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05/05/2022 | FRANCE | N°20MA03224

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 05 mai 2022, 20MA03224


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... épouse E... et M. D... E... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner, à titre principal, le centre hospitalier de Bagnols-sur-Cèze et, à titre subsidiaire, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux et des affections iatrogènes (ONIAM) à réparer les conséquences dommageables de la prise en charge de Mme A... à compter du 6 juillet 2010 en lui versant la somme de 383 564,61 euros et à M. E... la somme de 15 000 euros avec intérêts à compter de la réce

ption de la demande préalable le 1er février 2018 et capitalisation des intérêt...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... épouse E... et M. D... E... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner, à titre principal, le centre hospitalier de Bagnols-sur-Cèze et, à titre subsidiaire, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux et des affections iatrogènes (ONIAM) à réparer les conséquences dommageables de la prise en charge de Mme A... à compter du 6 juillet 2010 en lui versant la somme de 383 564,61 euros et à M. E... la somme de 15 000 euros avec intérêts à compter de la réception de la demande préalable le 1er février 2018 et capitalisation des intérêts.

Par un jugement n° 1801156 du 26 juin 2020, le tribunal administratif de Nîmes a condamné l'ONIAM à payer à Mme A... une somme de 281 253 euros assortie des intérêts à compter du 1er février 2018 et de la capitalisation des intérêts à compter du 1er février 2019.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 25 août 2020 et le 30 juillet 2021, Mme A... épouse E... et M. D... E..., représentés par Me Georges Maury et Me Antoine Maury, demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif en tant qu'il a refusé d'indemniser les pertes de gains professionnels subies par Mme A... entre le 19 janvier 2016 et le 30 septembre 2019 ;

2°) de condamner l'ONIAM à payer à Mme A..., au titre de la perte de gains professionnels subie au cours de la période du 19 janvier 2016 et le 30 septembre 2019, la somme de 30 910,70 euros ;

3°) de rejeter les conclusions incidentes de l'ONIAM et, dans l'hypothèse où la Cour les accueillerait, ils soumettent au juge d'appel leur recours indemnitaire initial ;

4°) de mettre à la charge de l'ONIAM le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le tribunal a opéré un renversement de la charge de la preuve en exigeant de Mme A... la production d'une preuve négative ;

- le tribunal ne pouvait lui reprocher de ne pas justifier l'absence de perception de prestations telles l'allocation temporaire d'invalidité dès lors que cette allocation est réservée, aux termes de l'article L. 417-8 du code des communes, aux agents atteints d'une invalidité résultant d'un accident de service et non, d'un accident médical non fautif ;

- l'attestation du directeur général de la caisse des dépôts et consignations du 23 juillet 2020 certifie de l'absence de versement de l'allocation temporaire d'invalidité ;

- les conclusions incidentes de l'ONIAM, qui tendant à obtenir la réformation de l'intégralité du jugement, sont irrecevables dès lors qu'elles soulèvent un litige différent de celui de l'appel principal alors que le délai d'appel est expiré ; au surplus, l'ONIAM s'est abstenu dans son mémoire " titré mémoire en défense " d'indiquer qu'il entendait former un recours incident ;

- la responsabilité du centre hospitalier de Bagnols-sur-Cèze est engagée en raison d'un défaut d'information des complications du geste chirurgical réalisé à l'origine d'un préjudice d'impréparation ;

- elle est également engagée du fait de la maladresse commise pendant l'acte chirurgical ayant consisté en " un twist à 360 degrés " du grêle terminal ;

- la prise en charge hospitalière post-opératoire, insuffisante, engage la responsabilité du centre hospitalier ;

- si l'obligation d'indemnisation incombant au centre hospitalier ne devait pas être pleine et entière, l'établissement de soins, eu égard au défaut d'information et à l'insuffisance du suivi post-opératoire, doit réparer la perte de chance subie par Mme A..., d'une part, de se soustraire à la chirurgie dont s'agit et, d'autre part, de voir les conséquences dommageables amoindries par une prise en charge de la complication plus précoce et qui ne saurait être inférieure à 75 % ;

