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31/01/2022 | FRANCE | N°19MA02597

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 31 janvier 2022, 19MA02597


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Travaux du Midi Provence a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'établissement public Treize Habitat à lui verser la somme de 56 900 euros hors taxes, soit 68 280 euros toutes taxes comprises, en réparation des préjudices subis du fait de la prolongation des délais d'exécution du chantier, ainsi que la somme de 12 000,37 euros toutes taxes comprises au titre de travaux supplémentaires réalisés sur ordres de service, ces sommes étant assorties des intérêts moratoires

à compter du 17 janvier 2013 et de leur capitalisation. L'établissement publ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Travaux du Midi Provence a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'établissement public Treize Habitat à lui verser la somme de 56 900 euros hors taxes, soit 68 280 euros toutes taxes comprises, en réparation des préjudices subis du fait de la prolongation des délais d'exécution du chantier, ainsi que la somme de 12 000,37 euros toutes taxes comprises au titre de travaux supplémentaires réalisés sur ordres de service, ces sommes étant assorties des intérêts moratoires à compter du 17 janvier 2013 et de leur capitalisation. L'établissement public Treize Habitat a présenté des conclusions reconventionnelles tendant à la condamnation de la société Travaux du Midi Provence à lui verser la somme de 58 926,50 euros au titre des pénalités de retard.

Par un jugement n° 1508827 du 9 avril 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté les demandes de la société Travaux du Midi Provence et rejeté les conclusions présentées par l'établissement public Treize Habitat.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 7 juin 2019 et le 25 mars 2020, la société Travaux du Midi Provence, représentée par Me Engelhard, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille en tant qu'il a rejeté ses demandes ;

2°) de condamner l'établissement public Treize Habitat à lui verser la somme de 56 900 euros hors taxes, soit 68 280 euros toutes taxes comprises, en réparation des préjudices subis du fait de la prolongation des délais d'exécution du chantier, ces sommes étant assorties des intérêts moratoires à compter du 17 janvier 2013 et de leur capitalisation ;

3°) de condamner l'établissement public Treize Habitat à lui verser la somme de 12 000,37 euros toutes taxes comprises au titre de travaux supplémentaires réalisés sur ordres de service, ces sommes étant assorties des intérêts moratoires à compter du 17 janvier 2013 et de leur capitalisation ;

4°) de mettre à la charge de l'établissement public Treize Habitat la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa demande indemnitaire est recevable ; elle a présenté une réclamation le 29 janvier 2015, conformément à l'article 13.44 du CCAG-Travaux ;

- l'établissement public Treize Habitat a répondu à ce mémoire de réclamation le 28 avril 2015, sans en contester la recevabilité ; le principe de loyauté des relations contractuelles s'oppose à ce qu'il puisse le faire pour la première fois devant le juge de l'exécution du contrat ;

- le document notifié le 19 décembre 2014 n'avait pas le caractère d'un décompte général au sens du CCAG-Travaux ; les parties ont renoncé d'un commun accord à l'application des stipulations de l'article 13.44 du CCAG-Travaux ; ce décompte ne lui est pas opposable ;

- le respect du délai de quarante-cinq jours prévu par les stipulations de l'article 13.44 du CCAG-Travaux est constaté par rapport à la remise du mémoire de réclamation ; son mémoire a été transmis dans le délai de quarante-cinq jours ;

- le maître de l'ouvrage a commis une faute à l'origine de la prolongation des délais d'exécution du chantier ; son préjudice s'établit à la somme de 56 900 euros ;

- elle a réalisé des travaux supplémentaires sur ordre de service pour des montants de 3 470,40 euros hors taxes et 6 529,91 euros hors taxes ;

- sa demande de première instance est recevable ; elle a été introduite dans un délai de six mois suivant la notification de la décision expresse de rejet de sa réclamation ;

- elle justifie des frais d'encadrement qu'elle allègue ; l'affectation de deux personnels sur le chantier pendant la période de préparation est établie ; le coût de ces deux personnels est établi à 34 400 euros hors taxes et à 18 400 euros hors taxes ;

- les sommes correspondant aux travaux sur ordre de service sont dues ; les travaux ont été faits à la demande du maître de l'ouvrage.

Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaires enregistrés les 28 février 2020 et 7 septembre 2020, l'établissement public Treize Habitat, représenté par Me Urien, demande à la Cour :

1°) à titre principal, de rejeter la requête ;

2°) à titre subsidiaire, de rejeter les demandes et de condamner la société Travaux du Midi Provence à lui verser la somme de 58 926,50 euros au titre des pénalités de retard, avec intérêts au taux légal à compter de la première demande ;

3°) à titre très subsidiaire, de condamner solidairement l'Atelier Architectes Pirrolet Associés et la société Auxitec Ingénierie à le garantir de toute somme qui devrait être réintégrée dans le solde du marché ;

4°) de mettre à la charge de la société Travaux du Midi Provence la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- à titre principal, la requête est irrecevable dès lors que la société requérante n'a notifié ses réserves qu'au-delà du délai de quarante-cinq jours qui lui était imparti ; il n'a pas renoncé à l'application des stipulations de l'article 13.44 du CCAG-Travaux ; le décompte général est devenu définitif ; la réponse du 28 avril 2015 est sans incidence sur le caractère définitif du décompte ;

- le délai de quarante-cinq jours doit être calculé en prenant en compte la date de réception du mémoire de réclamation et non la date d'envoi ;

- le moyen tiré de ce que le décompte général était incomplet est infondé ;

- la demande présentée devant le tribunal administratif plus de six mois après le rejet implicite du mémoire de réclamation était forclose ;

- à titre subsidiaire, concernant la somme de 68 280 euros toutes taxes comprises, l'allongement de la durée du chantier est exclusivement imputable à la société requérante qui ne peut alléguer une faute à sa charge ;

- le préjudice allégué n'est pas justifié et la société requérante s'est engagée à rester responsable des sujétions engendrées par la modification des ouvrages de soutènement qu'elle a proposée ;

- aucun lien de causalité n'est établi entre la prolongation des délais d'exécution et les préjudices invoqués ; il appartenait à l'entreprise de réaliser les études de sol nécessaires pour assurer la solidité de l'ouvrage ;

- le maintien de deux membres du personnel pendant la période de préparation n'est pas justifiée ; les frais de location allégués ne sont pas justifiés ;

- concernant la demande d'un montant de 12 000,37 euros toutes taxes comprises au titre des travaux réalisés sur ordres de service, la société requérante n'est pas fondée à prétendre à être indemnisée pour la mise en œuvre des travaux faisant l'objet de l'ordre de service n° 3 qu'elle s'était engagée à conserver à sa charge ; s'agissant de l'ordre de service n° 4, la variante n° 9 acceptée par le maître d'ouvrage conduit à une moins-value et s'agissant du raccordement des eaux pluviales, il s'est estimé dans l'obligation d'établir le décompte général en ne prenant pas en compte les sommes réclamées à ce titre par la société requérante compte tenu de son refus de signer l'avenant prenant en compte une partie des sommes demandées ;

- les conclusions tendant à l'application des intérêts moratoires seront rejetées par voie de conséquence ;

- à titre très subsidiaire, il est fondé à appeler en garantie la maîtrise d'œuvre ;

- compte tenu du retard de soixante-sept jours sur la durée contractuelle du marché, il est fondé à appliquer des pénalités contractuelles d'un montant de 58 926,50 euros.

Par ordonnance en date du 14 septembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 14 octobre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 modifiée relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'œuvre privée ;

- le décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d'œuvre confiées par des maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé ;

- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B... Point, rapporteur,

- les conclusions de M. A... Thielé, rapporteur public,

- et les observations de Me Engelhard pour la société Travaux du Midi Provence et de Me Urien pour l'établissement public Treize Habitat.

Une note en délibéré, présentée pour l'établissement public Treize Habitat, a été enregistrée le 21 janvier 2022.

