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09/06/2022 | FRANCE | N°20MA00320

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 09 juin 2022, 20MA00320


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Immobilière Clara a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2013 et 2014 ainsi que des intérêts de retard et des pénalités correspondants.

Par un jugement n° 1804540 du 22 novembre 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requêt

e et un mémoire, enregistrés le 21 janvier 2020 et le 23 juillet 2020, la SARL Immobilière Clara, repr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Immobilière Clara a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2013 et 2014 ainsi que des intérêts de retard et des pénalités correspondants.

Par un jugement n° 1804540 du 22 novembre 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 janvier 2020 et le 23 juillet 2020, la SARL Immobilière Clara, représentée par Me Amrane, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 22 novembre 2019 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de prononcer le " sursis à paiement et au recouvrement " des impositions contestées ;

3°) de prononcer la décharge des impositions en litige et pénalités correspondantes ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont commis une erreur manifeste d'appréciation et d'interprétation des dispositions applicables ;

- la procédure d'imposition est irrégulière, le service vérificateur étant incompétent territorialement en vertu des dispositions de l'arrêté du 12 septembre 1996 et du paragraphe V de l'article 350 terdecies de l'annexe III au code général des impôts ;

- l'avis de vérification n'a pas été régulièrement notifié ;

- le rejet de la comptabilité est infondé ;

- l'administration n'apporte pas la preuve de l'existence des recettes dissimulées et de l'appréhension de ces recettes par ses associés ;

- les pénalités et intérêts de retard doivent être déchargés en conséquence de la décharge des impositions en litige.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juin 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'arrêté du 1er août 2000 relatif aux directions des services fiscaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- et les conclusions de Mme Courbon, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Immobilière Clara, qui exerce une activité de marchand de biens immobiliers, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des exercices 2012 à 2014 à l'issue de laquelle des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur les sociétés lui ont été notifiés selon la procédure de rectification contradictoire. La société requérante relève appel du jugement du 22 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices 2013 et 2014 auxquelles elle a été assujettie ainsi que des intérêts de retard et des pénalités correspondants.

I. Sur la régularité du jugement :

2. Hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. La SARL Immobilière Clara ne peut donc utilement se prévaloir, pour demander l'annulation du jugement attaqué, de l'erreur manifeste d'appréciation et de l'erreur d'interprétation des dispositions applicables que les premiers juges auraient commises.

II. Sur les conclusions à fin de décharge :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

3. En premier lieu, aux termes d'une part, de l'article L. 45-0 A du livre des procédures fiscales : " Sans préjudice des dispositions de l'article 11 du code général des impôts, lorsque le lieu de déclaration ou d'imposition d'un contribuable a été ou aurait dû être modifié, les agents des impôts compétents à l'issue de ce changement peuvent également assurer l'assiette et le contrôle de l'ensemble des impôts ou taxes non atteints par la prescription. ". Aux termes de l'article 350 terdecies de l'annexe III au code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " I. - Sous réserve des dispositions des articles 409 et 410 de l'annexe II au code général des impôts, seuls les fonctionnaires de la direction générale des finances publiques appartenant à des corps des catégories A et B peuvent fixer les bases d'imposition et liquider les impôts, taxes et redevances ainsi que proposer les rectifications. (...) / II. - Les fonctionnaires mentionnés au premier alinéa du I peuvent exercer les attributions que ces dispositions leur confèrent à l'égard des personnes physiques ou morales ou groupements de personne de droit ou de fait qui ont déposé ou auraient dû déposer dans le ressort territorial du service déconcentré ou du service à compétence nationale dans lequel ils sont affectés une déclaration, un acte ou tout autre document ainsi qu'à l'égard des personnes ou groupements qui, en l'absence d'obligation déclarative, y ont été ou auraient dû y être imposés ou qui y ont leur résidence principale, leur siège ou leur principal établissement. (...) ". Il résulte de ces dernières dispositions que les fonctionnaires de l'administration fiscale, visés au I de cet article, sont notamment compétents pour contrôler la situation des contribuables qui ont déposé leur déclaration dans le ressort territorial du service où ils sont affectés.

4. D'autre part, l'article 2 de l'arrêté du 1er août 2000, relatif aux directions des services fiscaux, alors en vigueur et ayant abrogé l'arrêté du 12 septembre 1996 invoqué par la société requérante dispose que : " 1. Les fonctionnaires affectés dans les directions des services fiscaux et territorialement compétents pour contrôler les déclarations de revenu global d'une personne physique peuvent également contrôler la situation fiscale des activités professionnelles, exploitations, entreprises, sociétés, groupements ou entités que cette personne ou l'un des membres de son foyer fiscal exerce ou dirige, ou dans lesquels ils sont associés, quels que soient le lieu où ces activités, exploitations, entreprises, sociétés, groupements ou entités sont exercés ou situés et la forme juridique qu'ils revêtent. / 2. Ces mêmes fonctionnaires territorialement compétents pour le contrôle de la situation fiscale d'une activité professionnelle, d'une exploitation, d'une entreprise, d'une société, d'un groupement ou d'une entité qu'une personne physique ou l'un des membres de son foyer fiscal exerce ou dirige, ou dans lesquels ils sont associés, peuvent procéder au contrôle de l'ensemble des revenus concourant à la détermination du revenu global de cette personne, quel que soit le lieu de son domicile. (...) ".