- les conditions d'une indemnisation au titre de la solidarité nationale sont remplies, ainsi que l'a jugé le tribunal ;

- au titre du préjudice d'impréparation, Mme A... est fondée à obtenir du centre hospitalier une indemnité de 15 000 euros ;

- elle a subi des pertes de gains professionnels pour la période du 31 mai 2011 au 24 janvier 2016 à hauteur de 9 695,82 euros ;

- ses besoins d'assistance par une tierce personne à raison de deux heures quotidiennes doivent être indemnisés à hauteur de 8 432 euros au titre de la période du 13 juillet au 13 octobre 2010, de la période du 24 mars au 24 juin 2015 et de la période du 29 août au 29 octobre 2015 ;

- le déficit fonctionnel temporaire total subi pendant 16 jours et partiel à hauteur de 50 % sur 1 741 jours puis à hauteur de 25 % sur 206 jours sera indemnisé par une somme totale de 23 450 euros ;

- les souffrances endurées, au cours de la période du 6 juillet 2010 au 24 janvier 2016, de 4/7 seront réparées par une indemnité de 16 000 euros et le préjudice esthétique de 1/7 par une indemnité de 1 000 euros ;

- ses pertes de gains professionnels futurs s'établissent, pour la période du 19 janvier 2016 au 30 septembre 2019, à la somme de 30 910,70 euros ; celles de la période du 1er octobre 2019 au 8 août 2029 à la somme de 93 431 euros eu égard au coefficient de capitalisation 2020 de 9,672 et, à partir de cette date du 8 août 2029, à la somme de 105 255 euros eu égard au coefficient de capitalisation 2020 de 24,191 ;

- l'incidence professionnelle justifie l'octroi d'une somme de 15 000 euros ;

- le déficit fonctionnel permanent de 25 %, eu égard à son âge à la date de la consolidation de son état de santé, sera réparé par une somme de 50 000 euros ;

- une somme de 1 000 euros indemnisera son préjudice esthétique de 1/7, une somme de 15 000 euros réparera son préjudice d'agrément et une somme du même montant son préjudice sexuel ;

- M. E... subit un préjudice moral qu'il y a lieu d'indemniser à hauteur de 15 000 euros, montant à la seule charge du centre hospitalier de Bagnols-sur-Cèze ;

- ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 1er février 2019 avec anatocisme à compter du 1er février 2019.

Par des mémoires en défense enregistrés les 23 juin et 8 septembre 2021, le centre hospitalier de Bagnols-sur-Cèze conclut à ce que la Cour prononce sa mise hors de cause.

Il soutient que :

- par sa requête d'appel, Mme A... ne conteste pas le jugement en tant que sa responsabilité n'a pas été engagée ; en tout état de cause, ainsi que l'a jugé le tribunal, il n'a commis aucun manquement ;

- les conclusions dirigées à son encontre dans le mémoire en réplique sont irrecevables dès lors que dans le délai d'appel, elle a contesté le jugement en tant seulement que le tribunal a rejeté sa demande d'indemnisation de sa perte de gains professionnels ;

- en tout état de cause, ses conclusions ne sont pas fondées dès lors que l'appelante a été informée des risques liés à l'intervention qu'elle a subie, que l'intervention a été réalisée sans aucun manquement et que la prise en charge post-opératoire a été conforme aux règles de l'art.

Par des mémoires en défense enregistrés les 28 juin et 2 septembre 2021, l'ONIAM demande à la Cour :

1°) d'écarter la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de son appel incident ;

2°) d'annuler le jugement attaqué ;

3°) de prononcer sa mise hors de cause en l'absence d'accident médical non fautif ;

4°) de rejeter toute autre demande formée à son encontre.

