La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/03/2022 | FRANCE | N°20MA02036

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 22 mars 2022, 20MA02036


Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

Par une requête enregistrée sous le n° 1803283, M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la chambre de commerce et d'industrie de l'Aude à lui verser la somme de 390 215,77 euros avec intérêts au taux légal à compter du

17 mai 2018, d'ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir, et de mettre à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de l'Aude la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administ

rative.

Par un jugement n° 1803283 du 7 février 2020, le tribunal administratif ...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

Par une requête enregistrée sous le n° 1803283, M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la chambre de commerce et d'industrie de l'Aude à lui verser la somme de 390 215,77 euros avec intérêts au taux légal à compter du

17 mai 2018, d'ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir, et de mettre à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de l'Aude la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1803283 du 7 février 2020, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête.

Par une requête enregistrée sous le n° 1805402, M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la chambre de commerce et d'industrie de la région Occitanie à lui verser la somme de 390 215,77 euros avec intérêts au taux légal à compter du 9 juillet 2018, d'ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir, et de mettre à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de la région Occitanie la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1805402 du 7 février 2020, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête.

Procédures devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée sous le n° 20MA03036 le 19 juin 2020, et deux mémoires présentés le 3 décembre 2020 et le 19 janvier 2021, M. A... B..., représenté par la SELARL Gilles Vaissière, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1803283 du 7 février 2020 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler la décision du 11 mai 2018 de la chambre de commerce et d'industrie de l'Aude qui rejette sa demande indemnitaire préalable ;

3°) de condamner la chambre de commerce et d'industrie de l'Aude à lui verser la somme de 390 215,77 euros ;

4°) de mettre à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de l'Aude la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'il est victime de harcèlement moral.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 9 octobre et 17 novembre 2020, la chambre de commerce et d'industrie de l'Aude, représentée par Me Cambon, conclut au rejet de la requête et, en outre, à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de M. B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir à titre principal que la requête est irrecevable faute de liaison du contentieux, et à titre subsidiaire, que les moyens du requérant ne sont pas fondés, outre qu'il y a lieu en tout état de cause de ramener les réparations à de plus justes proportions.

Une ordonnance du 10 décembre 2020 a fixé la clôture de l'instruction au

19 février 2020 à 12 heures.

Un mémoire présenté le 18 février 2021 pour la chambre de commerce et d'industrie de l'Aude n'a pas été communiqué.

II. Par une requête, enregistrée sous le n° 20MA03037 le 19 juin 2020, et deux mémoires présentés les 15 avril et 13 juillet 2021, M. A... B..., représenté par la

SELARL Gilles Vaissière, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1805402 du 7 février 2020 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler la décision du 10 septembre 2018 de la chambre de commerce et d'industrie de la région Occitanie qui rejette sa demande indemnitaire préalable ;

3°) de condamner la chambre de commerce et d'industrie de la région Occitanie à lui verser la somme de 390 215,77 euros ;

4°) de mettre à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de la région Occitanie la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'il est victime de harcèlement moral.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 16 mars et 1er juin 2021, la chambre de commerce et d'industrie de la région Occitanie, représentée par Me Cambon, conclut au rejet de la requête et, en outre, à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de M. B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir à titre principal que la requête est irrecevable faute de liaison du contentieux et pour tardiveté, et à titre subsidiaire, que les moyens du requérant ne sont pas fondés, outre qu'il y a lieu en tout état de cause de ramener les réparations à de plus justes proportions.

Une ordonnance du 25 juin 2021 a fixé la clôture de l'instruction au 16 juillet 2021 à

12 heures.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 ;

- la loi n° 2010-853 du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l'artisanat et aux services ;

- le décret n° 2016-464 du 14 avril 2016 portant création de la chambre de commerce et d'industrie de l'Aude ;

- l'arrêté interministériel du 25 juillet 1997 relatif au statut du personnel de l'assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie, des chambres régionales de commerce et d'industrie et des groupements inter-consulaires ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Ury,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de Me Cambon, représentant la chambre de commerce et d'industrie de l'Aude et la chambre de commerce et d'industrie de la région Occitanie.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes susvisées n° 20MA02036 et 20MA02037, présentées par M. B..., concernent la situation d'un même agent et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur le bien-fondé des jugements attaqués :

