La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/06/2022 | FRANCE | N°20MA00736

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 09 juin 2022, 20MA00736


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... H... et Mme C... H... ont demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 8 juin 2017 par lequel le maire de Toulon s'est opposé à leur déclaration préalable ayant pour objet la création, sur les parcelles cadastrées section AD n° 144, 145, 332 et 430, situées impasse Calendau sur le territoire communal, d'une voie d'accès aux parcelles cadastrées section AD n° 332 et 333.

Par un jugement n° 1702461 du 17 décembre 2019, le tribunal administratif de Toulon a rejeté

leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire et un mémoire com...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... H... et Mme C... H... ont demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 8 juin 2017 par lequel le maire de Toulon s'est opposé à leur déclaration préalable ayant pour objet la création, sur les parcelles cadastrées section AD n° 144, 145, 332 et 430, situées impasse Calendau sur le territoire communal, d'une voie d'accès aux parcelles cadastrées section AD n° 332 et 333.

Par un jugement n° 1702461 du 17 décembre 2019, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés le 17 février 2020 le 24 mars 2020 et le 8 avril 2020, les consorts H..., représentés par la SCP Yves Richard, demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge solidaire de la commune de Toulon, de Mme E... D... et de M. A... F... la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- le jugement est insuffisamment motivé en ce qu'il a écarté le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 113-2 du code de l'urbanisme ;

- l'arrêté attaqué méconnaît l'autorité de la chose jugée par arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 26 juin 2008 ;

- le jugement attaqué est en contrariété avec cet arrêt ;

- l'arrêté attaqué méconnaît l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne des droits de l'homme ;

- le maire a fait une inexacte application de l'article L. 113-2 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire enregistré le 24 août 2020, Mme E... D... et M. A... F..., représentés par Me Lopasso, ont présenté des observations par lesquelles ils concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 6 000 euros soit mise à la charge des consorts H... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Un mémoire enregistré le 17 mai 2021, présenté pour la commune de Toulon n'a pas été communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Izarn de Villefort,

- les conclusions de Mme Gougot, rapporteure publique,

- et les observations de Me Lopasso représentant Mme D... et M. F....

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêt du 26 juin 2008, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a, d'une part, confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Toulon du 10 août 1999 reconnaissant l'état d'enclave des parcelles cadastrées AD 332 et AD 333, situées à Toulon et appartenant à Mme G... H... et Mme C... H..., d'autre part, infirmant ce jugement, décidé que ces parcelles seront désenclavées suivant la solution proposée sous le n° 1 par l'expert désigné en première instance, à savoir par l'élargissement du sentier piétonnier existant sur les fonds cadastrés AD 430, AD 145 et AD 144, appartenant, respectivement à Mme D..., M. F... et M. B..., qui seront grevés de servitude au profit des parcelles cadastrées AD 332 et AD 333. La cour d'appel a également fixé le montant de l'indemnisation due par les consorts H... aux propriétaires des fonds servant au titre du terrain et des dommages résultant du droit de passage. Le 25 avril 2017, les consorts H... ont déposé en mairie de Toulon une déclaration de travaux portant sur l'élargissement à quatre mètres du sentier piétonnier en cause sur l'ensemble de l'assiette de la servitude ainsi reconnue et la coupe et l'abattage d'arbres plantés sur cette assiette, en partie située au plan local d'urbanisme dans un espace boisé classé (EBC). Par un arrêté du 8 juin 2017, le maire de Toulon s'est opposé à cette déclaration préalable. Les consorts H... relèvent appel du jugement du 17 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Les premiers juges ont estimé que le maire de Toulon avait fait une exacte application des dispositions de l'article L. 113-2 du code de l'urbanisme en s'opposant à la déclaration préalable litigieuse dès lors que les travaux projetés étaient de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création des boisements. Après avoir décrit et dénombré les arbres présents sur le site, ils ont relevé que le plan local d'urbanisme de Toulon classait la majeure partie de ce chemin et de ses abords en espace boisé classé. Ils ont ensuite constaté que la création de la voie d'accès projetée impliquait le déplacement de plusieurs cyprès et d'au moins un olivier âgé de plusieurs siècles, ainsi que la suppression de deux pins et d'une haie de cyprès, tous ces arbres étant situés dans le périmètre de l'EBC. Si les requérantes avaient produit une attestation selon laquelle cet olivier pouvait être transplanté sans dommages, le tribunal a estimé qu'en " toute hypothèse, même en procédant à ces déplacements, tout boisement serait rendu impossible sur l'emprise de la voie créée, soit environ 240 m², ce qui priverait l'EBC de l'essentiel de sa consistance ". Dans ces conditions, et alors même qu'il ne précise pas la superficie de l'espace boisé classé en cause, qu'il a cependant décrit comme il vient d'être exposé, le jugement n'est pas davantage entaché d'une insuffisance de motivation en ce qu'il a écarté le moyen précité.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. En premier lieu, contrairement à ce qui est soutenu, la déclaration de travaux déposée par les requérantes au titre de la règlementation d'urbanisme en vue de permettre l'exercice de la servitude dont le juge judiciaire leur a reconnu le bénéfice dans les conditions décrites au point 1 portait sur un objet et une cause différents de celles sur laquelle reposait la chose jugée par l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 26 juin 2008 et ne concernait pas les mêmes parties. Par suite, les consorts H... ne sont fondés à soutenir ni que l'arrêté attaqué méconnaît l'autorité de la chose jugée par cet arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, ni que le jugement attaqué est en contrariété avec cet arrêt.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 113-1 du code de l'urbanisme : " Les plans locaux d'urbanisme peuvent classer comme espaces boisés, les bois, forêts, parcs à conserver, à protéger ou à créer, qu'ils relèvent ou non du régime forestier, enclos ou non, attenant ou non à des habitations. Ce classement peut s'appliquer également à des arbres isolés, des haies ou réseaux de haies ou des plantations d'alignements ". Aux termes de l'article L. 113-2 du même code : " Le classement interdit tout changement d'affectation ou tout mode d'occupation du sol de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création des boisements (...) ".