Considérant ce qui suit :

1. Par un marché conclu le 7 février 2011, l'établissement public Treize Habitat a confié à la société Méridienne de Construction et de Bâtiment, aux droits de laquelle est venue la société Dumez Méditerranée, puis la société Travaux du Midi Provence dans le cadre de la présente instance, un marché public de travaux portant sur la construction de douze logements locatifs sociaux au 47 rue Jean Cristofol à Marseille pour un montant de 1 604 691,90 euros hors taxes pour la tranche ferme et 4 755 euros hors taxes pour la tranche conditionnelle n° 1. Les travaux ont été réceptionnés le 13 juillet 2012 avec réserves. Ces réserves ont été levées le 1er octobre suivant. La société Travaux du Midi Provence a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'établissement public Treize Habitat à lui verser la somme de 68 280 euros toutes taxes comprises en réparation de son préjudice résultant de la prolongation des délais d'exécution, ainsi que la somme de 12 000,37 euros toutes taxes comprises au titre de travaux supplémentaires réalisés sur ordres de service. L'établissement public Treize Habitat, par voie reconventionnelle, a demandé que la société requérante soit condamnée à lui verser la somme de 58 926,50 euros au titre de pénalités de retard. La société Travaux du Midi Provence relève appel du jugement en date du 9 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes.

Sur les conclusions indemnitaires présentées par la société Travaux du Midi Provence :

En ce qui concerne la recevabilité contractuelle de la demande :

2. Aux termes de l'article 13.44 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicable aux marchés de travaux, issu de l'arrêté du 8 septembre 2009 et auquel renvoie l'acte d'engagement du marché en litige : " 13.4.4. Dans un délai de quarante-cinq jours compté à partir de la notification du décompte général, le titulaire renvoie au représentant du pouvoir adjudicateur, avec copie au maître d'œuvre, le décompte général revêtu de sa signature, sans ou avec réserves, ou fait connaître les motifs pour lesquels il refuse de le signer.(...) En cas de contestation sur le montant des sommes dues, le représentant du pouvoir adjudicateur règle, dans un délai de trente jours à compter de la date de réception de la notification du décompte général assorti des réserves émises par le titulaire ou de la date de réception des motifs pour lesquels le titulaire refuse de signer, les sommes admises dans le décompte final. (...) Ce désaccord est réglé dans les conditions mentionnées à l'article 50 du présent CCAG. ". Aux termes de l'article 50 du même cahier : " Règlement des différends et des litiges (...) 50.1. Mémoire en réclamation : 50.1.1. Si un différend survient entre le titulaire et le maître d'œuvre, sous la forme de réserves faites à un ordre de service ou sous toute autre forme, ou entre le titulaire et le représentant du pouvoir adjudicateur, le titulaire rédige un mémoire en réclamation. Dans son mémoire en réclamation, le titulaire expose les motifs de son différend, indique, le cas échéant, les montants de ses réclamations et fournit les justifications nécessaires correspondant à ces montants. Il transmet son mémoire au représentant du pouvoir adjudicateur et en adresse copie au maître d'œuvre. Si la réclamation porte sur le décompte général du marché, ce mémoire est transmis dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la notification du décompte général. Le mémoire reprend, sous peine de forclusion, les réclamations formulées antérieurement à la notification du décompte général et qui n'ont pas fait l'objet d'un règlement définitif. ". Il résulte de ces dispositions que la date d'expiration du délai de quarante-cinq jours dont dispose le titulaire du marché pour transmettre sa réclamation sur le décompte général est la date d'expédition de son mémoire de réclamation, et non la date de sa réception par le maître de l'ouvrage.

3. Il résulte de l'instruction que la société Dumez a reçu notification du décompte général établi par l'établissement public Treize Habitat le 19 décembre 2014. Le délai de 45 jours dont elle disposait pour expédier son mémoire de réclamation expirait le 2 février 2015 à minuit. Le mémoire de réclamation a été adressé par la société Dumez le lundi 2 février 2015 par la voie postale et a été réceptionné par le maître de l'ouvrage le lendemain. Par suite, le mémoire de réclamation a été envoyé avant l'expiration du délai de 45 jours prévu par les dispositions précitées au point 2. La fin de non-recevoir contractuelle opposée sur ce point par l'établissement public Treize Habitat doit par suite être écartée.

