En tout état de cause :

4°) de mettre une somme de 15 000 euros à la charge du département des Bouches-du-Rhône, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

Sur les retenues :

- les retenues opérées pour un montant de 253 303,95 euros toutes taxes comprises sont infondées ; aucune demande de paiement direct des sous-traitants n'a été adressée au maître de l'ouvrage ; les sous-traitants ont fait l'objet de liquidations judiciaires et n'ont pu assurer l'exécution des travaux ; la société CIS a abandonné le chantier ; la société SMEI avait droit au paiement direct de la somme de 33 879,77 euros hors taxes et la retenue de 70 748,99 euros est infondée ; la société Cobatra a abandonné le chantier et n'a pas exécuté l'intégralité des prestations prévues ; le principe de loyauté dans les relations contractuelles justifie le paiement des travaux réalisés prévus à son marché ; les travaux ont été exécutés par la société Cari ;

- la société CIS ne saurait bénéficier d'aucun droit au paiement direct en raison de la prescription ; elle a perdu son droit au paiement direct en l'absence de demande adressée en temps utile ; les sommes doivent par suite être réintégrées au décompte ;

- l'absence d'acte spécial modificatif n'est pas opposable ; la nouvelle répartition des prestations initialement sous-traitées à la société CIS a été admise par le département des Bouches-du-Rhône ; la résiliation du contrat de sous-traitance induit nécessairement une modification du volume des prestations exécutées par celui-ci ; la retenue de 168 101,41 euros est injustifiée ;

- la société Cobatra n'a pas réalisé les travaux à hauteur du montant de son agrément ; la société Cari les a fait exécuter par un autre sous-traitant ; la retenue de 14 853,55 euros est injustifiée ;

- la société SMEI n'a pas assuré l'ensemble des prestations qui lui avaient été sous-traitées ; elle ne pouvait prétendre à un droit au paiement direct au-delà de la somme de 399 320,21 euros toutes taxes comprises ; la retenue de 70 348,99 euros est injustifiée ;

Sur les pénalités :

- les pénalités appliquées au titre d'un retard de levée des réserves sont infondées ;

- la réception prononcée à effet du 26 juillet 2012 doit être regardée comme ayant été prononcée sans réserves ; la levée des réserves a eu un effet rétroactif ;

- l'application des pénalités n'a pas été précédée d'une mise en demeure préalable ; le courrier du 26 juin 2014 n'est pas constitutif d'une mise en demeure ;

- les retards de huit cent soixante-seize jours ayant donné lieu à l'application des pénalités de retard pour un montant de 438 000 euros ne lui sont pas imputables ; quatre cent quarante-deux jours correspondant à des jours d'ouverture du collège ne peuvent lui être imputés ; le montant des pénalités doit être réduit à 217 000 euros ;

- les pénalités ont un caractère manifestement excessif ; le maître de l'ouvrage n'a subi aucun préjudice du fait d'un retard dans la levée des réserves ; le caractère excessif doit être apprécié au regard du montant des travaux concernés par les réserves, établi à 162 193,33 euros ;

Sur le solde :

- elle a droit au paiement de la somme de 113 422,01 euros assortie des intérêts moratoires à compter du 28 août 2015.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juin 2019, et un mémoire complémentaire du 30 juillet 2019, le département des Bouches-du-Rhône, représenté par Me Grzelczyk conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Fayat Bâtiment au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requérante n'établit pas que les sociétés sous-traitantes n'auraient pas réalisé les travaux, ni qu'elles auraient renoncé à solliciter le versement de sommes litigieuses ; la société SMEI est intervenue sur le chantier pour réaliser les travaux litigieux ; la défaillance de la société Cobatra n'a été constatée que le 6 août 2012 ; les sociétés n'ont pas renoncé au paiement des sommes ;

- aucun acte spécial modificatif concernant le paiement direct des sous-traitants n'a été communiqué au département ;

- les pénalités de retard dans la levée des réserves sont contractuellement dues ;

- elles sont applicables jusqu'à la date effective de levée des réserves intervenue le 2 avril 2015 ;

- aucune mise en demeure préalable n'était requise ;

- la demande de modération des pénalités est infondée ; le montant des pénalités doit être comparé au montant global du marché ; le caractère manifestement excessif des pénalités s'apprécie au regard de l'ensemble des pénalités, quelle que soit leur nature ;

- les conclusions présentées par la société Fayat Bâtiment relatives au projet de transaction sont irrecevables ; la société Fayat Bâtiment ne peut se prévaloir d'un projet de transaction.