5. Il ressort de la présentation du projet faite dans la déclaration de travaux déposée par les consorts H... que celui-ci consiste à créer, après terrassement et construction de nouveaux murs de soutènement, une voie de quatre mètres de largeur, par élargissement du sentier piétonnier existant sur les parcelles AD 430, AD 144 et AD 145 et construction, s'accompagnant de l'amenée des réseaux d'assainissement, d'eau potable, d'électricité et de télécommunications. Selon le même document, d'une part, l'emprise de cette voie empiète sur l'espace boisé classé que le plan local d'urbanisme a localisé en limites est de la parcelle AD 430 et ouest des parcelles AD 144 et AD 145, d'autre part, cet espace englobe trois oliviers centenaires, dont l'un doit être transplanté, et une haie de cyprès, qui doit être arrachée et reconstituée en limite de la nouvelle voie. Ces oliviers, en réalité pluricentenaires, témoignent, selon le document produit par Mme D..., du passé agraire ancien sur les pentes du Mont Faron. A supposer que l'olivier à transplanter puisse l'être sans dommages, son déplacement même et la construction d'une voie dont l'emprise est très proche des deux autres oliviers doivent, eu égard à la faible superficie de l'espace boisé classé concerné, être regardés comme un changement d'affectation de nature à compromettre la conservation et la protection de ces boisements. Par suite, le maire de Toulon n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 113-2 du code de l'urbanisme en s'opposant à la déclaration de travaux déposée par les consorts H....

6. Alors d'ailleurs que les requérantes ne contestent pas la légalité du second motif retenu par le maire de Toulon pour s'opposer à leur déclaration préalable et tiré de l'atteinte à la qualité du paysage, il résulte de l'instruction que le maire aurait pris la même décision s'il s'était fondé seulement sur le motif tiré de l'article L. 113-2 du code de l'urbanisme.

7. En troisième lieu, l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne des droits de l'homme stipule que : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général (...) ".

8. Les requérantes soutiennent que l'arrêté attaqué méconnaît ces stipulations en ce qu'il fait obstacle au libre accès à leur propriété par la servitude de désenclavement dont l'existence a été reconnue par le juge judiciaire. Ce moyen doit cependant être écarté dès lors que le maire de Toulon a pu légalement fonder son arrêté sur les dispositions de l'article L. 113-2 du code de l'urbanisme qui réglementent l'usage des biens dans le but d'intérêt général de préservation de l'environnement et dont la légalité de leur application par le plan local d'urbanisme n'est pas contestée.

9. Il résulte de tout ce qui précède que les consorts H... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Toulon, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que les consorts H... demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

11. Mme D... et M. F..., qui ont été appelés à produire des observations et qui n'auraient pas eu qualité pour former tierce opposition s'ils n'avaient pas été mis en cause, ne peuvent être regardés comme une partie pour l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par suite, ces dispositions impliquent que soient rejetées les conclusions dirigées contre eux sur ce fondement par les consorts H... et leurs propres conclusions dirigées contre ces derniers sur ce même fondement.

D É C I D E :

Article 1er : La requête des consorts H... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de Mme D... et de M. F... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... H..., à Mme C... H..., à Mme E... D..., à M. A... F... et à la commune de Toulon.

Délibéré après l'audience du 25 mai 2022, où siégeaient :

- M. Chazan, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Mouret, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juin 2022.

N° 20MA00736 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20MA00736
Date de la décision : 09/06/2022
Type d'affaire : Administrative

Analyses

68-01-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. - Plans d'aménagement et d'urbanisme. - Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d’urbanisme (PLU). - Légalité des plans.


Composition du Tribunal
Président : M. CHAZAN
Rapporteur ?: M. Philippe D'IZARN DE VILLEFORT
Rapporteur public ?: Mme GOUGOT
Avocat(s) : SCP YVES RICHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-06-09;20ma00736 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award