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12/05/2022 | FRANCE | N°20MA02923

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 12 mai 2022, 20MA02923


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E... et la Mutuelle Assurances Corps Médical Français (MACSF) ont demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, avant dire-droit, d'ordonner une expertise médicale complémentaire et, d'autre part, de condamner l'Etat à leur payer 143 054 euros en remboursement des sommes versées à M. B... et à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône ou, à défaut, une fraction de cette somme correspondant à la part de responsabilité de l'Etat.

Par un jugement

n° 1806747 du 29 juin 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E... et la Mutuelle Assurances Corps Médical Français (MACSF) ont demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, avant dire-droit, d'ordonner une expertise médicale complémentaire et, d'autre part, de condamner l'Etat à leur payer 143 054 euros en remboursement des sommes versées à M. B... et à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône ou, à défaut, une fraction de cette somme correspondant à la part de responsabilité de l'Etat.

Par un jugement n° 1806747 du 29 juin 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 août 2020, M. E... et la MACSF, représentés par Me Choulet, demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 29 juin 2020 ;

2°) d'ordonner une mesure d'expertise médicale en désignant un médecin urologue ;

3°) à titre principal, de condamner l'Etat à leur verser la somme de 143 054 euros en remboursement des sommes versées en exécution du jugement du tribunal de grande instance de Marseille partiellement infirmé par la cour d'appel d'Aix-en-Provence et, à titre subsidiaire, de le condamner au remboursement d'une fraction de cette somme correspondant à la part de responsabilité imputable à l'Etat ;

4°) d'assortir les sommes mises à la charge de l'Etat des intérêts de droit à compter de la date de leur règlement par la MACSF ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils disposent d'une " action récursoire, voire, au minimum, subrogatoire " à l'encontre de l'Etat à hauteur de la somme de 214 581 euros ;

- le tribunal aurait dû prescrire une expertise dès lors que le rapport d'expertise de septembre 2016 du docteur A... remet en cause les éléments du rapport de l'expertise judiciaire de 2013 du professeur C... en apportant la démonstration de l'erreur de diagnostic commise par le centre hospitalier en décembre 2009 ;

- eu égard au diagnostic de colique néphrétique erroné posé aux services des urgences le 7 décembre 2009 et à l'absence de réalisation d'examens complémentaires de nature à infirmer ou à confirmer ce diagnostic, l'hôpital Lavéran a commis une faute à l'origine d'une perte de chance de 100% pour la victime de préserver ses testicules, l'association d'une douleur pelvienne d'apparition brutale, sans fièvre, sans signe infectieux ni clinique ni biologique avec absence de traumatisme devant faire évoquer une torsion testiculaire ;

- il apparait équitable dans les circonstances de l'espèce que l'Etat supporte une proportion des 2/3 de la charge finale du préjudice de la victime, soit la somme de 143 054 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 avril 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. E... et la MACSF ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 4 février 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 février 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des assurances ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F...,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,

- et les observations de Me Choulet, représentant M. E... et la MACSF.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., né en 1991, a été pris en charge aux urgences de l'Hôpital d'instruction des Armées (HIA) Laveran à Marseille le 7 décembre 2009 à 7 heures 20 en raison de " douleurs fosse lombaire irradiant vers les organes génitaux externes apyrétiques, dysurie " sans que les examens cliniques, biologiques et radiologiques réalisés ne permettent de déceler d'anomalie particulière tant au niveau des voies excrétrices qu'au niveau des organes génitaux. Après avoir regagné son domicile le jour même à 17 heures 30 avec un traitement anti-inflammatoire, antispasmodique et un protecteur gastrique, M. B... s'est à nouveau présenté aux urgences de cet établissement le 10 février 2010 en raison de nouvelles douleurs abdominales du côté gauche. L'échographie abdominale de contrôle prescrite par le docteur E... qui l'a examiné, médecin généraliste intervenant à titre libéral, s'étant révélée normale, M. B... a regagné son domicile avec un traitement antibiotique. M. B... a été opéré en urgence le 19 février 2010 pour une nécrose du testicule gauche sur torsion, intervention ayant également mis en évidence la présence d'un testicule droit atrophié. Par un arrêt du 11 janvier 2018, la cour d'appel d'Aix-en-Provence, a réformé le jugement du tribunal de grande instance de Marseille du 27 mai 2016 en réduisant la condamnation du docteur E... et de son assureur, la MACSF, à indemniser M. B... et sa famille des préjudices résultant de la perte du testicule gauche à hauteur de la somme globale de 213 720,01 euros après application d'un taux de perte de chance de 80 % d'éviter la survenue de ce dommage. Le docteur E... et la MACSF relèvent appel du jugement du 29 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à ce que soit ordonnée une expertise médicale complémentaire à celle diligentée devant le juge judiciaire et à ce que l'Etat soit condamné à leur verser la somme de 143 054 euros en remboursement des indemnités qui ont été mises à leur charge par l'arrêt mentionné ci-dessus de la cour d'appel d'Aix-en-Provence ou, à défaut, une fraction de cette somme correspondant à la part de responsabilité de l'État.