Par ordonnance du 30 juillet 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 août 2019.

Un mémoire complémentaire, présenté par la société Fayat Bâtiment le 17 décembre 2019, postérieurement à la clôture de l'instruction, n'a pas été communiqué.

Par un courrier en date du 26 octobre 2021, la Cour a informé les parties que la solution du litige était susceptible d'être fondée sur le moyen relevé d'office tiré de ce que le solde du décompte est entaché d'une erreur de calcul sur le montant de la TVA au taux de 19,6 % appliqué au montant hors taxe du décompte général, et d'une erreur résultant de la déduction des pénalités du montant hors taxe des prestations effectuées en lieu et place du montant toutes taxes comprises.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 ;

- le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 modifié approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B... Point, rapporteur,

- les conclusions de M. A... Thielé, rapporteur public,

- et les observations de Me Bouillon, substituant Me Engelhard, pour la société Fayat Bâtiment, et de Me Grzelczyk pour le département des Bouches-du-Rhône.

Une note en délibéré a été présentée pour la société Fayat Bâtiment le 16 novembre 2021.

Considérant ce qui suit :

1. Le département des Bouches-du-Rhône, par un marché de travaux à prix global et forfaitaire conclu le 15 juillet 2010, a confié au groupement d'entreprises solidaires constitué de la société Cari, mandataire, et de la société Landragin, le lot n° 2 " gros œuvre-maçonnerie- charpente métallique-étanchéité-cloisons-doublage-faux plafonds-revêtements de sols-peinture- nettoyage et menuiseries intérieures " du marché de reconstruction du collège Fernand Léger à Berre-l'Etang. Le marché était assorti d'une option n° 3, pour un montant de 9 918 693 euros hors taxes, porté à 9 950 412,74 euros hors taxes à la suite d'un avenant conclu le 1er juin 2012. Le délai global d'exécution des travaux, initialement fixé au 26 février 2012 tous corps d'état, a été prolongé par quatre ordres de service jusqu'au 25 mai 2012. La réception des travaux avec réserves a été prononcée le 5 septembre 2012, avec effet au 26 juillet 2012.

2. A la suite de la levée des réserves prononcée le 16 avril 2015, un projet de décompte final a été adressé le 13 mai 2015 par la société Cari et un décompte général a été notifié le 3 juin 2015 à chacun des cotraitants. La société Cari a signé le décompte avec réserves et a produit un mémoire de réclamation le 8 juillet 2015. Ce mémoire de réclamation a été rejeté par le département des Bouches-du-Rhône par courrier du 31 août 2015. Le département des Bouches-du-Rhône a émis à l'encontre de la société Cari un titre de recettes n° 21080-1 du 18 août 2015 correspondant à des pénalités de retard d'un montant de 626 764,76 euros ainsi qu'un titre de recettes n° 21081-1 du 18 août 2015 correspondant aux travaux réalisés aux frais et risques de la société Cari, d'un montant de 193 983,22 euros.

3. La société Fayat Bâtiment venant aux droits de la société Cari, ayant demandé le règlement du solde du marché correspondant au lot n° 2 et l'annulation de ces titres de recettes émis par le département, relève appel du jugement n° 1601774 du 27 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Marseille n'a fait que partiellement droit à ses demandes.

Sur les déductions opérées au titre du paiement des sous-traitants :

4. Aux termes de l'article 112 du code des marchés publics applicable à la date de conclusion du marché : " Le titulaire d'un marché public de travaux, d'un marché public de services ou d'un marché industriel peut sous-traiter l'exécution de certaines parties de son marché à condition d'avoir obtenu du pouvoir adjudicateur l'acceptation de chaque sous-traitant et l'agrément de ses conditions de paiement. (...) ". L'article 116 du même code dispose que : " (...) Le sous-traitant adresse sa demande de paiement libellée au nom du pouvoir adjudicateur au titulaire du marché, sous pli recommandé avec accusé de réception, ou la dépose auprès du titulaire contre récépissé. / Le titulaire dispose d'un délai de quinze jours à compter de la signature de l'accusé de réception ou du récépissé pour donner son accord ou notifier un refus, d'une part, au sous-traitant et, d'autre part, au pouvoir adjudicateur ou à la personne désignée par lui dans le marché. / Le sous-traitant adresse également sa demande de paiement au pouvoir adjudicateur ou à la personne désignée dans le marché par le pouvoir adjudicateur, accompagnée des factures et de l'accusé de réception ou du récépissé attestant que le titulaire a bien reçu la demande ou de l'avis postal attestant que le pli a été refusé ou n'a pas été réclamé. ". Aux termes de l'article 6 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance : " Le sous-traitant direct du titulaire du marché qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l'ouvrage, est payé directement par lui pour la part du marché dont il assure l'exécution. (...) Ce paiement est obligatoire même si l'entrepreneur principal est en état de liquidation des biens, de règlement judiciaire ou de suspension provisoire des poursuites. ". Aux termes de l'article 15 de la même loi : " Sont nuls et de nul effet, quelle qu'en soit la forme, les clauses, stipulations et arrangements qui auraient pour effet de faire échec aux dispositions de la présente loi ".

