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21/03/2022 | FRANCE | N°19MA03708

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 21 mars 2022, 19MA03708


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Sud Pronet a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner l'Office public de l'habitat du Gard notamment à lui verser la somme de 106 238,39 euros toutes taxes comprises, subsidiairement celle de 75 770,39 euros toutes taxes comprises, en réparation du préjudice subi du fait de l'exécution du marché n° 2014-4007 et d'assortir cette condamnation des intérêts moratoires dus en application de l'article 96 du code des marchés publics, à compter du 9 mars 2017, avec capitalisation.
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Sud Pronet a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner l'Office public de l'habitat du Gard notamment à lui verser la somme de 106 238,39 euros toutes taxes comprises, subsidiairement celle de 75 770,39 euros toutes taxes comprises, en réparation du préjudice subi du fait de l'exécution du marché n° 2014-4007 et d'assortir cette condamnation des intérêts moratoires dus en application de l'article 96 du code des marchés publics, à compter du 9 mars 2017, avec capitalisation.

Par un jugement n° 1702571 du 6 juin 2019, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 6 août 2019, la SARL Sud Pronet, représentée par Me Tardivel, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner l'Office public de l'habitat du Gard à lui verser la somme de 106 238,39 euros toutes taxes comprises, subsidiairement celle de 75 770,39 euros toutes taxes comprises, en réparation du préjudice subi du fait de l'exécution du marché n° 2014-4007 ;

3°) d'assortir cette condamnation des intérêts moratoires dus en application de l'article 96 du code des marchés publics, courant à compter du 9 mars 2017, et de leur capitalisation ;

4°) de mettre à la charge de l'Office public de l'habitat du Gard une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

1°) s'agissant des pénalités de retard :

- la saisine de bons de commande à cette époque de l'année était inhabituelle (quinze demandes de prestation " en urgence " à réaliser entre le 10 juillet et le 25 août 2016, en sus des prestations normales), alors que les autres années, l'Office public de l'habitat du Gard n'avait jamais autant fait appel à elle, dans les conditions d'urgence, pour effectuer de telles prestations en pleine période estivale pendant laquelle les entreprises comme les administrations fonctionnent en effectif réduit ;

- l'Office public de l'habitat du Gard ne l'a jamais mise en demeure ou alertée sur le fait qu'elle encourrait de telles pénalités ;

- c'est à tort que le tribunal a considéré qu'elle ne démontrait pas le caractère excessif du montant des pénalités appliquées, représentant 42,66 % du marché ; le montant des pénalités appliquées par décision du 9 mars 2017 est de 12 398,39 euros, soit 41,3 % du marché, ce montant excessif devant être ramené à 20 %, soit 6 000 euros ;

2°) s'agissant de la mise à sa charge du coût du recours à un marché de substitution :

- en l'espèce, il n'y a eu ni défaillance, ni mise en demeure, ni urgence, ni résiliation, le marché initial ayant pris fin par une décision de non reconduction en date du 21 juin 2016, donc selon la procédure de non reconduction du marché prévue par l'article 1.4.1 du cahier des clauses particulières (CCP), à la date du 31 octobre 2016 ;

- l'Office public de l'habitat du Gard ne pouvait mettre en œuvre la procédure de passation d'un marché de substitution de l'article 4.3 du cahier des clauses particulières sur la période du 31 août au 31 octobre 2016, faute de résiliation du marché initial et d'urgence et faute d'avoir préalablement commandé les prestations demandées ensuite au prestataire de substitution ; or, entre mai et le 31 octobre 2016, de nombreuses prestations ont été commandées auprès de la SCOP MJN, sans que la société requérante ait, au préalable, été missionnée pour ces prestations ;

- il a été démontré par la production de la pièce n° 3 que le montant de la subrogation retenue par l'Office public de l'habitat du Gard, était de 14 446,57 euros ; le tribunal aurait dû décharger la requérante de la différence entre la somme retenue effectivement par l'Office public de l'habitat du Gard et la somme qu'il a lui-même constatée comme étant due ; en retenant que 13 396,57 euros toutes taxes comprises devaient être retenus pour l'exécution de ces prestations, le juge n'a pas tiré les conséquences de ses constatations ;