5. Il résulte de l'instruction que la société requérante a déposé ses déclarations d'impôt sur les sociétés au titre des exercices 2012, 2013 et 2014 auprès du service des impôts du département des Bouches-du-Rhône. Par suite, en application des dispositions de l'article L. 45-0 A du livre des procédures fiscales et de l'article 350 terdecies du code général des impôts, la première brigade départementale de vérification des services fiscaux de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône, dans le ressort de laquelle était installé le siège de la société jusqu'au 29 septembre 2015, était concurremment compétente avec le service des impôts de Paris pour procéder, au titre des exercices antérieurs au transfert du siège social de la société et non prescrits, à la vérification de ces déclarations et pour décider des rectifications en litige. En conséquence, le moyen tiré de l'incompétence territoriale du vérificateur doit être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales : " (...) une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification (...) ".

7. Il résulte de l'instruction que l'avis de vérification a été adressé à la SARL Immobilière Clara par pli recommandé avec avis de réception le 6 octobre 2015, et a été réceptionné le 10 octobre suivant, au 22 Traverse Pupat, 13008 à Marseille, dernière adresse du siège social alors connue de l'administration. Si le siège social de la SARL Immobilière Clara, situé à Marseille, a fait l'objet d'un transfert à Paris, par décision du 30 septembre 2015 avec effet au même jour, il résulte de l'instruction que ce transfert n'a fait l'objet d'une annonce légale dans " Les Affiches parisiennes " que le 11 novembre 2015, soit postérieurement à la notification de l'avis de vérification. En outre, il n'est pas allégué que l'avis de réception du 10 octobre 2015 aurait été signé par une personne qui n'aurait pas eu qualité pour réceptionner ledit pli. Par suite, le moyen tiré de la notification irrégulière de l'avis de vérification doit être écarté.

En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :

S'agissant du rejet de la comptabilité :

8. Il résulte de l'instruction que la société requérante n'a pas communiqué les factures justifiant des charges supportées au cours des exercices clos le 31 décembre 2013 et 31 décembre 2014 ni les relevés de compte bancaire pour l'exercice 2013. Par ailleurs, l'entreprise a enregistré le 4 février 2014 dans le compte fournisseur ouvert au nom de la société G...une somme de 320 446 euros hors taxes inscrite parmi ses charges d'exploitation au titre de l'exercice 2014 et dont le montant total s'élève à la somme de 503 236 euros hors taxes. Le vérificateur a relevé que la charge de 320 446 euros n'est justifiée ni par une facture ni par les relevés de comptes bancaires de l'année 2014 communiqués par l'entreprise. La société G..., interrogée par le vérificateur dans le cadre de l'exercice du droit de communication, a confirmé qu'aucune prestation n'avait été réalisée pour le compte de la SARL Immobilière Clara. Si cette dernière se prévaut de sa bonne foi et d'une erreur de comptabilité portant sur une seule facture, cette charge comptabilisée à tort représente 64 % du montant total des charges d'exploitation de la société pour l'exercice concerné, et se cumule avec l'absence de factures justificatives pour l'année 2013. De surcroît, la dette fournisseur correspondante a été apurée à hauteur de 384 535,20 euros, par l'inscription de cette somme, incluant la taxe sur la valeur ajoutée déductible, au crédit du compte courant associé de M. F.... Ces irrégularités étaient dès lors suffisantes pour priver la comptabilité de valeur probante, les circonstances que M. E..., gérant, est de bonne foi, qu'il n'a fait aucune demande de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée et que l'expert-comptable n'a pas porté à sa connaissance un " éventuel débit en compte courant " étant sans incidence.

S'agissant des revenus distribués :

9. Les moyens relatifs aux revenus distribués et à leur appréhension par M. C... B... et M. A... B..., associés, qui concernent l'imposition personnelle des intéressés sont inopérants au soutien des conclusions de la SARL Immobilière Clara tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie.

En ce qui concerne les intérêts de retard et les pénalités :

10. La contestation des intérêts de retard et majorations pour manquement délibéré doit être rejetée par voie de conséquence du rejet des conclusions à fin de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à la charge de la SARL Immobilière Clara qui ne soulève à cet égard aucun moyen propre.

III. Sur les conclusions tendant au bénéfice d'un sursis de paiement :

11. Aux termes de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales : " Le contribuable qui conteste le bien-fondé ou le montant des impositions mises à sa charge est autorisé, s'il en a expressément formulé la demande dans sa réclamation et précisé le montant ou les bases du dégrèvement auquel il estime avoir droit, à différer le paiement de la partie contestée de ces impositions et des pénalités y afférentes. / L'exigibilité de la créance et la prescription de l'action en recouvrement sont suspendues jusqu'à ce qu'une décision définitive ait été prise sur la réclamation soit par l'administration, soit par le tribunal compétent (...) ".

12. Les dispositions de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales, qui ont pour objet de permettre de surseoir au paiement des impositions lorsqu'il a été formé contre elles une réclamation contentieuse, n'ont de portée que pendant la durée de l'instance devant le tribunal administratif. Lorsque le tribunal s'est prononcé au fond, son jugement rend à nouveau exigibles les impositions dont il n'a pas prononcé la décharge. Hormis les procédures spécialement édictées en matière de référé, aucune disposition législative ou réglementaire n'a prévu une procédure de sursis de paiement des impositions contestées pendant la durée de l'instance devant la cour administrative d'appel. Par suite, les conclusions de la requête de la SARL Immobilière Clara tendant au bénéfice du sursis de paiement et " de la mise en recouvrement " des impositions en litige doivent être rejetées.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Immobilière Clara n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Immobilière Clara est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Immobilière Clara et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-Mer.

Délibéré après l'audience du 19 mai 2022, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- Mme Bernabeu, présidente assesseure,

- Mme Carotenuto, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 juin 2022.

2

N° 20MA00320

nc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA00320
Date de la décision : 09/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-04 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Règles générales. - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Sylvie CAROTENUTO
Rapporteur public ?: Mme COURBON
Avocat(s) : AMRANE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-06-09;20ma00320 ?
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