5. Il ressort du décompte général établi par le département des Bouches-du-Rhône et notifié à la société Cari le 3 juin 2015, qu'une somme de 300 916,97 euros toutes taxes comprises, correspondant au montant des prestations sous-traitées par le titulaire du marché, a été déduite du solde du marché. La société requérante, qui admet le bien-fondé de cette déduction pour une somme de 51 021,32 euros toutes taxes comprises, conteste le reliquat de la déduction opérée par le département des Bouches-du-Rhône, soit 249 895,65 euros toutes taxes comprises.

6. Il est constant que l'ensemble des prestations qui ont fait l'objet de la déduction a été exécuté, et que le paiement de ces prestations est dû par le maître de l'ouvrage. Le département des Bouches-du-Rhône n'établit ni même n'allègue qu'il aurait effectivement réglé les prestations en cause aux sous-traitants. Il résulte de l'instruction, ainsi que le fait valoir la société Fayat Bâtiment sans être contredite sur ce point par le département des Bouches-du-Rhône, que les trois sous-traitants de la société Fayat Bâtiment n'ont présenté au maître de l'ouvrage aucune demande de paiement direct des prestations en cause avant l'établissement du décompte général par le maître de l'ouvrage et sa notification à la société Fayat Bâtiment le 3 juin 2015. Par suite, aucune demande de paiement direct ne pouvait plus être adressée en temps utile au maître de l'ouvrage par ces sous-traitants. Le département des Bouches-du-Rhône ne peut dès lors se prévaloir d'une obligation de payer directement les sous-traitants pour les prestations effectuées. Alors qu'il est constant que les prestations ont été exécutées sans avoir été payées directement aux sous-traitants, et en l'absence de demande de paiement direct formulée en temps utile par les sociétés sous-traitantes faisant naître pour le maître de l'ouvrage l'obligation de les payer directement, le département des Bouches-du-Rhône ne pouvait déduire les sommes du solde du marché, au titre des " montants des paiements aux sous-traitants ". Ainsi, en déduisant du solde du décompte général des sommes qui correspondent à des prestations exécutées mais non payées, ou non soumises à une obligation effective de paiement direct aux sous-traitants, le département des Bouches-du-Rhône a irrégulièrement refusé l'inscription au décompte général de ces sommes au bénéfice du titulaire du marché. Pour les mêmes motifs, le département des Bouches-du-Rhône ne peut soutenir utilement que l'absence d'acte spécial modifiant la répartition des prestations entre le titulaire et les sous-traitants payés directement ferait obstacle à l'inscription des sommes au décompte général au bénéfice du titulaire. Dès lors, la société Fayat Bâtiment est fondée à soutenir que les déductions opérées au solde du décompte général au titre des sommes payées aux sous-traitants par le maître de l'ouvrage sont infondées.

7. Il résulte de ce qui précède que la société Fayat Bâtiment est fondée à demander la réintégration dans le décompte général des sommes indûment retenues au titre du paiement des sous-traitants pour un montant de 249 895,65 euros toutes taxes comprises.

Sur les pénalités pour retard dans la levée des réserves et leur caractère excessif :

En ce qui concerne l'application des pénalités :

8. Aux termes de l'article 4.3.12 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du marché en litige : " Par dérogation à l'article 20.1 du CCAG-Travaux, une pénalité journalière de 500,00 euros HT sera appliquée par jour calendaire de retard dans la levée des réserves ". Il résulte de ces stipulations que le maître de l'ouvrage pouvait appliquer des pénalités pour le retard pris dans la levée des réserves pour la réception des prestations.

