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28/04/2022 | FRANCE | N°21MA03988

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 28 avril 2022, 21MA03988


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 22 février 2021 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2101317 du 26 mai 2021, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 24 septembre 2021, M. B..., représ

enté par Me Rossler, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 22 février 2021 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2101317 du 26 mai 2021, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 24 septembre 2021, M. B..., représenté par Me Rossler, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention vie privée et familiale dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans les mêmes conditions ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour ne pouvait légalement reposer sur les dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les premiers juges ne pouvaient substituer à ces dispositions les stipulations de l'article 6-5° de l'accord franco-algérien qui n'ont pas le même objet et dont l'application ne donne pas les mêmes garanties procédurales ;

- le préfet ne pouvait refuser de l'admettre au séjour et l'obliger à quitter le territoire dès lors qu'il remplit les conditions fixées à l'article 6-1° de l'accord franco-algérien pour obtenir un certificat de résidence de plein droit ;

- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 6-5° de l'accord franco-algérien ;

- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice par le préfet de son pouvoir de régularisation exceptionnelle.

La procédure a été régulièrement communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 septembre 2021 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. d'Izarn de Villefort a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Précédemment détenteur d'autorisations provisoires de séjour depuis 2015, M. B..., ressortissant algérien, a déposé, le 8 juin 2016, une demande de changement de statut en vue d'obtenir un titre de séjour en qualité de salarié, puis, le 10 septembre 2018, une demande en qualité de parent accompagnant un enfant malade et enfin, le 26 décembre 2019, une demande fondée sur la vie privée et familiale. Par un jugement du 1er juillet 2020, le tribunal administratif de Nice a annulé la décision du 30 avril 2019 par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande d'admission au séjour présentée en qualité de parent accompagnant un enfant malade au motif que l'administration l'avait analysée comme une demande présentée en qualité d'étranger malade. Par un arrêté du 22 février 2021, le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté ces trois demandes de titre de séjour présentées par M. B..., l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. L'intéressé relève appel du jugement du 26 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / 1) au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant (...) 5° Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. En premier lieu, il est constant que M. B... est entré pour la première fois en France en décembre 2009 et a demandé un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, le 31 décembre 2009. Il peut être tenu pour établi qu'il s'est maintenu sur le territoire français jusqu'au 2 juillet 2013, date à laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a repris à son encontre un arrêté portant obligation de quitter le territoire français, à la suite de l'annulation, par jugement du tribunal administratif de Nice n° 1002749 du 13 octobre 2010, de l'arrêté pris à son encontre le 24 juin 2010. Il est également constant qu'il a déposé, de nouveau, auprès des services de la préfecture une demande de titre de séjour, toujours sur le fondement du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, le 9 septembre 2015. Toutefois, pour justifier qu'il n'a pas déféré à l'obligation de quitter le territoire français du 2 juillet 2013 et qu'il s'est maintenu sur le territoire français entre cette date et le 9 septembre 2015, le requérant se borne à produire deux relevés bancaires incomplets de juillet et d'août 2014, une attestation du centre d'accueil, de soins et d'orientation de Médecins du Monde indiquant qu'il s'est présenté le 28 juillet 2015 ainsi qu'un compte-rendu d'imagerie médicale daté du 27 novembre 2013 dépourvu de toute valeur probante. Ces éléments sont insuffisants à établir qu'en dépit de l'obligation de quitter le territoire français dont il faisait l'objet, M. B... s'est effectivement maintenu sur le territoire français durant cette période de plus de deux ans et qu'ainsi, à la date de l'arrêté attaqué, il justifiait effectivement d'une résidence continue en France depuis plus de dix ans. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir qu'il pouvait prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour, sur le fondement du 1° de l'article 6 de l'accord franco-algérien.

4. En deuxième lieu, il est constant que M. B... avait notamment présenté sa demande, sur le fondement de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui prévoit la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour au bénéfice des parents d'un enfant mineur si l'état de santé de ce dernier nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Or, ces dispositions ne sont pas applicables aux ressortissants algériens dont la situation est entièrement régie par les stipulations de l'accord franco- algérien du 27 décembre 1968 précité, lesquelles ne prévoient pas la délivrance de plein droit d'un titre de séjour dans les conditions ainsi définies, étant précisé que, sur le fondement des stipulations précitées du 5° de l'article 6 de cet accord, il appartient au préfet de prendre en compte, le cas échéant, au titre des liens familiaux de l'intéressé, la circonstance que l'état de santé de son enfant mineur requiert sa prise en charge médicale en France. Si l'arrêté attaqué vise à tort les dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile tout en précisant néanmoins que " l'accord franco-algérien prévoit l'octroi d'un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " aux parents d'enfant malade (sur le fondement de l'article 6.5° accord franco-algérien, art. 8 Convention européenne de sauvegarde des libertés fondamentales et des droits de l'homme et l'article 3.1 convention internationale relative aux droits de l'enfant) ", le requérant ne peut, en tout état de cause, utilement se prévaloir de l'erreur de droit ainsi commise par le préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pu que lui être favorable, dès lors, en particulier, qu'il a bénéficié de la garantie que représente la consultation du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration pour apprécier l'état de santé de son enfant.

5. En troisième lieu, si M. B... a épousé en France une compatriote le 6 septembre 2016 et que deux enfants sont nés de cette union le 6 août 2016 et le 10 juillet 2018, son épouse est elle-même en situation irrégulière sur le territoire français et, eu égard à leur âge et à leur niveau de scolarisation, ses enfants ne peuvent être regardés comme ayant eux-mêmes noué des liens en France qui s'opposeraient à ce qu'ils rejoignent l'Algérie avec leurs parents. En outre, M. B... a déclaré que ses parents et ses six frères et sœurs résident en Algérie. Enfin, s'il occupe un emploi salarié sans détenir d'autorisation de travail, il ne justifie pas d'une insertion sociale ou professionnelle significative.

6. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a, le 11 janvier 2019, émis un avis défavorable à la demande de titre de séjour déposée par le requérant au motif que, si l'état de sante´ de sa fille nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravite´, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays dont celle-ci est originaire, elle pouvait y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, son état de santé lui permettant par ailleurs de voyager sans risque vers son pays d'origine. La fille cadette de M. B... est atteinte de trisomie 21, nécessitant un suivi médical et des séances de rééducation hebdomadaires en orthophonie, kinésithérapie et psychomotricité notamment. Le requérant ne conteste pas que sa fille peut bénéficier d'un suivi approprié en Algérie, quand bien même celui-ci ne présenterait pas un caractère multidisciplinaire.

7. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs pour lesquels il a été pris. Dès lors, doivent être écartés les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et d'une erreur manifeste commise par le préfet dans l'appréciation des conséquences de l'arrêté attaqué sur sa situation personnelle et celle de sa fille.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Rossler et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 7 avril 2022, où siégeaient :

- Mme Helmlinger, présidente de la Cour,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Quenette, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 avril 2022.

N° 21MA03988 2

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21MA03988
Date de la décision : 28/04/2022
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur ?: M. Philippe D'IZARN DE VILLEFORT
Rapporteur public ?: Mme GOUGOT
Avocat(s) : ROSSLER

Origine de la décision
Date de l'import : 10/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-04-28;21ma03988 ?
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