Il soutient que :

- son appel incident, non enfermé dans le délai d'appel principal, est recevable ;

- les quatre conditions cumulatives de son intervention au titre de la solidarité nationale prévue à l'article L. 1142-1 du code de la santé publique n'étant pas réunies, le jugement encourt l'annulation ;

- il n'y a pas eu d'accident médical, les troubles dont souffre Mme E... résultent du principe même de la colectomie sub-totale et non d'une complication ;

- la symptomatologie de l'appelante est consécutive à un mauvais résultat fonctionnel de la chirurgie laquelle n'a pas eu l'effet escompté ;

- le dommage indemnisable ne peut être celui qui résulte de l'état antérieur du patient.

La requête a été communiquée le 4 septembre 2020 à la caisse primaire d'assurance maladie du Gard, à la caisse d'assurance maladie de l'Hérault, à la commune de Pont-Saint-Esprit et à la caisse nationale des retraites des agents des collectivités locales qui n'ont pas produit de mémoire.

Par ordonnance du 4 octobre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 octobre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F...,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,

- et les observations de Me Maury, représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., qui souffrait depuis l'adolescence d'un dolichocôlon symptomatique à l'origine de ballonnements, douleurs abdominales et constipation sévère, a subi une colectomie subtotale avec anastomose ileo-rectale le 6 juillet 2010 au centre hospitalier de Bagnols-sur-Cèze qui a nécessité, eu égard aux séquelles douloureuses et fonctionnelles à type de diarrhées pluriquotidiennes, une reprise chirurgicale le 16 mars 2015 au centre hospitalier d'Orange. Les suites de cette deuxième intervention ayant été marquées par une éventration de la paroi abdominale antérieure, une seconde reprise chirurgicale a été réalisée avec mise en place d'une prothèse. Imputant l'ensemble de ses séquelles et complications aux conditions de réalisation de l'intervention du 6 juillet 2010, Mme A... a saisi la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux de Languedoc-Roussillon, laquelle a désigné un expert en chirurgie digestive qui a remis son rapport le 16 mars 2016 et un complément d'expertise le 12 octobre suivant. Par un avis du 20 février 2017, cette commission a, d'une part, qualifié les complications des interventions des 6 juillet 2010 et 16 mars 2015 d'accident médical non fautif et estimé, en conséquence, que la responsabilité des centres hospitaliers de Bagnols-sur-Cèze et d'Orange n'était pas engagée et, d'autre part, que les conditions d'indemnisation au titre de la solidarité nationale n'étaient pas remplies en l'absence d'anormalité du dommage. En l'absence de réponse aux demandes préalables présentées le 1er février 2018, Mme A... et son époux ont sollicité la réparation de leurs préjudices, à titre principal, par le centre hospitalier de Bagnols-sur-Cèze et, à titre subsidiaire, par l'ONIAM.

2. Par un jugement du 26 juin 2020, le tribunal administratif de Nîmes a condamné l'ONIAM à payer à Mme A... des indemnités d'un montant de 281 253 euros assorties des intérêts à compter du 1er février 2018 et de la capitalisation des intérêts à compter du 1er février 2019. Mme A... relève appel de ce jugement en tant que, par celui-ci, les premiers juges ont refusé d'indemniser les pertes de gains professionnels qu'elle a subies au cours de la période du 19 janvier 2016 au 30 septembre 2019, d'un montant qu'elle évalue à 30 910,70 euros. L'ONIAM, pour sa part, demande l'annulation de ce jugement et le centre hospitalier de Bagnols-sur-Céze conclut à sa mise hors de cause. En réplique aux écritures de l'ONIAM, Mme A... et M. E... concluent au rejet les conclusions incidentes de l'ONIAM et, dans l'hypothèse où la Cour les accueillerait, ils " soumettent au juge d'appel leur recours indemnitaire initial ".