9. Il résulte de l'instruction, que par une décision du 5 septembre 2012, le maître de l'ouvrage a prononcé la réception des travaux en émettant des réserves. Trois d'entre elles, identifiées sous le n° 36 " mettre protection inox ou alu sur seuils de portes des locaux techniques, afin de ne plus abîmer l'étanchéité déjà endommagée ", n° 45 " étanchéité : zones abimées à reprendre, et pied de garde-corps et poteaux métal, supprimer les stagnations d'eau zone 4,5 et 6 " et n° 48 " Champs des isolants de l'acrotère : assurer la continuité de l'étanchéité ", devaient être levées, selon l'annexe jointe à cette décision, avant le 31 août 2012. La circonstance que la société Fayat Bâtiment a accepté le 16 avril 2015 une réfaction sur le prix des prestations, acceptation qui a eu pour effet la levée des réserves à compter de cette date, n'est pas de nature à remettre en cause les retards constatés préalablement à cette acceptation. Par suite, la société Fayat Bâtiment n'est pas fondée à soutenir que la réception des travaux aurait été prononcée avec effet au 26 juillet 2012 sans réserves, ou que la levée des réserves intervenue le 16 avril 2015 aurait fait obstacle à l'application des pénalités en litige.

10. Il ne résulte d'aucune stipulation contractuelle, que l'application des pénalités journalières pour retard dans la levée des réserves devait être précédée d'une mise en demeure préalable. Dès lors, la société Fayat Bâtiment n'est pas fondée à soutenir que les pénalités de retard infligées ne pouvaient l'être, faute de mise en demeure préalable. Par suite, le moyen invoqué sur ce point par la société Fayat Bâtiment doit être écarté.

11. Il résulte de l'instruction, que la levée de ces réserves est intervenue par le procès-verbal établi le 16 avril 2015. Par suite, les pénalités de retard prévues à l'article 4.3.12 du CCAP étaient applicables à raison de huit cent soixante-seize jours correspondant à la période allant du 31 août 2012 au 16 avril 2015, soit pour un montant total de 438 000 euros.

12. Si la société Fayat Bâtiment conteste être responsable des retards qui ont fait l'objet des pénalités en litige, elle se borne à faire valoir qu'il ne lui était pas possible d'intervenir les jours de classe. Ces circonstances ne permettent pas d'établir l'existence de faits de l'administration ou de tout autre intervenant, justifiant que les retards leur seraient imputables. En outre, il résulte de l'instruction, que les travaux en cause concernaient principalement la toiture, et que l'ouverture du collège ne faisait pas obstacle à la réalisation des travaux. Par suite, la société Fayat Bâtiment ne démontre pas que les retards constatés ne lui seraient pas imputables.

En ce qui concerne la demande de modération des pénalités :

13. Les pénalités de retard prévues par les clauses d'un marché public ont pour objet de réparer forfaitairement le préjudice qu'est susceptible de causer au pouvoir adjudicateur le non-respect, par le titulaire du marché, des délais d'exécution contractuellement prévus. Elles sont applicables au seul motif qu'un retard dans l'exécution du marché est constaté et alors même que le pouvoir adjudicateur n'aurait subi aucun préjudice ou que le montant des pénalités mises à la charge du titulaire du marché qui résulte de leur application serait supérieur au préjudice subi.

14. Si, lorsqu'il est saisi d'un litige entre les parties à un marché public, le juge du contrat doit, en principe, appliquer les clauses relatives aux pénalités dont sont convenues les parties en signant le contrat, il peut, à titre exceptionnel, être saisi de conclusions en ce sens par une partie, modérer ou augmenter les pénalités de retard résultant du contrat si elles atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire, eu égard au montant du marché et compte tenu de l'ampleur du retard constaté dans l'exécution des prestations.

15. Il résulte de ce qui précède que la société Fayat Bâtiment n'est pas fondée à soutenir que le département des Bouches-du-Rhône n'aurait subi aucun préjudice ou que l'application des pénalités journalières pour retard dans la levée des réserves, qui étaient prévues au contrat, aurait eu un caractère déloyal.

