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17/12/2021 | FRANCE | N°20MA02925

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 17 décembre 2021, 20MA02925


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... E... et la Mutuelle d'assurance du corps de santé français (MACSF) ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner le centre hospitalier de Carcassonne à leur verser la somme de 336 708 euros, à parfaire, en remboursement des sommes mises à leur charge par le jugement du tribunal de grande instance (TGI) de Carcassonne du 28 novembre 2017 ou, subsidiairement, une fraction de cette somme correspondant à la part de responsabilité imputable au centre hospitalier de Carcassonne.
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... E... et la Mutuelle d'assurance du corps de santé français (MACSF) ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner le centre hospitalier de Carcassonne à leur verser la somme de 336 708 euros, à parfaire, en remboursement des sommes mises à leur charge par le jugement du tribunal de grande instance (TGI) de Carcassonne du 28 novembre 2017 ou, subsidiairement, une fraction de cette somme correspondant à la part de responsabilité imputable au centre hospitalier de Carcassonne.

Par un jugement n° 1803087 du 22 juin 2020, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 11 août 2020 et le 26 juillet 2021, Mme E... et la MACSF, représentées par Me Choulet, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 22 juin 2020 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Carcassonne à leur verser la somme de 336 708 euros en remboursement des sommes mises à leur charge par le jugement du tribunal de grande instance (TGI) de Carcassonne du 28 novembre 2017, à parfaire tant que le caractère définitif de cette condamnation n'est pas acquis ou, subsidiairement, une fraction de cette somme correspondant à la part de responsabilité imputable au centre hospitalier de Carcassonne, qui ne saurait être inférieure à 75% ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Carcassonne la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- elles sont fondées à demander au centre hospitalier de Carcassonne, par la voie de l'action récursoire, le remboursement des sommes au versement desquelles elles ont été condamnées par le TGI de Carcassonne, alors même que cette condamnation n'est pas définitive ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, les préjudices des victimes sont en lien direct et certain avec l'erreur de diagnostic commise le 6 avril 2009 par ce centre hospitalier, qui a fait perdre à l'enfant de Mme B... une chance d'accéder à des soins appropriés à son état de santé ;

- le docteur E..., qui a pris en charge cet enfant conformément aux règles de l'art, n'aurait pas été en mesure de rattraper les conséquences de l'absence d'hospitalisation en urgence ;

- à titre subsidiaire, il y a lieu d'opérer un partage de responsabilité, tenant compte de ce que la faute du centre hospitalier de Carcassonne a induit celle du docteur E... et doit, dès lors, être regardée comme prépondérante dans la survenue du dommage, à hauteur de 75% au minimum.

Par un mémoire, enregistré le 25 février 2021, le centre hospitalier de Carcassonne, représenté par Me Zandotti, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à titre subsidiaire, à ce que le montant de sa condamnation soit limité à un maximum de 5% du montant des indemnités allouées à Mme B... ;

3°) à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme E... et de la MACSF en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- un appel ayant été interjeté devant la cour d'appel de Montpellier à l'encontre de la décision du TGI de Carcassonne, les condamnations invoquées par les requérantes n'ont pas de caractère définitif et leur demande devant les premiers juges était irrecevable ;

- à titre subsidiaire, cette action n'est pas fondée.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Sanson,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,

- et les observations de Me Phan, représentant Mme E... et la MACSF, et de Me Saint-Oyan, représentant le centre hospitalier de Carcassonne.