Sur l'engagement de la solidarité nationale :

3. Il résulte des dispositions combinées du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique et de l'article D. 1142-1 du même code que l'ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation des dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la double condition qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état et que leur gravité excède le seuil défini à l'article D. 1142-1. La condition d'anormalité du dommage prévue par ces dispositions doit notamment être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement.

4. Contrairement à ce qui est soutenu, le tribunal a pu à bon droit, au point 4 de son jugement, se fonder sur les correspondances des 11 et 17 juin 2010 relatant les termes des consultations préopératoires pour en conclure que Mme A... avait reçu une information suffisante sur les risques liés à l'intervention qu'elle a subie le 6 juillet 2010, alors même que ces correspondances avaient été rédigées à l'intention du chirurgien qui l'a opérée, la preuve de l'obligation d'information d'un patient pouvant être apportée par tout moyen.

5. De même, contrairement à ce qui est allégué, les premiers juges ont pu écarter à bon droit, au point 6 de leur décision, qui est suffisamment motivé, toute faute commise par le centre hospitalier de Bagnols-sur-Cèze dans l'exécution de l'acte chirurgical réalisé le 6 juillet 2010 eu égard à la technicité du geste chirurgical et aux précautions prises lors de sa réalisation.

6. Enfin, l'insuffisance de suivi post-opératoire par le centre hospitalier de Bagnols-sur-Cèze n'est pas démontré par la seule circonstance que le tribunal a statué " en contradiction de l'avis de l'expert " alors qu'au point 7 de leur jugement, les premiers juges ont exposé les motifs pour lesquels ils ont estimé que Mme A... n'était pas fondée à reprocher à cet établissement une insuffisance de suivi post-opératoire après avoir rappelé que l'expert, s'il avait relevé dans son rapport initial l'absence de demande d'avis supplémentaire dans la période post-opératoire 2010-2015, avait concédé que la symptomatologie qu'elle présentait alors était compatible avec les complications post opératoires observées dans 14% des cas et que les examens qu'elle avait subis 3 mois après l'intervention étaient normaux. En tout état de cause, le fait que Mme A... a consulté " le docteur B... consécutivement à son geste " n'est pas de nature à établir un quelconque manquement dans sa prise en charge post-opératoire.

7. Il ne résulte pas, par ailleurs, de l'instruction que la responsabilité d'un autre établissement, professionnel, service ou organisme de soin ou d'un producteur de produits serait, à cet égard, davantage engagée.

8. Ainsi également que l'a jugé le tribunal, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport du 16 mars 2016 complété le 12 octobre suivant de l'expertise diligentée devant la CCI de Languedoc-Roussillon que, d'une part, l'intervention de colectomie subtotale du 6 juillet 2010 a été marquée par la réalisation non fautive d'une malfaçon dans l'anastomose ileo-rectale à l'origine d'une stase digestive et de troubles du transit sévères nécessitant une intervention de reprise chirurgicale le 16 mars 2015, elle-même suivie d'une complication non fautive d'éventration justifiant une intervention de reprise le 24 août 2015, d'autre part, que c'est au regard de l'ensemble des conséquences cumulées des deux complications subies par Mme A... que les conditions de gravité et anormalité prévues par l'article L. 1142-1 du code de la santé publique doivent être examinées et, enfin, que l'intéressée conserve un déficit fonctionnel permanent évalué à 25% depuis la date de consolidation de son état de santé, acquise le 24 janvier 2016, l'ensemble des préjudices qu'elle présentait étant en rapport avec l'opération initiale de colectomie subtotale sans laquelle les complications non fautives successives ne seraient pas survenues. En outre, par la production de la note médicale du 23 juin 2021 de l'un de ses chirurgiens référents rappelant les mauvais résultats, d'au moins 14 %, de ce type d'intervention, l'ONIAM ne démontre pas que la " malfaçon anastomotique " au niveau de l'anastomose ileo-rectale révélée par l'examen " TDM abdomino-pelvien " le 13 février 2015 mettant en évidence " une image d'enroulement en région anastomotique termino-latérale " et traitée lors de la reprise chirurgicale réalisée le 16 mars 2015 par un déroulé " de la totalité de l'intestin grêle jusqu'à l'anastomose iléo-sigmoïdienne " est consécutive à un mauvais résultat fonctionnel connu et documenté. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé, par les points 9 à 15 de leur jugement dont il convient d'adopter les motifs, que les préjudices subis par Mme A... remplissaient les conditions pour être indemnisés au titre de la solidarité nationale.