- en l'espèce, l'Office public de l'habitat du Gard a fait effectuer les bons de commande n° 2016-19841, 2016-19895, 2016-19897, 2016-20471, 2016-20479, 2016-20836 et 2016-13430 par la SCOP MJN pour un montant de 30 468 euros toutes taxes comprises ; la société requérante est donc fondée à obtenir la restitution de ladite somme mise à tort à sa charge ;

- subsidiairement, en application du principe non bis in idem, des pénalités pour défaut d'intervention de l'article 4.2.2. du cahier des clauses particulières ne pouvaient lui être appliquées, à hauteur de 1 050 euros, alors qu'il lui était dans le même temps demandé de payer le montant des prestations effectuées dans le cadre du marché de substitution ;

3°) s'agissant de l'indemnisation de son manque à gagner entre le 13 juin et le 31 octobre 2016 :

- l'absence de désignation a été totale et sur toute la durée de fin de marché ; or, l'Office public de l'habitat du Gard ne pouvait comme il l'a fait s'adresser à un autre prestataire SCOP MJN sans lui avoir préalablement passé commande en vain ;

- le montant des prestations effectuées par la SCOP MJN en lieu et place de la société requérante, qui bénéficiait pourtant d'un marché régulier jusqu'au 31 octobre 2016, est de 69 372 euros toutes taxes comprises, pour des bons de commande émis du 13 juin au 21 septembre 2016 et aucune autre prestation ne semble avoir été commandée auprès de la SCOP MJN après le 21 septembre 2016 ; cette somme est à parfaire de tous les éléments, factures et bons de travaux, non produits par l'Office public de l'habitat du Gard entre mai et le 31 octobre 2016 ;

- la société requérante exige que soit communiquée, au besoin par la mise en jeu des pouvoirs d'instruction du juge, la facture n° 2016/1635 qui est manquante dans la communication des pièces effectuée par l'Office public de l'habitat du Gard.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mars 2020, Habitat du Gard, Office public de l'habitat, représenté par Me Banel, conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la société Sud Pronet à lui payer la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

1°) la requête est irrecevable comme tardive pour les motifs suivants :

- à défaut pour les parties de respecter les règles contractuelles de règlement des litiges, tout recours contentieux est radicalement irrecevable ;

- le mémoire en réclamation adressé le 8 mars 2017 à l'Office public de l'habitat est tardif ;

- la même conclusion s'impose concernant les conséquences financières de la réalisation par une entreprise tierce des prestations prévues au marché considéré ;

2°) s'agissant des pénalités :

- contrairement à ses obligations contractuelles, la société Sud Pronet a, à de multiples reprises, accusé des retards importants dans l'exécution de ses prestations de nettoyage et de retrait des encombrants, compromettant ainsi la gestion locative des biens immobiliers appartenant au bailleur social, dès le mois de décembre 2014, soit moins de deux mois après la prise d'effet du contrat conclu ; au seul titre de l'année 2016, il a interpellé la société Sud Pronet sur les multiples retards et malfaçons, l'a mise en demeure de réaliser les prestations attendues et a fait état du caractère erroné de factures établies par la société Sud Pronet pour des prestations non réalisées, manifestement en vain ;

- l'entreprise appelante n'apporte aucun élément de nature à justifier du caractère excessif du montant des pénalités ; elle ne fait aucune référence aux pratiques observées pour des marchés comparables ou aux caractéristiques particulières du marché en litige, de nature à établir dans quelle mesure ces pénalités présenteraient selon elle un caractère manifestement excessif ;

- le montant total des commandes payées par l'Office public de l'habitat auprès de la société Sud Pronet dans le cadre du marché à bons de commande s'est élevé aux sommes de 15 419,06 euros, pour la période du 6 novembre 2014 au 31 décembre 2014, 362 165,31 euros pour l'année civile 2015, 135 277,96 euros pour l'année civile 2016, le contrat ayant pris fin le 31 octobre 2016 ; si bien que l'application des pénalités contractuelles pour l'année 2016 pour un montant de 12 398,39 euros, qui représente seulement 9 % du montant réglé par l'Office au titre de l'année 2016, n'est manifestement pas excessive ;

3°) sur le coût du recours à une tierce entreprise mis à la charge de la société Sud Pronet :

- en l'espèce, constatant l'inexécution des sept bons de commande litigieux, l'Office a, après avoir relancé à plusieurs reprises son cocontractant, décidé de faire exécuter les prestations aux frais et risques du titulaire, conformément aux articles 36.1, 36.4 du CCAG-FCS et 4.3 du CCP ;