4. Aux termes de l'article 50.3.2 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicable aux marchés de travaux, issu de l'arrêté du 8 septembre 2009 : " Pour les réclamations auxquelles a donné lieu le décompte général du marché, le titulaire dispose d'un délai de six mois, à compter de la notification de la décision prise par le représentant du pouvoir adjudicateur en application de l'article 50.1.2, ou de la décision implicite de rejet conformément à l'article 50.1.3, pour porter ses réclamations devant le tribunal administratif compétent. ". Aux termes de l'article 50.3.3. du même cahier : " Passé ce délai, il est considéré comme ayant accepté cette décision et toute réclamation est irrecevable. ".

5. Il résulte de l'instruction que par un courrier du 28 avril 2015, dont la société Dumez Méditerranée a reçu notification le 30 avril 2015, l'établissement public Treize Habitat a répondu explicitement au mémoire de réclamation présenté par la société Dumez Méditerranée. Le délai de recours de six mois prévu à l'article 50.3.2 du CCAG Travaux doit être décompté à partir de la date de réception de cette décision explicite. La demande indemnitaire présentée devant le tribunal administratif de Marseille le 30 octobre 2015 est dès lors intervenue dans le délai de six mois suivant la notification de la décision explicite de rejet du mémoire de réclamation. Par suite, la fin de non-recevoir contractuelle opposée sur ce point par l'établissement public Treize Habitat doit être écartée.

En ce qui concerne l'allongement de la durée du chantier :

6. Aux termes de l'article 2 de la loi du 12 juillet 1985 : " I. Le maître de l'ouvrage est la personne morale, mentionnée à l'article premier, pour laquelle l'ouvrage est construit. Responsable principal de l'ouvrage, il remplit dans ce rôle une fonction d'intérêt général dont il ne peut se démettre. / Il lui appartient, après s'être assuré de la faisabilité et de l'opportunité de l'opération envisagée, d'en déterminer la localisation, d'en définir le programme, d'en arrêter l'enveloppe financière prévisionnelle, d'en assurer le financement, de choisir le processus selon lequel l'ouvrage sera réalisé et de conclure, avec les maîtres d'œuvre et entrepreneurs qu'il choisit, les contrats ayant pour objet les études et l'exécution des travaux. ". Aux termes de l'article 7 du décret du 29 novembre 1993 : " Lorsque le maître de l'ouvrage retient une offre d'entreprise qui comporte une variante respectant les conditions minimales stipulées dans le dossier de consultation, le maître d'œuvre doit compléter les études du projet pour en assurer la cohérence, notamment en établissant la synthèse des plans et spécifications et, le cas échéant, prendre en compte les dispositions découlant d'un permis de construire modifié. ".

7. Il résulte de l'instruction que par ordre de service n° 1 daté du 9 mars 2011, le maître de l'ouvrage a ordonné le démarrage des travaux. Le délai de préparation était de trente jours. Toutefois, après avis du géotechnicien du bureau de contrôle technique mettant en doute la faisabilité de la variante n° 2 du projet, le maître de l'ouvrage, par ordre de service n° 2, a ordonné la prolongation de la période de préparation de chantier. La société Travaux du Midi Provence soutient que la prolongation des délais d'exécution de cent-six jours résultant de cet ordre de service n° 2 est imputable à une faute du maître de l'ouvrage. Elle fait valoir qu'il appartenait au maître d'ouvrage, retenant l'offre de l'entreprise titulaire comportant une variante, de soumettre cette variante au contrôleur technique avant le démarrage des travaux, afin de s'assurer de sa faisabilité.