Sur les préjudices de Mme A... :

En ce qui concerne le préjudice d'impréparation :

9. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 33 du jugement attaqué, que l'appelante ne conteste pas utilement en se bornant à soutenir que " l'inexistence de la délivrance d'une information préopératoire exhaustive, notamment au titre des risques de troubles permanents du transit, est à l'origine d'un préjudice d'impréparation ", de rejeter la demande tendant à la réparation de ce chef de préjudice de Mme A....

En ce qui concerne les préjudices temporaires à caractère patrimonial :

10. En premier lieu, dès lors que Mme A... n'apporte en appel aucun élément nouveau ou déterminant au soutien de ses prétentions concernant le préjudice lié à la perte alléguée de gains professionnels subie au cours de la période du 31 mai 2011 au 24 janvier 2016, il y a lieu d'écarter ce chef de préjudice par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 16 de leur jugement.

11. En second lieu, la demande de Mme A... relative à l'indemnisation de l'assistance d'une tierce personne deux heures par jour au cours des semaines suivant son retour à domicile à la suite de ses trois séjours hospitaliers, doivent être rejetées par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 17 de leur jugement, dès lors que l'appelante, d'une part, reprend, sans apporter d'élément nouveau, l'argumentation soumise à ceux-ci et, d'autre part, ne conteste pas les raisons pour lesquelles le tribunal a réduit à 190 au lieu des 248 demandés, le nombre de jours nécessitant le besoin d'une telle assistance.

En ce qui concerne les préjudices temporaires à caractère personnel :

12. En premier lieu, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 18 du jugement attaqué, que Mme A... ne conteste pas utilement en se bornant à reproduire devant la Cour son argumentation de première instance, sans même exposer les raisons pour lesquelles le tribunal aurait, à tort, limité à 25 % le taux du déficit fonctionnel pour la période du 6 septembre 2010 au 13 mars 2015, de rejeter la demande relative à l'indemnisation des périodes de déficit fonctionnel temporaire total et partiel de 50% puis de 25%.

13. En deuxième lieu, les prétentions réitérées de Mme A... tendant à obtenir la réparation des souffrances qu'elle a endurées, évaluées à 4/7 par l'expert, doivent être rejetées par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 19 de leur jugement, dès lors que l'appelante reprend, sans apporter d'élément nouveau ou déterminant, l'argumentation soumise à ceux-ci.

14. En troisième lieu, si Mme A... soutient que son préjudice esthétique temporaire sera justement réparé par une somme de 1 000 euros dès lors que l'expert l'a quantifié à 1/7, elle s'abstient devant la Cour d'apporter des éléments justifiant ce chef de préjudice alors que le tribunal l'a écarté après avoir relevé que sa réalité n'était aucunement documentée. Par suite, il y a lieu de rejeter cette demande par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

En ce qui concerne les préjudices permanents à caractère patrimonial :

15. En premier lieu, il résulte de l'instruction et de l'ensemble des pièces versées au dossier, notamment les avis d'impôt sur le revenu des années 2016 à 2018, les bulletins de salaires pour la période du 1er janvier au 30 septembre 2019 et l'attestation du 23 juillet 2020 de la Caisse des dépôts et consignations, que Mme A... justifie avoir subi, pour la période du 25 janvier 2016 au 30 septembre 2019, une perte de revenus. Il sera fait une juste appréciation de ce poste de préjudice, aucunement contesté par l'ONIAM, en le fixant au vu des pièces soumises au juge d'appel à la somme de 30 900 euros.