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'entre elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision. ".

3. D'une part, M. E... et la MACSF n'ont produit en première instance et ne produisent en appel pas d'autres éléments sur la prise en charge de M. B... au cours de la journée du 7 décembre 2009 par le service des urgences de l'HIA que ceux soumis aux juges du tribunal de grande instance de Marseille et de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, notamment le rapport critique du Dr A....

4. D'autre part, et ainsi que l'a d'ailleurs relevé la cour d'appel d'Aix-en-Provence par son arrêt du 11 janvier 2018 devenu définitif, les conclusions de l'expert judiciaire, qui a écarté l'existence d'une torsion du testicule droit au vu des résultats de l'ensemble des examens cliniques et para-cliniques - dosage de créatinine, CRP, examen biologique d'urine, échographie et scanner - qui ont été prescrits et réalisés au cours de la journée du 7 décembre 2009 et ont permis en outre d'écarter l'existence, un moment suspectée, d'une colique néphrétique compliquée, sont claires, précises et argumentées et ne peuvent être regardées comme critiquées de manière pertinente par le rapport établi par le médecin conseil de la MACSF, qui se borne à émettre un doute sur " l'étiologie diagnostique de la douleur de la consultation du 7 décembre 2009 ", à envisager l'hypothèse de l'existence d'une torsion du testicule droit passée inaperçue lors de l'examen réalisé le 7 décembre 2009, à indiquer que le diagnostic de colique néphrétique droite était erroné et que l'absence d'avis chirurgical sollicité le 7 décembre 2009 constitue un manquement dans la prise en charge de M. B... sans justifier ni documenter ces assertions.

5. Eu égard à ce qui vient d'être dit, les requérants ne sont pas fondés à reprocher aux premiers juges de ne pas avoir prescrit une expertise dont l'utilité n'apparaît pas davantage en appel qu'en première instance. Par ailleurs, et à supposer même les opérations d'expertise diligentées devant le juge judiciaire entachées d'irrégularité en l'absence alléguée " de débat médical et scientifique ", cette irrégularité ne ferait en tout état de cause pas obstacle à ce que le rapport d'expertise, soumis au débat contradictoire en cours d'instance, soit retenu à titre d'éléments d'information dès lors qu'ils ne sont pas infirmés par d'autres éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige.

6. En second lieu, M. E... et la MACSF soutiennent à nouveau que la prise en charge de M. B... au service des urgences de l'HIA Laveran le 7 décembre 2009 a été fautive dès lors qu'elle n'a pas permis de diagnostiquer la torsion testiculaire droite et que ce défaut de diagnostic, déterminant, a conduit à l'erreur du docteur E... le 10 février 2010, majorant ainsi les préjudices de la victime, de sorte qu'il existe un lien de causalité entre la prise en charge fautive de l'HIA Laveran et les préjudices subis par la victime au titre desquels ils ont été condamnés.

7. Il y a toutefois lieu d'écarter cette argumentation par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Marseille aux points 3 à 5 du jugement attaqué, dès lors que les requérants reprennent celle soumise aux premiers juges sans apporter d'élément nouveau ou déterminant susceptible d'en constituer une critique pertinente, étant précisé qu'il ressort du rapport de l'expertise judiciaire, d'une part, que l'absence d'augmentation de volume du testicule droit constatée à l'examen clinique réalisé le 7 décembre 2009 des organes génitaux extérieurs de M. B..., qui présentait un syndrome douloureux abdominal avec irradiations scrotales et non un syndrome douloureux scrotal, permettait d'écarter le diagnostic de torsion testiculaire et, d'autre part, que face au tableau clinique, comportant notamment un syndrome douloureux scrotal, que présentait ce jeune patient à la date du 10 février 2010, le docteur E..., même en qualité de médecin généraliste, aurait dû évoquer la possibilité d'une torsion testiculaire.

8. Il résulte de tout ce qui précède, que M. E... et la MACSF ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leurs demandes. Leurs conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. E... et de la MACSF est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié M. D... E..., à la Mutuelle Assurances Corps Médical Français et à la ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 5 mai 2022, où siégeaient :

- M. Alfonsi, président de chambre,

- Mme Massé-Degois, présidente assesseure,

- M. Mahmouti, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 mai 2022.

2

N° 20MA02923

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA02923
Date de la décision : 12/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-02-02 Responsabilité de la puissance publique. - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. - Service public de santé. - Établissements publics d'hospitalisation. - Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux. - Absence de faute médicale de nature à engager la responsabilité du service public.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: Mme Christine MASSE-DEGOIS
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : CABINET CHOULET AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 24/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-05-12;20ma02923 ?
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