- comme l'a exactement jugé le tribunal, le solde de 13 396,57 euros toutes taxes comprises correspond à la différence entre la somme de 30 120 euros toutes taxes comprises versée à ce titre au tiers concerné et la somme de 16 723,43 euros toutes taxes comprises qui aurait dû lui être payée si elle avait exécuté ces prestations conformément aux termes du marché ; le montant de 14 296,57 euros qui figure dans la pièce adverse n° 3 correspond aux frais induits par l'appel à une entreprise tierce (13 396,57 euros toutes taxes comprises) auquel s'ajoute le montant des pénalités (900 euros) ;

4°) sur le préjudice invoqué par la société Sud Pronet :

- en application de l'article 77 du code des marchés publics, comme l'ont relevé les premiers juges, le montant minimum du marché avait bien été atteint pour l'année 2016, le contrat ayant pris fin le 31 octobre 2016 avec un montant total de commandes à cette date, en 2016, de 135 277,96 euros.

Par ordonnance du 17 mai 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 juin 2021 à 12h00.

Le 14 février 2022, la SARL Sud Pronet, représentée par Me Bocognano, a produit un mémoire non communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 ;

- l'arrêté du 19 janvier 2009, portant approbation du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A... Taormina, rapporteur,

- les conclusions de M. B... Thielé, rapporteur public,

- et les observations de Me Rouault pour la SARL Sud Pronet.

Considérant ce qui suit :

1. Par acte d'engagement du 6 novembre 2014, l'Office public de l'habitat du Gard a confié à la société Sud Pronet un marché de nettoyage et d'enlèvement des encombrants portant sur l'ensemble des locaux, logements, parties communes et garages constituant son patrimoine. Ce marché était conclu jusqu'au 31 octobre 2015, avec une possibilité de renouvellement annuel jusqu'au 31 octobre 2018, et prévoyait l'émission de bons de commande pour un montant annuel minimum de 30 000 euros hors taxes et maximum de 300 000 euros hors taxes. Par courrier du 21 juin 2016, l'Office a informé la société de la non-reconduction du marché après le 31 octobre 2016. Par courrier du 9 janvier 2017, il lui a adressé une décision d'application de pénalités et retenues dans le cadre du décompte de fin de marché, datée du même jour et mettant à la charge de la société Sud Pronet la somme totale de 26 194,96 euros, correspondant à l'application de pénalités de retard et de pénalités pour non-exécution de bons de travaux, pour un total de 12 798,39 euros, ainsi qu'à la mise à sa charge de frais liés à l'appel à une entreprise tierce pour exécuter les travaux visés par certains de ces bons, pour une somme de 13 396,57 euros toutes taxes comprises. Par un courrier du 8 mars 2017, réceptionné le 9 mars 2017 par l'Office public de l'habitat du Gard, la société Sud Pronet a présenté un mémoire en réclamation.

2. La société Sud Pronet relève appel du jugement en date du 6 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa requête tendant à la condamnation de l'Office public de l'habitat du Gard notamment à lui verser la somme de 106 238,39 euros toutes taxes comprises, subsidiairement celle de 75 770,39 euros toutes taxes comprises, en réparation du préjudice subi du fait de l'exécution du marché n° 2014-4007 et à assortir cette condamnation des intérêts moratoires dus en application de l'article 96 du code des marchés publics, à compter du 9 mars 2017, avec capitalisation.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

S'agissant du caractère manifestement excessif du montant des pénalités de retard et de non-exécution :

3. Il résulte des stipulations de l'article 4.2 du cahier des clauses administratives particulières applicable au litige que les pénalités prévues au marché ne sont pas plafonnées, et s'élèvent, s'agissant des retards, à " 5 % du montant de la facture HT par jour calendaire de retard ", s'agissant de l'absence d'intervention, à " 150 euros pendant les heures d'ouverture de l'accueil de l'agence " et, s'agissant de l'absence de transmission des renseignements permettant le contrôle de l'exécution de la clause d'insertion sociale mise à la charge du titulaire du marché, à " 100 euros par jour de retard à compter de la mise en demeure par le pouvoir adjudicateur ".