8. Si, aux termes de l'article 2 de la loi du 12 janvier 1985, il appartient au maître de l'ouvrage de s'assurer de la faisabilité de l'opération, cette obligation ne s'étend pas aux techniques constructives particulières contenues dans les offres de chaque attributaire. En outre, aux termes de l'article 7 du décret du 29 novembre 1993, il appartient au maître d'œuvre de compléter les études du projet pour en assurer la cohérence. La société requérante, qui n'est pas partie au contrat liant le maître de l'ouvrage au contrôleur technique, ne peut utilement invoquer les stipulations du cahier-type des clauses techniques applicables aux marchés publics de contrôle technique. Par ailleurs, il résulte de l'instruction qu'aux termes de l'annexe n° 1 à l'acte d'engagement, concernant la variante n° 2, la société titulaire du marché a remis un avis de son expert géotechnicien sur la faisabilité de la solution proposée pour la variante n° 2. La société titulaire du marché s'est également engagée à prendre en charge les études d'exécution et à se conformer aux prescriptions réglementaires " ainsi que celles édictées par le bureau de contrôle et le maître d'œuvre ". Ainsi, les études d'exécution de type G3 et les études géotechniques de type G5 étaient à la charge de l'entrepreneur. Si les dispositions de l'article R. 111-42 du code de la construction et de l'habitation prévoient une peine d'amende pour le maître de l'ouvrage qui aura entrepris ou poursuivi les travaux sans avoir fait procéder au contrôle technique dans le cas où celui-ci est obligatoire, il n'est pas établi, en tout état de cause, que le maître de l'ouvrage aurait en l'espèce omis de faire procéder à un contrôle technique obligatoire. Dans ces conditions, alors que le maître de l'ouvrage avait été destinataire d'une note géotechnique de l'entreprise titulaire justifiant la faisabilité de la variante n° 2, la société Travaux du Midi Provence n'est pas fondée à soutenir que le maître de l'ouvrage aurait commis une faute contractuelle en ordonnant le commencement des travaux sans s'être assuré de la faisabilité de la variante n° 2 auprès du contrôleur technique. L'ordre de service n° 2, qui ordonne la prolongation de la période de préparation, a été signé le 3 août 2011 par l'entreprise titulaire. Si la copie de l'ordre de service versé au dossier comporte la mention manuscrite " avec réserve " suivie d'une référence, la teneur de cette réserve n'est pas précisée. Par suite, la société Travaux du Midi Provence n'établit pas l'existence d'une faute du maître de l'ouvrage à l'origine du préjudice qui aurait résulté pour elle de l'allongement de cent-six jours de la durée de la période de préparation.

9. La société Travaux du Midi Provence soutient qu'elle a réalisé des travaux supplémentaires sur ordre de service n° 3 du 8 février 2011, pour un montant de 3 470,40 euros hors taxes. Ces travaux correspondent à la dépose des butons existants et la démolition des murs attenants au bâtiment mitoyen Ouest. Il résulte de l'instruction, ainsi que le fait valoir l'établissement public Treize Habitat sans être utilement contredit sur ce point, que ces travaux résultaient de la mise en œuvre de la variante n° 2. Aux termes de l'annexe 1 à l'acte d'engagement, concernant la variante n° 2, la société titulaire s'est engagée à prendre en charge les sujétions engendrées par la modification des ouvrages de soutènement proposée. Le montant de ces travaux était dès lors compris dans le prix incluant la variante n° 2. Par suite, la demande indemnitaire de la société Travaux du Midi Provence sur ce point doit être rejetée.

10. La société Travaux du Midi Provence soutient qu'elle a réalisé des travaux supplémentaires sur ordre de service n° 4 du 8 février 2011, pour un montant de 6 529,91 euros hors taxes. Ces travaux correspondent à la fermeture en agglos sous l'escalier du rez-de-chaussée, au carrelage sur résine dans l'entrée du rez-de-chaussée, au remplacement des plinthes en bois par des plinthes en grès dans les logements, à la fourniture et la pose de tôle pleine pour l'obturation de la vue au R+5 et au raccordement EP sur le réseau unitaire de la ville. Il résulte de l'instruction que la variante n° 9 acceptée par le maître de l'ouvrage prévoyait la pose de plinthes en bois à peindre. Le remplacement des plinthes en bois par des plinthes en grès cérame correspond donc à des travaux non prévus au contrat. Il en va de même de la fermeture en agglos sous l'escalier du rez-de-chaussée et du carrelage sur résine dans l'entrée du rez-de-chaussée. En revanche, il résulte de l'instruction qu'aux termes de l'article 3.12 du cahier des clauses techniques particulières du lot 1.8. " plomberie ", la fourniture et l'installation du réseau EP comprenait le raccordement au regard EP sur le trottoir. Par suite, l'établissement public Treize Habitat, qui n'est pas utilement contredit sur ce point, est fondé à soutenir que les travaux de raccordement sur le réseau unitaire de la ville étaient prévus au marché. Dans ces conditions, la société Travaux du Midi Provence est seulement fondée à demander l'indemnisation des travaux supplémentaires ordonnés par l'ordre de service n° 4 à hauteur de 2 694,91 euros hors taxes soit 3 233,89 euros toutes taxes comprises.