16. Il appartient au titulaire du marché qui saisit le juge de conclusions tendant à ce qu'il modère les pénalités mises à sa charge, de fournir tous les éléments relatifs notamment aux pratiques observées pour des marchés comparables ou aux caractéristiques particulières du marché en litige, de nature à établir dans quelle mesure ces pénalités présentent, selon lui, un caractère manifestement excessif. Il résulte de l'instruction, que la société Fayat Bâtiment ne verse au dossier aucun élément de cette nature. Par ailleurs, les pénalités de retard ont pour objet de réparer forfaitairement le préjudice né du non-respect des délais d'exécution. La société Fayat Bâtiment n'est pas fondée à soutenir que le caractère proportionné des pénalités infligées au titre des retards dans la levée des réserves devrait être apprécié de façon distincte du reste des pénalités, et dès lors au regard du seul montant des travaux ayant fait l'objet de réserves, soit en l'espèce 162 193,33 euros. Il résulte de l'instruction, que les pénalités mises à la charge de la société Fayat Bâtiment se sont élevées à la somme de 188 764,76 euros au titre des retards dans l'exécution des travaux, et de 435 000 euros au titre des pénalités de retard pour la levée des réserves, soit un montant total de 623 764,76 euros. Au regard du montant global et forfaitaire du marché, qui est de 9 950 412,74 euros hors taxes, de l'ampleur des retards constatés dans la levée des réserves, qui sont en l'espèce de près de deux ans et demi, et de la nature des travaux non exécutés, qui concernaient l'étanchéité des bâtiments, les pénalités infligées ne sauraient être regardées comme ayant un caractère excessif. Les conclusions de la société Fayat Bâtiment tendant à la modération des pénalités infligées doivent, par suite, être rejetées.

17. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la société Fayat Bâtiment tendant à la réintégration au solde du marché des sommes déduites au titre des pénalités de retard qui lui ont été appliquées pour un montant de 438 000 euros doivent être rejetées.

Sur le solde du marché :

18. Il résulte de l'instruction, que le décompte général du marché est entaché d'une erreur de calcul, dès lors que les pénalités de retard ont été déduites du solde hors taxes du marché, en lieu et place du solde toutes taxes comprises. Par ailleurs, le décompte général est également entaché d'une erreur de calcul concernant le montant de la TVA au taux de 19,6 % appliqué au montant hors taxe du solde. Enfin, indépendamment de ces erreurs de calcul, le solde toutes taxes comprises est chiffré au montant négatif de 771 865,16 euros au lieu de 736 060,76 euros. Il résulte de l'instruction que le montant cumulé des prestations s'établit à 9 128 948,08 euros hors taxes, somme dans laquelle il y a lieu de réintégrer la somme de 162 193,33 euros hors taxes, correspondant aux travaux réalisés aux frais et risques de la société Cari, dont le département des Bouches-du-Rhône a admis être redevable. Le montant toutes taxes comprises des prestations est ainsi établi à la somme de 11 449 341,79 euros, somme de laquelle il y a lieu de déduire la somme payée directement aux sous-traitants à hauteur de 51 021,32 euros, après réintégration de la somme de 249 895,65 euros toutes taxes comprises mentionnée au point 7 du présent arrêt. Le montant des prestations à payer au titulaire est ainsi établi à la somme de 11 398 320,47 euros toutes taxes comprises, montant duquel il y a lieu de déduire les pénalités de retard à hauteur de 188 764,76 euros et de 438 000 euros. Les sommes payées au titulaire sont établies à hauteur de 11 063 737,57 euros toutes taxes comprises. Par suite, le solde du marché, établi par les premiers juges à la somme négative de 521 969,51 euros toutes taxes comprises, doit être ramené à la somme négative de 292 181,78 euros toutes taxes comprises.

19. Le solde du marché demeurant négatif, la demande de condamnation présentée par la société Fayat Bâtiment doit être rejetée.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

20. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les demandes présentées par les parties sur ce fondement doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Fayat Bâtiment est rejetée.

Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à société Fayat Bâtiment et au département des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 15 novembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Gilles Taormina, président,

- M. B... Point, premier conseiller,

- M. Olivier Guillaumont, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 novembre 2021.

4

N° 19MA00424


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA00424
Date de la décision : 29/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-01 Marchés et contrats administratifs. - Exécution financière du contrat. - Rémunération du co-contractant.


Composition du Tribunal
Président : M. TAORMINA
Rapporteur ?: M. François POINT
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : SELARL BLUM - ENGELHARD - DE CAZALET

Origine de la décision
Date de l'import : 07/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-11-29;19ma00424 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award