4. Il résulte de l'instruction que, par courrier du 10 novembre 2015, l'Office public de l'habitat du Gard a informé son cocontractant que des pénalités seraient systématiquement appliquées. Par courrier du 16 septembre 2016, l'Office a contesté les deux factures n° 496 et 497 émises par la société Sud Pronet. Par courrier du 13 octobre 2016, l'Office public de l'habitat du Gard a refusé d'accueillir les factures établies correspondant aux bons de commande n° 2016/20990, 2016/22405, 2016/22510 et 2016/23831 et informé la société appelante qu'il appliquerait des pénalités. Consécutivement à cette situation, par mail non daté mais que la société appelante ne conteste pas avoir reçu en janvier 2016, l'Office public de l'habitat du Gard l'a informée de sa volonté de recourir, en cas de retard, à une entreprise tierce à ses frais, en application de l'article 4.3 du cahier des clauses particulières. Par courrier du 28 janvier 2016, l'Office l'a informée, concernant le bon de commande n° 2016/726, de son intention de faire application de l'article 4.2.1. du cahier des clauses administratives particulières sur les pénalités de retard et de l'article 4.3 du même cahier lui permettant de recourir à une entreprise tierce aux frais du titulaire du marché, faute d'intervention au plus tard le 3 février suivant. Par courrier du 21 juin 2016, l'Office a informé la société Sud Pronet de la non-reconduction du marché après le 31 octobre 2016 et de l'application immédiate de pénalités et du recours à une entreprise tierce pour tous les manquements constatés à ce jour, et de la mise en œuvre de la procédure de résiliation du marché faute de réaction de la société Sud Pronet d'ici le 5 juillet 2016. Par courrier du 8 août 2016, l'Office public de l'habitat du Gard a notifié à la société Sud Pronet sa décision de faire exécuter aux frais et risques de cette dernière, défaillante, les prestations correspondant aux sept bons de commande n° 2016/19841, 2016/19895, 2016/19897, 2016/20471, 2016/20479, 2016/20836 et 2016/13430.

5. En premier lieu, si, lorsqu'il est saisi d'un litige entre les parties à un marché public, le juge du contrat doit, en principe, appliquer les clauses relatives aux pénalités dont sont convenues les parties en signant le contrat, il peut, à titre exceptionnel, être saisi de conclusions en ce sens par une partie, modérer ou augmenter les pénalités de retard résultant du contrat si elles atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire, eu égard au montant du marché et compte tenu de l'ampleur du retard constaté dans l'exécution des prestations. Lorsque le titulaire du marché saisit le juge de conclusions tendant à ce qu'il modère les pénalités mises à sa charge, il ne saurait utilement soutenir que le pouvoir adjudicateur n'a subi aucun préjudice ou que le préjudice qu'il a subi est inférieur au montant des pénalités mises à sa charge. Il lui appartient de fournir aux juges tous éléments, relatifs notamment aux pratiques observées pour des marchés comparables ou aux caractéristiques particulières du marché en litige, de nature à établir dans quelle mesure ces pénalités présentent selon lui un caractère manifestement excessif. Au vu de l'argumentation des parties, il incombe au juge soit de rejeter les conclusions dont il est saisi en faisant application des clauses du contrat relatives aux pénalités, soit de rectifier le montant des pénalités mises à la charge du titulaire du marché dans la seule mesure qu'impose la correction de leur caractère manifestement excessif.

6. La société Sud Pronet ne fournit aucun élément, relatif notamment aux pratiques observées pour des marchés comparables ou aux caractéristiques particulières du marché en litige de nature à établir que le montant mis à sa charge, s'élevant à la somme totale de 12 798,39 euros, présenterait un caractère manifestement excessif.

7. En deuxième lieu, le caractère excessif du montant des pénalités est également apprécié au regard notamment du montant du marché. S'agissant de marchés à bons de commande, le caractère excessif des pénalités s'apprécie au regard du montant des bons de commande émis ou au regard du montant global (minimal et maximal) du marché.

8. Comme l'ont exactement considéré les premiers juges, le montant des pénalités ne représente que 9,46 % de la somme mandatée au profit de la société appelante au titre de ce marché pour l'année 2016 et que 2,50 % de la somme qui lui a été payée sur la durée totale du marché, chiffres qu'elle ne conteste pas. Dès lors, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Nîmes a considéré que le montant de ces pénalités n'était pas manifestement excessif eu égard au montant des sommes mandatées au profit de la société Sud Pronet.