2. M. B... a été recruté par la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Carcassonne-Limoux-Castelnaudary sur un poste de directeur de service, à compter du

1er août 2008. En vertu du décret du 14 avril 2016 portant création de la chambre de commerce et d'industrie de l'Aude , il a été créée une chambre de commerce et d'industrie territoriale dénommée " chambre de commerce et d'industrie territoriale de l'Aude ", rattachée à la chambre de commerce et d'industrie de région Languedoc-Roussillon Midi-Pyrénées, laquelle CCI de l'Aude a pris en charge les services gérés par les chambres de commerce et d'industrie territoriales de Carcassonne et de Narbonne, Lézignan-Corbières et Port-la-Nouvelle, dont les biens immobiliers et mobiliers, les contrats, les créances, ainsi que les droits et obligations lui ont été transférés. M. B... a occupé à compter du 18 janvier 2017 le poste de " directeur CCI de demain " auprès de la CCI de l'Aude. Il relève appel du jugement du 7 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête tendant à faire condamner la CCI de l'Aude à lui verser la somme de 390 215,77 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi à cause du harcèlement moral dont il se dit victime. Il relève également appel du jugement du 7 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête tendant à faire condamner la CCI de la région Occitanie à lui verser la somme de 390 215,77 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi à raison de faits de harcèlements moral dont il se dit victime.

3. Indépendamment des dispositions de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, qui ne s'appliquent pas au personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie régi par un statut établi en vertu de l'article 1er de la loi du 10 décembre 1952 susvisée, aucun agent public ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

4. Il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'administration auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. Pour être qualifiés de harcèlement moral, ces agissements doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Dès lors qu'elle n'excède pas ces limites, une simple diminution des attributions justifiée par l'intérêt du service, en raison d'une manière de servir inadéquate ou de difficultés relationnelles, n'est pas constitutive de harcèlement moral.

5. Premièrement, le requérant se plaint de ce que, dès le mois d'avril 2016, il a ressenti une angoisse liée à la possible suppression de son poste due à la mise en place à compter du

1er janvier 2017 de la nouvelle CCI de l'Aude, et à l'absence d'information de la part de sa direction générale sur son devenir. Cependant, il est constant que la réorganisation des services qui a entraîné la suppression du poste de directeur de l'appui et développement des entreprises et des territoires à la CCI de Carcassonne-Limoux-Castelnaudary occupé par M. B..., a été engagée sur les fondements de la loi du 22 juillet 2010, et du décret du 14 avril 2016 portant création de la chambre de commerce et d'industrie territoriale de l'Aude. En outre, et en tout état de cause, il n'est pas contesté que le président de la CCI avait annoncé l'absence de licenciements en raison de cette opération. Ainsi, cette situation qui concerne l'ensemble des personnels et résulte d'une réorganisation générale de la CCI concernée ne peut être regardée comme susceptible de faire présumer l'existence de faits de harcèlement moral.

6. Deuxièmement, il résulte de l'instruction que la suppression du poste de M. B... a été prise en compte dans la réorganisation de l'organigramme de direction puisque l'intéressé a été nommé " directeur CCI de demain ". La circonstance que le directeur général lui ait laissé la latitude de rédiger la fiche du poste de directeur " CCI de demain ", poste à créer, qui avait été évoqué dans un entretien sur son avenir, n'est pas en soi de nature à révéler un fait constitutif de harcèlement moral. Il est constant qu'en réponse à l'appel de candidatures du 1er décembre 2016 sur la fiche de poste élaborée par la CCI, M. B... a accepté le 18 janvier 2017 ce poste de directeur " CCI de demain " et il ne fait état d'aucune pression véritable l'ayant conduit à se porter candidat. Ainsi, il n'est pas fondé à soutenir que, face à un possible licenciement, il a été contraint d'occuper un poste de directeur pour la mission " CCI de demain ", et qu'il a été victime d'un chantage à l'emploi.