Considérant ce qui suit :

1. Le 6 avril 2009 vers 22H00, Mme C... B... a été mise en relation avec le médecin régulateur du SAMU rattaché au centre hospitalier de Carcassonne en raison d'une fièvre à 38,5° présentée par sa fille A..., alors âgée de quelques semaines. Le médecin régulateur, estimant que l'état de l'enfant ne nécessitait que l'administration d'un antipyrétique, a adressé Mme B... à la Maison médicale de garde de Carcassonne, où A... a été examinée une demi-heure plus tard par le docteur E... qui lui a prescrit un traitement symptomatique à base de Doliprane pédiatrique, de Smecta et de Debridat avant de laisser la mère et l'enfant repartir chez elles avec le simple conseil de consulter leur médecin traitant en cas de persistance des symptômes. Le 8 avril 2009, l'état de sa fille ne s'étant pas amélioré, Mme B... a consulté son médecin traitant qui l'a adressée au centre hospitalier de Carcassonne où la jeune A... a été admise le jour même vers 19H30 et où a été posé le diagnostic de méningite à pneumocoque qui, bien que traitée immédiatement, a provoqué des dommages irréversibles. Par jugement du 22 juin 2020, le TGI de Carcassonne a condamné Mme E... et son assureur, la MACSF, à indemniser Mme B... et sa fille A... des préjudices résultant de la prise en charge médicale fautive de cette dernière. Mme E... et la MACSF relèvent appel du jugement du 22 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Carcassonne à leur rembourser tout ou partie des indemnités ainsi mises à leur charge.

2. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport de l'expertise ordonnée par le TGI de Carcassonne, que le médecin régulateur du SAMU rattaché au centre hospitalier de Carcassonne aurait dû, eu égard au symptôme fébrile chez un nouveau-né décrit par Mme B..., diriger cette dernière vers un service d'urgence pédiatrique afin d'y faire réaliser les examens médicaux qui auraient permis de poser le diagnostic de méningite à pneumocoque dont souffrait sa fille et de lui prodiguer sans retard les soins adaptés à cette pathologie. Le choix de ce médecin d'orienter Mme B... vers le cabinet de Mme E... en vue de lui faire prescrire un simple antipyrétique est donc constitutif d'une faute qui portait en elle normalement l'entier dommage subi par la victime lorsqu'elle a été commise et qui est, par suite, susceptible d'engager la responsabilité du centre hospitalier de Carcassonne.

3. Toutefois, il résulte encore de l'instruction qu'eu égard au très bref délai qui s'est écoulé entre la fin de la conversation téléphonique de Mme B... avec le médecin régulateur et la consultation au cabinet de Mme E..., soit environ une demi-heure, comparé au délai qui s'est écoulé ensuite jusqu'à la prise en charge effective de l'enfant au centre hospitalier de Carcassonne, soit près de 48 heures, la faute du médecin régulateur n'a pu avoir aucune incidence sur la perte de chance de l'enfant A... B... d'échapper aux séquelles qu'elle conserve de la pathologie dont elle a été atteinte. Mme E... qui, à la différence du médecin régulateur, a examiné personnellement l'enfant et qui, bien que non spécialisée en médecine d'urgence pédiatrique, ne peut prétendre avoir ignoré les bonnes pratiques et les précautions devant être prises à l'égard d'un nouveau-né fébrile, ne peut sérieusement prétendre qu'elle aurait été induite en erreur par le diagnostic erroné de son confrère pour soutenir que la faute commise par ce dernier a contribué, fût-ce pour partie, aux dommages qu'elle-même et son assureur ont été condamnés à réparer.

4. Il résulte de tout ce qui précède que la faute du médecin régulateur du SAMU rattaché au centre hospitalier de Carcassonne ne pouvant, dans les circonstances de l'espèce, être regardée comme l'une des causes déterminantes des préjudices subis par Mme B... et sa fille, les requérantes ne sont pas fondées à demander que le centre hospitalier de Carcassonne leur rembourse tout ou partie des indemnités qu'elles ont été condamnées à leur payer en réparation de tels préjudices ni, par suite, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté leur demande.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à chacune des parties la charge des frais, non compris dans les dépens, qu'elles ont exposés pour les besoins de l'instance.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme E... et de la MACSF est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier de Carcassonne présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... E..., à la Mutuelle d'assurance du corps de santé français et au centre hospitalier de Carcassonne.

Délibéré après l'audience du 25 novembre 2021, où siégeaient :

- M. Alfonsi, président

- Mme Massé-Degois, présidente-assesseure,

- M. Sanson, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 décembre 2021.

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N° 20MA02925


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