9. En troisième lieu, le caractère excessif du montant des pénalités est apprécié au regard des circonstances d'exécution du marché et des mises en garde adressées par la personne publique à son cocontractant.

10. Il ne résulte pas de l'instruction que la société Sud Pronet ait dû faire face, sur la période en cause, à des demandes d'intervention en nombre exceptionnel rendant manifestement excessif le montant des pénalités appliquées. En revanche, il résulte de l'instruction, comme il a été rappelé au point 4, que l'Office a appelé à de multiples reprises l'attention de la société appelante sur la nécessité de respecter les délais qui lui étaient impartis, notamment sur des périodes antérieures à celle ayant donné lieu à l'application de pénalités. Au demeurant, la circonstance qu'il se serait abstenu de telles relances, à la supposer avérée, ne serait pas de nature à faire obstacle à l'application des pénalités ou à rendre leur montant manifestement excessif.

11. Enfin, en dernier lieu, les pénalités prévues contractuellement en cas d'absence d'intervention, qui visent, ainsi que mentionné précédemment, à réparer forfaitairement le préjudice qu'est susceptible de causer au pouvoir adjudicateur le non-respect, par le titulaire du marché, de ses obligations contractuelles, notamment en termes de délais d'exécution, n'ont pas le même objet que la mise à sa charge des frais induits par le recours aux services d'une entreprise tierce afin de réaliser les prestations qu'il a été défaillant à exécuter. Dès lors, la société appelante n'est pas fondée à soutenir qu'en appliquant des pénalités dans les hypothèses où l'Office a eu recours à un prestataire de substitution et a mis à sa charge les frais correspondants, le pouvoir adjudicateur aurait méconnu le principe non bis in idem.

12. Par suite, le tribunal administratif de Nîmes a pu à bon droit rejeter les conclusions présentées par la société Sud Pronet tendant à être déchargée du paiement des pénalités mises à sa charge.

S'agissant de la mise à la charge de frais induits par l'appel à une entreprise tierce :

13. Aux termes de l'article 36 du cahier des clauses administratives générales applicable au litige : " 1. A la condition que les documents particuliers du marché le prévoient et que la décision de résiliation le mentionne expressément, le pouvoir adjudicateur peut faire procéder par un tiers à l'exécution des prestations prévues par le marché, aux frais et risques du titulaire, soit en cas d'inexécution par ce dernier d'une prestation qui, par sa nature, ne peut souffrir aucun retard, soit en cas de résiliation du marché prononcée aux torts du titulaire. / ... / 4. L'augmentation des dépenses, par rapport aux prix du marché, résultant de l'exécution des prestations aux frais et risques du titulaire, est à la charge du titulaire. La diminution des dépenses ne lui profite pas. ". Aux termes de l'article 4.3 du cahier des clauses administratives particulières applicable au litige : " délais d'exécution - pénalités - résiliation " : " Habitat du Gard se réserve la possibilité de faire appel à un autre prestataire de son choix, aux frais et risques du titulaire ".

14. En premier lieu, il ne résulte pas de ces stipulations que l'Office public de l'habitat du Gard ne pouvait pas faire exécuter des prestations pour lesquelles la société Sud Pronet était défaillante, aux frais et risques de cette dernière, sans avoir préalablement résilié le marché qui les liait, dès lors que, par leur nature, ces prestations ne pouvaient souffrir aucun retard.

15. En second lieu, il résulte de l'instruction que, dans le contexte rappelé au point 4, l'Office public de l'habitat du Gard a informé la société Sud Pronet, par courrier du 8 août 2016, qu'il mettait en œuvre les stipulations de l'article 4.3 du cahier des clauses administratives particulières pour l'exécution de six bons de travaux afférents à l'enlèvement d'encombrants, prévoyant une fin d'intervention entre le 12 et le 24 juillet 2016. Ces prestations étaient nécessaires afin d'assurer la sécurité et la libre disposition de l'ensemble immobilier concerné et c'est à bon droit que l'Office public de l'habitat indique qu'elles devaient être regardées comme ne pouvant, par leur nature, souffrir d'aucun retard. Dès lors, les premiers juges ont pu estimer à bon droit que la société appelante ne saurait soutenir que, faute d'avoir préalablement résilié le marché qui les liait, son cocontractant ne pouvait mettre à sa charge les frais supplémentaires induits par le recours à un tiers pour l'exécution de ces prestations, s'élevant à la somme de 13 396,57 euros toutes taxes comprises, correspondant à la différence entre la somme de 30 120 euros toutes taxes comprises versée à ce titre au tiers concerné et la somme de 16 723,43 euros toutes taxes comprises qui aurait dû lui être payée si elle avait exécuté ces prestations conformément aux termes du marché.