7. Troisièmement, la circonstance que le poste de directeur " CCI de demain " ne soit pas intitulé " directeur délégué " comme dans les précédentes fonctions de M. B..., n'est pas révélatrice d'une volonté de dénigrement, dès lors qu'il est constant que ce changement de poste n'a pas entrainé pour l'intéressé une dégradation de sa situation pécuniaire, ou une modification de ses garanties de carrière, et que les nouvelles missions qui lui ont été assignées relèvent de celles qui peuvent lui être confiées en qualité de directeur classé au niveau 8. Par suite, ce changement au sein de son administration ne saurait être assimilé à une modification significative de sa situation antérieure, ou à une discrimination déguisée.

8. Quatrièmement, il résulte de l'instruction qu'à son nouveau poste de directeur,

M. B... devait impulser une dynamique d'insertion de sa structure au sein du réseau des CCI de demain caractérisées comme " connectées, collaboratives et agiles ". Ainsi, il a participé à ce titre à un séminaire à Barcelone les 24 et 25 février 2017, et il était notamment chargé du déploiement de la plateforme CCI Store, et de l'animation au niveau local des propositions du réseau national auprès des élus et des permanents. Si ces missions étaient évolutives et nécessitaient d'élaborer une stratégie à parfaire constamment dans un contexte de réforme, elles n'étaient pas dénuées de substance, contrairement à ce qu'il soutient. Par ailleurs, il a bénéficié dès sa prise de fonction du bureau de l'ancien directeur général de la CCI de Carcassonne et d'avantages matériels divers tels qu'un téléphone portable et un ordinateur portable. S'il soutient que ses conditions de travail ont été dégradées au motif qu'en décembre 2017 son bureau a été déplacé, M. B... qui a été placé en congé maladie du 6 avril 2017 et qui n'a pas repris ses fonctions jusqu'à la date de sa mise à la retraite, n'a subi directement aucune conséquence du désagrément qu'il invoque. Ainsi, il n'est pas fondé à soutenir que ce changement de local avait pour objet de le dénigrer.

9. Cinquièmement, il résulte de l'instruction que, dès la réception d'un mèl du

30 mars 2017 de M. B... à sa direction générale exprimant sa désorientation s'agissant de l'exercice de ses fonctions de " directeur CCI de demain ", il a bénéficié d'un entretien le

5 avril 2017 destiné à écouter ses doléances et, comme il vient d'être dit, a été placé en congé de maladie dès le lendemain jusqu'au 1er avril 2018, date de sa mise à la retraite. Dans ces conditions, si M. B... a connu une détresse au travail, il n'établit pas que la dégradation de son état de santé soit en lien direct et certain avec des fautes commises par son employeur.

10. Il résulte de tout ce qui précède que les éléments de fait produits par M. B... ne permettent pas de faire présumer l'existence d'agissements constitutifs d'un harcèlement moral à son encontre. Dès lors, le requérant n'est pas fondé à demander la condamnation de la CCI de l'Aude et de la CCI de la Région Occitanie à lui verser une indemnité réparant les préjudices correspondants au harcèlement allégué. Par voie de conséquence, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par les défenderesses, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses requêtes tendant à la réparation des préjudices subis du fait des humiliations invoquées dans l'exercice de ses fonctions.

Sur les frais liés aux litiges :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la CCI de l'Aude et de la CCI de la région Occitanie, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, les sommes que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

12. Dans les circonstances de l'espèce, il y lieu de faire droit aux conclusions présentées par la CCI de l'Aude et la CCI de la région Occitanie sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, en portant à la charge de M. B... la somme de 500 euros à verser à chacune d'elles.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de M. B... sont rejetées.

Article 2 : M. B... versera à la chambre de commerce et d'industrie de l'Aude la somme de 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : M. B... versera à la chambre de commerce et d'industrie de la région Occitanie la somme de 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à la chambre de commerce et d'industrie de l'Aude, à la chambre de commerce et d'industrie de la région Occitanie et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 8 mars 2022, où siégeaient :

- M. Badie, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Ury, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 mars 2022.

N° 20MA02036, 20MA020372


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA02036
Date de la décision : 22/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. - Contentieux de la fonction publique. - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Didier URY
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : SELARL CIRERA - VAISSIERE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-03-22;20ma02036 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award