Sur les conclusions reconventionnelles et les conclusions aux fins d'appel en garantie présentées par l'établissement public Treize Habitat :

11. Il résulte de l'instruction que dans le décompte général notifié par l'établissement public Treize Habitat à la société Travaux du Midi Provence, le maître de l'ouvrage n'a procédé à aucune retenue au titre des pénalités de retard. Après la transmission au titulaire du marché du décompte général qu'il a établi et signé, le maître de l'ouvrage ne peut plus réclamer des sommes dont il n'a pas fait état dans le décompte. Dès lors, la demande présentée par l'établissement public Treize Habitat au titre des pénalités de retard doit être rejetée.

12. A l'appui de ses conclusions d'appel en garantie présentées à l'encontre de l'Atelier d'Architectes Pirrolet Associés et de la société Auxitec Ingénierie, l'établissement public Treize Habitat allègue un défaut de conseil. Il n'établit toutefois aucune faute à l'origine des condamnations prononcées à son encontre au titre des travaux supplémentaires. Concernant les pénalités, l'établissement public Treize Habitat n'a fait l'objet d'aucune condamnation et n'est pas fondé à appeler en garantie les sociétés membres du groupement de maître d'œuvre à ce titre. Faute de précisions, elle ne démontre pas, en tout état de cause, l'existence d'une faute du maître d'œuvre dans l'établissement du décompte concernant les pénalités. Par suite, ces conclusions doivent être rejetées.

13. Il résulte de tout ce qui précède que le jugement du tribunal administratif de Marseille doit être annulé. La société Travaux du Midi Provence est seulement fondée à demander l'indemnisation de ses préjudices à hauteur de la somme de 3 233,89 euros toutes taxes comprises. Le surplus des conclusions indemnitaires présentées par la société Travaux du Midi Provence doit être rejeté. Les conclusions reconventionnelles et les conclusions aux fins d'appel en garantie présentées par l'établissement public Treize Habitat doivent être rejetées.

Sur les intérêts moratoires et la capitalisation :

14. Il résulte de l'instruction que le mémoire de réclamation présenté par la société Travaux du Midi Provence a été réceptionné par l'établissement public Treize Habitat le 3 février 2015. La somme de 3 233,89 euros toutes taxes comprises mentionnée au point 12 portera intérêts au taux contractuel trente jours après cette date, soit à compter du 6 mars 2015, avec capitalisation à compter du 7 mars 2016.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions présentées à ce titre par les parties doivent dès lors être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 2 : L'établissement public Treize Habitat est condamné à verser à la société Travaux du Midi Provence la somme de 3 233,89 euros toutes taxes comprises.

Article 3 : Les intérêts moratoires au taux contractuel sur la somme de 3 233,89 euros mentionnée à l'article 2 porteront intérêts au taux contractuel à compter du 6 mars 2015. Les intérêts échus à la date du 7 mars 2016 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Travaux du Midi Provence et à l'établissement public Treize Habitat, à la société Auxitec Bâtiment et à l'Atelier d'Architectes Pirrolet.

Délibéré après l'audience du 17 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Guy Fédou, président,

- M. Gilles Taormina, président assesseur,

- M. B... Point, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 janvier 2022.

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N° 19MA02597

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA02597
Date de la décision : 31/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-03 Marchés et contrats administratifs. - Exécution technique du contrat.


Composition du Tribunal
Président : M. FEDOU
Rapporteur ?: M. François POINT
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : SELARL BLUM - ENGELHARD - DE CAZALET

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-01-31;19ma02597 ?
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