16. Par suite, le tribunal administratif de Nîmes a pu à bon droit rejeter les conclusions présentées par la société Sud Pronet tendant à sa décharge du paiement de cette somme.

S'agissant du droit d'exclusivité de la société Sud Pronet :

17. Aux termes de l'article 77 du code des marchés publics applicable : " I. - Un marché à bons de commande est un marché conclu avec un ou plusieurs opérateurs économiques et exécuté au fur et à mesure de l'émission de bons de commande... / Dans ce marché le pouvoir adjudicateur a la faculté de prévoir un minimum et un maximum en valeur ou en quantité, ou un minimum, ou un maximum, ou prévoir que le marché est conclu sans minimum ni maximum. / L'émission des bons de commande s'effectue sans négociation ni remise en concurrence préalable des titulaires, selon des modalités expressément prévues par le marché. / Les bons de commande sont des documents écrits adressés aux titulaires du marché. Ils précisent celles des prestations, décrites dans le marché, dont l'exécution est demandée et en déterminent la quantité. / ... / III. - Pour des besoins occasionnels de faible montant, le pouvoir adjudicateur peut s'adresser à un prestataire autre que le ou les titulaires du marché, pour autant que le montant cumulé de tels achats ne dépasse pas 1 % du montant total du marché, ni la somme de 10 000 euros HT. Le recours à cette possibilité ne dispense pas le pouvoir adjudicateur de respecter son engagement de passer des commandes à hauteur du montant minimum du marché lorsque celui-ci est prévu. ".

18. Si le titulaire d'un marché dont le droit d'exclusivité a été méconnu peut prétendre à être indemnisé de la perte du bénéfice net dont il a été privé, il lui appartient d'établir la réalité de ce préjudice. Dans le cas d'un marché à bons de commande dont les documents contractuels prévoient un minimum en valeur ou en quantité, le manque à gagner ne revêt un caractère certain qu'en ce qu'il porte sur ce minimum garanti.

19. Si la société Sud Pronet soutient qu'une entreprise tierce a été sollicitée directement par l'Office public de l'habitat du Gard à compter du 1er septembre 2016, sans qu'aucun bon de travaux ne lui ait été préalablement adressé et que sa défaillance n'ait été constatée, au mépris du droit d'exclusivité dont elle disposait en application du marché qui liait les parties, elle ne saurait en tout état de cause prétendre avoir subi un préjudice certain de ce fait, dès lors qu'il n'est pas contesté que le montant minimum en valeur du marché dont elle était titulaire, garanti par les pièces contractuelles au titre de la période du 1er novembre 2015 au 31 octobre 2016, avait d'ores et déjà été atteint à cette date et que, faute d'indiquer le montant de ses charges, elle ne peut prétendre à l'existence d'un manque à gagner.

20. Il résulte de tout ce qui précède que la société Sud Pronet n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa requête, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur sa recevabilité.

Sur les conclusions à fin d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Office public de l'habitat du Gard qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société Sud Pronet demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Sud Pronet une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par l'Office public de l'habitat du Gard et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Sud Pronet est rejetée.

Article 2 : Il est mis à la charge de la SARL Sud Pronet une somme de 2 000 euros au profit d'Habitat du Gard, Office public de l'habitat, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Sud Pronet et à Habitat du Gard, Office public de l'habitat.

Délibéré après l'audience du 7 mars 2022, où siégeaient :

- M. Guy Fédou, président,

- M. A... Taormina, président assesseur,

- M. François Point, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 mars 2022.

N° 19MA03708 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA03708
Date de la décision : 21/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05 Marchés et contrats administratifs. - Exécution financière du contrat.


Composition du Tribunal
Président : M. FEDOU
Rapporteur ?: M. Gilles TAORMINA
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : CABINET GOUTAL, ALIBERT et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-03-21;19ma03708 ?
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