16. En deuxième lieu, il y a lieu de rejeter les demandes de Mme A... relatives à l'indemnisation des pertes de gains professionnels du 1er octobre 2019 au 8 août 2029 et celles de retraite à compter du 9 août 2029 en faisant application du barème de capitalisation 2020, le tribunal ayant, fait application à la date à laquelle il a statué du barème de capitalisation 2018, alors applicable et dont le caractère obsolète n'est ni démontré, ni même allégué, à la date à laquelle la Cour statue.

17. En troisième lieu, si Mme A... demande une somme de 15 000 euros au titre de l'incidence professionnelle, elle ne justifie, par aucune argumentation nouvelle en appel ou aucun élément non déjà soumis aux premiers juges, que l'indemnité de 10 000 euros allouée par ces derniers réparerait de manière insuffisance ce chef de préjudice.

En ce qui concerne les préjudices permanents à caractère personnel :

18. Mme A... demande que les sommes de 40 000 euros, 3 000 euros et 10 000 euros allouées par le tribunal en réparation de son déficit fonctionnel permanent de 25 %, de son préjudice d'agrément eu égard à son impossibilité de mener une vie sociale à distance de son domicile et de son préjudice sexuel soient respectivement portées à 50 000 euros, 15 000 euros et 15 000 euros. Cependant, ces demandes doivent être rejetées par adoption des motifs des points 29, 31 et 32 du jugement attaqué dès lors que l'appelante, d'une part, reprend, sans apporter d'élément nouveau, l'argumentation soumise à ceux-ci et qu'il ne résulte pas de l'instruction que les premiers juges en ont fait une insuffisance évaluation.

Sur les préjudices de M. E... :

19. A supposer même recevables les conclusions de M. E... tendant à obtenir devant la Cour la réparation de son préjudice moral, il y a lieu, en tout état de cause, de rejeter cette demande par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 34 et 35 du jugement attaqué, que l'appelant ne conteste pas utilement en se bornant à soutenir qu'il " a subi et continue de subir un préjudice moral qui lui est personnel ".

20. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée aux conclusions de l'ONIAM, l'indemnité que ce dernier doit verser à Mme A... doit être portée à la somme de 312 153 euros, cette somme étant augmentée des intérêts au taux légal à compter du 1er février 2018 et de la capitalisation des intérêts à compter du 1er février 2019 ainsi que précisé au point 36 du jugement attaqué du tribunal administratif de Nîmes.

Sur les conclusions à fin d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

21. En application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La somme de 281 253 euros que l'ONIAM a été condamné à verser à Mme A... épouse E... par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Nîmes du 26 juin 2020 est portée à 312 153 euros.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 26 juin 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : L'ONIAM versera à Mme A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... épouse E..., à M. D... E..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux et des affections iatrogènes, au centre hospitalier de Bagnols-sur-Cèze, à la caisse primaire d'assurance maladie du Gard, à la caisse d'assurance maladie de l'Hérault, à la commune de Pont-Saint-Esprit et à la caisse nationale des retraites des agents des collectivités locales.

Délibéré après l'audience du 14 avril 2022, où siégeaient :

- M. Alfonsi, président de chambre,

- Mme Massé-Degois, présidente assesseure,

- M. Mahmouti, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 mai 2022.

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N° 20MA03224

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA03224
Date de la décision : 05/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Service public de santé - Établissements publics d'hospitalisation - Responsabilité sans faute - Actes médicaux.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Préjudice.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: Mme Christine MASSE-DEGOIS
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : CABINET DE LA GRANGE ET FITOUSSI AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-05-05;20ma03224 ?
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